Lanterne des morts

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Lanterne des morts de Sarlat-la-Canéda dite tour Saint-Bernard (Dordogne).
Lanterne des morts à Saint-Goussaud (Creuse).
Lanterne des morts à Saint-Pierre-d'Oléron (Charente-Maritime), une des plus hautes de France (23 m).

Une lanterne des morts, appelée, suivant les provinces, fanal funéraire, tournière, lampier[1] (voir Dénominations plus bas) est un édifice maçonné, de forme variable, souvent élancé, en forme de tour, généralement creux et surmonté d'un pavillon ajouré (au moins trois ouvertures), dans lequel au crépuscule on hissait, souvent avec un système de poulies, une lampe allumée supposée servir de guide aux défunts.

La lanterne des morts se distingue donc de la croix hosannière, monument funéraire dont la colonne est pleine et toujours surmontée d'une croix.

En France[modifier | modifier le code]

Il est vraisemblable que les lanternes aient été des fanaux funéraires. Dès l'Antiquité, il est de tradition d'entretenir une flamme auprès des tombes. Cette coutume est reprise par les premiers chrétiens pour qui la mort n'est qu'un passage de la lumière terrestre vers la lumière céleste. Les tombeaux s'ornent de bougies. Elles sont ensuite remplacées par une bougie de pierre, plus solide, résistante aux intempéries : la lanterne des morts.

Les interprétations diffèrent sur la signification ou la symbolique de ces lanternes : Viollet-le-Duc y voyait une expression de la "tradition antique de la Gaule Celtique" ; pour certains, ces lanternes préservaient les vivants de la peur des revenants et des esprits des ténèbres. Pour d'autres, elles auraient eu vocation à éclairer les cérémonies des familles des défunts. D'autres encore y voient la volonté de rappeler à tous l'immortalité de l'âme, reliant l'implantation de ces monuments à la sphère d'influence des bénédictins. Un chapitre de l'ouvrage Monuments curieux et sites étranges de l'historien Henri-Paul Eydoux, paru en 1974, évoque ces différentes interprétations[2].

Antiquité[modifier | modifier le code]

La pile funéraire gallo-romaine de Cinq-Mars-la-Pile a pu faire office de lanterne des morts.

Moyen Âge[modifier | modifier le code]

En France, la plupart de ces édifices furent construits aux alentours du XIIe siècle. Ils sont pour l'essentiel concentrés dans une zone du centre-ouest de la France, incluant les départements de l'Allier, de la Charente, de la Charente-Maritime, de la Corrèze, de la Creuse, de la Dordogne, de l'Indre, de la Loire, du Lot, du Puy-de-Dôme, des Deux-Sèvres, de la Vendée, de la Vienne et de la Haute-Vienne, ces 14 départements correspondant grosso modo au territoire nominal du duché d'Aquitaine au Xe siècle. Un petit édifice désigné sous ce nom est situé près de l'église de Guégon (Morbihan) et il en existe huit autres répertoriées en Bretagne : à Les Moutiers-en-Retz (enclos paroissial de l'église Saint-Pierre), à Douarnenez (sur l'église Saint-Herlé de Ploaré), à Saint-Jean-du-Doigt (toit de la chapelle Saint-Mélar), à Plonévez-du-Faou (chapelle Saint-Herbot), à Liffré (base du clocher de l'église Saint-Michel), à Ploulec'h (chapelle Saint-Herbot) et à Trégastel (près du porche)[3]. Dans l'Est de la France on signale de rares monuments anciens isolés comme la tour ronde du XIIIe siècle au cimetière de Farschviller (Moselle) ou encore la jolie construction tardive en style gothique flamboyant nommée « La Recevresse » de la basilique Notre-Dame d'Avioth (Meuse).

Cette concentration particulière n'a jusqu'ici reçu aucune explication satisfaisante. Les hypothèses les plus diverses sont émises quant à leur fonction : phares destinés à guider les voyageurs égarés ; enseignes indiquant un cimetière, donc un lieu dangereux à éviter[4] ; fanal permettant aux morts quittant leurs tombes pour hanter les vivants de retrouver leur cimetière à l'aube…

Époque contemporaine[modifier | modifier le code]

Après la Première Guerre mondiale, des lanternes des morts sont élevées sur les cimetières militaires (voir Douaumont, Dormans ou nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette). Le monument aux morts de La Châtre représente une femme debout au pied d'une lanterne des morts.

Hors de France[modifier | modifier le code]

Des lanternes des morts existent en Irlande, un seul exemple en Angleterre à Bisley, Gloucestershire, et dans plusieurs pays d'Europe centrale (pour ces derniers, la construction des lanternes semble plus tardive que les lanternes françaises).

Dénominations[modifier | modifier le code]

Formes[modifier | modifier le code]

Lanterne des morts des Moutiers-en-Retz (Loire-Atlantique).

Noms additionnels[modifier | modifier le code]

La lanterne des morts de Sarlat-la-Canéda est aussi appelée lanterne des Maures[6].

Celle de Carlux (Dordogne) est appelée cheminée sarrasine, même si elle n'a rien à voir avec les cheminées sarrasines de Bresse.

Celle de Vergèze (Gard) est appelée lanterne des Maures, ou cheminée sarrazine[7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Isabelle Ohmann, « Lanternes des morts, hommage aux morts ou immortalité de l’âme ? », Revue Acropolis, .
  2. Henri-Paul Eydoux, Monuments curieux et sites étranges, Paris, Librairie Académique Perrin, , pages 121-138
  3. Bernard Rio, "Voyage dans l'au-delà. Les Bretons et la mort", éditions Ouest-France, 2013, (ISBN 978-2-7373-5809-8).
  4. Cécile Treffort, « Les lanternes des morts : une lumière protectrice ? À propos d’un passage du De miraculis de Pierre le Vénérable », dans Cahiers de recherches médiévales, no 8, 2001, mis en ligne le 13 mars 2008, consulté le 07 avril 2013.
  5. « Monument aux morts à Landerneau », sur monuments-aux-morts.fr, (consulté le )
  6. André Goinaud-Bérard, Templiers et hospitaliers en Périgord, Périgueux, Pilote 24, , 279 p. (ISBN 2-912347-22-X, présentation en ligne).
  7. Nemausus.com « Vergèze et la source Perrier » ; Ville de Vergèze « La lanterne des Morts (ou cheminée Sarrazine) » « Copie archivée » (version du sur Internet Archive).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, vol. VI (lire sur Wikisource).
  • Alexis de Chasteigner, « Essai sur les lanternes des morts », dans Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest année 1843, 1844, p. 275-304 (lire en ligne), planche VII
  • Abbé André Lecler, Étude sur les lanternes des morts, Limoges : Librairie Veuve H. Ducourtieux, 1882 (étude pour celles du Limousin) [1]
  • François Deshoulières, Sarlat - Lanterne des mortse, dans Congrès archéologique de France 90e session. Périgueux. 1927, p. 281-283, Société française d'archéologie, Paris, 1928 [lire en ligne].
  • Roland Engerand, « Les Lanternes des morts », L'Illustration, no 4574,‎ , p. 281-288.
  • René Crozet, « Lanternes des morts du centre et de l'ouest », La Grand'Goule,‎ .
  • René Crozet, « les Lanternes des morts », Bulletin de la société des antiquaires de l'Ouest,‎ 1er trimestre 1943, p. 115-144.
  • Léo Fayolle, « Origine et destination des lanternes des morts », Bulletin de la société des antiquaires de l'Ouest,‎ 1er trimestre 1943, p. 145-154.
  • Henri-Paul Eydoux, Les lanternes des morts, Ch. 9, pages 121-138, in Monuments curieux et sites étranges, Librairie Académique Perrin, 1974
  • Michel Plault, Les Lanternes des morts. Inventaire, description, histoire et liturgie, Poitiers, Danièle Brissaud, , 200 p. (ISBN 978-2-902170-58-6).
  • Christian Bougoux, De l'origine des lanternes des morts, Bordeaux, Bellus éditions, , 150 p. (ISBN 2-9503805-0-6).
  • Cécile Treffort, « Les lanternes des morts : une lumière protectrice ? À propos d’un passage du De miraculis de Pierre le Vénérable », Cahiers de recherches médiévales, vol. 8,‎ (lire en ligne).
  • Émile Boutin Les lanternes des morts, Société des Historiens du Pays de Retz, (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]