Constantinople

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Localisation de Constantinople dans le bassin méditerranéen.
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Localisation de Constantinople dans le bassin méditerranéen.
Carte montrant le relief de Constantinople et ses murs pendant la période byzantine
Plan du centre de Constantinople

Constantinoplelatin : Constantinopolis ; grec : Κωνσταντινούπολις (Konstantinoúpolis) ; turc ottoman : قسطنطینیه (Kostantiniyye)[1] — est l'appellation ancienne et historique de l'actuelle ville d'Istanbul en Turquie (du 11 mai 330 à 1930). Son nom original, « Byzance » (en grec ancien Βυζάντιον (Byzántion), venant soit du mot grec buzō signifiant « resserré » en référence au Bosphore, soit d'un mot thrace désignant le « rivage »), reste largement utilisé en histoire.

Les habitants de Byzance sont les « Byzantins » et ceux de Constantinople les « Constantinopolitains »[2]. « Constantinople » est la francisation de Konstantinoupolis, qui, en grec, signifie « la ville de Constantin ». Ce nom lui a été donné en hommage à l'empereur romain Constantin Ier, qui choisit d'en faire la capitale de l'empire à partir du 11 mai 330 sous le nom de « Nouvelle Rome ».

La Souda donne pour l'entrée « Constantinople » (Κ, 2287) :

« Constantinople surpasse autant toutes les autres villes que Rome la surpasse ; et la seconde place derrière Rome m'apparaît bien plus appréciable que d'être nommée première de toutes les autres. Trois cent soixante années ont passé pour l'ancienne Rome depuis le règne d'Auguste Caesar, et la fin de ses jours était déjà en vue quand Constantin Ier le fils de Constance s'est emparé du sceptre et fonda la nouvelle Rome. »

En 1930, Constantinople fut renommée Istanbul.

Histoire de la ville

De la fondation à l'époque justinienne

Constantinople est bâtie sur un site naturel défensif qui la rend pratiquement inexpugnable alors que Rome, plus vulnérable, est sans cesse sous la menace des barbares Germains[3]. Constantinople est également proche des frontières du Danube et de l'Euphrate, là où les opérations militaires pour contenir les Goths et les Perses sont les plus importantes. Enfin, elle est située au cœur des terres de vieille civilisation hellénique, région qui a le mieux résisté à la crise du troisième siècle de l'Empire romain.

Constantin Ier présentant un modèle de la ville, mosaïque, basilique Sainte-Sophie

Entre le 8 et le 13 novembre 324, Constantin consacre le plan de la nouvelle ville, en traçant un nouveau périmètre qui lui donne une superficie trois à quatre fois supérieure à celle de l'ancienne Byzance[4]. Les travaux commencent aussitôt et, le 11 mai 330, la nouvelle capitale, conçue comme une « nouvelle Rome », est inaugurée. Constantin Ier la bâtit sur le modèle de Rome avec sept collines, quatorze régions urbaines, un Capitole, un forum, un Sénat, un champ de courses, des magasins, des aqueducs, des citernes, l'eau courante et le tout-à-l'égout… Dans les premiers temps, il permet l'implantation de temples païens mais très vite la ville devient presque exclusivement chrétienne[5] et ne comporte que des édifices religieux chrétiens.

En quelques décennies, Constantinople devient une des plus grandes métropoles de l'Orient romain, grâce à son rôle politique et à ses activités économiques[6] et aux incitations financières impériales. En 332, Constantin assure le ravitaillement gratuit en blé du peuple de la nouvelle capitale. En 334, les architectes et les artisans du bâtiment de la cité sont exemptés de certaines charges, ceux qui font construire des maisons ont droit à des pains gratuits. Les grands propriétaires fonciers d'Asie Mineure ont l'obligation d'édifier une maison dans la ville[4]. À la mort de Constantin Ier, certains contemporains pensent que la ville est un caprice de son fondateur et qu'elle ne jouera plus aucun rôle après le décès de l'empereur[7].

Dès Constantin Ier, la ville compte 100 000 habitants et s’étend sur plus de 7 km2. Elle atteint 200 000 habitants à la fin du IVe siècle[8]. Constantinople, située hors des zones de conflit, voit sa population augmenter. Le nombre de ses habitants est discuté : 800 000 habitants au cours du Ve siècle pour Bertrand Lançon[9], 4 à 500 000 pour A. Ducellier, M. Kaplan et B. Martin[10]. L'embellissement de la ville est le principal chantier des empereurs à partir de Constantin Ier. Celui-ci y fait construire, le palais impérial, l'hippodrome, le nouveau nom donné aux cirques romains, l'église de la Sainte Sagesse (Sainte-Sophie)[11]. La ville s'agrandit ensuite vers l'ouest. L'enceinte d'origine enserrant 700 hectares ne suffisant plus, Théodose II l'entoure de nouveaux remparts entre 412 et 414, qui portent la superficie de la ville à 1 450 hectares[12]. Le 27 janvier 447, un tremblement de terre provoque une famine importante et endommage une grande partie de la muraille théodosienne, dont cinquante-sept tours sont détruites. Cette catastrophe survient à un moment critique, car l'armée d'Attila se dirige vers la ville. La population se mobilise et les murailles sont reconstruites en deux mois[13]. Les Huns, peu doués pour la guerre de siège, se détournent de la cité. Le concile de Chalcédoine de 451, dans son vingt-huitième canon, donne à la ville de Constantinople le titre de « Nouvelle Rome »[14], ce qui fait de son évêque, le patriarche de Constantinople, le second personnage de l'Église. Cela contribue encore à donner à la ville son caractère indépendant de capitale de l'Empire d'Orient.

En 532, sous le règne de Justinien, éclata la sédition Nika, qui faillit renverser l'empereur et causa de terribles dommages à la ville Au cours de plusieurs journées de troubles, les émeutiers mirent le feu à des bâtiments publics. L'incendie se propagea et ravagea des quartiers entiers. L'église Sainte-Sophie elle-même fut détruite. Le chroniqueur Jean le Lydien en dresse un bilan effroyable : «La ville n'était plus qu'un amas de collines noirâtres, comme à Lipari ou au Vésuve., elle était pleine de fumées et de cendres; l'odeur de brûlé répandue partout la rendait inhabitable, et sa vue inspirait au spectateur une terreur mêlée de pitié»[15]. Après avoir écrasé la rébellion, Justinien s'attela à la reconstruction de la ville. Non seulement Sainte-Sophie fut reconstruite plus belle qu'auparavant, mais également le quartier du palais. Au milieu de place de l'Augusteon, il fit remplacer la statue équestre de Théodose II par la sienne. Il veilla non seulement à afficher sa propre gloire, mais également celle de Dieu, en construisant trente-trois nouvelles églises. Pour que l'approvisionnement de la ville en eau soit assuré, il fit également construire l'immense Citerne Basilique. La fin de son règne fut assombrie par une terrible épidémie de peste (541-544), qui emporta près de la moitié de la population de Constantinople.

De Justinien à la prise de la ville par les Croisés (1204)

Constantinople se voulait la capitale d'un empire « universel ». Cette prétention fut battue en brèche après le règne de Justinien, tant à l'ouest par les Avars et les Slaves qui occupèrent les Balkans qu'à l'est par l'Empire perse. Le , sous le règne d'Héraclius, une armée d'Avars vint mettre le siège devant les murailles de Théodose, alors que les Perses campaient sur la rive opposée du Bosphore. Les assauts des Avars furent vains et, découragés, ils levèrent le siège. Peu de temps après, les Perses furent écrasés.

Au moment où l'on pouvait penser que l'empire avait surmonté les pires épreuves, il dut faire face à une menace inattendue : l'invasion des Arabes unis sous la bannière de l'Islam. En l'espace de quelques années, il fut dépouillé de ses provinces les plus riches. La vague musulmane vint pourtant elle aussi se briser au pied des murailles de Constantinople. En 673, la flotte du calife ommeyade attaqua la ville mais dut se replier devant la résistance byzantine après un siège de cinq années. La flotte byzantine, très organisée et héritière des tactiques navales antiques, était fort renommée à cette époque : les Byzantins sont considérés comme les inventeurs du feu grégeois (mélange de poix et de poudre inflammable que l'on projetait sur les navires ennemis). Sous le règne de l'empereur Léon III l'Isaurien, les Arabes firent une dernière tentative pour s'emparer de la capitale byzantine. Le siège de Constantinople dura un an ( - ). Malgré les moyens mis en œuvre, ce fut un cuisant échec : l'armée des assiégeants fut décimée par la peste et la famine, tandis que le feu grégeois causait des ravages dans leur flotte de 1 800 navires. Leur retraite finale marqua la limite de l'expansion arabe dans cette direction.

Constantinople et son empire eurent cinq siècles de prospérité grâce au commerce Europe-Asie (c'était le terminus occidental de la Route de la soie) et résistèrent à de nombreuses invasions (Avars, Slaves, Arabes, Vikings, etc.) jusqu'en 1204, lorsque la Quatrième croisade fut détournée vers Constantinople. Le sac de Constantinople par les Croisés dépouilla la ville des richesses accumulées au cours des siècles. Le « début de la fin » pour la civilisation gréco-romaine et chrétienne orthodoxe de l'empire, vint donc non des musulmans, mais des occidentaux. La ville et l'empire perdirent définitivement leurs ressources commerciales au profit des Vénitiens et des Génois, et l'empire se scinda en trois États : le despotat d'Épire, l'Empire de Nicée et l'Empire de Trébizonde.

De l'Empire latin de Constantinople à la prise de la ville par les Ottomans (1453)

Constantinople devient la capitale de l'Empire latin de Constantinople fondé par les Croisés, jusqu'en 1261, quand les forces de l'Empire de Nicée conduites par Michel VIII Paléologue reprennent la ville. Mais celle-ci, vidée de toutes ses richesses, de ses habitants et aux trois quarts en ruine, peine à se reconstruire. En 1261, comme le palais des Blachernes, dont les empereurs latins avaient fait leur résidence est dans un état lamentable - selon l'écrivain grec Pachymère «enduit qu'il était de la fumée et de la crasse italiennes dont les cuisiniers de Baudouin, ce personnage d'une si extrême rusticité, avaient couvert les murs» -, Michel VIII s'installe dans le Grand Palais, lui-même pourtant fort délabré. La grande cité, quant à elle, négligée pendant 60 ans, est devenue une série de villages séparés par des zones vides.

Les empereurs sont de plus en plus endettés vis-à-vis des Génois et des Vénitiens auxquels ils concèdent des privilèges énormes. En 1355 les Turcs ottomans, qui se sont déjà emparés de la totalité de l'Asie Mineure, passent en Europe et s'emparent en quarante ans de la péninsule des Balkans : Constantinople est encerclée et l'empire se réduit à sa capitale, à Trébizonde, à Mistra et à quelques îles de la mer Égée.

Le , Constantinople est prise par les forces ottomanes conduites par le sultan Mehmet II. Le dernier empereur romain Constantin XI Paléologue meurt sur les remparts en défendant sa ville.

La chute de Constantinople met fin à un empire qui avait duré 1000 ans, qui avait vu Rome s'effondrer et, ce qui est très rarement arrivé dans l'histoire, qui avait survécu à deux ères (Antiquité et Moyen Âge). Sa chute marquait pour l'Orient la fin de la civilisation que Hieronymus Wolf surnomma cent ans plus tard byzantine, mais pour l'Occident, qui hérita via l'Italie de cette civilisation, ce fut l'avènement d'une Renaissance.

La capitale de l'Empire ottoman

Carrefour de Sainte-Sophie à Constantinople vers 1875 (Fabius Brest)

Les Ottomans la repeuplent de Turcs. Les Roumis (forme turque du mot Rômaioi (Romains) par lequel les Byzantins se désignaient eux-mêmes), sont regroupés au sein du « Milliyet de Rum » (communauté des chrétiens orthodoxes, sous l'obédience du patriarche orthodoxe) dans le quartier nord (le Phanar, d'où leur surnom de Phanariotes). Les sultans à leur tour embellissent et développent la ville : ils restaurent les citernes et les bains (des thermes gréco-romains appelés depuis lors bains turcs). De nombreuses églises byzantines sont converties en mosquées. La ville redevient une des métropoles du monde, avec un niveau de vie et d'hygiène supérieur à la moyenne européenne.

Lors de la fondation de la République de Turquie, en 1923, la capitale fut transférée à Ankara. Mais Constantinople (renommée en 1930 en Istanbul par le régime d'Atatürk) continua à grandir, un pont colossal fut construit par-dessus le Bosphore, puis un second, et c'est à présent une métropole de grande taille, connaissant des problèmes de surpopulation, de prix, de transport et de pollution. Sur près de 10 millions d'habitants pour l'ensemble de l'agglomération, désormais à cheval sur l'Europe et l'Asie, il reste moins de 3000 Roumis d'origine, dont le patriarche de Constantinople, dernier souvenir de l'empire.

Changement de nom

Nommée Byzance durant l'antiquité, elle prit le nom Constantinople lorsqu'elle devint la seconde capitale de l'Empire romain sous Constantin (330).

Jusqu'en 1930, l'agglomération s'appelait officiellement « Constantinople », et « Stamboul » ne désignait que la Vieille Ville (la péninsule historique). Ce nom fut étendu à toute la ville sous la forme moderne « Istanbul » à la suite de la réforme de la langue et de l'écriture turque par Atatürk en 1928 (la Révolution des signes).

L'expression Sublime Porte faisait référence à la porte du grand vizir du palais de Topkapi et était employée comme synonyme de gouvernement ottoman.

Les monuments de la ville

Monuments et constructions de l'époque byzantine et antérieures

Basilique Sainte Sophie
Murailles de Constantinople

Constantin dote la ville de nombreux bâtiments, la plupart pour répondre aux besoins administratifs et politiques de la nouvelle capitale. Le plan de la ville telle qu'elle existait sous Septime Sévère au bout du promontoire entre la Corne d'Or et la mer de Marmara, détermine néanmoins en partie le développement de la cité constantinienne. Constantin agrandit l'hippodrome existant et aménage les bains de Zeuxippe situés au nord-est de ce dernier. Il procède à des transformations importantes d'un autre espace existant, le Tétrastoon, qui est rebaptisé Augustéon.

  • Le Grand Palais, le palais impérial des Blachernes, lieu de résidence officiel des empereurs jusqu'en 1204.
  • Hippodrome : inauguré par Constantin en 330, il pouvait accueillir de 30 à 50 000 spectateurs. Il attirait beaucoup lors des fêtes, anniversaires, victoires de l'empereur. On y assistait à des courses de chars, des jeux du cirque, des démonstrations d'animaux. L'hippodrome communiquait directement avec le palais impérial par la loge impériale, d'où l'empereur assistait aux spectacles entouré par les sénateurs et les dignitaires de sa cour. La spina était ornée de monuments décoratifs, parmi lesquels la colonne serpentine de bronze enlevée au sanctuaire de Delphes et l’obélisque de Théodose (obélisque de Thoutmosis III, provenant de Karnak). On pouvait aussi voir, couronnant peut-être la loge impériale, quatre chevaux de bronze, qui furent enlevés lors du sac de la ville en 1204, et placés sur la basilique Saint-Marc à Venise. Il fut le théâtre d'un des épisodes les plus sanglants de l'histoire de la ville : en janvier 532, la sédition Nika ébranle le trône de Justinien. Bélisaire, son meilleur général, réprime la révolte en massacrant 30 000 personnes dans l'hippodrome.
  • La Mésé : cette avenue large de 25 m, bordée de portiques avec au fond des boutiques part du Milion; forum.
  • Augustéon : cette place centrale de la ville, située entre Sainte-Sophie et l'ensemble sacré du palais impérial tient son nom d'une statue de l'Augusta Hélène, mère de l'empereur Constantin. Son emplacement correspond grosso modo à l'actuelle Aya Sofya Meydanı. Du côté est se dressait le Sénat, victime d'incendies en 404 et en 532
Intérieur d'une église à Constantinople vers 1875 (Fabius Brest)

Monuments de la période ottomane

Personnalités

Bibliographie

  • R. Janin, Constantinople byzantine, 2e éd., Paris, 1964.
  • Gilbert Dagron, Naissance d'une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451 (Bibliothèque byzantine), Paris, Presses universitaires de France, 1974, 578 p.
  • (en) John Freely et Ahmet S. Cakmak, Byzantine Monuments of Istanbul, Cambridge University Press,
  • Cyril Mango, Le développement urbain de Constantinople, Paris, de Boccard, 1985, 72 p., 6 fig., 2 cartes.

Notes

  1. En arménien : Կոստանդնուպոլիս (Kostandnoupolis).
  2. En latin Constantinopolitanibus qui veut dire « aux habitants de Constantinople » est l'un des mots les plus longs de cette langue)
  3. A. Ducellier, M. Kaplan et B. Martin, le Proche-Orient médiéval, Hachette, 1978, p. 24
  4. a et b Constantinople : capitale byzantine, par Stéphane Yerasimos
  5. Ducellier, Kaplan et Martin, p. 25.
  6. Michel Christol et Daniel Nony, Des origines de Rome aux invasions barbares, Hachette, 1974, p. 218
  7. Gilbert Dragon, cité dans Les Métamorphoses de Byzance, Cahiers de Sciences et Vie, avril 2005 p. 14
  8. Memo, le site de l'histoire, Hachette Multimédia dans
  9. Bertrand Lançon, L'Antiquité tardive, PUF, coll. « Que sais-je ? », no 1455, 1997.
  10. Dans Le Proche-Orient médiéval publié en 1978 aux éditions Hachette U
  11. Lançon [1997], p. 97.
  12. Ducellier, Kaplan et Martin, p. 24-25.
  13. Freely et Cakmak 2004, p. 49
  14. Dictionnaire universel et complet des conciles du chanoine Adolphe-Charles Peltier, publié dans l'Encyclopédie théologique de l'abbé Jacques-Paul Migne (1847), tomes 13 et 14.
  15. cité dans : Georges Tate, Justinien. L'épopée de l'Empire d'Orient, Fayard, 2004, p. 457

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes