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Liste des chansons de Charles Trenet
En octobre 1937, le gagnant du « Music Hall des jeunes », jeu patronné par Levitan sur Radio-Cité, fut Charles Trénet avec Y’a d’la joie.
Exposition Le fou chantant, Trenet de Narbonne à Paris (Jacques Pessis, 2013)
[modifier | modifier le code]1913 - 1930 / Narbonne mon amie
[modifier | modifier le code]La maison de Narbonne / la famille maternelle ; le divorce / le pensionnat, Perpignan / le père ; le rapport à l’enfance, Berlin, son amitié avec Albert Bausil, la mer/la mère
Charles Trenet voit le jour le 18 mai 1913 à Narbonne, dans une grande maison familiale au pied d’une voie ferrée. Ce petit monde de sons, d’objets animés et de personnages transfigurés par le rêve tout au long d’une vie en chansons, est le lieu d’ancrage de la petite enfance bienheureuse jusqu’au divorce de son père, Lucien Trenet, notaire à Perpignan et de sa mère, Marie Louise Caussat.
Charles, alors âgé de sept ans et Antoine, son frère aîné, sont pendant deux ans, pensionnaires au collège de la Trinité à Béziers tandis que leur mère part vivre à Berlin. Période d’enfermement et de rupture, qui s’assimile pour Charles à celle du paradis perdu, détermine son désir de ne jamais laisser s’évanouir l’état d’enfance, aux sources duquel il puisera toujours l’imaginaire de ses chansons, nourries de réminiscences savoureuses, de ses bonheurs et de ses blessures.
De retour auprès de son père à Perpignan où il poursuit ses études, Charles fait la rencontre décisive d’Albert Bausil, poète érudit et directeur du Coq Catalan, journal satirique local, qui lui ouvre le chemin de l’écriture et l’initie à la littérature. Lors d’un séjour à Berlin avec sa mère, remariée à Benno Vigny, célèbre scénariste du cinéma muet, Charles assiste à la naissance des premiers films parlants et goûte l’effervescence culturelle du moment. Bausil voit l’éclosion des talents de son disciple de Perpignan : « Il explose. Il hurle de vie, il éblouit ». Charles à 17 ans part pour Paris, où il est inscrit aux Beaux-arts pour y suivre des cours d’architecture - du moins en théorie.
1930 - 1939 / Les bruits de Paris
[modifier | modifier le code]Le contexte littéraire et artistique exceptionnel, le monde de la chanson/le musci-hall et le jazz, ses rencontres avec les artistes (Cocteau, Max Jacob...) / Johnny hess / le cinéma / la création du personnage du « Fou chantant »
En 1930, Paris, capitale du Music-hall et des avant-gardes, révèle à Charles Trenet la frénésie d’un univers artistique nouveau. Assistant de cinéma aux studios Pathé de Joinville le jour et correspondant du Coq catalan, il s’enivre la nuit de la magie noire du jazz et de la gaité mélancolique du blues dans les cabarets. À Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés, il côtoie les peintres et les écrivains comme Picasso, Dalí, Fernand léger, Vlaminck, henry Miller, Joyce, Beckett, Antonin Artaud. Max Jacob stimule son goût du surréalisme et de l’humour et Jean Cocteau prophétise l’avenir du jeune virtuose « que la poésie tourmentait ». Avec un jeune pianiste suisse, Johnny hess, Charles crée le duo « Charles et Johnny » qui se produit et enregistre des disques de 1932 à 1936. En 1937, Maurice Chevalier crée Y’a d’la joie !, premier triomphe d’une chanson de Trenet.
Le 25 mars 1938, sur la scène de l'ABC, un chapeau en feutre sur le crâne et l’oeillet à la boutonnière, il impose pour la première fois le mariage des rythmes du swing et la grâce poétique d’un univers fantaisiste et mélancolique qui fait « descendre la poésie dans la rue », selon le mot de Cocteau. Une révolution dans le monde de la chanson. Avec Je chante, véritable manifeste entonné par une France populaire éprise de jeunesse et de liberté nouvelle, s’envole la carrière de ce phénomène d’exubérance qui prend le masque du « Fou chantant ».
1939-1945 / « Boum »
[modifier | modifier le code]Le théâtre des armées, la mobilisation / la guerre / l’occupation / le cinéma (la romance de Paris, la route enchantée), Verlaine réinterprété, avant le départ aux U.S.A.
En 1939, Charles Trenet, à présent gloire nationale, obtient son premier Grand Prix du Disque avec Boum, chanson folle alors que l’insouciance se brise dans le fracas de guerre déclarée. Mobilisé, le caporal Trenet obtient de supérieurs l’autorisation d’organiser des spectacles sur le front baptisés par le poète « Le théâtre des ailes », pour remonter le moral des soldats et remporte un franc succès. Le 31 juillet 1940, le quotidien Paris-Soir annonce qu’il serait mort dans un accident d’avion. Trenet dément et reparaît, tourne des films dont il écrit les chansons et choisit de remonter sur scène en zone libre, en Suisse, puis en Belgique, mais refuse de chanter devant des uniformes allemands. En 1941, Il n’échappe pas à la calomnie. Un dénonciateur anonyme affirme à la Gestapo que Charles Trenet est juif et que son nom est un anagramme de Netter. Un rédacteur de Je suis partout assure qu’il est l’un des agents les plus actifs de la judaïsation du goût français. Pour démontrer le contraire, Trenet doit avec l’aide de sa mère, reconstituer l'arbre généalogique familial sur quatre générations. Lorsqu’en 1943, des inspecteurs de la Gestapo l’obligent, arme au poing, à monter dans un train pour Berlin pour une tournée de représentations devant les prisonniers français, il rend la vie impossible aux nazis et deux spectacles sont annulés. En août 1945, le comité d'épuration des artistes où Charles s’est présenté le blanchit.
« Cette guerre, dira t-il, a brisé ma jeunesse comme celle de mes contemporains. Nous avons subi les événements et survécu en nous évadant par la pensée, en espérant en l'avenir ».
1946-1950 / Grand maman, c’est New York
[modifier | modifier le code]Tournée aux USA, la mer, succès international / le crooner français à New York / la vie mondaine à hollywood
En 1945, Charles Trenet se lance à la conquête des États-Unis, horizon de rêve de la jeunesse. L’une de ses chansons, Vous qui passez sans me voir, enregistrée par Jean Sablon, est déjà devenue un succès à Broadway, où son sens du rythme surprend les Américains, qui voient les Français en danseurs de polka. Il se produit, en français et en anglais dans des cabarets et des théâtres. Pliant sa cadence à la discipline du rythme calibré, il entreprend sa métamorphose en crooner. C’est la consécration. Jusqu’en 1951, une succession de triomphes dans toutes les grandes villes, de New York à Los Angeles, en passant par Chicago. Ses deux plus grands succès sont ses chansons lyriques nostalgiques la mer, qui devient Beyond the sea et Que reste-t-il de nos amours?, rebaptisée i wish your love ou l’âme des poètes, écrite un soir dans une chambre d’hôtel, sa « chanson testament ».
Charlie Chaplin, Mary Pickford, Laurel et hardy, Joan Crawford, Marlene Dietrich, Duke Ellington : les stars se pressent pour l’applaudir. Il refuse un contrat de cinéma de sept ans et voit l’envers du décor du mythe américain. hollywood ressemble, selon lui, à « un cimetière pour chiens ». Désormais sa trajectoire triomphale se poursuit en Amérique du Sud, et au Canada, terre d’asile si proche par la langue. Nostalgique de sa douce france, il traverse régulièrement l’Atlantique pour revoir Paris.
1951-1979 Retour à Paris
[modifier | modifier le code]Le retour / les récitals ; les artistes de Saint-Germain-des-Prés ; Moi J’aime le music hall / le nouveau Trenet (récital 1958); les tournées à l’étranger ; les adieux à l’olympia (1975) / faire de la vie une oeuvre d’art (la mère, les maisons, la peinture, l’écriture)
En 1951, au Théâtre de l’Étoile, Charles Trenet innove encore en devenant le premier artiste à imposer, en France, la formule d’un récital de 2h30, interrompu par un entracte de quinze minutes. Auréolé de son succès international, il reconquiert son public dans le Paris des temps modernes, dont le centre névralgique est devenu Saint-Germain-des Prés. Il construit un nouveau répertoire et renaît avec des perles d’humour et de fantaisie surréaliste, tandis que le monde de la chanson se recompose en profondeur. Georges Brassens, Jacques Brel, Yves Montand, Léo Ferré, Charles Aznavour, en pleine ascension, se réclament de lui. Pendant la période yé-yé, aux textes insipides et mélodies simplistes, il s’éclipse et multiplie les tournées à l’étranger.
À Tokyo, la mer devient l'indicatif de Radio-Tokyo. Mes jeunes années et De la fenêtre d'en haut sont respectivement les génériques des stations radio d'Hiroshima et de Nagasaki.
En 1966, à Bobino, il éblouit le public reconquis par sa lumière et sa connivence heureuse. En 1975, La mer devient « la chanson du siècle ». Cette année-là, à l’Olympia, il annonce ses adieux à la scène qui se poursuivent pendant trois ans, avant de se retirer pour cultiver son jardin secret, après la mort de sa mère en décembre 1979.
1983-2001 L’âme des poètes
[modifier | modifier le code]Le retour sur scène ; interprétation de son répertoire par des artistes d’aujourd’hui (Higelin, Carte de séjour...) / ses 80 ans à l’opéra Bastille / l’âme des poètes
Charles Trenet incarne plus que jamais sa légende, recevant une longue série d’hommages officiels et de distinctions. En mars 1981, il accepte d’être présent à une soirée en son honneur, orchestrée par Jean-Louis Barrault, à Paris, au Théâtre du Rond-Point. Yves Duteil, Alice Dona, Jacques Higelin et quelques autres reprennent son répertoire. Il enregistre de nouvelles chansons nostalgiques, mais reprend celles qui auront incarné toutes les aspirations, faisant de lui un « grand mémorialiste du XXe siècle », selon le mot de Boris Vian. Le 26 septembre 1987, à l’occasion de son Jubilé, au Théâtre des Champs-Elysées, il accepte de remonter sur scène pour un soir, mais l’accueil enthousiaste d’une nouvelle génération l’incite à reprendre sa « route enchantée ».
Il triomphe au Théâtre du Châtelet, au Palais des Congrès, il est canonisé par la République lors de l’anniversaire de ses 80 ans à l’opéra Bastille en 1993, et à nouveau en tournée au Canada, en Angleterre, aux États-unienne, en Amérique du Sud, ses ultimes concerts.
Dans la nuit du 18 au 19 février 2001, il rejoint des étoiles qu’il avait si souvent chantées en poésie et en lumière, avec comme philosophie : « quand on a rêvé sa vie, il faut vivre son rêve ». Charles Trenet avait dit « je ne pense pas que je partirai sur la pointe des pieds, je m’envolerai ».
Biographie de RFI
[modifier | modifier le code]http://www.rfimusique.com/artiste/chanson/charles-trenet/biographie
L'enfance
[modifier | modifier le code]Louis-Charles-Augustin-Claude Trenet est né à Narbonne, le 18 mai 1913. Son père Lucien est un notaire respecté, et aussi un mélomane averti. Il est mobilisé en 1915 et ne revient que quatre ans plus tard. . La jeune Marie-Louise, avec qui il s'était marié lui donne deux fils : Antoine, trois ans avant Charles.
Charles à 7 ans quand sa mère quitte la famille.Dans le genre, c'est peut-être elle qui lui a transmis le gène de la flânerie buissonnière: entre deux inventaires après décès, son mari a eu beau lui donner des concerts de violon et lui offrir sa poésie du dimanche, madame a fait sa valise. Elle a plaqué son petit monde pour suivre un dandy épatant: Benno Vigny, cet amant de Marlene Dietrich à qui l'on doit quand même, entre deux nanars, le scénario du Morocco de Josef von Sternberg, avec Gary Cooper et son képi blanc.Son père qui à la garde de ses deux fils les envoie à l'internat à Béziers. Mais bientôt, Charles est atteint par une fièvre typhoïde quelques mois après son entrée au collège qui l'oblige à retourner à la maison. Sa convalescence lui permet de développer sa sensibilité artistique : modelage, musique, peinture. Guéri, il retourne à l'école.
En 1922, la famille s'installe à Perpignan. Charles est externe au collège où il se montre rebelle aux mathématiques.Mais l'adolescent se réveille et il est renvoyé en 1928 du lycée de Perpignan pour injures au surveillant général.
A Perpignan, où il a grandi, Charles a été nourri de cette poésie instinctive, qui va de pair avec des calembours pitoyables, auprès d'un chef de gang nommé Albert Bausil: son journal, Le Coq catalan, publie Jean Cocteau, Max Jacob, Gaston Bonheur et tous les parrains futurs de Trenet. A Perpignan, c'est le seul refuge de ceux qui étouffent. Le petit Charles en est. C'est là qu'il fait ses gammes. A 13 ans, il apparaît sur la scène du Nouveau Théâtre, en slip léopard, avec des grappes de raisin dans les cheveux. C'est un bon début. Sa famille, déjà, a décidé qu'il serait architecte. Son père, lui, rêve qu'il lui succédera dans sa charge de notaire. Pour se faire une idée, quand Charles se lancera dans la chanson sous le coq légendaire de Pathé-Marconi, l'âme du Coq catalan créera un Comité pour la mise à mort de Tino Rossi: "Je demande, dit-il, la suppression des cordes vocales et des disques de Tino Rossi.
L'adolescence
[modifier | modifier le code]A l'âge de 15 ans, il part à Berlin rejoindre sa mère et son amant, le scénariste et réalisateur de cinéma Benno Vigny pour six mois. C'est lui qui lui fera découvrir le Jazz et, surtout, celui qui restera son totem vivant: Gershwin.Dix mois durant, il y fréquente une école d'art, y rencontre les célébrités de la capitale allemande, de Fritz Lang à Kurt Weill, écoute Fats Waller. C'est pour lui une période de découvertes tous azimuts, dont il gardera une empreinte définitive. En 1930, sur la promesse donnée à son père d'entrer à l'Ecole des Arts Décoratifs, Charles Trenet monte à Paris, et se fait engagé comme assistant metteur en scène et accessoiriste aux studios de Joinville par Jacques de Baroncelli .Trenet est pris dans un tourbillon dont il ne sortira plus avant longtemps.Il rencontre Antonin Artaud, alors acteur d'Abel Gance, qui lui livre les clefs de son étrange univers. Trenet, dont le Mercure de France, alors dirigé par Paul Léautaud, publie les premiers poèmes, a des soucis littéraires. Il voudrait faire éditer ses premières œuvres, deux romans, Dodo Manières (éd. Albin Michel, 1940) et La Bonne Planète (éd. Brunier, 1949), plus une fantaisie historique, Les Rois fainéants.Max Jacob gravite au centre d'un univers poétique où Léon-Paul Fargue, Philippe Soupault, Jean Cocteau déconcertent l'esprit de sérieux, la culture élitiste et la grammaire stricte. En joyeuses équipées, les poètes vont au spectacle : ils y applaudissent Georgius, Maurice Chevalier, Mistinguett, Marie Dubas, Damia.
En 1932, Benno Vigny revient à Paris avec Marie-Louise, pour y tourner Bariole(en coréalisation avec Max Reichman). Le film, à vocation musicale, réclame quatre chansons. Charles, auteur en herbe (il commence à écrire des poèmes, des articles de journaux et des romans-feuilletons sous le pseudonyme de Jacques Brévin.). En janvier 1933, à vingt ans, il passe l'examen d'auteur à la Société des auteurs-compositeur éditeurs de musique (Sacem).
Charles et Johnny
[modifier | modifier le code]En 1932, dans un club de jazz, il fait la connaissance d'un jeune pianiste, Johnny Hess. C'est ainsi que naît le duo "Charles et Johnny". Ils font leurs premières armes en écrivant des messages publicitaires pour la radio (Radio Cité à Paris). Les célèbres couplets de "Quand les beaux jours seront là" et "Sur le Yang Tsé Kiang" sortent pour le compte des Disques Pathé. Les duettistes allient chanson française et mélodie moderne. C'est la naissance du style "fleur bleue" qui est assez caractéristique des années 30. Il s'agit en fait de l'adaptation française du style dynamique et jeune des comédies américaines. La mode est aux duos, au swing naissant. Jean Tranchant, dont les compositions évoquent "des joies simples au cœur d'une nature familière", Mireille et Jean Nohain insufflent une nouvelle vigueur aux variétés. Gilles et Julien (Jean Villard et Aman Maistre) créent un style, satirique, engagé. Pills et Talbet (Couchés dans le foin...) font un tabac. Charles écrit, Johnny compose. On retrouve aussi l'ami Bausil, auteur des paroles de Sur le Yang Tsé-kiang, chanson extravagante, destinée à devenir le point fort du spectacle que les deux compères, réunis en duo, Charles et Johnny, s'apprêtent à monter. En attendant la gloire, ils élaborent des messages publicitaires pour Radio-Cité. "Pas de santé sans le thé des familles. Non, pas de santé sans ce thé", etc.
Les voilà bientôt engagés au Palace par Henri Varna, qui dirige également le Casino de Paris. Non pas que cette figure du spectacle parisien ait cru une seconde à leur talent. Mais la chance leur avait souri. Au moment où l'audition tournait au fiasco, Mistinguett est passée dans la salle : " Engagez-les, Henri, ils sont si mignons... "Les débuts du duo au Palace sont catastrophiques. Ils chantent (blazer rouge vif, pantalon blanc), les spectateurs parlent haut, dînent, se lèvent. Trenet claque la porte. On admire sa force de caractère, mais on déplore son dangereux coup de tête.
Il n'en a cure. Le duo, en rodage, se refait une santé au Fiacre. Un cadre au goût des duettistes, où ils se produisent juste avant Fréhel, pour qui Charles écrit Le Fils de la femme-poisson. Engagés pour une semaine, ils y resteront plusieurs mois. Car il y a quelque chose de pétillant, de drôle, une énergie neuve chez ces deux individus joueurs et romantiques à la fois, qui s'appuient sur les chansons d'hier, réalistes et sentimentales, et construisent une nouvelle vision du monde en les parodiant. Charles et Johnny signent un contrat avec la firme Pathé et enregistrent seize titres - java chinoise, fox-trot, ronde, slow-fox... - au cours de l'année 1934. Du duo, Jean Sablon, vedette adulée des années 1930, crée Rendez-vous sous la pluie(avec Django Reinhardt), mais surtout Vous qui passez sans me voir. Succès foudroyant. Les salles s'ouvrent : le Lido, Bobino, les Deux-Anes. Les tournées s'enchaînent à travers la France...
Trenet commence à asseoir sa réputation d'auteur. Il fait alors la connaissance de Mireille, de l'éditeur musical Raoul Breton et de sa femme, dite " la Marquise ", qui l'aideront et l'influenceront tout au long de sa carrière. A la fin de 1936, Ray Ventura et ses Collégiens font danser la France sur Madame la Marquise, Ça vaut mieux que d'attraper la scarlatine (de Paul Misraki).Maurice Chevalier tombe des nues. Trois ans plus tôt, il est allé voir, au Fiacre, les duettistes Johnny (Hess) et Charles (Trenet) dans leur numéro musical de zazous avant la lettre. Son jugement est sans appel: deux fumistes. C'est un peu raide, quoique assez juste. Il n'empêche. Avant de se déchirer, les deux zigotos livreront à Jean Sablon une chanson torchée en cinq minutes, sur un coin de nappe en papier: le sobre chef-d'oeuvre qu'est Vous qui passez sans me voir. On ne le sait pas encore, mais ce sera le deuxième étage de la fusée Trenet: ses romances nostalgiques, à vocation universelle 1936, Trente met fin au duo Charles et Johnny pour cause de service militaire.
Le fou chantant
[modifier | modifier le code]En octobre, il rejoint la caserne d'Istres. Très vite, il s'ennuie de Paris. Pour tuer le temps, il écrit "Y'a d'la joie" que bientôt le célèbre Maurice Chevalier crée sur la scène du Casino de Paris, à cette époque, on peut aussi le voir au cinéma dans deux films où il tient le premier rôle, "La route enchantée" et "Je chante". Il en signe les chansons. Dans la foulée, Yves Montand, qui débute à Marseille, intègre "C'est la vie qui va" à son répertoire.Son coup d'envoi date du 25 mars 1938, à l'ABC, et ce sera un coup de tonnerre. Il a 24 ans. Pour la première fois, il est seul sur une scène mythique. Jusqu'à son entrée, les complaintes de fille mère, les roucoulades carabinées et les chansons de pétomane font la loi sur le répertoire. Ce soir-là, le petit Charles passe en première partie de la grande Lys Gauty. Il a "droit" à trois chansons. Il attaque alors Je chante, et ses mains, ses pieds, ses yeux partent dans tous les sens. Dans la salle, à la seconde même, c'est plus que du délire. Cette fraîcheur, cette modernité, ce tonus... Derrière, il leur envoie Fleur bleue, Boum, La Polka du roi, Tout est au duc, J'ai ta main et Y a d'la joie. Le rythme. L'écriture. La voix. Et plus rien ne sera jamais comme avant. Le chanteur s'est inventé une image en forme de bulles de champagne : chapeau rond rabatu en arrière comme une auréole ("pour casser un visage trop rond"), œillet rouge à la boutonnière, complet-veston et sourire éclatant - le modèle en serait un Mercure, portant casque relevé et petites ailes aux pieds, qui ornait la façade de l'hôtel de Noailles sur la Canebière, où Charles se promenait.
Tassé dans un fauteuil, il n'y en a qu'un qui tire la gueule. Maurice Chevalier. La star absolue. Il vient de comprendre. Quoi donc? Cette langue française, si simple, si belle, swingue à merveille sur des syncopes harmoniques. Ce mélodiste est génial. La tessiture du petit morveux est un battement de cœur. Bref, c'est un objet chantant non identifié, qui vient d'apparaître dans la Voie lactée du music-hall. A compter de ces heures, l'immense Momo comprend qu'il va devoir partager.. Pour l'éternité, Maurice Chevalier n'en restera pas moins celui qui a créé Y a d'la joie, que l'aspirant "Fou chantant" a composée en 1936, en balayant la cour de sa caserne. A la base, le Momo n'était pas très chaud pour l'essayer - c'est Mistinguett qui lui a mis le revolver sur la tempe. Mais il suffit d'un peu d'imagination pour se mettre à sa place: qu'est-ce que c'est que ce truc où un métro "court vers le bois à toute vapeur", où "la tour Eiffel part en balade" et "saute la Seine à pieds joints"...
La guerre
[modifier | modifier le code]En juin 1940, il obtient d'être démobilisé, sous un prétexte qui confine à la moquerie : " Agriculteur, doit aller planter ses pommes de terre dans sa propriété de Juan-les-Pins". Voici ce que Paris-Soir écrivait en juillet 1940, en le "tuant" dans un accident d'avion: "Il arrivait en scène, ainsi qu'à une fête, le chapeau en arrière, le visage barbouillé de sourire comme de confiture, et aussitôt, la salle était comme illuminée: y avait de la joie... Ce garçon, qui jouait avec son talent comme avec une toupie, nous a quittés un peu trop tôt." La guerre,ne sera pas une période claire pour le fou chantant. Autant évoquer d'entrée La Marche des jeunes - " Ladite Marche va se retrouver sur la face B d'un Maréchal, nous voilà! d'Henry Jossy, et devenir une chanson de scouts à l'usage des Jeunesses de Pétain.
Mais au-delà d'une future polémique, il chante Espoir, de Jacqueline Batell. Il chante Le Temps des cerises, de Jean-Baptiste Clément. Et puis les siennes. Si tu vas à Paris, que Vichy interdira en 1942. Il chante aussi, et même surtout, une certaine Douce France, que l'on reprend dans les maquis. Toutes ses chansons sont des hymnes à la liberté, et, en prime, c'est jazzy. Les cerveaux de Je suis partout et du Réveil du peuple ne sont pas dupes: Trenet ne sera pas qu'un "sale juif"; ce sera un "sale nègre". Ce "clown judéo-américain" a les honneurs de Lucien Rebatet. Et d'autres. Quand l'artiste met en musique - et de quelle façon! - les sanglots longs de Verlaine, Jean Boissel en appellera au cassage de tête: "Il existe une loi qui interdit de verser des ordures le long des murs..."
Selon la presse collaborationniste, Trenet ne serait que l'anagramme de Netter. Il est sommé de faire la preuve, sur quatre générations, de sa non-judaïté. Il s'exécute, démarche qui lui sera plus tard lourdement reprochée, ainsi que sa décision de continuer les spectacles (notamment sa participation à la revue Quartier latin aux Folies-Bergère) pendant les années d'Occupation, ou encore celle d'accepter, comme Piaf et Chevalier, de partir en Allemagne en 1943 à la demande des autorités du Reich pour soutenir le moral des prisonniers français et des travailleurs du STO. Au Winter Garten de Berlin, Piaf entonne De 'l'autre côté de la nuit", Trenet Douce France.
C'est la guerre. Django Reinhardt, que l'on retrouve sur certains enregistrements du " fou chantant ", fait passer le virus Nuages dans les mœurs. Trenet compose La Mer en 1943, dans le train qui l'emmène à Perpignan, en compagnie de Roland Gerbaud et du pianiste Léo Chauliac, son accompagnateur. Une chanson que l'on trouve alors trop "solennelle et rococo" et qu'il range au placard, pour ne la sortir qu'en 1946, sur l'insistance de Raoul Breton. Puis c'est la Libération. Trenet, qui raconte qu'il a été blessé par des membres de la Gestapo venus l'interroger dans sa villa de La Varenne, fait sa rentrée en boitant sur la scène de l'ABC.
Les années 1950
[modifier | modifier le code]Au début de la Deuxième Guerre mondiale, Charles Trenet, devenu gloire nationale, est chargé d'organiser des spectacles au profit de l'armée de l'air. Plus que jamais le music-hall fait oublier le drame de la guerre. De retour au cinéma, il compose les chansons de la "Romance de Paris" de Pierre Caron dont le thème musical obtient un franc succès. Après la fin de la guerre, Charles Trenet part à la conquête des Etats Unis.En 1945, le Français catalan part à New York, après un triomphe au Bagdad, à Paris (Yves Montand est en première partie). Des cabarets " dîner- spectacle " à Broadway, l'ascension américaine est rapide. Il compose une " symphonie ", Un Parisien à New York, dans un style peu habituel.
Le voici dans un univers qui lui est relativement familier, celui de George Gershwin, de Duke Ellington, de Louis Armstrong, le premier musicien qu'il rencontrera là-bas, ou de Chaplin, avec qui il se lie d'amitié. Charles Trenet aime l'Amérique : " On y a toujours l'impression de ne pas perdre son temps, même quand on flâne. "Il achète un appartement à New York, filme inlassablement en amateur passionné les enseignes de Broadway.
Il sillonne le pays jusqu'en Californie, passe par les fourches Caudines du FBI, défenseur du puritanisme ambiant, se prend d'amour pour Hollywood, mais renonce à y travailler après quelques tentatives de collaboration avortées. Après deux ans d'illuminations, ce sera l'Amérique du Sud, Rio de Janeiro.
Il devient rapidement célèbre à Broadway. Il est l'ami de Chaplin, Mary Pickford ou Laurel et Hardy. Pendant six ans, il va voyager à travers l'Amérique, le Canada, le Mexique et même le Pérou.
"La Mer", chanson composée avec Léo Chauliac en 1938, enregistrée par Trenet en 46, devient "Beyond the sea" sous la plume de Jack Lawrence. Elle sera reprise par un grand nombre d'interprètes anglo-saxons.
Le 14 septembre 1951, Charles retrouve Paris en effectuant sa rentrée au Théâtre de l'Etoile. A son programme, dix nouvelles chansons parmi lesquelles "De la fenêtre d'en haut" et "la Folle complainte". En 1954, il se produit à l'Olympia pour la première fois. L'année d'après, il compose "Route nationale 7", hymne aux congés payés, "la Java du diable", conte extraordinaire et "Moi j'aime le music-hall". Il retourne également sur la scène de l'Olympia avec son compère Francis Blanche en première partie.
En 1958, le voici à l'affiche de Bobino et de l'Alhambra, et 1960, de nouveau au Théâtre de l'Etoile. Pour la première fois, il apparaît sur scène sans son célèbre chapeau mou qu'il arborait jusque-là.
Les années 1960
[modifier | modifier le code]Durant les années 60, Charles Trenet ne se produit plus que très rarement.Au début des années 60, le rock et bientôt la vague yéyé submergent la France. Trenet continue de tourner dans l'Hexagone et à travers le monde. Puis il prend une semi-retraite consacrée à la peinture dans sa propriété de La Varenne. Il publie un roman, "Un noir éblouissant", chez Grasset. Trenet entame une période noire, émaillée d'anecdotes désagréables, où il révèle, sous les apparences sympathiques et désormais célèbres du " fou chantant ", un caractère plus aigri. Il y a des procès pour plagiat qu'il intente (réglés à l'amiable, l'un contre Claude François, un autre contre Charlie Chaplin), les accusations troubles (la majorité légale des jeunes gens en France est fixée à vingt et un ans) .Il aimait les garçons, en faisait état mais pas étalage. Il fut, le 13 juillet 1963, pourchassé pour des motifs datant d'autres temps et d'autres moeurs. Aujourd'hui, l'accusation fait sourire. A la suite d'une plainte évidemment anonyme, le chanteur, qui séjournait alors dans sa propriété méditerranéenne du Domaine des esprits, cachée dans les oliveraies proches d'Aix-en-Provence, avait été appréhendé en compagnie de quatre jeunes gens et inculpé d'outrages à la pudeur et attentat aux moeurs. Il avait été placé sous mandat de dépôt et écroué à la maison d'arrêt d'Aix en même temps que son ex-cuisinier, chauffeur et secrétaire qui l'accusait de l'avoir obligé à recruter des garçons pour des parties. Retenu en prison pendant un mois avant d'être relâché, Charles Trenet était ensuite, quelques mois plus tard, passé en jugement et avait été condamné à un an de détention et 10 000 francs d'amende mais avait bénéficié du sursis. Pendant son séjour carcéral, le Fou chantant avait composé une prière pour les prisonniers et une chanson pour le gardien-chef. Il avait aussi fait appel du jugement en niant farouchement ce qui resta toujours au niveau des rumeurs. A celui qui avait comparé, non sans raison, son cas à celui de Verlaine, les Aixois, venant, sous les fenêtres de sa cellule, chanter quelques-uns de ses airs les plus célèbres et aussi multiplier les ovations, n'avaient pas ménagé leur soutien.
Trenet collectionne les maisons et les résidences secondaires à Paris, Aix ou Narbonne, passe de l'une à l'autre. Après avoir accueilli le rock d'un œil tolérant, il se fâche : " A force d'être gentil, on finit par être suspect. Il y a cinq ans que je supporte sans rien dire les imbécillités qu'éditent les maisons de disques et que diffusent les postes de radio, déclare-t-il dans un entretien à L'Express. Aujourd'hui, je veux me battre. En 1968, pour fêter ses 55 ans et ses 30 ans de carrière, il projette de créer l'événement avec un retour sur scène à Bobino. L'effervescence de mai 68 l'empêche de réaliser son voeu et l'amène effectuer un retour discret au Don Camillo, célèbre cabaret parisien. C'est en fait en 69 au Théâtre de la Ville qu'aura lieu son véritable retour.
Les années 1970
[modifier | modifier le code]En 1970, il est hôte de marque au Japon pour l'Exposition Universelle d'Osaka. Puis retrouve l'Olympia en 1971 avec de nouvelles chansons : Fidèle, Joue-moi de l'électrophone.
Pour ses soixante ans en 1973, Charles Trenet sort un nouvel opus de douze morceaux intitulés "Chansons en liberté". Un album particulier où se mêlent des titres nouveaux et d'anciennes compositions.
L'anniversaire du "Fou chantant" comme on le nomme communément est largement célébré par les médias. En 1975, c'est le coup de théâtre. Il annonce ses adieux à la scène et pour donner un dernier coup de chapeau à son public, choisit une nouvelle fois l'Olympia. Puis la disparition de sa mère en 1979, avec laquelle il entretenait des liens très étroits, l'enferme dans sa douleur durant deux années de réclusion.
Désormais installé dans une semi-retraite tranquille, parfois agrémentée de quelques galas en France et à l'étranger, Charles se retire dans sa propriété du sud de la France.
Les années 1980
[modifier | modifier le code]Après un album discret, hommage à sa mère décédée l'année précédente, il replonge à Antibes au Festival de la chanson française, puis à Montréal en 1982 pour une soirée de gala, et reprend du service sur l'insistance d 'un producteur canadien, Gilles Rozon. En 1985, l'album Florilèges passe quelque peu inaperçu. Mais imperceptiblement Trenet se rapproche. " Sans lui, nous serions tous des experts-comptables ", disait Jacques Brel. " Que voulez-vous, je prie Trenet en son église ", ajoute Alain Souchon.
En 1987, au Printemps de Bourges, Jacques Higelin, qui se réclame du rock et de Charles Trenet, intronise l'idole des années 40. La salle est debout. L'ovation, inattendue. Les envies de retour à la simplicité mélodique et aux textes bien ciselés, qui se concrétise dans la nouvelle vague de chanteurs des années 70 (Souchon, Jonasz, Chédid) font redécouvrir la parenté du grand Charles. Swing et jazz à la française regagnent du terrain sur le rock binaire. On entend à nouveau, venue du fond des modes, la voix de Boris Vian : " Cette pulsation nouvelle, cette extraordinaire joie de vivre apportée par les chansons que ce garçon ébouriffé -Trenet- lançait à la douzaine, étaient nées de la conjoncture d'un remarquable don poétique et de la vitalité du jazz assimilée pleinement par une fine sensibilité. "
A l'heure de son jubiléé le 26 septembre 1987,il ressort son chapeau et son célèbre oeillet pour se produire à Paris au Théâtre des Champs-Élysées.
Charles Trenet, toujours pétillant, vif et iconoclaste, revient en décembre 1989 sur la scène du Châtelet, puis, l'année suivante, au Palais des congrès, après un engagement politique relatif aux côtés de François Mitterrand et de Jack Lang lors de l'élection présidentielle de 1988.
Les années 1990
[modifier | modifier le code]En octobre 1992, paraît un album, Mon cœur s'envole, treize nouvelles chansons où Trenet renoue avec un style qui lui est désormais éternel : le rythme, l'ironie, la tendresse, l'envol. Quand reviendront les cigales ou Nagib auraient pu se situer avant-guerre. Mais la maîtrise du genre acquise par Trenet lui permet, en jonglant avec les mots et les images, de bâtir des mélodies indémodables. En 1995, Fais ta vie revendique le même optimisme, ardent et déterminé. C'est sa façon à lui de nager à contre-courant, avec un brin constant d'insolence.
A 85 ans, Charles Trenet fait une apparition remarquée lors de deux festivals en juillet 98, dont le festival de Nyon en Suisse le 25 juillet. Il y chante devant plus de 20.000 personnes qui reprennent en cœur avec lui tous ses tubes légendaires de "la Mer" à "Y'a d'la joie".
L'actualité fait-elle la grimace ? Trenet brandit très haut la bannière de la vie.L'album " Les poètes descendent dans la rue", paru en 1999, ne néglige aucun jeu de mots : " J'ai des mites, j'ai des mites au logis... " Il revient encore une fois sur la tristesse d'une enfance passée au pensionnat, assume la vieillesse en la féminisant (Le Voyage de la vieille), écrit sur la banlieue, s'amuse et se désole, fidèle à lui-même.
Sur la lancée, le chanteur remonte sur scène et se produit les 4, 5 et 6 novembre à la salle Pleyel devant un public acquis qui applaudit le vieil homme avec émotion. Celui-ci se déplace difficilement mais chante avec autant d'enthousiasme qu'à 20 ans.
En avril 2000, le chanteur est hospitalisé d'urgence après un accident cardio-vasculaire. Mais plusieurs semaines d'hospitalisation, le chanteur se rétablit et assiste à l'automne à la générale des spectacles de Charles Aznavour au Palais des Congrès.
En novembre, la maison natale du Narbonnais, située au 13 de l'avenue Charles Trenet, devient un petit musée. Souvenirs, objets, chansons, la promenade plonge le visiteur à la fois dans la vie familiale de Trenet, évoquant en particulier sa mère longtemps résidente des lieux, et dans son parcours artistique.
L'âme du poète
[modifier | modifier le code]Il voulait quitter la scène avec la légèreté d'un poète : «Je m'envolerai», disait-il. Charles Trenet s'est éteint paisiblement, dans la nuit de dimanche du 18 au 19 février 2001, il avait été hospitalisé quelques jours auparavant, après une attaque cérébrale. Mort dans un hôpital un peu froid, loin de Narbonne et sans même l'ombre d'un petit jardin extraordinaire. Mais le fou chantant va continuer à tomber du ciel pour l'éternité...
RFI (février 2001)
[modifier | modifier le code]Il est le dernier monstre sacré. "La Mer" (chanson écrite dans le train, en vingt minutes, entre Narbonne et Carcassonne) a fait le tour du monde, interprétée dans des dizaines de langues. Indémodable, le style Trénet a traversé ce siècle avec la force et la sérénité des grandes évidences. Grâce à lui, pour toujours, "Ya d'la Joie".
Figure légendaire du music-hall français, Charles Trenet est né à Narbonne, cité du sud de la France le 18 mai 1913. Son père Lucien est un notaire respecté, et aussi un mélomane averti. La jeune Marie-Louise, avec qui il se marie lui donne deux fils : Antoine, trois ans avant Charles. Les deux frères sont très proches et leur enfance semble chaleureuse, même si leur père est mobilisé en 1915 et ne revient que quatre ans plus tard.
Quand le jeune Charles a sept ans, ses parents se séparent et sa mère décide d'aller vivre sa vie. Les deux enfants sont confiés à leur père. Ainsi donc il sont envoyés en internat à Béziers. Mais bientôt, Charles est atteint par une fièvre typhoïde quelques mois après son entrée au collège qui l'oblige à retourner à la maison. Sa convalescence lui permet de développer sa sensibilité artistique : modelage, musique, peinture. Guéri, il retourne à l'école.
En 1922, la famille s'installe à Perpignan. Charles est externe au collège où il se montre rebelle aux mathématiques. Il obtient brillamment son baccalauréat en 27. Puis il part à Berlin en Allemagne, et entame des études artistiques. Journaliste
En 1930, sur la promesse donnée à son père d'entrer à l'Ecole des Arts Décoratifs, Charles Trenet monte à Paris, et devient en fait assistant metteur en scène et accessoiriste aux studios de Joinville. Il s'enflamme pour le jazz et commence à écrire des poèmes, des articles de journaux et des romans-feuilletons sous le pseudonyme de Jacques Brévin.
En 1932, dans un club de jazz, il fait la connaissance d'un jeune pianiste, Johnny Hess. C'est ainsi que naît le duo "Charles et Johnny". Ils font leurs premières armes en écrivant des messages publicitaires pour la radio (Radio Cité à Paris). Les célèbres couplets de "Quand les beaux jours seront là" et "Sur le Yang Tsé Kiang" sortent pour le compte des Disques Pathé. Les duettistes allient chanson française et mélodie moderne. C'est la naissance du style "fleur bleue" qui est assez caractéristique des années 30. Il s'agit en fait de l'adaptation française du style dynamique et jeune des comédies américaines.
En 1936, le service militaire de Charles Trenet met fin à la carrière du duo. En octobre, il rejoint la caserne d'Istres. Très vite, il s'ennuie de Paris. Pour tuer le temps, il écrit "Y'a d'la joie" que bientôt le célèbre Maurice Chevalier crée sur la scène du Casino de Paris. C'est l'éditeur Raoul Breton qui a apporté la chanson au plus célèbre des "Titi" parisien. Celui-ci le convie un jour à la fin de son spectacle et le présente au public qui l'ovationne. A sa libération de l'armée en octobre 37, Breton qui croit en Trenet le fait engager au Théâtre de l'ABC de Paris où le gratin parisien vient se divertir. Jean Cocteau, Max Jacob, Mireille ou Colette applaudissent ce jeune artiste au visage rond et aux boucles blondes. Il y interprète huit chansons en première partie de Lys Gauty. L'explosion artistique de Charles Trenet en 38 est subite. Il devient l'idole de la jeunesse.
A cette époque, on peut aussi le voir au cinéma dans deux films où il tient le premier rôle, "La route enchantée" et "Je chante". Il en signe les chansons. Hollywood
Au début de la Deuxième Guerre mondiale, Charles Trenet, devenu gloire nationale, est mobilisé. Il reste alors à la base militaire de Salon-de-Provence jusqu'à sa démobilisation en juin 40. Suite à cela, il remonte sur Paris où la vie culturelle bat son plein en dépit de l'occupation allemande. Il chante alors aux Folies-Bergère ou à la Gaieté parisienne devant un public souvent composé entre autres d'officiers et de soldats allemands. La presse collaborationniste tente de compromettre Trenet en affirmant que son nom est l'anagramme de Netter. Trenet prouve qu'il n'est pas de sang juif en apportant aux autorités quatre générations d'extraits de naissance. C'est ce qui lui sera longtemps reproché. A l'instar d'autres artistes de l'époque, il a préféré distraire l'occupant que sacrifier sa carrière et cette attitude allait de pair avec une certaine indifférence, que certains nomment collaboration, envers la situation juive. En outre, il a accepté en 43, à la demande du Reich, d'aller chanter pour les prisonniers français en Allemagne, comme Piaf ou Chevalier. Mais, Trenet qui parlait couramment allemand, se faisait un point d'honneur de ne pas pratiquer alors cette langue. De plus, il refusait toujours de participer aux soirées d'après spectacles afin de ne pas socialiser avec l'occupant.
A la Libération, il n'eut aucun souci mais décida cependant de partir outre-Atlantique. C'est ainsi que Charles Trenet découvre l'Amérique où il chante et vit plusieurs années. Il triomphe au Bagdad à New York, est courtisé par Hollywood, rencontre Louis Armstrong ou Chaplin avec lequel il se lie d'amitié. Sa chanson "La Mer", composée avec Léo Chauliac en 1943 dans un train, enregistrée en 46, devient "Beyond the sea" sous la plume de Jack Lawrence. Elle sera reprise par un grand nombre d'interprètes anglo-saxons et fera l'objet d'environ 4000 reprises à travers le monde. Enfin, à la fin des années 40, il part tourner en Amérique latine. Pendant six ans, il va voyager à travers l'Amérique, le Canada, le Mexique et le Pérou.
Le 14 septembre 1951, Charles retrouve Paris en effectuant sa rentrée au Théâtre de l'Etoile. A son programme, dix nouvelles chansons parmi lesquelles "De la fenêtre d'en haut" et "la Folle complainte". En 1954, il se produit à l'Olympia pour la première fois. L'année d'après, il compose "Route nationale 7", hymne aux congés payés, "la Java du diable", conte extraordinaire et "Moi j'aime le music-hall". Il retourne également sur la scène de l'Olympia avec son compère Francis Blanche en première partie.
En 1958, le voici à l'affiche de Bobino et de l'Alhambra, et 1960, de nouveau au Théâtre de l'Etoile. Pour la première fois, il apparaît sur scène sans son célèbre chapeau mou qu'il arborait jusque-là. La mère
Durant les années 60, Charles Trenet ne se produit plus que très rarement. Son public a vieilli, le rock est arrivé des Etats-Unis et la vague yéyé commence à prendre le dessus sur la chanson traditionnelle. En 1968, pour fêter ses 55 ans et ses 30 ans de carrière, il projette de créer l'événement avec un retour sur scène à Bobino. L'effervescence de mai 68 l'empêche de réaliser son voeu et l'amène effectuer un retour discret au Don Camillo, célèbre cabaret parisien. C'est en fait en 69 au Théâtre de la Ville qu'aura lieu son véritable retour.
En 1970, il est hôte de marque au Japon pour l'Exposition Universelle d'Osaka. En 71, il quitte sa maison de disques, Columbia. Il crée alors "Fidèle" et "Il y avait des arbres" et se produit à l'Olympia.
Pour ses soixante ans en 1973, Charles Trenet sort un nouvel opus de douze morceaux intitulés "Chansons en liberté". Un album particulier où se mêlent des titres nouveaux et d'anciennes compositions.
L'anniversaire du "Fou chantant" comme on le nomme communément est largement célébré par les médias. En 1975, c'est le coup de théâtre. Il annonce ses adieux à la scène et pour donner un dernier coup de chapeau à son public, choisit une nouvelle fois l'Olympia. Puis la disparition de sa mère en 1979, avec laquelle il entretenait des liens très étroits, l'enferme dans sa douleur durant deux années de réclusion.
En 1981, il revient sur la pointe des pieds avec la sortie d'un disque traversé par des souvenirs mélancoliques de l'enfance et notamment une chanson intitulée "Que veux-tu que je te dises Maman?". Jubilé
Désormais installé dans une semi-retraite tranquille, parfois agrémentée de quelques galas en France et à l'étranger, Charles se retire dans sa propriété du sud de la France.
A l'heure de son jubilé‚ le 26 septembre 1987, poussé sur scène par une nouvelle génération de jeunes enthousiastes, il revient enfin sur sa décision et ressort son chapeau et son célèbre œillet pour se produire à Paris, d'abord au Théâtre des Champs-Élysées puis au Châtelet et au Palais des Congrès mais aussi à nouveau dans le monde entier.
En novembre 92, il crée l'événement en sortant un album dont il a écrit les paroles et la musique "Mon cœur s'envole". Trois ans plus tard, un nouvel album "Fais ta vie" revendique toujours le même optimisme. Soixante ans de carrière et quelques centaines de chansons plus tard, Charles Trenet malgré son âge, combat encore la morosité ambiante avec son ton léger et enjoué.
A 85 ans, Charles Trenet fait une apparition remarquée lors de deux festivals en juillet 98, dont le festival de Nyon en Suisse le 25 juillet. Il y chante devant plus de 20.000 personnes qui reprennent en cœur avec lui tous ses tubes légendaires de "la Mer" à "Y'a d'la joie".
Rien ne semble arrêter Trenet. Le 21 mai 99, sort un nouvel album, "Les Poètes descendent dans la rue". Quarante six ans après avoir écrit "la Mer", il reprend la plume et signe 14 nouveaux titres dans une verve toujours aussi enlevée et joyeuse. Sur la lancée, le chanteur remonte sur scène et se produit les 4, 5 et 6 novembre à la salle Pleyel devant un public acquis qui applaudit le vieil homme avec émotion. Celui-ci se déplace difficilement mais chante avec autant d'enthousiasme qu'à 20 ans.
En avril 2000, le chanteur est hospitalisé d'urgence après un accident cardio-vasculaire. Mais plusieurs semaines d'hospitalisation, le chanteur se rétablit et assiste le 25 octobre à la générale des spectacles de Charles Aznavour au Palais des Congrès. Ce sera sa dernière apparition publique. En novembre, la maison natale du Narbonnais, située au 13 de l'avenue Charles Trenet, devient un petit musée. Souvenirs, objets, chansons, la promenade plonge le visiteur à la fois dans la vie familiale de Trenet, évoquant en particulier sa mère longtemps résidente des lieux, et dans son parcours artistique.
Début février 2001, le chanteur est à nouveau hospitalisé pour une nouvelle attaque cérébrale. Epuisé, il décide lui-même d'arrêter les traitements. Il meurt le lundi 19 février à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil en banlieue parisienne. Toute la France rend un fervent hommage à cet artiste dont le répertoire reste une œuvre majeure de la chanson française et ne cesse d'inspirer plusieurs générations d'artistes. Des obsèques ont lieu le vendredi 23 février en l'église de la Madeleine à Paris. Le chanteur est incinéré au cimetière du Père-Lachaise puis ses cendres doivent être déposées dans le caveau familial près de sa mère à Narbonne, sa ville natale.
L'’éternelle jeunesse de Charles Trenet (Jean-Yves Dana, La Croix, 01/05/2013) [pas très précis, mais bon]
[modifier | modifier le code]Il a fait descendre la poésie dans la rue, disait Jean Cocteau. Il était le père de la chanson française, estimait Georges Brassens, qui, comme Jacques Brel et tant d’autres, par la suite, s’était placé dans son héritage… À l’heure même du déclin d’une certaine chanson comique ou réaliste, Charles Trenet a de fait révolutionné ce genre avec son style novateur, en l’ouvrant à des rythmes nouveaux, venus des music-halls d’Amérique, en imprégnant aussi ses textes d’une poésie inhabituelle… En lui donnant des lettres de noblesse artistiques, en somme.
https://www.la-croix.com/Culture/Musique/L-eternelle-jeunesse-de-Charles-Trenet-2013-05-01-955120
Charles Trenet a vu le jour il y a un siècle, le 18 mai 1913, à Narbonne. Il est le second fils de Lucien, notaire, et de Marie-Louise. Il a sept ans lorsque ses parents se séparent et qu’il se retrouve interne à Béziers. Il attrape la typhoïde, et se passionne au cours de sa convalescence, pour la peinture, la poésie et la musique.
DÉBUTS EN DUO
Baccalauréat en poche, en 1927, il part poursuivre ses études artistiques à Berlin, puis à Paris, en 1930, dans l’idée de faire les Arts décoratifs. Il se met pourtant à travailler aux studios de Joinville, comme accessoiriste, découvre le jazz, écrit articles et poèmes… En 1932, son chemin croise celui de Johnny Hess. Ensemble ils vont former le duo « Charles et Johnny », au style très « fleur bleue », jusqu’en 1936, année du service militaire à Istres.
À la caserne, Trenet tue le temps, écrit « Y’a d’la joie » que l’éditeur Raoul Breton apporte à Maurice Chevalier. Celui-ci crée la chanson au Casino de Paris et, un jour, fait applaudir Charles Trenet à la fin de son spectacle.
En 1937, le voilà engagé à l’ABC. C’est là que, parmi les spectateurs, le découvrent Max Jacob, Jean Cocteau, Colette, Mireille… Sa notoriété explose alors qu’on le voit à l’affiche de « La route enchantée » et de « Je chante » deux films dont il signe aussi les chansons.
LA GUERRE ET L’AMÉRIQUE
À la guerre, Charles Trenet est mobilisé. Il reste à la base de Salon-de-Provence jusqu’à la défaite de juin 1940, puis vient à Paris et chante aux Folies Bergère, à la Gaieté parisienne, devant des officiers et soldats allemands. La presse collaborationniste affirme qu’il est juif et que son nom est l’anagramme de Netter. Il doit fournir des extraits d’actes de naissance sur quatre générations pour prouver le contraire.
À la Libération, il s’installe en Amérique, devient ami avec Louis Armstrong ou Charlie Chaplin. Sous la plume de Jack Lawrence, sa chanson « La Mer » devient « Beyond the sea », qui fera l’objet d’environ 4 000 reprises – dont celle de Robbie Williams. Après une longue tournée sud-américaine, il retrouve Paris en 1951, avec dix nouvelles chansons dont « la Folle complainte ». Au cours de cette belle décennie, il composera encore « Route nationale 7 », « la Java du diable ». Ou « Moi j’aime le music-hall »…
TRAVERSÉE DU DÉSERT ET RENAISSANCE
Les années 1960 correspondent au début de sa traversée du désert, qui correspond à l’apparition du rock et de la vague yé-yé. En 1971, il quitte sa maison de disques, Columbia. Et en 1975, il fait ses adieux à la scène à l’Olympia. Puis, à la mort de sa mère, en 1979, il s’enferme dans le silence et retourne dans sa propriété du sud de la France… jusqu’en 1987.
Cette année-là, celle de son jubilé, il revient, porté par une nouvelle génération d’artistes qui lui vouent un véritable culte, comme Jacques Higelin ou Renaud. On le voit se produire au Théâtre des Champs-Élysées, au Châtelet, au Palais des Congrès, à l’Opéra Bastille… Et fin 1992, il sort un album enjoué, « Mon cœur s’envole », immense succès qui lui ouvre les portes d’un nouveau public, comme l’optimiste « Fais ta vie », trois ans plus tard, et encore « Les Poètes descendent dans la rue », en 1999. Il triomphe plusieurs soirs de novembre à la salle Pleyel.
Victime d’un accident vasculaire cérébral en avril 2000, il se rétablit et assiste en octobre à une générale de Charles Aznavour au Palais des Congrès : sa dernière apparition. Il décède le 19 février 2001.
Trenet, le swing du siècle (Hélène Hazera, février 2001)
[modifier | modifier le code]Article original ici, et republié http://charlestrenet.blog.lemonde.fr/2013/09/16/art-9-trenet-le-swing-du-siecle/
Né à l'orée du premier grand conflit mondial, qui allait ébrécher la suprématie européenne, Charles Trenet aura enterré, grâce à sa longévité active, bon nombre de ses pairs. Il enterre les grandes gloires du caf-conc', les rénovateurs du Chat noir, Bruant, Rollinat, Delmet, il enterre Mayol, Yvette Guilbert, Chevalier, Tino Rossi puis cette relève qui ne lui a pas ménagé les éloges, Brassens, Ferré, Gainsbourg, Barbara... Et jamais, comme cela se fait souvent, une nouvelle génération ne s'est levée, ingrate, pour lâcher: «Trenet? Rien à foutre.» Non, chaque nouvelle relève lui a été aimable, déférente...
Charles Trenet est né le 18 mai 1913 à Narbonne. Son père, Lucien Trenet, est notaire et joue du violon, et son grand-père paternel architecte. En janvier 1915, Lucien est mobilisé jusqu'à la fin de la guerre. En 1920, c'est sa mère, née Marie-Louise Caussat, qui "déserte" le foyer conjugal pour se remarier. Pension à Béziers avec son frère. En 1922, il s'installe avec son père à Perpignan où se déroule la suite de sa jeunesse, bercée par son mentor, le poète Albert Bausil, qui publie ses premiers poèmes.
L'école du cabaret
[modifier | modifier le code]En 1928, Trenet rejoint sa mère et son mari, le cinéaste Benno Vigny, à Berlin, il suit des cours de dessin dans la capitale des avant-gardes européennes. Retour à Perpignan, premier roman, Dodo Manière, et le jeune Trenet «monte» à Paris. Il s'emploie à des tâches subalternes au studio de Joinville, et, grâce aux recommandations de Bausil, se lie à Max Jacob, Jean Cocteau[1], Maurice Rostand, la fine fleur de l'intelligentsia homosexuelle parisienne. Paul Léautaud publie un de ses poèmes dans le Mercure de France, dédié à Henry de Montherlant. Pour Bariole, un film de son beau-père, il écrit ses premières chansons (Dans la fumée, pour Lucienne Boyer) en collaboration avec une des rares femmes auteurs de l'époque, Jeanne Bos, certaines sont enregistrées.
Dans un bar de Montparnasse, il rencontre un jeune Suisse athlétique, qui a une certaine pratique du jazz pianistique. Le modèle des duos en France, c'est Layton et Jonstone, deux Noirs américains qui firent applaudir aux Européens des années folles leur sophistication jazz : ils furent les pères de beaucoup d'autres duos, l'un au piano, l'autre debout, comme Pills et Tabet, Bill et Jim, et dans une moindre mesure Gilles et Julien. Trenet et son partenaire, Johnny Hess, travaillent un an avant de se présenter à Henri Varna, « l'empereur du music-hall ». Engagés sur l'insistance de Joséphine Baker, ils dénoncent leur contrat au bout de trois jours, dégoûtés de faire le « lever de torchon », autrement dit de chanter quand les gens se placent.
Ils sont alors accueillis au Fiacre par O'Dett. L'extravagant O'Dett est une des plus célèbres « grandes folles » de la capitale (sa parodie d'Andromaque avec Pierre Dac est restée dans les annales). Son cabaret est un rende-vous d'homos huppés, mais pas seulement : les artistes s'y sentent bien, on s'y amuse beaucoup, et la programmation est de qualité. En même temps qu'ils apprennent leur métier à l'école du cabaret où il faut savoir se faire écouter, Charles et Johnny vont côtoyer les meilleurs artistes de Paris : si tous ont remarqué leur fraîcheur, les amateurs ont discerné que, derrière ce répertoire original, il y avait une plume : à l'exception d'un poème burlesque de Bausil mis en musique par Trenet, Sur le Yang-Tsékiang, toutes les autres compositions sont du jeune duo. Frehel, qui termine ses cuites chez O'Dett, prend la Valse à tout le monde et le Fils de la femme poisson (du sur-mesure!), Jean Sablon, qui est en train de révolutionner l'art du chant en utilisant le micro pour un phrasé d'une nonchalance charmeuse, prend Rendez-vous sous la pluie (Sablon s'entoure de la crème du jazz français; pour le disque, c'est Django Reinhardt qui l'accompagne) et Vous qui passez sans me voir avec lequel il fait son entrée en scène. Lys Gauty, qui emmène Charles et Johnny dans ses tournées, prendra d'autres titres.
«Foudroyé par Prévert»
[modifier | modifier le code]Pathé Marconi enregistre les duettistes, ils font des émissions publicitaires à Radio-Cité, le poste de Marcel Bleustein-Blanchet qui a su s'entourer de créatifs comme Robert Desnos, Armand Salacrou, et d'un jeune renifleur de talents du nom de Jacques Canetti. Le duo quitte le Fiacre pour d'autres cabarets. C'est ainsi, à en croire Agnès Capri, qu'il fait sensation au Boeuf sur le toit (autre cabaret à prédominance homo, mais nettement plus avant-garde), avec un répertoire fait d'absurde et de fantaisie, dont les premières chansons de Prévert : « Trenet fut foudroyé par la poésie de Prévert et en devint quelqu'un d'autre. Dans beaucoup de ses chansons, il aura un coup de chapeau à Prévert. »
Au rayon des influences, il ne faut pas oublier Jean Tranchant. Tranchant a été un peu Trenet avant Trenet. Né dans une grande bourgeoisie bohème, il a été affichiste, antiquaire, avant de fournir d'audacieuses chansons à Lucienne Boyer. Après s'être fait les dents avec un duo, Bill et Jim, il est devenu chanteur soliste, avec un répertoire très original et varié. On oublie aujourd'hui que les surréalistes, par leur intransigeance, leur goût du scandale, leur radicalisme politique « le surréalisme au service de la révolution » , sont au ban de la littérature officielle : c'est chez d'autres poètes, plus en vogue à l'époque (Cocteau, Max Jacob) et pour certains un peu oubliés de nos jours (les « imagistes » comme Paul-Jean Toulet), que Tranchant va trouver les ingrédients pour renouveler une chanson un peu corsetée entre romance sucrée, poncifs « réalistes » et scie comique.
« Le soleil est espadrille/Et ne brille que pour moi »... Il en fallait du culot pour enregistrer des choses pareilles! La légende familiale des Tranchant raconte que, un après-midi au Fouquet's, Tranchant avait fait venir Trenet à sa table pour lui expliquer ce qui n'allait pas dans sa manière. Une fois que le débutant eut quitté la table, le maître d'hôtel s'étonna auprès de Tranchant qu'il prenne autant de peine à se fabriquer un rival. Tranchant est d'ailleurs la vedette du programme musical au cours duquel JacquesCanetti présente Trenet aux auditeurs de Radio-Cité. Devant l'afflux de coups de fil d'auditeurs, Canetti lui fit bisser sa chanson, ce qui ne s'était pas vu, et qui, selon Canetti, mit Tranchant en rogne. Tranchant, avec son physique de clerc de notaire, sa voix un peu nasale, sa prononciation précieuse qui l'obligeait à donner à des femmes ses chansons violentes, fut longtemps au coude à coude avec Trenet. Ils se répondent parfois d'une chanson à l'autre : « La mer... n'appartient à personne », enregistre par exemple Tranchant en 1939...
L'avenir semble promis au duo Charles et Johnny quand le premier est appelé sous les drapeaux. De sa caserne, Trenet, sur qui veille désormais le très industrieux éditeur Raoul Breton, place Y a d'la joie à Maurice Chevalier. « Momo » a d'abord été effrayé par « La tour Eiffel part en balade », mais Mistinguett l'a convaincu : « Si tu ne la chantes pas, c'est toi qui es fou. » Chevalier présentera le jeune troufion en uniforme au public du Casino de Paris. Cantonné dans le sud de la France, Trenet se rôde au cabaret du Grand Hôtel de Marseille.
À peine relevé de ses obligations militaires, le voilà à l'ABC, dont Mitty Goldin, dont on brocarde l'accent yiddish, a fait le nec plus ultra des music-halls parisiens, par la qualité de sa programmation. Trenet figure dans un programme dont son amie Lys Gauty est la vedette. Une légende voudrait que son succès ait été tel que, le lendemain, c'était lui qui était en vedette. C'est une absurdité : Lys Gauty était l'un des plus grands noms de la chanson d'alors, au point d'irriter Damia qui la surnommait « la souspréfète ». Cette fine diseuse savait alterner les grandes rengaines, Le chaland qui passe, À Paris dans chaque faubourg, et des chansons plus difficiles : elle choisissait ses pianistes parmi les réfugiés d'Allemagne ou d'Europe centrale et, cette année-là à l'ABC, c'est peut-être Joseph Kosma qui l'accompagnait.
Trenet remporta donc un triomphe, et bien qu'il y eût un entracte avant le tour de chant de la vedette, des témoins racontent que, d'avoir à chanter après un succès pareil, Lys Gauty se faisait du mouron dans sa loge.
Tout en haut de l'affiche
[modifier | modifier le code]Quelques mois après, Goldin engage Trenet cette fois-ci en vedette. Une ascension aussi rapide, à une époque où on met dix ans pour monter, échelon par échelon, jusqu'en haut de l'échelle, est à signaler. Peut-être qu'un facteur nouveau est à prendre en compte : le disque, la radio. Pathé Marconi vient de sortir les premiers 78 tours du débutant (avec des arrangements superbes de Wal-Berg, juif russe né à Constantinople, passéavec une grande souplesse du Conservatoire de Paris au cabaret). Ces disques commencent à être diffusés à la radio.
Je chante, Y a d'la joie, J'ai ta main, la Polka du roi, Vous oubliez votre cheval, Il pleut dans ma chambre, Boum, Ménilmontant, Les enfants s'ennuient le dimanche : en un couple d'années, Trenet à 24 ans place une dizaine de chansons, qui ont n'ont pas pris une ride jusqu'ici. Son succès est tel que Maurice Chevalier en prend ombrage. Réponse à son canotier, Trenet arbore désormais un bitos qu'il exhibe lors du final, comme un fétiche. Jacques Canetti remarque que, au dernier couplet de Je chante, Trenet monte de quelques notes, imparable truc pour euphoriser le public, et que, les années suivantes, on vit beaucoup de chanteurs qui montaient eux aussi de quelques tons leur dernier refrain.
Outre son intelligence, sa culture, un physique attrayant, Trenet a trois atouts : des textes bien au-dessus des fadaises où se cantonnent les autres chanteurs de charme; une voix puissante, si les ténorinos en vogue, Réda Caire, Jean Lumière et surtout Tino Rossi ont des voix dans l'aigu, presque féminines, Trenet a un baryton puissant, un vrai coffre. Mais il profite aussi des leçons de Sablon pour utiliser au besoin « la voix confidentielle » qui distille son charme dans le micro. Le troisième atout, c'est sa jeunesse, mariée au rythme du jazz : elle lui permet des tempos quasi athlétiques dans un domaine où le temps est l'ennemi avec qui on doit se battre.
La guerre
[modifier | modifier le code]En 1939, au moment de la déclaration de guerre, la cote de Trenet est telle que les services de propagande lui demandent d'enregistrer deux de ses titres en anglais, pour le rapprochement franco-britannique. Les disques n'atteindront pas la BBC pour cause de débâcle.
Trenet a été mobilisé dans l'armée de l'air, mais très vite on le trouve plus utile au théâtre des armées. Il est en zone libre quand l'armistice est signé en juin 1940. Les journaux parisiens publient la nouvelle de sa mort. Puis une certaine presse ultra-collaborationniste s'en prend à lui : son nom serait « Tretner » ou « Netter », il serait fils de rabbin, etc., soit l'équivalent d'une interdiction de travailler, en attendant pire. Inquiétée par ricochet, la mère de Trenet doit établir son arbre généalogique pour que son fils puisse se produire sur scène, enregistrer, faire de la radio, du cinéma.
...À réécrire, paragraphe pas terrible, maladroit...
[modifier | modifier le code]La Marche des jeunes est un hymne des chantiers de la jeunesse. Ses autres chansons : Douce France pouvait se chanter au maquis, Baisers volés (créée par Lucienne Boyer) est d'une subtile mélancolie. Et il y a les chansons swing, jusqu'à la parodie de la Poule swing, des chansons d'évasion, et Dieu sait si les Français en avaient alors besoin. Il est la cible des journaux collaborationistes. En 1942, il est accusé d'être juif et doit justifier ses origines sur pluieurs générations. La presse annonce sa mort. Il est blessé par balle à la jambe. Trenet sera sanctionné à la Libération, notamment pour un gala donné à l'ambassade d'Allemagne de Paris en 1943.
Renaissance à l'Étoile
[modifier | modifier le code]Une chanson, qui lui est venue pendant un voyage ferroviaire, alors qu'il passait vers chez lui. Son ami le chanteur Roland Gerbeau était présent, c'est lui qui a créé la chanson. Trenet la met à son tour de chant, elle ne démarre pas mais, un soir, il change deux ou trois bricoles et, le lendemain, c'est l'ovation. Avec le Petit Vin blanc et Fleur de Paris, la Mer sera une des grandes chansons des lendemains qui chantent à nouveau.
Entre-temps, Trenet a fait de nombreux séjours à l'étranger. Amérique du Sud, Québec où il établit sa légende, États-Unis où il vit son rêve américain. Sa grande rentrée parisienne se déroule en 1951 au Théâtre de l'Etoile. Le 14 septembre 1951, en un récital d'1h30, Trenet, menacé par la ringardise (après tout, il était un chanteur « d'avant guerre »), rétablit sa prééminence dans le music-hall français. Dix chansons nouvelles dont l'Àme des poètes, la Folle Complainte, le Serpent python, et ses classiques indémodables. Pour la première fois en France, ce récital est capté en microsillon.
Le chanteur du moment, c'est Yves Montand, qui chante Prévert. Une nuit, Trenet le réveille pour lui donner la primeur de l'Ame des poètes, mais quand Montand, emballé, appelle le matin la maison d'édition, on lui répond que Trenet finalement la garde pour lui... Juliette Gréco met du Trenet à son répertoire, Coin de rue, écrite spécialement pour elle.
« Les voyous de velours »
[modifier | modifier le code]Trenet a 40 ans, sept voitures de luxe, six propriétés entre Paris, le Sud de la France, Montréal et Québec. Très riche, avec une réputation d'avarice. On parle de ses caprices, des galas annulés au dernier moment pour une broutille.
À cette époque, la majorité sexuelle est à 21 ans. Une aventure avec un garçon de 20 ans peut vous amener en prison. Trenet connaîtra la prison pour des « affaires de moeurs » (mais de courts séjours : rien à voir avec ce qui aurait pu l'attendre s'il avait violenté un enfant). Trenet n'a jamais chanté « l'amour qui n'ose pas dire son nom » dans ses chansons. Mais comment croire que le destinataire asexué de Où vas-tu quand tu dors? est une femme? Certains de ses prénoms féminins sonnent tout aussi faux que leurs homologues proustiens.
Yéyé fatal
[modifier | modifier le code]Les années lui suscitent des rivaux à sa mesure. Georges Brassens, Léo Ferré. Bons petits, les deux répètent à qui veut les entendre leur admiration pour l'auteur-compositeur-interprète (réservant en privé leur opinion sur l'homme). Et Jacques Brel ajoute: « Sans lui nous serions tous comptables. » Trenet a tenu bon devant la Rive gauche. Le coup est plus rude avec la vague des yéyés. Trenet a beau mettre des guitares électriques dans son orchestre, s'habiller dans le vent, ses sautillements, ses yeux qui pétillent ne font plus le même effet qu’avant.
En 1975, ses adieux à l'Olympia lui vaudront une presse unanime. Il déclare qu'il veut « laisser un bon souvenir » mais des observateurs non fanatiques disent aujourd'hui qu'il commençait à dégager comme un malaise.
Sa vie s'écoule entre ses diverses propriétés, sur un capiteux matelas de billets. Il donne des interviews, fait des passages à la télévision et quelques galas. En 1977, invité par Jacques Higelin dans son spectacle du festival de Bourges, le retraité terrasse un public qui n'est pas venu pour lui. Mais l'Académie française le refuse. Il faut attendre 1985 pour que Trenet fasse sa rentrée à Paris. Un jeune Québécois, Gilbert Rozon, a réussi à le faire revenir sur sa retraite : il n'avait pas fait ses adieux au Québec. Ceux qui ne l'avaient jamais vu découvrent la bête de scène qu'est Trenet : il n'a jamais été meilleur, avec l'âge il doit s'économiser et épure ses prestations scéniques. Vingt minutes d'ovation, les lumières rallumées dans la salle, presse dithyrambique, etc.
La gauche et les paillettes
[modifier | modifier le code]Entre-temps, Jack Lang a annexé celui qui avait appelé à voter Giscard en 1981. Il lui remet la Légion d'honneur, qu'on lui refusait depuis des années, l'a promu Commandeur des arts et des lettres... Antoine de Caunes, qu'on savait plus friand de rock anglo-saxon, réalise une émission à partir des films d'amateur du « fou chantant ». On ne peut plus ouvrir un festival sans Trenet, il commence une tournée internationale. Nouveau CD avec des arrangements au goût du jour, bien accueilli, encore un autre, un peu fonds de tiroirs... En 1993, on fête ses 80 ans à l'Opéra Bastille,devant le président de la République François Mitterrand, avec en première partie des jeunes chanteurs censés lui rendre hommage mais relevant plus du top 50 que dela chanson de qualité : l'événement est diffusé sur une télévision qui veut attirer les jeunes. Les galas se poursuivent, se raréfiant peu à peu. Il est à Montauban (les photographes doivent signer de faramineux abandons de droits pour pouvoir lui tirer le portrait), au paléo-Festival de Nyons, en Suisse. Si son énergie baisse, Trenet a assez de métier pour savoir en tirer partie, se rapprochant davantage du micro par exemple...
« Une carrière, disait Marie Dubas, retirée de la scène pour cause de maladie, c'est avant tout la santé. » Celle de Trenet aura duré presque aussi longtemps que celle de Maurice Chevalier qui lui se lança sur les planches à 12 ans. Elle est tout d'abord due à une énergie peu commune, plus forte que les excès : il a toujours épuisé son entourage. Ensuite, il y a plus que le talent : il faut bien parler de génie dans les branches de la composition, de l'écriture, de l'interprétation.
Aujourd'hui, les chansons de Trenet restent, et pour longtemps, elles se sont frayé un chemin jusqu'aux manuels scolaires; il y en a tant qu'on en redécouvrira toujours. Mais on est ingrat en France, à long terme, pour les grands « chansonniers ». À part les initiés, qui se souvient des grands auteurs de chansons, de Gilles Durant de la Bergerie, de Désaugiers, de Béranger, de Gustave Nadaud? Trenet ne se trompait pas en parlant de ceux qui chantent « en oubliant le nom de l'auteur ».
Si les œuvres restent, avec leurs enregistrements et des captations télévisuelles (mais la télé a toujours été dure pour Trenet), c'est le mystère de la présence sur scène qui va manquer.
Le music-hall est-il un lointain avatar des cérémonies des chamans et pythonisses d'antan? Parfois, en scène, dans la voix de Trenet, des fantômes se glissaient : les inflexions de Félix Mayol, de Chevalier, de Brassens... Et puis il y avait tous ces petits gestes de rien qui sont l'or en fusion du music-hall, la petite danse de la Polka du roi, les figures de cire du musée Grévin, le bond du Kangourou, les cornes du diable de la Java du diable, tous ces gracieux moments d'indicible. Il n'y aura plus le silence du public redécouvrant la poésie de chansons qu'il connaît par cœur...
Reste un grand répertoire de chanson, à la postérité de les faire revivre. Mais l'essentiel est parti : le charme de l'artiste en scène, velours et soufre, s'est évanoui avec sa présence charnelle et la mémoire prodigieuse de celui qui avait connu le monde entier.
Charles Trenet est mort dans la nuit de dimanche à lundi, à 87 ans, des suites d'une seconde attaque cérébrale, à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. L'artiste avait été déjà hospitalisé en avril 2000 après un premier accident cérébral. Il était réapparu en public le 25 octobre lors du spectacle de Charles Aznavour au Palais des Congrès à Paris. Lui-même s'était produit pour la dernière fois sur scène en novembre 1999. Une cérémonie religieuse devrait avoir lieu vendredi 23 février à Paris, en l'église de la Madeleine, suivie de l'incinération au cimetière du Père-Lachaise. Une autre cérémonie est prévue lundi 26 février à Narbonne, où les cendres de Charles Trenet seront transférées dans le caveau familial.
Charles Trenet aura enterré, grâce à sa longévité active, bon nombre de ses pairs. Il enterre les grandes gloires du cafconc', les rénovateurs du Chat noir, Bruant, Rollinat, Delmet, il enterre Mayol, Yvette Guilbert, Chevalier, Tino Rossi, puis cette relève qui ne lui a pas ménagé les éloges, Brassens, Ferré, Gainsbourg, Barbara...
Charles Trenet (1913-2001) auteur, compositeur, interprète
[modifier | modifier le code]Né à Narbonne, il monte à Paris en 1930. Il s’inscrit d’abord aux Arts-Déco puis commence à écrire des chansons. Il rencontre Johnny Hess avec lequel il forme le duo Charles & Johnny, qui s’arrête lorsque Charles part au service militaire. Sous les drapeaux, il écrit Y’ a d’ la joie, chanson créée par Maurice Chevalier qui présente son auteur au public du Casino de Paris. Trenet se lance alors seul dans la chanson et, programmé en première partie de Lys Gauty à l’ABC en 1937, fait un tabac. Il enregistre Je chante, Boum ! (qui obtient le Grand Prix du Disque en 1938), Vous oubliez votre cheval et de nombreuses autres chansons qui symbolisent la jeunesse, le rythme et la vitalité en cette courte période qui va du Front populaire à la guerre. Il tourne un premier film, La Route enchantée en 1938, et, en 1940, il est aux Folies-Bergère dans “Folies d’un soir”. Sa carrière prend une dimension internationale, surtout après La Mer (1946) qui, chantée dans toutes les langues, devient un inaltérable succès mondial. À partir du début des années 1950, Trenet s’oriente plus délibérément vers une poésie nostalgique et mélancolique : L’Âme des poètes, Nationale 7, Moi j’aime le music-hall, Le Jardin extraordinaire… sans rien renier de son éternelle jeunesse.
Ses apparitions scéniques sont toujours un événement : Étoile (1952, 1961), Olympia (1954, 1956, 1970, 1971 avec Fidèle), 1973, 1974, 1975 (les “adieux” !), Alhambra (1958), Bobino (1966, 1973), Théâtre de la Ville (1969), Châtelet (1988)... En 1987, invité du Printemps de Bourges, il enchante et stupéfie la jeune génération. En 1993, il foule la scène de l’Opéra Bastille pour ses 80 ans avant de donner une dernière série de récitals au Palais des Congrès en 1998, pour finir à la Salle Pleyel en 1999.
Grâce à un sens mélodique peu commun (La Romance de Paris, Que reste-t-il de nos amour ?, Douce France) et une verve d’écriture parfois proche du surréalisme, Charles Trenet, qui avait rencontré Max Jacob à ses débuts, joue avec les mots et les situations souvent loufoques ou cocasses. Il distille des images fraîches, simples, colorées et aériennes qui rebondissent sur un rythme sans équivalent parmi les chanteurs de son époque. Le “fou chantant“ restera l’un des plus important chanteurs de l’Histoire.
Autres sources externes
[modifier | modifier le code]- Page Charles Trenet sur Frémeaux
- Livret de Jacques Pessis du coffret de l'intégrale Y'a d'la joie (2017)
- Biographie sur trenet.chez.com
- Biographie sur RFI
- Résumé assez court mais bien fait de sa vie
- Brouillon sur Albert Bausil
- /Articles parus dans Libération en 02-2001
- Le mystère Trenet Pierre Bénichou, Nouvel Obs, à sa mort
- Courte biographie résumée et images de 78 tours sur trenetdiscographie.fr
- Paul Misraki raconte sa rencontre avec CT et la raison pour laquelle son nom est crédité comme co-compositeur de Je chante et Vous qui passez sans me voir : pour le dépôt de chansons à la SACEM, obligation de déclarer comme compositeur un sociétaire de la SACEM ayant le statut de compositeur.
Citations
[modifier | modifier le code]Références
[modifier | modifier le code]- Cocteau qui, évoquant leurs premières rencontres, se souvenait que « la poésie nouvelle harcelait, intriguait, secouait, énervait ce jeune homme de Perpignan ».
Sur le modèle de :