Économiste
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Un ou une économiste est une personne spécialiste des sciences économiques. Dans la plupart des cas, l'économiste travaille en tant qu'enseignant ou chercheur dans une université, mais il peut également être employé dans un think tank, une institution financière (banque, assurance, etc.) ou un organisme international (FMI, Banque mondiale, OCDE, BRI, etc.).
Histoire
Des philosophes polymathes à la spécialisation
Si économiste est aujourd'hui un métier à part entière, exercé par des spécialistes de la discipline, les premiers économistes étaient des philosophes polymathes. Les premiers travaux d'économie datent de l'époque antique, avec les Économiques d'Aristote et l'Économique de Xénophon. Ces deux travaux abordaient de manière primitive des thèmes tels que la division du travail.
Au XVIIe siècle, quand commencent à être écrits les premiers travaux d'économie moderne, les auteurs sont systématiquement des savants transversaux, qui écrivent tout autant de l'économie que de la philosophie ou du droit. Il en est ainsi de Richard Cantillon, qui découvre l'effet Cantillon, puis de David Hume, qui a déjà l'intuition de la théorie quantitative de la monnaie.
Adam Smith, à travers ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, écrit un des premiers ouvrages entièrement dédiés à l'économie, où il commence la séparation entre l'économie et le reste des sciences sociales. Son œuvre séminale donne naissance à différents courants, qu'il s'agisse de l'école classique (avec David Ricardo et Jean-Baptiste Say), ou, en réaction, du marxisme, à la suite des œuvres de Karl Marx.
Professionnalisation et rôle dans la société
L'économie se professionnalise au cours du XIXe siècle. Baptiste Say occupe la toute première chaire d'économie de France au Conservatoire national des arts et métiers au début du siècle[1]. Les économistes de l'école néoclassique, à la fin du siècle, sont pour la plupart des enseignants et des mathématiciens. La figure de l'économiste passe alors de celle du savant polymathe à celle de l'homme de culture spécialisé[2].
Au cours du XXe siècle, les progrès de la science économique, sous la plume de John Maynard Keynes, Paul Samuelson et Milton Friedman, permettent l'éclosion de plusieurs écoles de pensée économique : le keynésianisme, vite dépassé par la synthèse néoclassique de Samuelson, puis le monétarisme friedmanien, qui inspire la nouvelle économie classique.
L'implication d'économistes auprès de gouvernements pendant les Trente Glorieuses accroît leur prestige, et Wassily Leontief peut écrire, en 1970 : « La science économique est actuellement au faîte de son prestige intellectuel et de sa popularité ». Toutefois, les Trente piteuses qui suivent cette période de croissance diminue le prestige social des économistes, critiqués pour leur incapacité à prévoir les crises économiques et résoudre les grands problèmes publics comme le chômage ou la pauvreté (voir les critiques de l'économie)[3].
Au XXIe siècle, des économistes développent de nouvelles approches de la pauvreté. Esther Duflo est pionnière du développement d'un certain type d'expériences de terrain (micro économie)[4]. Maria Nowac, transpose en France en 1985 le modèle de microcrédit de Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank avant d'étendre ce programme dans plusieurs pays (Afrique de l'Ouest, Europe, Asie centrale)[5]. Thomas Piketty est un spécialiste de l’étude des inégalités économiques, en particulier dans une perspective historique et comparative. Ses publications sont parfois controversées[6]. Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart proposent la théorie du seuil psychologique de la dette, qui fait elle aussi débat[7].
Formation
Études
Les économistes suivent généralement des études d'économie fondée sur un triptyque composé d'une licence d'économie, d'un master d'économie (le plus souvent orienté vers la recherche en économie), et, enfin, un doctorat en économie. Dans le monde anglo-saxon, ces deux derniers diplômes sont des Masters of Science (MSc) et le Ph.D. La licence dure la plupart du temps quatre ans, et non trois. En France comme ailleurs, la licence a vocation à poser les bases de la connaissance économique, tandis que le master assure à l'étudiant une maîtrise de la recherche dans son domaine ; enfin, le doctorat permet à l'étudiant de devenir un chercheur en repoussant les limites de la connaissance.
La majorité des universités ont un département de sciences économiques. Les Grande écoles en ont un pour certaines, comme l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), les École normale supérieure (France), etc.
Si les économistes ont généralement suivi des études d'économie, certains grands économistes ont pu effectuer des études dans un domaine différent : John Nash et Robert Aumann sont titulaires d'un doctorat en mathématiques ; Herbert A. Simon et Elinor Ostrom d'un doctorat en science politique ; Daniel Kahneman, d'un doctorat en psychologie. Tous sont récipiendaires du prix de la Banque de Suède en sciences économiques.
Les cursus suivis par les économistes ont parfois fait l'objet de controverses et de débats. C'est le cas de l'enseignement de l'économie en France, remis en cause par plusieurs mouvements tels que le mouvement des étudiants pour la réforme de l'enseignement de l'économie[3].
Titre d'économiste
Contrairement aux titres de docteur ou de psychiatre, le titre d'économiste n'est pas protégé en France ; chacun peut ainsi se dire économiste. De fait, les personnes présentées comme économistes dans les médias ont parfois des formations moins poussées que ce qui est attendu d'un économiste universitaire[8]. Ainsi, selon une étude menée par Michaël Lainé, les médias français présentent souvent comme économistes des personnes qui ne sont pas titulaires d'un doctorat d'économie, ou qui ne pratiquent pas de recherche en économie[9].
Rémunération
La rémunération des économistes diffère selon leurs activités et leur position. Aux États-Unis, le salaire annuel moyen d'un économiste était, en 2017, de 102 490 dollars américains[10]. Le salaire moyen d'un économiste en France est d'environ 4 000€ par mois[11].
Les femmes économistes sont encore peu nombreuses : 19 % en moyenne mondiale en 2017. Soledad Zignago, économiste à la Banque de France, et Anne Boring, chercheuse affiliée à Sciences Po, publient une note en 2018 qui détaille leur place dans les différents pays. On y découvre que la position des femmes est plus favorable en France qu'aux États-Unis et que par rapport à d'autres disciplines, l'économie se situe dans la moyenne en termes de féminisation[12]
Institutions et publications
Les meilleurs départements d'économie au monde se concentrent aux États-Unis (MIT, Harvard, Columbia, UChicago, UC Berkeley, Princeton, Stanford). En Europe, les meilleurs départements d'économie sont ceux de la LSE, de Cambridge et d'Oxford. En France, il s'agit de la Paris School of Economics, de la Toulouse School of Economics et de l'École polytechnique[13],[14].
Le site RePEc établit un répertoire des économistes dans le monde ayant publié un article dans une revue scientifique. Les documents, articles, institutions et auteurs (54 233 auteurs enregistrés dans le RePEc Author Service en septembre 2018, dont 10 406 femmes) sont classés selon leur notoriété (citations, téléchargements etc.) au niveau international, national et par institution[15],[16]. En sciences économiques, les revues scientifiques les plus prestigieuses dans lesquelles les économistes cherchent à être publiés sont : la Review of Economic Studies (Oxford University Press), le Quarterly Journal of Economics (Oxford University Press), le Journal of Political Economy (University of Chicago Press), la American Economic Review (American Economic Association) et Econometrica (Econometric Society)[17].
En économie, les think-tanks les plus connus dans le monde et regroupant les meilleurs économistes sont : le National Bureau of Economic Research (Boston), le Institute of Labor Economics (Bonn), le Centre for Economic Policy Research (Londres), le Peterson Institute for International Economics (Washington D.C.), la Brookings Institution (Washington D.C.) ou encore le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Paris)[18]. Le courant de la critique de la valeur - dissociation est un exemple de think-tank anticapitaliste.
Économistes français et internationaux
Nobel et nobélisables français
Quatre économistes français ont remporté le dénommé Prix Nobel d'économie[19], en réalité décerné par la Banque de Suède. Parmi les potentiels futurs lauréats, les noms d'Olivier Blanchard (né en 1948), Philippe Aghion (né en 1956), Thomas Piketty (né en 1971) et Emmanuel Saez (né en 1972) sont régulièrement évoqués[20],[21],[22].
Économistes les plus cités
Selon le site RePEc, les cinq économistes basés en France les plus cités sont Jean Tirole, Philippe Aghion, Florencio Lopez-de-Silanes, Thomas Piketty et Andrew Clark[23]. RePEc classe en 2022, le Top 5 des 10 % des femmes les plus citées au niveau international : Carmen M. Reinhart, Asli Demirguc-Kunt, Janet Currie, Esther Duflo, Marianne Bertrand[16].
Selon Academic Influence, les économistes les plus influents du monde en 2021 sont : Paul Krugman, Joseph E. Stiglitz, Thomas Piketty, Esther Duflo, Abhijit Banerjee, Amartya Sen, Jeffrey Sachs, Gabriel Zucman, Robert Solow et George Akerlof. Cinq sont Américains d'origine, trois sont Français, et un est Indien[24].
Économistes célèbres
- François Quesnay, fondateur de l'école physiocratique ;
- Jean-Baptiste Say, membre éminent de l'école classique et découvreur de la loi de Say ;
- Frédéric Bastiat, économiste classique ;
- Léon Walras, cofondateur de l'école néoclassique, inventeur du tâtonnement walrasien ;
- Alfred Sauvy, macroéconomiste éminent, professeur au Collège de France ;
- Jean Fourastié, macroéconomiste éminent ;
- Maurice Allais, prix Nobel d'économie (1988) ;
- Gérard Debreu, prix Nobel d'économie (1983) ;
- Susan Strange, une des fondatrices de l'économie politique internationale
- Elinor Ostrom, première femme à obtenir le prix Nobel d'économie (2009) avec Oliver E. Williamson;
- Jean Tirole, prix Nobel d'économie (2014) ;
- Esther Duflo, prix Nobel d'économie (2019) avec Abhijit Banerjee et Michael Kremer;
Femmes économistes au sein d'institutions financières internationales
- Janet Yellen, secrétaire au Trésor des États-Unis (2021-)[25];
- Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (2011-2019), première femme présidente de la Banque centrale européenne (2019-)[26];
- Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (2019-)[27];
- Sri Mulyani Indrawati, ministre des Finances d'Indonésie (2016-)[28];
- Pinelopi Koujianou Goldberg, chef économiste de la Banque mondiale (2018-2020)[29];
- Agnès Bénassy-Quéré, chef-économiste du Trésor (France, 2020-)[30];
- Laurence Boone, chef économiste de l'OCDE (2022-)[31];
- Natacha Valla, directrice générale adjointe pour la politique monétaire de la Banque centrale européenne (2018-2020), doyenne de l'École du management et de l'innovation de Sciences Po[32];
- Gita Gopinath, première directrice générale adjointe du Fonds monétaire international (2019-)[33];
- Rania Al-Mashat, ministre égyptienne de la Coopération internationale (2019-), elle représente l’Égypte auprès de plusieurs institutions financières[34];
- Clare Lombardelli, directrice générale, cheffe économiste du Trésor britannique (2018-)[35]
Principaux économistes internationaux
Notes et références
- Louis Reybaud, Les Chaires d’Économie politique en France, Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 54, 1864
- Robert Boyer, Une discipline sans réflexivité peut-elle être une science? : Épistémologie de l'économie, dl 2021 (ISBN 979-10-351-0658-4, OCLC 1288328630, lire en ligne)
- Collectif, À quoi servent les économistes s'ils disent tous la même chose ?: Manifeste pour une économie pluraliste, les liens qui libèrent, (ISBN 979-10-209-0303-7, lire en ligne)
- (en-US) Condé Nast, « The Poverty Lab », sur The New Yorker, (consulté le )
- « Adie - Biographie de Maria Nowak », sur Adie : financer - conseiller - accompagner (consulté le )
- « Le Capital au XXIe siècle , Thomas Pik... », sur www.seuil.com (consulté le )
- (en) Carmen M. Reinhart, Growth in a Time of Debt, na, (lire en ligne)
- David Colander, « Comment fabriquer un économiste », sur cairn.info (consulté le )
- Michaël Lainé, L'économie vue des médias: anatomie d'une obsession morale, Le bord de l'eau, (ISBN 978-2-35687-688-1, lire en ligne)
- (en-US) « Economists : Occupational Outlook Handbook: : U.S. Bureau of Labor Statistics », sur www.bls.gov (consulté le )
- « Economiste », sur CIDJ (consulté le )
- Anne Boring et Soledad Zignago, « Économie, où sont les femmes ? », sur Banque de France, (consulté le )
- (en) « QS World University Rankings by Subject 2021: Economics & Econometrics », sur Top Universities (consulté le )
- « ShanghaiRanking's Global Ranking of Academic Subjects 2018 - Economics | Shanghai Ranking - 2018 », sur www.shanghairanking.com (consulté le )
- « Economist Rankings | IDEAS/RePEc - 10% authors », sur ideas.repec.org (consulté le )
- « Top Female Economists Rankings | IDEAS/RePEc », sur ideas.repec.org (consulté le )
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- « Economics rankings: Think Tanks | IDEAS/RePEc », sur ideas.repec.org (consulté le )
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- (en) The Jakarta Post, « Jokowi's new Cabinet announced », sur The Jakarta Post (consulté le )
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- « Laurence Boone nommée secrétaire générale adjointe de l'OCDE », sur LEFIGARO, (consulté le )
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- (en) « Clare Lombardelli », sur GOV.UK (consulté le )
- (en) Linda Yueh, The Great Economists, London (UK), Penguin, , 368 p.
- Marie-Véronique Wittmann, « Les femmes dans la pensée économique », Revue française d'économie, vol. 7, no 3, , p. 113–138 (DOI 10.3406/rfeco.1992.1318, lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
- (en) Marion Fourcade, Étienne Ollion et Yann Algan, « The Superiority of Economists », Journal of Economic Perspectives, vol. 29, no 1, (lire en ligne)
Sources
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Economist » (voir la liste des auteurs).