Orientalisme

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 24 avril 2017 à 21:46 et modifiée en dernier par Panam2014 (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

L'orientalisme est un mouvement littéraire et artistique né en Occident au XIXe siècle.

Il existe cependant un orientalisme prémoderne humaniste et classique qui remonte à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, lorsque les explorations commencèrent, avec par exemple Marco Polo, et qui atteint son apogée avec les turqueries et le goût oriental du XVIIIe siècle baroque puis rococo. Ce goût oriental hérite aussi du contact de l'époque des Croisades avec le monde islamique. Cet article traite donc plutôt de l'orientalisme à partir du XIXe siècle. C'est un mouvement qui marque l'intérêt de cette époque pour les cultures d'Afrique du Nord, turque et arabe, et toutes les régions dominées par l'Empire ottoman, jusqu'au Caucase. Inspiré par le Moyen-Orient, l'art orientaliste ne correspond en France à aucun style particulier et rassemble des artistes aux œuvres et aux personnalités aussi différentes et opposées qu'Ingres, Delacroix, Alexandre-Gabriel Decamps, Horace Vernet, Théodore Chassériau, Jean-Léon Gérôme, Eugène Fromentin, Félix Ziem, Alexandre Roubtzoff, jusqu'à Renoir (avec son Odalisque de 1884), ou même Matisse et Picasso au début du XXe siècle. C'est donc plutôt un thème vaste qui parcourt les différents mouvements picturaux de cette période.

Cet attrait pour l'ailleurs, la recherche de l'exotisme, influença la société. Les salons de la bourgeoisie et de la noblesse donnèrent réceptions et bals costumés sur le modèle fantastique et coloré des cours d'Orient. Certains personnages fortunés prirent la pose, pour faire leur portrait, revêtus des habits soyeux seyants à un émir.

L'« orientalisme moderne », en peinture, est le prolongement de l'orientalisme dit classique, et prend sa source vers les années 1905/1910 avec la création de la villa Abd-el-Tif, et de son prix dès 1907. Il trouve son plein épanouissement après la Première Guerre mondiale pour se prolonger jusqu'en 1960. Outre cette école, des peintres contemporains des années 1910-1970 ont brillamment repris et continué le motif orientaliste, paysages, nature, scènes de genre, tels Henri Pontoy (1888-1968), Jacques Majorelle (1886-1962), Paul Élie Dubois (1886-1949), Edy Legrand (1892-1970) jusque Gustave Hervigo (1896-1993), Paul Fenasse (1899-1976). Après le démantèlement de l'Empire français et l'indépendance de l'Algérie, il n'y a plus à proprement parler d'École orientaliste, mais des peintres d'inspiration orientaliste, tels que les Français Jean-François Arrigoni-Neri (né en 1937), Roman Lazarev, (né en 1938), ou Patrice Laurioz né en 1959, et l'Algérien Hocine Ziani (né en 1953).

L'Odalisque à l'esclave.
Peinture orientaliste du XIXe siècle de Dominique Ingres.

Quelques thèmes

La Mort de Sardanapale par Eugène Delacroix, musée du Louvre, Paris.

Le harem fantasmé

À cette époque, la représentation picturale de la nudité est choquante si elle n’est pas justifiée. Or, le harem se veut être l'expression d'un ailleurs inconnu. Les mœurs y sont différentes et certaines pratiques tolérées (telles que l'esclavage, la polygamie, le bain public, etc.). Cette tolérance entraîne en Europe un phénomène de fascination/répulsion pour le harem (ou sérail), lieu de despotisme (sexuel) par excellence du sultan. En effet, le harem, si éloigné des mœurs et de la culture européennes de l'époque fait l'objet de nombreuses interrogations, mais aussi de nombreux fantasmes. Les harems rêvés/fantasmés/imaginés sont souvent peuplés d'odalisques lascivement alanguies, offertes, dans les vapeurs du bain... un thème très prisé notamment par Jean-Léon Gérôme.

Le rêve d'ailleurs, l'Orient exotique

La plupart de ces peintures nous dépeignent un orient entre réalité et imaginaire. Tous les artistes ayant, à cette époque, représenté l'Orient n'ont pas obligatoirement voyagé dans les pays du Moyen-Orient. Cependant, la majorité des peintres dits orientalistes tels que Delacroix et d'autres ont entrepris de longs voyages dans les pays du Maghreb pour en rapporter de nombreux carnets de croquis. Croquis dont ils se servirent pour la composition de leurs peintures une fois revenus au pays.

Cependant, Étienne Dinet abandonne le registre de ses premiers thèmes, en particulier le nu, pour se consacrer à explorer la condition humaine des Bédouins. Sa peinture traduit à la fois l'âme de son modèle et les couleurs locales vibrant sous la lumière saharienne. Il en résulte une œuvre esthétique et humaine.

Le désert

Celui du Sahara a été largement représenté par les orientalistes français, à tel point que Théophile Gautier affirme en 1859 qu'il y a « autant de parasols que de paysagistes qu'autrefois, dans la forêt de Fontainebleau »[1]. Il sert de décor à des scènes historiques, à la représentation de longues caravanes (Pèlerins allant à la Mecque, Léon Belly[2], ou en est le motif principal (comme dans Le Sahara de Gustave Guillaumet[3]. La représentation des tempêtes de sable en fait un motif dramatique (Ludwig Hans Fischer, Bédouins dans une tempête de sable, vers 1891 ou Jean-François Portaels, Le Simoun, 1847[4])

Les conséquences de la chaleur dans le désert ont été dépeintes par Eugène Fromentin vers 1869 dans Au pays de la soif[5],[6].

Les débuts de l'Abstraction appliqués à l'Orient : Wassily Kandinsky et Paul Klee.

Wassily Kandinsky (1866-1944) et Paul Klee (1879-1940) représentent les figures majeures des débuts de l’Abstraction, une abstraction qui se révèle à eux par le jeu des couleurs harmonieuses et vives de l’Orient. Ils se placent ainsi dans la lignée de Delacroix qui se questionna sur l’apport des diverses teintes lumineuses (l’historien Georges ROQUE a d’ailleurs écrit et publié un ouvrage pertinent sur Art et sciences de la couleur aux éditions Gallimard, retraçant toutes les réflexions sur la couleur à partir des théories de Michel-Eugène Chevreul, 1786-1889, et de leurs réceptions dans le cercle artistique).

Wassily Kandinsky

L’Abstraction est avant tout une expression artistique en accord avec la spiritualité. L’ouvrage Du spirituel dans l’art de Kandinsky évoque avec justesse cette notion de « nécessité intérieure » prônée. De passage en Hollande puis en Tunisie, en Italie, en Suisse…, il s’émancipe de la figuration classique pour davantage travailler sur la perception des formes et des nuances. C’est un moyen, selon les termes de Vanessa Morisset, d’arriver à cette « autonomie croissante des couleurs » opérée par l’observation des formes géométriques berbères. En effet, Kandinsky abstrait les formes des dunes, des villes et de leurs minarets, de leurs mosquées, des éléments triviaux qui les composent pour y adjoindre une transcendance de la couleur. Le paysage est alors transfiguré en un agencement équilibré et rythmé de teintes et de lignes. 

Cette perception intrinsèque à l’artiste se reflète avec succès dans Les Nègres de 1905. De plus, il élabore un syncrétisme avec sa propre culture en mêlant des aspects de la vie quotidienne occidentale russe et allemande aux représentations de paysages tunisiens. 

Paul Klee

Le plus grand hommage rendu à la luminosité orientale, et surtout tunisienne, est offert par l’artiste Paul Klee. Celui-ci lui doit même sa carrière de peintre :

« J’abandonne maintenant le travail. L’ambiance me pénètre avec tant de douceur que sans plus y mettre de zèle, il se fait en moi de plus en plus d’assurance. La couleur me possède. Point n’est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre. » (Paul Klee, Journal, jeudi 16 avril 1914).    

Klee s’est déjà intéressé aux problématiques de la couleur chez Robert Delaunay. Il note ainsi dans son journal : « le type du tableau autonome, vivant sans motif de nature d’une existence plastique entièrement abstraite. Un organisme formel avec sa respiration vivante, presqu’aussi éloigné d’un tapis – il faut le souligner – qu’une fugue de Bach. » 

Or, son bref voyage en Tunisie du 03 au 25 avril 1914 accompagné d’August Macke et de Louis Moilliet est une véritable révélation. Son regard neuf s’empare des architectures et, tout comme son contemporain, il s’en saisit pour les géométriser et les rendre organiques grâce à la lumière. L’aboutissement de ses recherches coloristes formule une nouvelle esthétique abstraite du paysage orientaliste : « L’art ne reproduit pas le visible ; il rend visible » selon la célèbre citation de Klee. Le sens de la vue décortique les divers chromatismes du prisme tunisien : la lumière solaire, les reflets, les oasis verdoyantes opposées au sable aride… 

Musicalité et abstraction

L’expression même d’œuvre d’art totale prend place dans le rythme des peintures de Wassily Kandinsky et Paul Klee. Le premier orchestre un « concert tonitruant de couleurs » qui oscille ses compositions entre harmonie et disharmonie. Tandis que le second transpose par le biais d’un paysage architecturé une mesure polyphonique. Aussi il ne faut pas oublier que Paul Klee a exercé toute sa vie une activité de violoniste. C’est le cas dans son œuvre de 1929 Hauptweg und Nebenwege [Chemin principal et chemins secondaires] réalisée quinze ans après son premier voyage. En effet, Klee découvre l’Égypte du 24 décembre 1928 au 10 janvier 1929, perfectionnant le jeu de lumières, de lignes telle une partition musicale originale. On peut y distinguer une référence au Nil et à ses nombreuses branches, qui organisent les cultures alentours, ainsi que les reflets éclatants de l’eau. Dans une lettre datée du 17 avril 1932 à sa femme, Klee prophétisera : « Je peins un paysage un peu comme la vue depuis les monts dénudés de la Vallée des Rois vers la contrée fertile, en préservant le plus possible la légèreté de la polyphonie entre substrats et atmosphère. »

Dernières actualités

  • Salon du livre francophone de Beyrouth : Libres livres (24 octobre-1er novembre 2015) - 02/11/15
  • La politique occidentale à l’égard des sunnites du Moyen-Orient au XXe siècle - 16/07/15
  • La protection internationale du patrimoine irakien sous les coups de l’État islamique - 04/06/15

L’orientalisme est un mouvement artistique, notamment présent dans la littérature et la peinture, qui prend son essor en Occident au XIXe siècle. Le mouvement, et l’intérêt des artistes occidentaux pour l’Orient, ne date pas du XIXe siècle : déjà dans les Lettres persanes, ouvrage de Montesquieu publié en 1721, se faisait sentir cet attrait pour l’Orient et les possibilités artistiques que ce monde relativement mal connu offraient.

Liste d'artistes orientalistes

Peinture

Par ordre alphabétique :

Littérature

Notes et références

  1. cité par Pinchon P, Le désert, l'épreuve de l'immensité, Dossier de l'art n° 185, mai 2011, p. 37-41.
  2. Notice de Pèlerins allant à la Mecque de Léon Belly, musée d'Orsay.
  3. Notice du Sahara, Gustave Guillaumet, musée d'Orsay.
  4. FRANCOIS .2.137&SearchT1=&Index1=Index18&SearchMethod=Find_1&ItemNr=2 Notice du Simoun de Jean-François Portaels, musées royaux des beaux-arts de Belgique.
  5. Notice d'Au pays de la soif, d'Eugène Fromentin, musée d'Orsay.
  6. Pierre Pinchon, Arrêt sur une œuvre, « L'orientalisme, de Delacroix à Matisse », Dossier de l'Art, no 185, catalogue de l'exposition du Centre de La Vieille Charité de Marseille, Marseille, 2011.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Collectif, L'Orientalisme en Europe de Delacroix à Kandinsky, Hazan, 2010, 312 p. (ISBN 9782754105064)
  • Urs App, The Birth of Orientalism. Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2010 (ISBN 978-0-8122-4261-4)
  • MIRAMBEL (André). « Orientalisme d’hier et d’aujourd’hui », Revue de l’École nationale des langues orientales, vol. 1, Paris, 1964, p. 1 à 30.
  • SCHWAB (Raymond, 1884-1956), La Renaissance orientale, préface de Louis Renou. Paris, Payot, 1950. 22,5 cm, 526 p. Bibliothèque historique. (Réédition, Payot, 2014. 24 cm, 682 p. Bibliogr. p. 651-661. Index.)
  • Goody (Jack), L’Orient en Occident. Trad. de l’anglais par Pierre-Antoine Fabre. Paris, seuil, 1999. 21 cm, 293 p. (collection : La librairie du XXe siècle.)
  • Irini Apostolou, L'Orientalisme des voyageurs français au XVIIIe siècle. Une iconographie de l'Orient méditerranéen, Paris, PUPS, coll. « Imago mundi », 2009.
  • Martin Bernal, Black Athena. Les racines afro-asiatiques de la civilisation classique, Paris, PUF, 1996, 612 p.
  • Thomas Brisson, « La Critique arabe de l’orientalisme en France et aux États-Unis », Revue d'anthropologie des connaissances (2007-), vol. 2, n° 3, p. 505 à 521.
  • La Danse de l'âme, choix de textes issus du Journal asiatique sur les poètes persans et arabes vus par les orientalistes du XIXe siècle, éditions InTexte, Toulouse, 2006 (ISBN 2-9514986-7-5).
  • Karimi, Kian-Harald, Au temps où ils taillaient leurs idoles – Die Wiederkehr des Gleichen im spätantiken Pastiche von Anatole Frances Thaïs. Ds: Michael Bernsen (Ed.): Orientalismus in der französischen Literatur des XIX. Jahrhunderts. Tübingen (Niemeyer) 2006, p. 223-253 (exemples pour la fonction de l'orientalisme).
  • Rémi Labrusse, Islamophilies. L'Europe moderne et les arts de l'Islam, musée des beaux-arts de Lyon / Somogy, éditions d'art, Paris 2011. 400 pages (ISBN 978-2-7572-0438-2) Exposition Lyon 2011.
  • Régis Poulet, L'Orient : généalogie d'une illusion, Presses universitaires du Septentrion, 2002, 754 p. (ISBN 2-284-03387-3)
  • Edward W. Saïd, L'Orientalisme. L'Orient créé par l'Occident, éditions du Seuil, collection « La Couleur des idées », 1978 (ISBN 2-02-079293-1)
  • Pierre Singaravélou, L'École française d'Extrême-Orient ou l'institution des marges. Essai d'histoire sociale et politique de la science coloniale (1898-1956), Paris, L'Harmattan, 1999, 282 p.
  • Olivier Weber, Le Grand Festin de l’Orient, Robert Laffont, 2004.
  • DEPELCHIN Davy et DIEDEREN Roger (dir.), De Delacroix à Kandinsky. L’Orientalisme en Europe, cat. exp., Paris, Éditions Hazan, 2010.
  • LAMPE Angela (dir.), Paul Klee. L’ironie à l’œuvre, cat. exp., Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2016.
  • FELLOUS Colette, « Le voyage en Tunisie de Paul Klee », France Culture, émission « Carnet nomade », diffusion le 10 mai 2014. [En ligne, consulté le 10 avril 2017] Disponible à l’URL : https://www.franceculture.fr/emissions/carnet-nomade/le-voyage-en-tunisie-de-paul-klee.
  • ZENTRUM PAUL KLEE, « Paul Klee - Aux portes de Kairouan, 1914 », in Youtube. [Mis en ligne le 16 juillet 2014, consulté le 10 avril 2017] Disponible à l’URL : https://www.youtube.com/watch?v=5JhB0l5JGIA&t=48s.
  • ZENTRUM PAUL KLEE, « Paul Klee - Maisons rouges et jaunes à Tunis, 1914 », in Youtube. [Mis en ligne le 16 juillet 2014, consulté le 10 avril 2017] Disponible à l’URL : https://www.youtube.com/watch?v=5JhB0l5JGIA&t=48s.
  • ZENTRUM PAUL KLEE, « Paul Klee - Tapis du souvenir, 1914 », in Youtube. [Mis en ligne le 16 juillet 2014, consulté le 10 avril 2017] Disponible à l’URL : https://www.youtube.com/watch?v=5JhB0l5JGIA&t=48s.
  • [null JEUNE François, « L’Égypte antique et l’art du XXe siècle », in Artabsolument, n°11, hiver 2005, 9 pages. [En ligne, consulté le 30 mars 2017] Disponible à l’URL :] http://media.artabsolument.com/pdf/article/11304.pdf.
  • MORISSET Vanessa, « Vassily Kandinsky », in Centre Pompidou,  janvier 2008. [En ligne, consulté le 10 avril 2017] Disponible à l’URL : http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-kandinsky-mono/ENS-kandinsky-monographie.html.
  • TRIKI Rachida et al., « La Tunisie de Paul Klee », in TRIKI Rachida (dir.), Centenaire du voyage à Tunis des peintres Paul Klee, Auguste Macke et Louis Moilliet, actes du colloque de Tunis, cinéma le Mondial, 10 avril 2014, 42 pages. [En ligne, consulté le 30 mars 2017] Disponible à l’URL : http://wissensraum-mittelmeer.org/wp-content/uploads/2017/03/Klee-Macke-Moilliet_Colloque_Tunis_Avril2014.pdf.

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :