Heavy metal français

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Heavy metal français
Origines stylistiques Heavy metal
Origines culturelles Années 1970 ; Drapeau de la France France
Instruments typiques Chant, guitare électrique, guitare basse, clavier, batterie

Le heavy metal français désigne la culture et la musique heavy metal implantées en France. Au cours de son existence, le metal français a connu de nombreuses évolutions esthétiques, idéologiques, économiques, et linguistiques[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Origines et débuts[modifier | modifier le code]

Trust en concert en .

Les origines du heavy metal en France remontent au début des années 1970[2], alors que des groupes hard rock locaux comme Les Variations (considérés comme les premiers du genre dans le pays[3]) étaient déjà formé depuis la fin des années 1960. Malgré l'influence évidente des groupes anglo-saxons, les premiers groupes de heavy metal chantaient principalement en français[1].

Parmi les premiers groupes du genre heavy metal, on peut citer Ganafoul, formé en 1974 à Givors, dans la banlieue de Lyon, dont les influences étaient anglaises et américaines (Deep Purple, Led Zeppelin et Jimi Hendrix)[2]. Un autre groupe local, baptisé Marécages, est formé en 1975, et ne compte qu’un premier et unique EP éponyme sorti dix ans plus tard, en 1985[2]. En 1976, deux autres groupes français se forment : Wotan (heavy metal) — qui sortira deux démos en 1984 et 1986 — et Récidive, formé à Nice, qui sort un premier album en 1981[2].

Du côté de Paris et de sa région, Shakin' Street est formé en 1975 par la chanteuse Fabienne Shine, et rencontre le succès avec la sortie du single Solid as a Rock, issu de son album homonyme, permettant ainsi au groupe de tourner avec notamment Blue Öyster Cult, Cheap Trick, et AC/DC[2]. Mais l'épuisement lié aux tournées crée des frictions au sein du groupe, qui finit par se séparer en 1981, et se reformera sporadiquement dans les années 2000 et 2010[2]. L'un des groupes de metal français devenu emblématique est Trust[1],[2], formé en 1977 aux Mureaux, dans les Yvelines. Celui-ci, aux côtés d'autres groupes comme Warning et Satan Jokers, disposeront par la suite de contrats d'enregistrement avec les majors[3]. En parallèle et à la même époque, de petits groupes français comme Demon Eyes, Vulcain et H-Bomb font leurs premières apparitions sur des petits labels étrangers tels qu'Ebony Records ou Rave-on[3]. En 1978, le groupe Silvertrain se forme et sort un premier album Which Platform Please? en 1979[2]. Toujours du côté parisien, le groupe Sortilège, sort sa première démo en 1982, suivi d'un EP enregistré aux Pays-Bas et sorti chez Rave-on Records en 1983[1].

Années 1980[modifier | modifier le code]

Au début des années 1980, la France reste dépourvue de labels discographiques exclusivement consacrés au heavy metal, comparée à des pays comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, et les Pays-Bas qui, à l'époque, possédaient leurs propres labels[3]. Aux États-Unis, des labels pionniers du genre comme Metal Blade Records s'imposaient directement comme la plaque tournante du metal californien[2]. À la fin des années 1970 et au début 1980, le pays assistait à la création de groupes tels que Holster, Fuzz, Fire Hazard, Eryops, et TNT[2].

Le second trimestre de l'année 1983 constitue un « véritable âge d'or » pour les genres hard rock et heavy metal français[3]. À cette période, de nouveaux groupes, des labels indépendants et des festivals émergent. L'apparition d'une presse musicale spécialisée dans le heavy metal émerge également avec des magazines comme Enfer magazine, Metal Attack et Hard Rock, en parallèle à de nombreux fanzines[3]. Selon Fabien Hein, auteur de l'ouvrage Hard rock, heavy metal, metal : Histoire, cultures et pratiquants, publié en 2003, « il n'existe pas, pour l'heure, de recensement exhaustif des groupes français en activité à cette époque. Les documents disponibles permettent néanmoins d'avancer qu'environ 80 groupes ont publié au moins un disque entre 1983 et 1985. Cela ne renseigne évidemment en rien de l'activité des formations n'ayant pas publié d'enregistrements, nettement plus difficiles à identifier. Par conséquent, je m'en tiendrai essentiellement aux groupes ayant bénéficié d'une couverture médiatique dans la presse spécialisée. Et j'en ferai de même pour les autres acteurs du monde du metal français[3]. »

Au milieu des années 1980, les labels français se déciment et les principaux groupes français sont de nouveaux obligés de se tourner vers des labels étrangers pour se faire publier[2]. Les autres groupes (comme Loudblast et Mercyless) sont provisoirement signés par le label Semetery Records, une filiale discographique de Fnac Music, qui, jusqu'en 1994, détiendra « le quasi monopole de la production metal hexagonale »[2]. Le déclin du hard rock dans le pays laisse place à des esthétiques plus extrêmes, comme par exemple l'évolution du style vocal vers les screams, l'arrivée du blast beat et une imagerie plus violente et gore adoptée par les groupes de metal[4]. Ainsi, à la fin des années 1980, des échanges de cassettes audio se font dans les milieux clandestins ou par voie postale, et de nombreux fanzines photocopiés commencent à faire surface[1]. C'est justement ce réseau qui permettra à des groupes comme Loudblast et Agressor[1].

Vers la fin de cette même décennie, les groupes abandonnent les paroles en français au profit de l'anglais qui représente, selon eux, un « esprit plus metal », à tel point que l'usage du français deviendra marginal par la suite[1]. Les médias spécialisés n'aborderont jamais la question du changement de langue, contrairement aux médias grand public[1]. Certains groupes, comme par exemple Misanthrope, continuent de chanter en français, profitant de l'« exotisme » de son chant pour atteindre le succès en Amérique du Sud et au Japon[1].

Années 1990[modifier | modifier le code]

Gojira au Hellfest en 2022.

Le début des années 1990 voit émerger des labels indépendants spécialisés comme Osmose Productions, basé à Marseille[1], devenu, dès , une « référence incontournable » du black metal[1], avec la signature de groupes étrangers comme Immortal (Norvège), Blasphemy (Canada) et Marduk (Suède), et des groupes français tels qu'Anorexia Nervosa et Arkhon Infaustus[2]. Un autre label français, Adipocere, est créé en , signant des groupes locaux comme Carcariass et Your Shapeless Beauty[2]. C'est grâce à leur réputation que ces labels permettront à des musiciens français des années 1990 de publier leurs morceaux[1], et d'accéder à un plus large public. Ainsi la scène metal du pays accède à son émancipation et à l'esthétique DIY[1]. On peut considérer cette période comme la deuxième vague du metal en France[1].

Le groupe Gojira se forme dans les années 1990 et cultive un « imaginaire spirituel sensible aux enjeux écologiques »[1]. Au fil de son existence, le groupe parvient à signer avec Roadrunner Records, et sera nommé aux Grammy Awards de 2017[1].

En 1994, la France voit arriver le courant crossover metal avec des groupes comme No One Is Innocent, Lofofora et Silmarils qui chantent tous en français[2]. Les années 1990 voient aussi l'émergence de groupes d'un autre genre tels que Mass Hysteria, Watcha et Pleymo, tous catégorisés nu metal (ou néo-metal)[2]. Ainsi, selon Fabien Hein, « les groupes metal français les plus représentatifs de la première moitié des années '90 s'inscrivent au sein de trois tendances musicales[2]. » Il met en exergue par exemple les compilations Brutale génération (sortie en 1995, qui fait participer 32 groupes de metal extrême français), et Hostile, sortie la même année chez Virgin Records, qui fait participer 12 groupes de groupes crossover et hardcore hexagonaux[2]. À la fin 1994 et de manière plus discrète, Brennus Music renoue avec le heavy metal traditionnel, mélodique et progressif français en rééditant des albums de groupes des années 1980 comme Blasphème, Attentat Rock, High Power, Squealer et Killers[2].

Au milieu des années 1990, le heavy metal reste peu reconnu en France et dans les médias, en particulier du fait que les groupes aient adopté l'anglais pour chanter[1]. Le , Stéphane Buriez, leader du groupe Loudblast, invité dans l’émission Ça se discute, explique ce phénomène à Jean-Luc Delarue : « Le désavantage de chanter en anglais, en étant français, c’est que ça nous interdit des passages radios sur les grandes ondes. [...] Je chante en anglais parce que c’est mon moyen de m'exprimer depuis le début. J’ai jamais chanté en français[1]. » Ainsi, Buriez explique que ce manque de reconnaissance était dû aux quotas francophones dans l'audiovisuel, mais aussi au désintéressement des médias grand public pour le metal[1].

La fin des années 1990 est marquée par la création de nombreux festivals musicaux spécialisés dans le metal[2].

Années 2000–2020[modifier | modifier le code]

Au début des années 2000, la France compte une quarantaine de labels heavy metal[2]. Certains labels étrangers comme Roadrunner, Century Media et Nuclear Blast — qui accueillent en leur sein des groupes français — ont implantés leurs bureaux dans la capitale, Paris[2]. Paradoxalement, et à la même période, les labels français sont délibérément tournés vers des groupes étrangers de metal[2]. En 2006, la première édition du Hellfest, un festival consacré au metal extrême, est organisée à Clisson, non loin de Nantes[5].

En 2016, Le Parisien publie un article sur le Hellfest considérant qu'« à rebours des chiffres calamiteux de l’industrie du disque, le marché du heavy metal se porte à merveille en France[5]. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r et s De Trust à Gojira, une brève histoire du metal français au prisme des langues hurlées, p. 37-55.
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v et w « Les premiers groupes de Hard Français », sur Metalorgie, (consulté le ).
  3. a b c d e f et g Hard rock, heavy metal, metal, p. 195-219.
  4. Anthropologie du metal extrême.
  5. a et b Antoine Besse, « LE PARISIEN MAGAZINE. Le metal, un buiness en or », sur Le Parisien, (consulté le ).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Fabien Hein, Hard rock, heavy metal, metal : Histoire, cultures et pratiquants, (lire en ligne), « 5. Le monde du metal en France », p. 195-219.
  • Thierry Aznar, Camion Blanc : Hard rock et heavy metal; 40 années de purgatoire, t. 2, .
  • Michaël Spanu, De Trust à Gojira, une brève histoire du metal français au prisme des langues hurlées, (lire en ligne), p. 37-55.
  • D. Turmel, « Hard rock connexion. Dur, dur not dead », Yaourt, no 6,‎ , p. 25.
  • L. Bourgade, « Les classiques et les modernes. Metal Français. Part. 1 : Les classiques », Hard N' Heavy, no 34,‎ , p. 50-63.
  • M. D'Angelo, Socio économie de la musique en France. Diagnostic d'un système vulnérable, Paris, La Documentation Française, , p. 60.
  • Nicolas Walzer, Anthropologie du metal extrême, Rozières-en-Haye, Camion blanc, .