Grand orgue de l'église Saint-Sulpice

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Grand orgue de l'église Saint-Sulpice
Image illustrative de l’article Grand orgue de l'église Saint-Sulpice
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Région historique Île-de-France
Commune Paris (VIe arrondissement)
Édifice Église Saint-Sulpice
Latitude
Longitude
48° 51′ 03″ nord, 2° 20′ 03″ est
Facteurs
Construction François-Henri Clicquot (1776-1781)
Reconstruction Aristide Cavaillé-Coll (1857-1862)
Restauration Jean Renaud (1989-1991)
Caractéristiques
Jeux 102
Claviers 5 (56 notes) et
pédalier (30 notes)
Tuyaux 6778 [1]
Rangs 137
Sommiers À gravures et registres coulissants
Transmission Mécanique avec système Barker
Tirage des jeux Mécanique avec système Barker
Protection Logo monument historique Classé MH (1905, Buffet), Notice no PM75004237

Logo monument historique Classé MH (1905, Statues), Notice no PM75001821
Logo monument historique Classé MH (1978, Instrument), Notice no PM75001873

Le grand orgue de l'église Saint-Sulpice est l'orgue situé en tribune en fond de nef, à l'intérieur de l'église Saint-Sulpice, dans le sixième arrondissement de Paris. Il est en particulier l'œuvre du facteur d'orgue français, Aristide Cavaillé-Coll, dont il est le plus grand instrument.

À l’époque de sa construction, au XVIIIe siècle, l’orgue de Saint-Sulpice était le deuxième plus grand orgue de France, après celui de la basilique Saint-Martin de Tours. Il est en 2024, par le nombre de jeux, le quatrième plus grand orgue de France, derrière celui de la cathédrale Notre-Dame de Paris (115 V/P), celui de l'église Saint-Vincent-de-Paul de Marseille (105 V/P) et celui de la basilique cathédrale Notre-Dame-de-la-Treille de Lille (104 IV/P). Toutefois, le Grand orgue de l'église Saint-Eustache (101 V/P) le surpasse en taille (10x18m) et en nombre de tuyaux (7952).

Il est l'un des deux orgues de l'église, l'autre étant dans le chœur.

Histoire[modifier | modifier le code]

Orgues anciens et projet avorté[modifier | modifier le code]

Proposition d'un buffet d’orgue sans tuyaux apparents par l' abbé Languet de Gergy.

En 1748, juste avant de quitter ses fonctions dans la paroisse de Saint-Sulpice pour devenir abbé de Notre-Dame de Bernay pour la dernière année de sa vie, Jean-Baptiste Languet de Gergy demande aux architectes Louis-Jean Laurent (partie supérieure, pour l’emplacement de l’orgue) et Giovanni Niccolò Servandoni (partie inférieure, pour la tribune) un projet de buffet d’orgue sans tuyaux apparents. La gravure est alors exécutée par Étienne Fessard. Cette « invention toute nouvelle » fut aussitôt relatée au Mercure de France[2] qui eut le mérite de diffuser largement l’idée.

Christian Lutz fait remarquer que « Le projet de Saint-Sulpice présente d’indéniables parentés avec celui de l’église Saint-Jacques de Lunéville »[3], parfaitement contemporain à la gravure commanditée par l’abbé. Il faudra attendre presque trente ans pour que naisse un autre projet, cette fois poussée à son terme. Mais ce sera, alors, devenu l’époque où l’ Académie Royale des Sciences, et sa publication-phare de la Descriptions des arts et métiers, est en pleine effervescence. Et, avec elle, un rationalisme qui a déjà perdu le goût des représentations finalement jugées puériles à force de se projeter séraphiques. Ainsi, tant Dom Bédos de Celles qu’André-Jacob Roubo critiquent avec force analyses circonstanciées ce qu’ils décrivent tous deux comme manquant de vraisemblance autant que de raison[4].

L’orgue de François-Henri Clicquot[modifier | modifier le code]

Le grand orgue fut construit par François-Henri Clicquot entre 1776 et 1781 derrière un buffet original de style Louis XVI dessiné par l’architecte Jean-François Chalgrin, avec des sculptures de Clodion (figures) et Duret (sculpture d’ornement). L’architecture n’est alors plus à l’esprit des Laurent ou Servandoni ; les goûts et la mode ont changé au profit d’une simplification du propos architectural[5].

De Clicquot à Cavaillé-Coll[modifier | modifier le code]

1834 – 1846 : restauration et modifications par Daublaine-Callinet.

1845 et 1854 : modifications et agrandissement par la maison Ducroquet.

L’orgue d’Aristide Cavaillé-Coll[modifier | modifier le code]

L’instrument fut reconstruit entre 1857 et 1862 par Aristide Cavaillé-Coll en réutilisant ce que ses prédécesseurs avaient conservé de l’orgue de Clicquot. Il s’agit du plus grand instrument signé par Cavaillé-Coll[6].

Après Cavaillé-Coll[modifier | modifier le code]

1903 : à la demande de Charles-Marie Widor, modifications et ajouts par la maison Mutin-Cavaillé-Coll.

1934 : relevage par la « Société Cavaillé–Coll ».

1989 – 1991 : restauration par la manufacture Jean Renaud de Nantes.

L'orgue actuel[modifier | modifier le code]

Composition[modifier | modifier le code]

I - Grand-Chœur
13 jeux - C1–G5 - 56 notes.
1. Salicional 8’ C1‑G5
2. Octave 4’ C1‑G5
3. Fourniture IV rangs C1‑G5
4. Plein-Jeu IV rangs C1‑G5
5. Cymbale VI rangs C1‑G5
6. Cornet rangs D3‑G5
7. Clairon-Doublette 2’ C1‑G5
8. Bombarde 16’ C1‑G5
9. Basson 16’ C1‑G5
10. 1re Trompette 8’ C1‑G5
11. 2e Trompette 8’ C1‑G5
12. Basson 8’ C1‑G5
13. Clairon 4’ C1‑G5

 (II / I) ― (III / I) ― (IV / I) ― (V / I).
 Octaves graves.
 Appel Grand-Chœur.




IV - Récit Expressif
21 jeux - C1–G5 - 56 notes.
Laye de fonds
47. Quintaton 16’ C1‑G5
48. Diapason 8’ C1‑G5
49. Violoncelle 8’ C1‑G5
50. Voix Céleste 8’ C2‑G5
51. Bourdon 8’ C1‑G5
52. Prestant 4’ C1‑G5
53. Doublette 2’ C1‑G5
54. Fourniture rangs C1‑G5
55. Cymbale IV rangs C1‑G5
56. Basson-Hautbois 8’ C1‑G5
57. Cromorne 8’ C1‑G5
58. Voix humaine 8’ C1‑G5

Laye de combinaisons
59. Flûte harmonique 8’ C1‑G5
60. Flûte octaviante 4’ C1‑G5
61. Dulciane 4’ C1‑G5
62. Nasard 2’2/3 C1‑G5
63. Octavin 2’ C1‑G5
64. Cornet rangs C3‑G5
65. Bombarde 16’ C1‑G5
66. Trompette 8’ C1‑G5
67. Clairon 4’ C1‑G5

 Trémolo.
 Octaves graves.
 Expression par cuillère à droite du pédalier.

II - Grand-Orgue
13 jeux - C1–G5 - 56 notes.
14. Montre 16’ C1‑G5
15. Principal 16’ D3‑G5
16. Bourdon 16’ C1‑G5
17. Flûte conique 16’ D3‑G5
18. Bourdon 8’ C1‑G5
19. Montre 8’ C1‑G5
20. Diapason 8’ C1‑G5
21. Flûte Harmonique 8’ C1‑G5
22. Flûte Traversière 8’ C1‑G5
23. Flûte à pavillon 8’ C1‑G5
24. Grosse Quinte 5’1/3 C1‑G5
25. Prestant 4’ C1‑G5
26. Doublette 2’ C1‑G5

 (I / II).
 Octaves graves.




V - Solo-Bombarde
21 jeux - C1–G5 - 56 notes.
Laye de fonds
68. Bourdon 16’ C1‑G5
69. Flûte conique 16’ C3‑G5
70. Principal 8’ C1‑G5
71. Bourdon 8’ C1‑G5
72. Flûte harmonique 8’ C1‑G5
73. Violoncelle 8’ C1‑G5
74. Gambe 8’ C1‑G5
75. Kéraulophone 8’ C1‑G5
76. Prestant 4’ C1‑G5
77. Flûte octaviante 4’ C1‑G5
78. Trompette harmonique
(en chamade)
8’ C1‑G5

Laye de combinaisons
79. Octave 4’ C1‑G5
80. Grosse Quinte 5’1/3 C1‑G5
81. Grosse Tierce 3’1/5 C1‑G5
82. Quinte 2’2/3 C1‑G5
83. Septième 2’2/7 C1‑G5
84. Octavin 2’ C1‑G5
85. Cornet rangs C3‑G5
86. Bombarde 16’ C1‑G5
87. Trompette 8’ C1‑G5
88. Clairon 4’ C1‑G5

 Octaves graves.
 Appel Trompette à forte pression.

III - Positif
20 jeux - C1–G5 - 56 notes.
Laye de fonds
27. Violon-Basse 16’ C1‑G5
28. Quintaton 16’ C1‑G5
29. Salicional 8’ C1‑G5
30. Viole de Gambe 8’ C1‑G5
31. Unda Maris 8’ C1‑G5
32. Quintaton 8’ C1‑G5
33. Flûte traversière 8’ C1‑G5
34. Flûte douce 4’ C1‑G5
35. Flûte octaviante 4’ C1‑G5
36. Dulciane 4’ C1‑G5

Laye de combinaisons
37. Quinte 2’2/3 C1‑G5
38. Doublette 2’ C1‑G5
39. Tierce 1’3/5 C1‑G5
40. Larigot 1’1/3 C1‑G5
41. Piccolo 1’ C1‑G5
42. Plein-Jeu harmonique III-VI rangs C1‑G5
43. Basson 16’ C1‑G5
44. Baryton 8’ C1‑G5
45. Trompette 8’ C1‑G5
46. Clairon 4’ C1‑G5

 (IV / III).
 Octaves graves.



VI - Pédale
14 jeux - C1–F3 - 30 notes.
Laye de fonds
89. Principal-Basse 32’ C1‑F3
90. Principal 16’ C3‑F3
91. Contrebasse 16’ C1‑F3
92. Soubasse 16’ C1‑F3
93. Violoncelle 8’ C1‑F3
94. Principal 8’ C1‑F3
95. Flûte 8’ C1‑F3
96. Flûte 4’ C1‑F3

Laye de combinaisons
97. Contre-Bombarde 32’ C1‑F3
98. Bombarde 16’ C1‑F3
99. Basson 16’ C1‑F3
100. Trompette 8’ C1‑F3
101. Ophicléide 8’ C1‑F3
102. Clairon 4’ C1‑F3

 (I / P) ― (II / P) ― (IV / P).

Introduction pneumatique des registres. Appel possible par tirants ; un par plan sonore.

Machine à grêle (dispositif inventé par A. Cavaillé-Coll à la demande de Lefébure-Wely), Rossignol.

Étendue précise et individuelle des jeux établie d'après le site web de l'AROSS[7].

Console[modifier | modifier le code]

Disposition contemporaine (2024) des jeux et des pédales à la console. Schéma interactif dérivé d’un plan de console manuscrit ancien.

La console est séparée, en avant du buffet, derrière la façade du Positif de dos, factice. L'organiste se trouve donc face au chœur. La disposition des jeux est faite en hémicycle avec le bloc des claviers au centre, surmonté par une plaque de la série « A. Cavaillé-Coll & Cie. », et encadré de deux quarts de cercle sur lesquels les tirants de jeux à porcelaines sont disposés par gradins.

Disposition des claviers
1862 2024
V  Récit expressif. Solo / Bombarde.
IV  Positif. Récit expressif.
III  Bombardes. Positif.
II  Grand Orgue. Grand Orgue.
I  Grand Chœur. Grand Chœur.


Autant le texte de Lissajous[8] que le plan de console manuscrit ancien nous laisse voir un arrangement de l’ordre des claviers différent de l’actuel[7]. Cela explique un agencement des tirants de registres répondant à une logique plus primitive, sachant qu’eux n’ont été que très peu modifiés. Dans cet instrument, c’est une des rares choses d’importance qui ne soit pas d’origine. De même, le clavier des « Bombardes » a été renommé par l’usage le clavier du « Solo », voire le clavier de « Solo / Bombarde ». La pédale (cuillère) d’appel du registre de la « Trompette harmonique à forte pression » est aussi un rajout postérieur à la re-création de 1862.

Titulaires de l'instrument[modifier | modifier le code]

Anciens titulaires[modifier | modifier le code]

Suppléants[modifier | modifier le code]


Titulaires actuels[modifier | modifier le code]


Rayonnement de l'instrument[modifier | modifier le code]

De nombreux enregistrements sonores ont été réalisés sur cet instrument.

Une fois par mois, un concert est donné le dimanche après-midi[9].

L'association AROSS (Association pour le rayonnement des orgues Aristide Cavaillé-Coll de l’église Saint-Sulpice) s'occupe activement de la vie de l'instrument.

Facture de l'instrument[modifier | modifier le code]

La transmission mécanique des notes est assistée par sept machines Barker[10].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

→ Tiré à part : lire en ligne sur Gallica.
→ Dans le numéro de la 64e année. Deuxième série. Tome XII. — Janvier 1865, lire en ligne sur le site du Conservatoire numérique des arts et métiers.
  • Charles Hamel, Histoire de l'Église de Saint-Sulpice, Nabu Press, (ISBN 978-1246259643).
→ Édition de 1900 : lire en ligne sur Gallica.
→ Édition de 1909 : lire en ligne sur Gallica.
  • Faustin-Eugène Foiret, Un marché avec le premier organiste de Saint-Sulpice, Bulletin de la Société Historique du vie arrondissement de Paris, premier semestre 1913, page 176, lire en ligne sur Gallica.
  • Félix Raugel, Les Grandes Orgues des Églises de Paris..., Paris, Fischbacher, 1927 lire en ligne sur Gallica.
  • Jesse E. Eschbach III, Some details of voicing techniques at Saint-Sulpice, Paris (en), in The Organ Yearbook, IX (Buren Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas, Frits Knuf, 1978, p. 11-111.
  • Gregor Klein, Le grand Orgue de Saint-Sulpice, La Flûte Harmonique, publication de l'Association Cavaillé-Coll, no 20 spécial, Paris, 1981.
  • Jean-Albert Villard, Analyse des jeux estimés de François-Henri Clicquot, in Bulletin de l’Association François-Henri Clicquot, no 9-10, décembre 1982.
  • Pierre Hardouin, Marché de François-Henri Clicquot pour l’orgue de Saint-Sulpice à Paris (1776), l’orgue français classique, Actes du Colloque de Souvigny 1983, Souvigny 1985, 223 p., p. 209-218.
  • Mark Buxton, Daniel Roth and the St Sulpice Tradition (en), in The Musical Times, vol. 130, no 1759, septembre 1989, p. 565-567.
  • Collectif, Le Grand-Orgue de Saint-Sulpice et ses organistes, La Flûte Harmonique, publication de l'Association Cavaillé-Coll, no 59-60, Paris, 1991.
  • Le grand orgue Aristide Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice, textes de Pierre-François Dub-Attenti et Yves Castagnet, préface par le Père Jean-Loup Lacroix, Association pour le Rayonnement du grand Orgue de Saint-Sulpice (AROSS), Paris, 2012, (BNF 43854965).
  • Pierre-Marie Guéritey, Louis Callinet et l’orgue de Saint-Sulpice, in, Les Callinet et leur œuvre hors d’Alsace, document de l'auteur, janvier 2014, lire en ligne [PDF].
  • Henri de Rohan-Csermak, L’orgue, in Mathieu Lours, Saint-Sulpice. L’église du Grand Siècle, Paris, Picard, 2014, 264 p., p. 187-200 (ISBN 978-2-7084-0986-6)
  • Le grand orgue Aristide Cavaillé-Coll de l’église Saint-Sulpice « trait d’union entre l'art ancien et l’art nouveau », Daniel Roth et Pierre-François Dub-Attenti, in Bulletin de la Société Historique du VIe arrondissement de Paris, comptes rendus de conférences, nouvelle série no 32 - année 2019, Paris, mai 2020 et tiré à part, édité par l’AROSS, 36 pages, Paris, 2020.
  • Roger Deleplace, Le Grand Orgue Aristide Cavaillé-Coll de l’Église Saint-Sulpice à Paris, plaquette accompagnant le disque Psallite.
  • [PDF] Orgues de l'Ile-de-France: Inventaire des orgues de Paris.
  • Michael Hesse, Ein Tempel der Musik in der christlichen Kirche - Das Orgelgehäuse für Saint-Sulpice in Paris von Jean-François-Thérèse Chalgrin, in : Entwerfen und Verwerfen: Planwechsel in Kunst und Architektur des Mittelalters und der Frühen Neuzeit: Festschrift für Matthias Untermann zum 65. Geburtstag, p. 679-694, Heidelberg, 2022, lire en ligne (de) [PDF].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ἀριθμόλόγία ; de Weingarten à Saint-Sulpice., par S.M.C.J., article de blog traitant de la comptabilité exacte du nombre de tuyaux que contient le grand orgue de l’église Saint-Sulpice de Paris, Lire en ligne.
  2. Annoncé au Mercure de France, dédié au Roi, avril 1749, page 181. lire en ligne sur Gallica
  3. Christian Lutz, « Le buffet sans tuyaux apparents : une modernité sans descendance », in « Lunéville ― France 1751 », livret de CD accompagnant le deuxième volume de la collection dédiée à l’univers de l’orgue « Ugab », Alpha Productions, 2010, Lire en ligne [PDF].
  4. Il est notable que les deux points de vue, tant du menuisier que du moine facteur sont parus la même année :
  5. On pourra, par exemple, consulter le « Supplément au Recueil élémentaire d’architecture […] » que Jean-François de Neufforge publia en 1777 et 1778, qui donne une bonne idée de l’esprit du temps.
  6. Le grand-orgue. www.aross.fr.
  7. a et b Fonctionnement de la console. www.aross.fr.
  8. Lissajous 1865, Planche 311, Fig 2, A, p. 14 ou 21
  9. Messe dominicale et audition & Concerts. www.aross.fr.
  10. Composition du grand-orgue. www.aross.fr.