Alcali

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Un alcali, écrit autrefois alkali à la fin du XVIIIe siècle pour marquer l'origine arabe via le latin médiéval, est un terme de l'alchimie puis de la chimie décrivant différents composés chimiques, parfois en mélange, à propriétés dites alcalines ou basiques[1]. Depuis le XVIIe siècle, le terme est employé de manière générique pour désigner des bases, des sels ou des solutions basiques concentrées. En chimie industrielle moderne, un alcali désigne une base forte dans l'eau.

L'adjectif associé alcalin, qui indiquait une saveur amère typique, la présence d'une base forte ou une fonction basique réduisant l'acidité d'un milieu, a fini par désigner les ions ou atomes de Li, Na ou K, plus rarement Rb, Cs ou Fr de la première colonne du tableau périodique. Ces métaux alcalins ont la propriété de former avec l'oxygène ou l'eau des bases fortes, nommées alcalis. Ainsi une pile alcaline, faisant mouvoir des ions Li+ ou Na+...

Origines et définitions des alcalis

Traditionnellement, un alcali représente un sel extrait de cendres d'un foyer quelconque[2]. Les cendres de végétaux étaient récoltées et amassées par exemple dans une simple toile de lin ou de chanvre, autrefois nommée le cendrier. Les cendriers fermés étaient arrosés d'eau, puis pressés pour en faire sortir un lixiviat ou jus de percolation liquide qui, par concentration et évaporation, laisse se déposer des sels fins, solubles dans l'eau que l'on nommait alcali[3].

La lixiviation des cendres de bois[4], nommées ash en anglais, ou (die) Asche en allemand, est ici une pratique d'épuisement et de filtration des matières solubles par l'eau. Le lixiviat ou les eaux extraites sont recueillies soit dans des auges exposées au soleil ou chauffées jusqu'à évaporation totale et dessiccation, soit dans des creusets à l'origine en céramique, plus tard en métal ferreux, nommés pot en anglais, Pott en allemand, placés dans des fours jusqu'à dessiccation totale[5]. Les paysannes de Bretagne, de Picardie ou des Vosges appréciaient le bois de hêtre dans leurs cheminées ou poêles en fonte noire, elles en recueillaient les cendres. Les cendres mêlées à une matière grasse additionnelle fournissaient une lessive lors d'une cuisson des draps au chaudron ou pendant leur trempage à chaud dans un bac en bois[6]

Sur les rivages maritimes, l'exploitation des cendres d'algues, en particulier d'algues brunes ou varech, ou de multiples plantes de rivages, est attestée jusqu'au milieu du XIXe siècle. Elle donne en pays français la soude ou en pays anglo-saxon la soda ash[7]. Dans les pays de vignerons, les cendres gravelées étaient employées pour en extraire un alcali...

L'alcali pouvait désigner au choix et souvent en mélange la soude, la potasse ou carbonate de potassium, la potasse caustique, la soude caustique, l'ammoniac solubilisé dans l'eau ou ammoniaque, parfois un autre composé fortement basique. Tout dépendait de la nature et origine des cendres ramassés ou des matières de base de sa fabrication. Une dernière opération consistait à chauffer ce sel pulvérulent avec de la chaux ou de la mélanger à de la chaux vive[8]. L'alcali devenait caustique ou fort.

Les alcalis montraient des propriétés remarquables en milieu aqueux : ils verdissaient le sirop de violette, et re-bleuissaient systématiquement les couleurs végétales, rougies par l'acide. De plus, dans ce milieu, la rencontre d'alcali et acide provoquaient souvent avec des réactions vives et chaudes, l'apparition de sels différents. Les alcalis même dilués, et encore plus à l'état concentré, possèdent la propriété d'enflammer et d'ulcérer tous les tissus vivants. Les alcalis caustiques sont très hygroscopiques : ils présentent un aspect alcalescent et semblent générer d'autres alcalis dilués[9]. La manipulation des différents alcalis, comme celle d'ailleurs des différents acides forts, est restée une première étape à l'initiation au laboratoire de chimie : en disposant des pièces et récipients de verrerie idoines et de l'outillage de chauffage ou de distillation, il faut préparer pour son usage personnel des solutions aqueuses les plus utiles, à la fois les plus concentrées mais aussi les mieux connues par pesée et purification des matières de base[10]. L'origine de ces pratiques semble remonter aux chimistes nommés Geber ou Rhazès[11].

Les préparateurs avaient probablement conscience d'une diversité d'espèces de sels ioniques, au moins corrélées à la nature et origine des cendres et des matières combustibles. Ainsi les cendres de bois permettent plus aisément la fabrique de la potasse[12]. Avec des cendres de végétaux terrestres, on obtient un mélange complexe à base de carbonates de K ou de Na. Avec des cendres de végétaux des rivages salins, ou des plantes croissant sur des sodisols ou salsodisols, on obtient un mélange à base de carbonates de Na.

D'autre corps basiques ont reçu la dénomination d'alcali car les savants supposaient qu'un alcali type n'était ni liquide ni solide stable (donc ni fluide ni matière par un raisonnement scolastique ou aristotélicien !) : lithine, borax, ammoniaque...

Il existait donc une définition savante de l'alcali : alcali est sal extractum ex cinere omnium corporum, idque sive sint liquidae sive solidae (materiae) omnibus rebus inest proprium[13].

Mais après le passage, parfois brusque, parfois lent, du savoir al chemia de la Méditerranée arabo-berbère à l'alchimie médiévale latine, les classifications, à nouveau revues ou reconsidérées selon des taxonomies (pseudo)aristotéliciennes[14], ont déjà évolué, empruntant des principes qualificatifs du type sel, terre, roche, (règne) minéral, (règne) végétal... pour distinguer la substance active alcali, à l'origine indéfinissable.

Terres alcalis ou terres alcalines

Les terres alcalines correspondent à des substances minérales en partie insolubles, mais qui se comportent étrangement comme les alcalis authentiques. L'art antique du chaufournier fabriquait par la combustion de la roche calcaire la chaux vive, matière pulvérulente incluant en outre selon les lieux des oxydes de magnésium, de strontium, de baryum, voire de béryllium[15]. La chaux éteinte à l'eau, formant souvent une suspension décrite comme un lait blanchâtre, contenait les hydroxydes correspondants, à commencer par l'hydroxyde de calcium Ca(OH)2. Une terre alcaline, vive ou éteinte, pouvait apporter miraculeusement son pouvoir alcalin par humectation et chauffage, renforçant l'alcali minéral ou végétal : cette opération, connue des Égyptiens il y a plus de 4000 ans, se nomme caustication ou caustification. Cette opération est restée une opération de régénération des lessives usées.

La magnésie Mg(OH)2, tout comme l'oxyde de zinc, sont des oxydes peu solubles. Mais, très tôt, leur pouvoir de neutraliser les acides a été remarqué. On peut aussi ajouter à cette liste les poudres d'oxydes de fer, bien connus des métallurgistes...

Un cas singulier : l'alcali ammonia ou eau d'Amon

L'ammoniaque ou solution aqueuse de ammoniac NH3 était considérée depuis l'Antiquité comme un "alcali" singulier : plus on le chauffait, plus il perdait sa force comme s'il s'envolait mystérieusement. De plus, on ne pouvait le purifier en passant par une forme définitive de sel stable[16]. Puisque, en outre, il était obtenu par distillation d'un certain nombre de matières animales, en particulier leurs déjections telles que l'urine, ce singulier principe actif se nomma alors alcali volatil[17].

Mais lorsque la notion de gaz, intimement liée à celle de corpuscules de matière, battant en brèche les principes aristotéliciens des alchimistes, fut peu ou prou acceptée, au XVIIe siècle, une correction radicale venant des pionniers de la chimie pneumatique fut acceptée[18] : la solution d'ammoniaque NH3 (aq) restait un alcali au sens global et le gaz ammoniac échappé du milieu aqueux devenait précisément l'alcali volatil (NH3)g. Capturé et réinjecté par brassage dans l'eau, ce dernier reformait selon une description cohérente un "alcali liquide".

Sels alcalis : alcali fixe et volatil, alcali minéral et végétal

Les autres alcalis comme la soude ou la potasse, caustique ou non, étaient a priori fixes. Avec l'irruption fin XVIe siècle d'une théorie tacite de corpuscules définis de matière et d'états de matière minimaliste (solide par attaches cohésives et cohérentes entre corpuscules, fluide progressivement séparé en liquide à attaches précaires, mais encore ou partiellement cohérentes, et gaz, dépourvu d'attaches), une simple opération de chauffage surveillée laisse supposer des structures diverses : elle distingue les carbonates (soude, potasse... qui perdent par dégage un gaz par simple décarbonatation) des alcalis véritablement fixes comme la soude caustique et la potasse caustique, qui peuvent être fondues sans perte. Il reste les oxydes précurseurs des derniers ou intermédiaires verriers (décrit plus tard en Na20 et K20) pressentis mais non mis en évidence.

La soude, alcali emblématique, était considérée comme un alcali minéral, car la tradition alchimique égyptienne avait établi la correspondance entre la soude extraite des plantes et celles résultant du chauffage des fleurs de natron ou des eaux saumâtres de maints lacs salés du désert, en vase clos, piégeant par un milieu dessicant leurs eaux. La potasse des Anciens était considéré comme l'emblématique alcali végétal, faute de découvertes de corps naturels assimilables. La distinction entre alcali minéral et végétal, purifiés respectivement, s'opérait de façon immémoriale et simple par l'action d'une pincée jetée sur le feu, un jet de flammes jaunes était généré par l'alcali minéral, une flamme violette indiquait la présence de l'alcali végétal[19].

Terminologie

Le mot français, attesté en 1363, vient de latin médiéval alcali ou alkali, emprunté à l'arabe al-qalī ou al-qâly, c'est-à-dire aussi bien les plantes nommée le qalī, c'est-à-dire la soude ou les plantes salifères assimilées, telles que les salicornes, que leurs cendres calcinées ou soude à base de carbonate de sodium, à partir de laquelle on fabriquait par caustication la soude caustique. Le mot a donné àlcali en espagnol. Les mots communs italien soda ou français soude correspondent bien au kali ou qali, qui indique autant la plante que sa cendre extraite, par solubilisation dans l'eau, après calcination[20].

En 1509, les (al)chimistes européens emploient le mot alcali avec une signification générique décrite précédemment. Il s'agit d'une classe de bases fortes, principalement oxydes et hydroxydes de métaux alcalins, des carbonates correspondants, d'ammoniaque, ancien hydroxyde d'ammonium et ses sels dérivés, et de quelques composés alcalino-terreux, issus des terres alcalines... En 1610, l'adjectif alcalin indique ce qui est propre, similaire ou identique aux alcalis, peut être associé ou mis en rapport avec les alcalis ou leurs propriétés. Les chimistes traquent la moindre propriété par l'observation des sens : l'aspect visuel alcalescent, la saveur alcaline ou fortement amère après imprégnation à la lèvre humide, les différentes forces réactives des alcalis sont enregistrés. Leurs propriétés basiques, notamment en solutions aqueuses, deviennent emblématiques.

Le verbe alcaliser est présent en français dès 1628. Il signifie "rendre alcalin"[21]. En 1690, la pratique de laboratoire permet de séparer efficacement les corps constituants, au moins les sels différents, et d'écrire des ébauches de réactions chimiques. Alcaliser signifie alors précisément séparer la partie (supposée) alcaline d'un sel, en éliminant la partie (supposée) acide.

Les chimistes s'intéressent à la genèse du corps et des propriétés alcalines. Un alcaligène est une substance, une réaction ou mutation qui peut engendrer un ou des alcalis. L'adjectif alcaligène désigne ce qui donne naissance aux alcalis. Mais la description reprend avec l'adjectif ou nom masculin alcalescent, attesté en 1735. Un corps alcalescent est caractérisé par des propriétés alcalines, soit qu'il possède à l'origine comme les alcalis purifiés, soit qu'il acquiert[22]. En 1771, l'alcalescence désigne l'état ou les propriétés des alcalescents, c'est-à-dire des substances ou corps alcalescents. Pour certains chimistes, l'alcalescence est véritablement active : il existe des substances dans lesquelles ils se forment spontanément de l'alcali. Comme le corps modèle est l'alcali volatil ou ammoniaque, ils font surtout référence à la putréfaction ou décomposition organique qui dégage en particulier en milieu humide de l'ammoniac[23]. Ainsi les fumiers ou fumures dégagent du gaz ammoniac, qui, transformé mystérieusement sur les parois des murs humides, donne du salpêtre.

Les mondes savants, germaniques et anglo-saxons, ont emprunté le mot racine, kali, sans le déterminant ou l'article défini arabe ou arabo-berbère, al. Il est parfaitement connu des locuteurs savants du latin médiéval, pour dénommer de manière générique les sels d'alcalis. Un certain nombre d'entre-eux, jouant un grand rôle dans les engrais, la fumure et le chaulage additionnel, voire dans les premiers médicaments, au XIXe siècle. La découverte systématique par voie électrolytique d'un même élément chimique dans ces sels caustiques, purifiés et chauffés explique le symbole K du potassium ou Kalium par relatinisation savante[24].

Un vocable de la chimie moderne, qui tend à tomber en désuétude

L'alcali est devenu selon le dictionnaire encyclopédique de Jacques Angenault[25] un nom désuet désignant l'oxyde et hydroxyde d'un métal alcalin. Il est par ailleurs toujours synonyme de base en solution aqueuse.

Vocabulaire d'une pratique chimique

Ses dérivés, également désuets, ont été préservés de l'héritage lointain du XVIIe siècle. L'alcali volatil désigne de manière commune l'ammoniac. Il engendrait par sa dissolution dans l'eau un alcali liquide que les chimistes ont nommé l'ammoniaque. Les sels d'ammonium à propriétés basiques, et plus tard une partie des dérivés substitués de l'ammoniac, étaient aussi placés dans cette famille d'alcalis[26].

Quel laborantin sait encore que l'alcali fixe représente la potasse ou la soude ? La potasse était l'alcali fixe végétal, la soude l'alcali fixe minéral. En rajoutant l'adjectif caustique, le savant nommait respectivement la potasse caustique et la soude caustique. A contrario, les alcalis doux correspondent au carbonate de sodium ou de potassium, plus ou fortement hydratés.

L'adjectif alcalin indique une fonction basique[27]. L'alcalinité est la basicité. L'alcalimètre est une invention d'analyse chimique initiée en 1804. Il s'agit d'un appareil de mesure du degré de pureté de l'alcali considéré. Il sera perfectionné et mieux connu en 1834, année où l'adjectif alcalifiant et le mot alcalinité apparaissent selon les lexicologues[28]. Les soudes ou potasses du commerce, à base de carbonates, sont analysées par un alcalimètre spécifique qui détermine la masse ou teneur d'anhydride contenue dans un échantillon[29].

L'alcalimétrie correspond au dosage des alcalis. Il s'agit d'une technique de détermination du titre d'une solution basique, par différents dosages volumétriques. Ce terme de chimie analytique est attesté dans les premiers dictionnaires en 1853. Il existe depuis 1830 différents procédés, appropriés aux différents alcalis. En particulier, le titre alcalimétrique, utilisé par le génie militaire français pour l'analyse des eaux supposées potables lors des opérations sur un terrain hostile, est l'évaluation de l'alcalinité d'une eau exprimée en degrés (titre alcalimétrique dit simple) ou en concentration des corps chimiques dissous.

Un alcaligène est un corps qui donne naissance à des alcalis. Le terme est aussi employé comme adjectif, ainsi la propriété alcaligène d'un oxyde ou d'un dérivé quelconque. Dans les années 1890, l'emploi du verbe alcaliniser, vite abrégé en alcaliser par rappel du vieux terme, signifiant pour une solution ou un milieu "rendre alcalin" est courant. Il s'applique encore à un corps ou une substance auquel on donne ou confère une ou des propriétés alcalines[30].

Une racine alchimique préservée par des éléments chimiques reconnus

La découverte des métaux alcalins, par électrolyse des principaux alcalis fixes fondus, est à l'origine de la dénominations des métaux alcalins, de la première colonne du tableau périodique des éléments chimiques de Mendeleiev

Les terres alcalines, c'est-à-dire les roches qui par chauffage à l'air, engendre des alcalis, sont à l'origine de la découverte des oxydes de métaux alcalino-terreux. L'adjectif alcalino-terreux, commun dès 1845, qualifie dès l'origine les éléments Ca, Sr, Ba. On y a adjoint le Be, le Mg et le Ra, de la même seconde colonne du tableau périodique

Chimie technique

Dans le jargon de la chimie moderne, les alcalis constituent ainsi une sous-classe des bases. Les alcalis désignent les bases qui se dissolvent dans l'eau en donnant l'ion hydroxyde HO-[31],[32],[33],[34].

Avant dissolution dans l'eau, les alcalis peuvent être :

Les alcalis peuvent être divisés en[34] :

  • forts (NaOH, KOH, Mg(OH)2 et Ca(OH)2) : ils s'ionisent complètement lorsqu'ils sont dissous dans l'eau ;
  • faibles (NH4OH par exemple) : ils existent dans un état partiellement ionisé en solution aqueuse.

Dans l'industrie, l'alcali désigne aussi un mélange (liquide) d'ammoniaque et d'eau. C'est un produit très corrosif et à odeur fortement piquante, le gaz irritant les muqueuses et les poumons, qu'il faut manipuler sous hotte avec des gants et des lunettes. Pour une concentration en masse de 30 % d'ammoniaque (% pds), la densité de cet alcali est d'environ 0,900, son extrait sec de 5 et son résidu fixe nul, il contient peu de fer (< 0,1 ppm) et peu de calcium (< 2 ppm).[réf. nécessaire] Il est surtout utilisé par des industriels afin de dépolluer les fumées en gaz NO par extraction fluide-fluide [réf. nécessaire]

L'alcali-cellulose, terme apparu vers 1950, désigne le produit résultant de l'action d'une base alcaline sur la cellulose. Dans la fabrication du papier, on utilise communément de la soude caustique.

Géologie

Le natron est un carbonate de sodium hydraté naturel qui se dépose naturellement en efflorescence sur les bords des lacs Amers en Égypte. Cette roche évaporite de formule brut Na2CO3·10H2O était identifiée de longue date avec la soude, préparée à partir des cendres de la plante[35]. Il existe des gisements importants en Afrique et en Californie.

Il existe aussi un minéral plus rare, le trona, de formule Na2CO3 · NaHCO3 · 2H2O, mais abondant dans quelques bassins sédimentaires d'origine lacustres. Dans sa formule, nous retrouvons le bicarbonate de sodium, qui est l'intermédiaire, peu soluble à froid, du procédé Solvay. Le bicarbonate de soude NaHCO3 n'est pas considéré par les Anciens comme un alcali, on le trouve souvent dans les eaux de sources chaudes ou sources thermales antiques[36], comme dans les eaux saumâtres de nombreux lacs africains.

Une roche était autrefois dite "alcaline" en français, alkaline ou alkalic en anglais lorsqu'elle contenait en masse au moins 10 % de potasse ou de soude caustique, soit KOH ou NaOH.

La qualification d'alcalin(e) est depuis les années 1970 en premier lieu réservée aux substances minérales riches en ions Na+ ou K+. Elle s'applique en un second sens plus précis à des roches magmatiques saturées ou sous-saturées[37]. Le vocabulaire chimique actuel s'est imposé avec le développement des spectrométries, en particulier de la fluorescence X.

Médecine et pharmacie

Il existe des médicaments alcalins, dénommés simplement alcalins depuis la Belle Époque. Ils renferment un alcali ou présentent des propriétés anti-acides. Un des plus connus est la soude Solvay Na2CO3.

L'alcalinothérapie est une thérapeutique à base de cette classe de médicaments. En usage externe, pour entraver certaines maladies de la peau, cette dernière catégorie se présente sous forme de lotions, pommades ou de sels de bains. Ainsi les bains alcalins nécessitent environ 500 g de Na2CO3 par baignoire. Un minutage précis du bain était imposé, pour ne pas trop agresser à terme la peau.

En usage interne, majoritaire dans les années 1930, le dosage varie entre 1 et 15 g d'alcali ultra-doux ou faible, du type bicarbonate de sodium ou de potassium, parfois associé à du carbonate de calcium[38]. Le remède était supposé faciliter la digestion en favorisant les fonctions digestives et neutraliser les acides du tube digestif.

Les sels de lithium étaient aussi employés contre la goutte. Ils joueraient un rôle favorisant la dissolution des dépôts de sels d'urates, à l'origine de douleurs vives aux extrémités du corps.

Dans l'entre-deux-guerres, les troubles pathologiques de l'équilibre acido-basique du corps humain font l'objet d'études cliniques et physiologiques. L'acidose est caractérisée par un excès de secrétions acides, suivie d'une rétention dans l'organisme vivant, l'alcalose par un excès d'alcalins, causé par une perte d'acides jointe une rétention alcaline excessive[39]. Vers 1953, les tissus, en particulier le sang, sont étudiés au niveau des métabolismes acido-basiques : le sang est considéré alors en indicateur fiable de l'alcalose. On parle communément d'alcalose sanguine. La mesure plus efficace de la fine modification de pH a permis de mettre en évidence trois types majeurs d'alcaloses, qualifiées de gazeuse, digestive ou fixe[40]

La médecine vétérinaire a poursuivi également des recherches similaires, mais de manière parallèle et non jointive, pendant les mêmes périodes[41]. L'alcalose touche encore plus fréquemment les ruminants, par l'ampleur de leur fonctions digestives et d'émissions de gaz, en premier lieu lors de la rumination.

Mythologie

L'alcali est un principe-sel d'extraction singulière[42], que l'on pourrait classer à côté du sel marin s'il ne recelait une propriété basique ou anti-acide fondamentale. Il correspond à une entité subtile, facilement purifiable, manipulable et agressive pour la peau ou les muqueuses, en correspondance avec un grand nombre de djinns des eaux qui ne cessent de les emporter avec eux, souvent aux détriments des plantes qui nourrissent les Hommes. Les djinns de la mer sont les plus puissants (attracteurs), voilà pourquoi la mer a une eau dense et salée, disait le conteur berbère, mais il est aussi possible de retrouver les différents alcalis en brûlant les productions des végétaux, êtres vivants qui ont su les retenir pour s'en nourrir ou s'en protéger.

Références

  1. Pour une définition succincte et littéraire par le TLF
  2. sal elicitus en latin médiéval ou sel d'extraction. Remarquez que la notion de sel n'est pas celle d'une substance neutre, produit de la réaction de neutralisation d'une base (alcali) forte par un acide fort ou vice-versa, définie par le chimiste Rouelle vers 1774. Les archéologues postulent que de l'alcali, proche du "sel de soude" était extrait des cendres de roseaux du Bas-Euphrate dès la Haute Antiquité.
  3. Il reste dans le cendrier la matière non soluble dite solide, à base de charbons de bois et de diverses impuretés. Le charbon était ainsi récupéré en poudre fine, qui pouvait être transformée après nettoyage en charbon actif. L'opération était conduite par des ouvriers verriers, charbonnier ou chaufourniers, parfois nommés cendrilleurs. La dénomination s'appliquait aussi aux simples opérateurs indépendants qui utilisaient les petits bois pour fournir des cendres aux verreries traditionnelles ou aux ménagères. Les cendriers usagés, d'aspect gris cendre, étaient revendus aux paysans avant qu'ils fussent impropres à cet usage, c'est-à-dire troués ou déchirés. La plupart des acheteurs employait ces toiles à petits prix pour enserrer ou porter le fourrage. Les plus modestes y confectionnaient, même après qu'ils fussent déchirés, mais en multiples épaisseurs, des habits de protection, des vestes de travail, des houseaux pour les jambes... Notez que le cendrier désigne encore plus communément dans la plupart des campagnes francophones un grand drap dans lequel les cendres étaient recueillies ou mises pour faire la lessive. Ainsi le cendrau de Saintonge. Lire infra l'usage des lessives de cendres par les ménagères.
  4. Le bois est le seul combustible courant jusqu'au XVIIIe siècle, que ce soit sous forme de bois sec ou de charbon de bois après transformation par les charbonniers.
  5. Le produit salin, nommé salt de potash ou Salz von Potasche avant le XVIIIe siècle, est très souvent un carbonate de potassium impur, il est à l'origine de la dénomination française de potasse par abréviation et de (re)latinisation savante pour l'élément potassium.
  6. L'excédent de cendres inusitées servait aux hommes comme engrais potassique: ils la répandaient dans les champs, avec d'autres amendements. Ces modestes ménagères continuaient sans le savoir au XIXe siècle une longue tradition gauloise de fabrication in situ de savons, la plus spectaculaire étant celle opérée sur certains grands feux collectifs des mois calendaires après y avoir déversé des spécifiques graisses et de l'eau chaulée dédiés aux dieux et aux héros. Les savons gaulois, produits sacrés de toilettage des cheveux et du corps, coulaient du monticule portant le foyer et se refroidissaient dans des rainures de terres. Au besoin, les familles des participants, organisateurs et/ou donateurs des produits, pouvaient récupérer les matières sacrées par ce rituel et terminaient les préparations en partie initiées par les directeurs du feu en les cuisant dans leurs chaudrons familiaux. Il n'était pas rare que ces savons contiennent encore de l'alcali, ce qui à la longue leur faisait décolorer les cheveux. Il y a encore à peine plus d'un siècle, que ce soient lors des bures campagnardes ou des feux de Saint-Joseph des petites cités méditerranéennes au printemps, il fallait souvent faire place net et éliminer les reliquats de la combustion du mont ou du monticule.
  7. c'est-à-dire un carbonate de sodium plus ou moins impur. Cette exploitation a disparu par la concurrence du procédé Solvay, plus efficace que le procédé Leblanc
  8. Une des techniques proposait l'addition d'un lait de chaux qui solubilise la soude, une réaction à chaud, puis un chauffage à terme de la solution de soude récupérée, plus ou moins concentrée, afin de faire évaporer l'eau. Soit la réaction de caustication ou caustification suivante : Na2CO3 solide + Ca(OH)2 aqueux et en suspension → CaCO3 précipité solide + 2 NaOHsolubilisée
  9. En réalité, il s'agit d'une effet de dilution dans l'eau venue de l'air. Les surfaces des alcalis solides paraissent vitreuse ou translucide, comme revêtues d'une pellicule d'eau.
  10. Qui peut le plus peut le moins : le chimiste qui recherche une moindre force sait diluer.
  11. Si l'initiateur est assurément d'origine arabo-persane, la filiation de cet art ou savoir complexe passe grâce à d'incessantes rencontres ou échanges soit par l'Italie du Sud ou les côtes ibériques de Méditerranée occidentale.
  12. Elle se nomme par l'allemand Pottasche ou l'anglais potash car elle est obtenue par le procédé des verriers en "pot" ou "creuset"
  13. Alcali, in Du Cange, et al., Glossarium mediæ et infimæ latinitatis. Niort, L. Favre, 1883-1887. Tome 1
  14. La plupart de celles-ci sont évidemment anachroniques si on postule les prémisses d'une refondation drastique et pratique de cet art antique à l'époque de Geber.
  15. La chaux, obtenue par le chaufournier en calcinant de manière contrôlée la roche calcaire, est peu soluble dans l'eau. Ce qui explique la notion de terre alcaline. Cette chaux vive CaO incluait souvent à la place de calcium du Mg plus léger, mais aussi du Sr et du Ba plus lourds, elle donnait alors en partie différents oxydes MgO, SrO, BaO et en milieu aqueux, les hydroxydes correspondants nettement moins forts que les alcalins caustiques.
  16. Ce qui n'empêche nullement les alchimistes européens de la Renaissance de le cataloguer comme un principe sel ou mieux un "sel volatil". Ce principe se retrouve dans l'ancienne pharmacopée portative, avec les sels que l'on fait respirer aux personnes sensibles, évanouies ou proches de la pâmoison
  17. La solubilité de NH3 dans l'eau diminue avec la température : 520 g/l à 20 °C, 310 g/l à 40 °C à pression ambiante. Ce qui explique un relargage de 210 g/l de NH3 pour une élévation de la température du mélange de 20 °C à 40 °C. À l'époque médiéval où s'opère ce constat, l'état gazeux ammoniac n'est pas pris en cause par méconnaissance, de même que les phénomènes d'agitations thermiques : les premières esquisses de bilans de matière avec gaz date de la fin du XVIe siècle avec Van Helmont et surtout du XVIIe siècle : ce sont les premiers chimistes qui ont développé la chimie pneumatique, qualifiée autrefois communément dite chimie des airs. Il faudra attendre Svante Arrhenius pour commencer à comprendre ce qu'est la solubilisation, par exemple du gaz ammoniac ou d'un sel, dans un solvant même si la description un peu magique de soluté et de solution était acceptée.
  18. de manière plus unanime à la fin du XVIIIe siècle
  19. Ce test de flamme s'explique, après le premier essor de la spectrométrie, initiée par Joseph von Fraunhofer dès 1814 et continuée par une Optik-chemie allemande ou une optical chemistry anglaise, décrivant avec précision croissante les raies des spectres d'émissions, par l'activation caractéristique d'un élément métal. La couleur jaune intense marquait déjà une évidence de parenté de la soude avec le sel NaCl.
  20. Le correspondant uniquement végétal en latin médiéval est sodanum, qualifié d'herba vitrearia sylvestris , en raison de sa collecte par les verriers des bois. Il est possible que la recherche d'un mot plus approprié à la matière raffinée, en accord avec l'appellation des chimistes (vox chimicorum) ait motivé l'adoption d'un mot arabo-berbère ou peut-être déjà espagnol ou catalan, en tous cas emprunté à l'arabe. Notons que soude, soda, sodanum proviennent d'une lointaine adoption de l'arabe classique suwwād, la plante nommée soude qui servait à préparer la soude. Le mot égyptien équivalent est natron, il est à l'origine de la dénomination, par l'appellation allemande das Natrium des différents types de carbonates de sodium naturels, de l'élément chimique sodium ou Natrium, symbolisé par Na.
  21. Plus tard, il admet un sens réflexif, s'alcaliser
  22. Plus tard, à la fin du XIXe siècle, on peut écrire que tous corps contenant de l'azote peuvent devenir alcalescent.
  23. Ces savant ignorent le rôle des bactéries et des êtres microscopiques en général.
  24. Humphry Davy procède en 1807 par électrolyse avec des bains de soude et de potasse fondue. L'élément sodium prend la dénomination natrium, de la soude ou natron égyptien. Sir Humphrey agit de même avec les terres alcalis et dévoile l'état métallique des éléments Ca, Sr, Ba.
  25. Jacques Angenault, La chimie, dictionnaire encyclopédique : 2e éd., Dunod, , 536 p. (ISBN 978-2-10-002497-1)
  26. À la fin du XXe siècle, les alcalamides constituent une grande classe de dérivés constitué à partir d'alcalis et d'acide. Un des premiers reconnus par Gebhardt en 1846 est l'acétanilide. Dictionnaire de Marcelin Berthelot. Il y aura plus tard les alcalino-organiques.
  27. Les alcalis sont d'un emploi séculaire en savonnerie : la saponification est définie comme une réaction d'hydrolyse alcaline des corps gras.
  28. Est alcalifiant se qui provoque une manifestation alcaline. Le principe alcalifiant est ce qui fait naître une manifestation alcaline. Un corps alcalifiant a en conséquence la propriété d'alcaliniser ou alcaliser une solution, un milieu... L'alcalinité correspond soit à l'état alcalin d'un corps, soit à une propriété alcaline précisée.
  29. Cet alcalimètre permet d'analyser la compositions de tous corps carbonatés.
  30. Les adjectifs alcalinisant ou alcalisant ne dateraient, selon le Grand dictionnaire Robert, que des années vingt, alors que les substantifs alcalisation et alcalinisation sont attestés en 1891.
  31. La chimie de A à Z, 1200 définitions, Andrew Hunt, Dunod, 2006
  32. Characteristics of Alkali. (de L.H.M. Chung Integrated Chemistry Today p. 363–365)
  33. Acids, Bases and Salts. KryssTal.
  34. a et b http://www.tiscali.co.uk/reference/encyclopaedia/hutchinson/m0029936.html
  35. Il s'agit d'une soude déca-hydratée. La soude anhydre est hygroscopique.
  36. Il s'agit du nom populaire. Il est parfois dénommé le sel Vichy, sous forme hydratée. Lorsque les eaux chaudes, par exemple celle de l'antique Aquis Calidis à Vichy, se refroidissent, le bicarbonate de sodium se dépose facilement, sa solubilité à 20°C et à pression ambiante n'est que 9,61 g/100 g d'eau.
  37. Les roches magmatiques saturées répondent au critère générique Na20 + K2O> Al2O3. Les éléments alcalins sont présents dans les feldspaths alcalins ou les micas, mais peuvent être en net excédent dans les amphiboles (cas des riebeckites) et les pyroxènes (cas de l'aegyrine)Les roches magmatiques sous-saturées obéissent à l'inégalité Na20 + K2O> SiO2. Les éléments alcalins sont présents dans la leucite et la néphéline, lorsque l'alumine Al2O3 est en quantité suffisante. Il existe toutefois des roches différentes, non conformes : les granites, roches saturées, peuvent contenir 10 à 15% d'équivalent Na20 + K2O. Les basaltes, roches sous-saturées, peuvent en contenir 5 %.
  38. Il ne faut pas oublier que les alcalis ou bases fortes sont des poisons violents. Pour enrayer un empoisonnement par alcali, la médecine de l'entre-deux-guerre préconisait la prise d'eaux acidulées. Dans l'organisme, la régulation du pH s'opère par des couplages acido-basiques très perfectionnées qui fixent un pH généralement déterminé précisément entre 7,35 et 7,45 et le maintiennent par des effets d'interaction dit de systèmes tampons. Toute injection d'acide ou d'alcali relativement fort a d'abord une action locale désastreuse, avant sa dilution progressive.
  39. Le mot alcalose est attesté dans la langue commune vers 1926.
  40. La réserve alcaline du sang, dans ce premier type, serait sensible à l'élimination excessive du gaz dioxyde de carbone. Par exemple, lors d'une hyperpnée, lorsque l'amplitude et et le rythme des mouvements respiratoires s'accroissent. L'alcalose digestive proviendrait de la dissociation mal contrôlée (excessive ou trop rapide) du chlorure de sodium sanguin, nécessaire à la formation dans le suc digestif d'acide chlorhydrique HCl, mais induisant via une teneur excessive en dioxyde de carbone, une réserve alcaline croissante en bicarbonate de sodium. L'alcalose fixe est caractérisée par un excès assez stable de bicarbonates dans le sang. Il peut être causé par des pertes par vomissement à excès acides ou, accidentellement, par une ingestion massive de bicarbonates.
  41. Comme le rappelait le regretté biologiste François Jacob, il existait une croyance générale en un démarquage spécifique des molécules du vivant selon les espèces biologiques, induisant une thérapeutique ou médecine spécifique. Les constituants biochimiques du corps d'une espèce animale étaient conçus de manière différente par un principe de singularité spécifique.
  42. Il faut une succession maîtrisée de voie chaude et sèche (combustion), de voie humide puis de voie(s) sèche(s).

Bibliographie

  • A.-Mathieu Villon et Pierre Guichard, Dictionnaire de chimie industrielle : contenant les applications de la chimie à l'industrie, à la métallurgie, à l'agriculture, à la pharmacie, à la pyrotechnie et aux arts et métiers, Paris, Librairie scientifique et industrielle (Bernard Tignol puis Henri Nolo), (réimpr. 1902), non paginées en trois tomes (lire en ligne)
  • MM. Berthelot, Hartwig Derenbourg, F.-Camille Dreyfus (dir.), La Grande encyclopédie : inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts par une société de savants et de gens de lettres. Société anonyme de La Grande encyclopédie, Thermopyle-Zyrmi, Paris, 1885-1902.
  • F. Billon, "Soudes et potasses", Petite encyclopédie de chimie industrielle pratique n°3, E. Bernard et Cie imprimeurs-éditeurs, Paris, 1898, 160 pages.