Festival de Cannes 1997
La 50e édition du Festival de Cannes s'est déroulée du 7 au . La maîtresse de cérémonie fut l'actrice française Jeanne Moreau. Exceptionnellement, une Palme des Palmes a été décernée par tous les réalisateurs palmés vivants lors de la soirée d'ouverture. Ingmar Bergman en fut le récipiendaire.
Jury
- Isabelle Adjani, actrice et productrice France,
Présidente du jury - Gong Li, actrice Chine
- Mira Sorvino, actrice États-Unis
- Paul Auster, écrivain États-Unis
- Tim Burton, réalisateur et producteur États-Unis
- Luc Bondy, metteur en scène Suisse
- Patrick Dupond, danseur et chorégraphe France
- Mike Leigh, réalisateur Royaume-Uni
- Nanni Moretti, réalisateur et scénariste Italie
- Michael Ondaatje, écrivain Canada
Constitution
Alors qu'elle avait décliné la proposition de présider le jury en 1990, ne s'estimant pas prête, Isabelle Adjani accepte d'être la présidente de la 50e édition. Elle demande néanmoins au Festival d'être consultée sur la composition du jury. Elle exprime aussi le souhait que le jury soit « jeune » et constitué uniquement d'artistes. Elle donne son accord pour que Patrice Chéreau soit écarté d'emblée, jugé par la direction trop proche d'elle depuis La Reine Margot. Comme metteur en scène de théâtre et d'opéra et réalisateur de films, le Suisse Luc Bondy est choisi à sa place. Plusieurs artistes envisagés ne peuvent participer à l'édition, car indisponibles à l'instar d'Emma Thompson et Ralph Fiennes. Kristin Scott-Thomas donne un accord de principe mais souhaite tenir le premier rôle de L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux de Robert Redford pour lequel elle est pressentie. Elle fait part de la proposition du Festival au réalisateur qui décide de l'engager. Arnaud Desplechin accepte puis se désiste[1]. Jodie Foster refuse, souhaitant uniquement présider le jury[1] (poste qu'elle acceptera un temps en 2001 avant de se désister pour participer à Panic Room de David Fincher). Paul Auster suggère la participation de Michael Ondaatje, l'auteur de L'Homme flambé dont Le Patient anglais est adapté. Tim Burton, Mike Leigh, Gong Li et Nanni Moretti se rendent disponibles. Comme il manque un nom français, le danseur étoile Patrick Dupond est sollicité. Mira Sorvino termine un film le jour de l'ouverture du festival. Mais elle souhaite vivement participer au jury et accepte la proposition qui lui est faite[1].
Jury de la Caméra d'or
- Françoise Arnoul, actrice France,
Présidente du jury - Luciano Barisone, critique Italie
- Olivier Brunet-Lefèbvre, cinéphile France
- Julien Camy, cinéphile France
- Ulrich Gregor, historien du cinéma Allemagne
- Gérard Lenne, critique France
- Jiří Menzel, réalisateur République tchèque
- Nicolas Philibert, réalisateur France
Selection Officielle - Compétition
- Assassin(s) de Mathieu Kassovitz (France)
- Funny Games de Michael Haneke (Autriche)
- Happy Together de Wong Kar-wai (Hong-Kong)
- Le prince de Hombourg de Heinrich Von Kleist de Marco Bellochio (Italie)
- Kini & Adams d'Idrissa Ouedraogo (Burkina Faso)
- L.A. Confidential de Curtis Hanson (États-Unis)
- La femme défendue de Philippe Harel (France)
- La Trêve de Francesco Rosi (Italie)
- Ne pas avaler de Gary Oldman (Royaume-Uni)
- She's So Lovely de Nick Cassavetes (États-Unis)
- Le Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami (Iran)
- The Brave de Johnny Depp (États-Unis)
- The End of Violence de Wim Wenders (Allemagne)
- Ice storm d’Ang Lee (États-Unis)
- Le Baiser du serpent de Philippe Rousselot (Royaume-Uni)
- De beaux lendemains d’Atom Egoyan (Canada)
- Le Puits de Samantha Lang (Australie)
- L'Anguille de Shohei Imamura (Japon)
- Bienvenue à Sarajevo de Michael Winterbottom (Royaume-Uni)
- Western de Manuel Poirier (France)
Selection Officielle - Hors Compétition
- Bienvenue à Woop Woop de Stephan Elliott (Australie)
- Les Pleins Pouvoirs de Clint Eastwood (États-Unis)
- Le Destin de Youssef Chahine (Égypte)
- Ghosts de Stan Winston (États-Unis)
- Hamlet de Kenneth Branagh (Royaume-Uni)
- Le Cinquième Elément de Luc Besson (France)
- Nirvana de Danny Pang (Italie)
- The Blackout d'Abel Ferrara (États-Unis)
- Voyage au début du monde de Manoel de Oliveira (Portugal)
Palmarès
- Palme d’or (ex æquo) : L'Anguille de Shohei Imamura et Le Goût de la cerise d’Abbas Kiarostami
- Grand prix du jury : De beaux lendemains d’Atom Egoyan
- Prix du cinquantième anniversaire du Festival : Le Destin de Youssef Chahine
- Prix de la mise en scène : Wong Kar-wai pour Happy Together
- Prix du Jury : Western de Manuel Poirier
- Prix d'interprétation féminine : Kathy Burke dans Ne pas avaler
- Prix d'interprétation masculine : Sean Penn dans She's So Lovely
- Prix du scénario : James Schamus pour The Ice Storm
- Prix de la Critique internationale (ex æquo) : Voyage au début du monde de Manoel De Oliveira et De beaux lendemains d’Atom Egoyan
- Prix du Jury œcuménique : De beaux lendemains d'Atom Egoyan
- Grand prix de la Commission supérieure Technique : She's So Lovely de Nick Cassavetes
- Caméra d'or : Moe no Suzaku de Naomi Kawase et une Mention Spéciale pour La Vie de Jésus de Bruno Dumont
- Palme d'or du court-métrage : Is It the Design on the Wrapper? de Tessa Sheridan
- Palme des Palmes (Palme d'honneur) : Ingmar Bergman
Délibérations du jury
Dans le chapitre qu'il consacre à la 50e édition dans ses mémoires, La Vie passera comme un rêve, Gilles Jacob, à l'époque délégué général du Festival de Cannes, explique l'influence déterminante de Nanni Moretti sur le choix de la Palme d'or[2]. Cette année-là, Isabelle Adjani souhaite que son jury assiste groupé aux projections afin d'éviter les clans[3]. Elle exige par ailleurs une délibération après chaque visionnage et tente de contraindre ses collègues à suivre son régime alimentaire[3]. En conséquence, elle rencontre l'hostilité des autres jurés nonobstant un excellent discernement sur les films, selon l'avis de Gilles Jacob[4]. Pour l'ultime délibération, à la villa Domergue, Nanni Moretti soutient avec insistance Le Goût de la cerise d'Abbas Kiarostami[2][2]. Cependant, le vote préliminaire est clairement en faveur d'une Palme indiscutable à L'Anguille de Shōhei Imamura, déjà lauréat de cette récompense pour La Ballade de Narayama. Par le biais d'une argumentation efficace, Moretti convainc progressivement les autres jurés d'accepter le principe d'égalité pour le film iranien[5]. Au second vote indicatif, Le Goût de la cerise passe de la seule voix de Moretti à cinq voix. D'autre part, tous les jurés savent qu'Isabelle Adjani souhaite que la Palme aille à De beaux lendemains du Canadien Atom Egoyan. Moretti et elle s'entendent pour faire accepter l'idée d'une Palme d'or ex-æquo ce qu'interdit le règlement. Gilles Jacob accorde alors une dérogation exceptionnelle, pensant que le film d'Imamura n'est « pas son meilleur » et que donner la Palme à ce seul long métrage serait mal vu par la presse[2]. Plus tard, Jacob explique que c'est paradoxalement ce choix qui lui est reproché car « couper la Palme en deux affaiblit sa portée »[2].
Adjani pense, en faisant cette demande, que l'autre demi-palme ira à Atom Egoyan et que Moretti l'appuiera[2]. Mais une fois que la Palme est acquise pour Le Goût de la cerise, le cinéaste porte son second vote sur L'Anguille qui l'emporte très largement. Devant ce résultat incontestable, De beaux lendemains ne reçoit que le Grand prix du jury ce qui déclenche la colère de la présidente[5]. Adjani, dans les interviews qui suivent le festival, qualifie Moretti de « Machiavel[2] ». Cette année-là, la comédienne est aussi en conflit ouvert avec Mike Leigh[2]. Ils s'entendent néanmoins pour faire attribuer le Prix d'interprétation féminine à Kathy Burke pour Ne pas avaler de Gary Oldman[3]. Dans un entretien accordé au Journal du dimanche, Adjani le traite de « nain de jardin »[3]. Moretti est également en profond désaccord avec Leigh[2]. À noter que Tim Burton, juré cette année-là, présidera le jury de la 63e édition cannoise et Moretti, celui du 65e Festival. Alors que le cinéaste italien avait affirmé qu'il ne serrerait jamais la main de l'auteur de Funny Games (en compétition) qui l'avait profondément choqué, il attribue avec ses jurés la Palme d'or à Amour du même réalisateur[6]. Ironie de l'histoire, Kiarostami, en compétition la même année qu'Amour avec Like Someone in Love, repart bredouille.
Anecdote
- Abbas Kiarostami scandalise les autorités iraniennes pour s'être laissé embrasser par une femme en public, Catherine Deneuve, qui lui remettait la Palme d'or.
- À l'occasion du cinquantenaire du festival, en ouverture, une Palme des Palmes est décernée au cinéaste suédois Ingmar Bergman par tous les lauréats de la Palme d'or présents à Cannes. Sa fille, Linn Ullmann, vient chercher le prix qui lui est remis par sa mère, l'actrice Liv Ullmann[7].
Lien externe
Notes et références
- Gilles Jacob, La Vie passera comme un rêve, Robert Laffont, , 385 p., p. 199-200
- Gilles Jacob, La Vie passera comme un rêve, Robert Laffont, , 385 p., p. 205-209
- Jérémie Couston, « Présidents de Cannes : notre palmarès des plus dépensiers, machiavéliques, sévères, capricieux… », Télérama, (lire en ligne)
- (fr) Allociné « 65e Festival de Cannes : Nanni Moretti Président du Jury ! », consulté le 24 novembre 2012
- (fr) Paris Match « Les goûts de Nanni Moretti », consulté le 22 novembre 2012
- Frédéric Mercier, « Cannes 2012, le bilan », TCM, (lire en ligne)
- Le Festival en dates sur le site du Festival de Cannes