Aït Betroun

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Aït Betroun
At Betṛun (kab)
ⴰⵜ ⴱⴻⵜⵔⵓⵏ (ber)
بني بترون (ar)
Description de l'image Ouacifar.JPG.
Le sommet de Thaletat dans le Djurdjura chez les Aït Ouacif.
Populations importantes par région
Dans leur territoire environ 20 000.
Dans les grandes villes d'Algérie Inconnu, mais un très grand nombre.
Autres
Régions d’origine Grande Kabylie
Langues Kabyle
Religions Musulmans (Sunnites)

Ait Betroun, Aït Bethroun ou Aït Bethroune (en Kabyle: At Betrun, en Arabe: بني بترون, latinisé: Beni Betroun) était une ancienne confédération kabyle divisée en quatre tribus (âarchs) : Aït Yenni (Beni Yenni), Aït Ouacif (Ouacif), Aït Boudrar (Iboudraren) et Aït Bou-Akkach (la partie sud de la commune d'Ouacif[1]). Les Aït Betroun font partie des Zouaoua (Igawawen) et sont localisés dans le sud-est de la wilaya de Tizi Ouzou en Grande Kabylie, Algérie. Ils sont voisins des Aït Menguellet à l'est, des Aït Irathen au nord, des Aït Sedka à l'ouest, et des des Aït Ouakour et Imcheddalen (M'Chedallah)au sud.

D'après Charles Devaux, ils s'appellent eux-mêmes « le cœur des Zouaoua », ils sont de mœurs farouches, très rigides dans l'observation de leurs qanouns (lois)[1]. La confédération est connue pour son industrie d'armes (fusils, flissas ect…) et son artisanat (bijoux). Chez les Aït Boudrar, les Aït Ouacif, et surtout les Aït Yenni, il existait de bons ouvriers dont l’art était plus perfectionné[2]. Les Aït Betroun étaient aussi des faux-monnayeurs très connus durant l'époque de l'Empire ottoman[1]. Ils étaient les plus industrieux de tous les Zouaoua.

Avant et durant la conquête française, ils formaient, avec les Aït Menguellet, la confédération des Zouaoua proprement dits. Ils ont vaincu les Ottomans et n'ont jamais payé d'impôts, ils étaient toujours indépendants jusqu'à la conquête française en l'an 1857.

Étymologie

Aït Betroun signifie « les fils de Betroun », et Aït Yenni signifie « les fils de Yenni ». Le préfixe berbère « Aït » veut dire « fils de — » est utilisé pour la filiation, mais peut aussi signifier « ceux de — » ou bien « les gens de — »[3], comme dans Aït Ouacif, qui signifie « les gens/ceux de de la rivière » et Aït Boudrar, qui signifie « les gens/ceux de de la montagne »[4]. Aït Betroun fut mentionné par Ibn Khaldoun en arabe sous la forme suivante : Béni-Itroun[5].

Origines

Le Djurdjura vu d'Aït Yenni.

D'après l'historien arabe du XIVe siècle, Ibn Khaldoun, les Aït Betroun sont une des tribus les plus marquantes des Zouaoua[5], tribu qui habitait la Grande Kabylie (depuis Bougie jusqu'à Dellys) et faisait partie de la grande branche berbère des Kutama[6] qui était la force principale des Fatimides Chiites. Ibn Khaldoun avait repris l'hypothèse de le génealogiste andalou, Ibn Hazm[6]. Mais Ibn Khaldoun dit que d'après les généalogistes berbères eux-mêmes, les Zouaoua sont des Zenètes descendants de Semgan, fils de Yahya (Yedder), fils de Dari, fils de Zeddjîk (ou Zahhîk), fils de Madghîs al-Abter[6], ancêtre des Berbères du groupe Botr, l'autre étant les Branès, dont font partie les Sanhaja et les Kutama. L'hypothèse d'Ibn Khaldoun et d'Ibn Hazm est plus vraisemblable, même si Ibn Khaldoun avait dit que les Zouaoua eux-mêmes se considèrent liés aux Zenètes par sang[6]. L'origine berbère des Aït Betroun est indéniable, mais l'origine tribale précise reste à confirmer.

D'après la tradition orale, les Aït Yenni et les Aït Ouacif ont un même ancêtre dont le nom est Aïssam. Aïssam avait deux fils : Yenni, ancêtre des Aït Yenni, et Ouacif, ancêtre des Aït Ouacif[7].

Histoire

Moyen Âge

La plus vieille mention historique des Aït Betroun date du XIVe siècle par l'historien du Moyen Âge, Ibn Khaldoun, dans son ouvrage, Histoire des Berbères (volume 1). Ibn Khaldoun nous dit :

De nos jours, les tribus zwawiennes les plus marquantes sont les Béni Idjer, les Béni Manguellat, les Béni Itroun, les Béni Yanni, les Béni Bou-Ghardan, les Béni Itouragh, les Béni Bou-Yousef, les Béni Chayb, les Béni Aïssi, les Béni Sadqa, les Béni Ghoubrin et les Béni Gechtoula[5].

Mais le nom doit être plus vieux. La forme d'Ibn Khaldoun pour les Aït Betroun, Béni-Itroun, a été retrouvée en Espagne, précisément dans les îles Baléares[8], qui ont été conquises par le Califat de Cordoue au début du Xe siècle avec une armée partiellement berbère[9], mais les îles ont été conquises deux fois de plus sous les Berbères Almoravides et Almohades (1106 et 1203 ap. J. -C[8].). Revenant plus en l'arrière dans le temps. Les Zouaoua, dont font partie les Aït Betroun, ont, à côté des Sanhaja et des Kutama, joué un rôle fondamental dans la création du Califat Fatimide en constituant une partie de l'armée qui avait renversé les Aghlabides et conquis la moitié du Maghreb, Sicile, l'Égypte, le Levant et le Hedjaz. Au XIe siècle, c'est-à-dire à l'époque des Sanhaja Hammadites (fraction des Zirids), Ibn Khaldoun écrit ainsi :

Les descendants de Hammad bâtirent la ville de Bougie (Bejaïa) sur le territoire des Zouaoua et les obligèrent à faire leur soumission[10].

Durant l'époque ottomane

Le village de Koukou, capitale du Royaume de Koukou, dans la tribu des Aït Yahya.

Au début de la domination ottomane au Maghreb central (Algérie), les Aït Betroun, comme les autres tribus des Zouaoua, faisaient partie du Royaume de Koukou dont la famille royale, les Aït Ou el-Kadi, étaient originaires de la tribu des Aït Ghobri. Ils ont aussi participé dans les batailles aux côtés du Royaume de Koukou, notamment contre le Royaume des Aït Abbas au XVIe siècle[11]. Durant la guerre de succession des Iboukhtouchen (fraction des Aït Ou el-Kadi) peu avant 1596, les Aït Betroun ont été divisés en deux : les Aït Ouacif et les Aït Bou-Akkach rejoignerent le çoff oufella (parti d'en haut) et prennent la partie de Ourkho[12]. Mais les Aït Yenni et les Aït Boudrar rejoignent le çoff bouadda (parti d'en bas) et prennent la partie d'Ali, frère d'Ourkho. Après l'effondrement du Royaume de Koukou au XVIIIe siècle, les Aït Betroun ont gardé leur indépendance jusqu'à la conquête française en 1857.

Mousquetaire de Kabylie.

En l'an 1746 ou 1747, les Ottomans sous le commandement du Bey Mohammed Ben Ali (surnommé « ed-Debbah », signifiant l’égorgeur) ont décidé de soumettre les Aït Betroun, qui, loin de reconnaître la puissance (turc) naissante, cherchaient à la détruire par tous les moyens possibles[13]. Le Bey Mohammed s'attaque aux Aït Ouacif. Il tenta d'enlever le grand marché de la tribu[14], « Souk el-Sebt », signifiant le marché du samedi (le marché n'existe plus). Mais cette fois, la fortune, qui lui avait toujours été favorable, se tourna contre lui[15], et la tentative s'est terminée par un fiasco meurtrier pour les Ottomans, qui ont été repoussés et obligés de se retirer. Les Ottomans ont été vaincus[14], et n'essaieront plus jamais de faire face aux Zouaoua proprement dits les armes à la main. Battu par les armes, le bey espère prendre sa revanche en jouant de finesse. Un envoyé du bordj apporte du pain blanc aux Aït Ouacif avec promesse que, s’ils se soumettent, ce pain deviendra leur nourriture de chaque jour[14]. Les Kabyles ont répondu :

« Reporte au bey son pain blanc, et répète-lui que nous préférons notre piment rouge, qui fait circuler le sang plus vif dans nos veines et nous donne plus d'ardeur encore pour combattre l'étranger[14]. »

Une autre version similaire du récit : Le Bey, désespéré de son insuccès, essaya un subterfuge pour intimider ses adversaires. Il leur envoya une certaine quantité de pain blanc, en leur annonçant que c'était la nourriture journalière des siens[13]. En réponse, les Kabyles lui adressèrent des beignets saupoudrés de ce poivre rouge dont la force est proverbiale, eu accompagnant leur envoi de ces paroles[13] :

« Ces aliments, recouverts d'une forte couche de poivre qui brûle notre sang lorsque nous les mangeons, ravivent notre ardeur guerrière, notre haine pour l'étranger et nous donnent la force nécessaire pour les exterminer. »

Des marabouts (saints) ont annoncé à haute voix que le prophète était apparu à Bey Mohammed, lui ordonnant de donner son cheval à boire à la fontaine du marché des Aït Ouacif. Ils ont dit: « Le bey viendra donc à cheval, avec une faible escorte, et au nom du prophète nous lui devons un accueil chaleureux. » La grande majorité des membres de la tribu, ont répondu tumultueusement: « Non, le bey ne violera pas notre territoire. » Les marabouts ont répondu aux membres de la tribu: « Voulez-vous que le prophète vous maudisse? » « Le prophète ne nous maudira point; qu’ordonne-t-il? » répondirent les Kabyles. Les marabouts: « Que le cheval de Mohammed bois à notre fontaine. » « Bien ! le cheval boira. » C'était la réponse finale des Kabyles. Une députation d'Aït Ouacif alla chercher le cheval, l'amena à boire et le ramena à son maître[14]. Sans laisser le bey et son escorte mettre les pieds sur leur territoire.

Manuscrit du qanun (lois) des Aït Ali Ou Harzoun, fraction des Aït Boudrar.

Deux ou trois ans après la victoire des Aït Ouacif contre les Ottomans, une assemblée a eu lieu dans le territoire de la tribu des Aït Ouacif entre les marabouts (saints) des tribus des Aït Betroun, incluant une tribu disparue peu après, les Aït Oubelkacem. Dans une traduction en français du manuscrit original en arabe, il est écrit ainsi :

« Tout le monde se plaignait d'un état des choses dommageables, source de discordes, de troubles et de conflits dans les villages, les tribus et la confédération des Béni Betroun. L'assemblée générale prononça donc, à l'unanimité des voix :

  1. L'exhérédation de la femme;
  2. L'extinction du droit de retrait sur les biens immobilisés;
  3. L'extinction du droit de préemption pour les filles, les sœurs et les orphelins;
  4. La déchéance du droit au don nuptial pour la femme répudiée, ou veuve[16]. »

Les Aït Betroun n'ont pas été les seuls à appliquer ces lois. D'autres tribus kabyles, comme les Aït Fraoussen et les Aït Iraten, et leur allié, les Aït Sedqa, ont pris la même décision, même si ça contredit la Charia, la loi islamique. Le but de cette loi est d'éviter les étrangers, même quand il s'agit des Kabyles d'autres tribus, d'avoir des terres ou d'autres possessions dans les villages locaux[17].

Avant et durant l'assemblée de 1749, la confédération des Aït Betroun comprenait cinq tribus au lieu de quatre. Une est maintenant disparue, c'était la tribu des Aït Oubelkacem. La tribu des Aït Oubelkacem comprenait quatre villages : Taourirt el-Hadjadj (anciennement appelé Takhabit), Tassaft Ouguemoun, Aït Eurbah et Aït Ali Ouharzoun. Tous ces villages ont été absorbés par les tribus voisines[18] dans une date inconnue, mais bien après l'assemblée de 1749 durant une guerre tribale interne, car la tribu était mentionnée dans le manuscrit de l'exhérédation de la femme[19]. Les Aït Yenni ont pris Taourirt el-Hadjadj, les Aït Boudrar ont pris Aït Ali Ouharzoun, Aït Eurbah et Tassaft Ouguemoun, mais les deux derniers ont été repris par les Aït Ouacif[20].

Voici un une légende des Aït Yenni à propos de cette guerre :

« Sidi Ali Ou Yahia, père de Sidi el-Mouhoub Ou Ali, venu du Maroc, se fixa à Takeralt-Tagueraguera. Un jour, sa négresse vint chercher des légumes à Taourirt-Mimoun. Les gens de la tribu des Aït Ou Belkassem enlevèrent les légumes à la négresse, qui raconta la chose au marabout. Le lendemain, celui-ci réunit les gens de la tribu des Beni Yenni et les décida à prendre les armes pour venger l'outrage qui venait de lui être fait. Il se mit à leur tête, et durant toute la bataille qui eut lieu, les coups de feu. partaient de son bâton. Les Aït Ou Belkassem furent battus, et à partir de ce jour rayés de la carte géographique de la Kabylie[21]. »

Avant la colonisations française, les tribus des Aït Betroun étaient connues pour leurs faux-monnayage, surtout le village d'Aït Larbâa des Aït Yenni. Mais il y avait aussi plusieurs ateliers établis chez les Aït Ouacif et chez les Aït Ali Ouharzoun de la tribu des Aït Boudrar[22]. La fausse-monnaie était appelée « tasekkakt » en kabyle (prononcé « thasekkakth »[22]).

Periode française

La première rencontre entre les Kabyles et les Français dans un champ de bataille était en l'an 1830 à Alger. Les Aït Betroun formaient avec les Aït Menguellet une seule confédération, connue sous le nom d'Igawawen, et se sont réunis sous un seul chef, Sidi el-Djoudi, pour défendre la ville contre les Français. Cependant, le commandement a été partagé entre plusieurs chefs, chacun commandait sa fraction. Les Aït Boudrar avaient comme chef Ali Nait Youcef Ou Ali, les Aït Ouacif Ali Ou Mohamed Ou Kassi, les Aït Bou-Akkach el-Hadj el-Mokhtar Naït Saïd, et finalement, les Aït Yenni avaient Braham Ou Ahmed et le marabout Si el-Hadj Lamine. Selon Jacques Lanfry, les Zouaoua proprement dits, dont font partie les Aït Betroun, se soulèvent ensemble et s'allient en 1849 aux Guechtoula et à d'autres du versant sud du Djurdjura pour attaquer les tribus de basse-Kabylie qui ont fait leur soumission au nouvel occupant venu remplacer le pouvoir turc[23].

La conquête du territoire des Zouaoua fut graduelle. Les Guechtoula furent les premiers Zouaoua à être attaqués par les Français, en l'an 1849. Beaucoup de tribus kabyles ont participé a cette bataille, notamment les Aït Betroun, qui ont envoyé 1,200 guerriers (sur 11,300 guerriers au total), dont 700 des Aït Ouacif, 300 des Aït Yenni et 200 des Aït Ali Ouharzoun (tribu des Aït Boudrar[24]). Celui qui avait réuni de nombreux contingents kabyles pour la bataille, le marabout Sidi el-Djoudi, est lui-même des Aït Betroun, plus précisément des Aït Boudrar[25]. Mais la victoire était dans les mains des Français[26].

Chérif Boubaghla et Lalla Fatma n'Soumer (par Félix Philippoteaux, 1866).

En l'an 1854, les Français ont mené une tentative pour conquérir le reste du territoire des Zouaoua sous le commandement du Capitaine François Wolff, qui s'est terminée par une victoire pour les Kabyles dans la bataille du Haut Sebaou sous le commandement de Lalla Fatma N'Soumer et de Chérif Boubaghla.

3 ans après, les Français ont lancé une expédition définitive contre les tribus insoumises de la Grande Kabylie, cette fois-ci sous le commandement du Général Randon. Les troupes françaises ont commencé leur campagne militaire en marchant contre les Aït Iraten. Les Aït Betroun et beaucoup d'autres tribus Kabyles ont prêté main forte aux Aït Iraten, mais ils étaient vaincus. Après leur défaite, les Aït Iraten ont fait leur soumission le [27]. Juste après, certains de leurs alliés, les Aït Aïssi, les Aït Fraoussen, les Aït Ghobri et les autres, ont aussi fait leurs soumissions[28].

Après ces soumissions, les troupes coloniales sont allées contre les Zouaoua proprement dits. Deux villages des Aït Iraten n'ont pas encore tombé entre les mains des Français, le village d'Icheriden et d'Aguemoun Izem, et c'était dans le premier village que les combattants kabyles de nombreuses tribus se sont réunis et la bataille d'Icheriden était sur le point de commencer. En , les combattants kabyles étaient de 3 à 4 000 hommes, composés des hommes les plus énergiques de la Kabylie, et avaient les munitions nécessaires[29], alors que les Français étaient fort de 7 000[30], dont 2 500 participeront à l'attaque, en plus d'artillerie. Après la fin de la bataille le , les Français avaient 571 hommes hors de combat, incluant 28 officiers. Alors que les Kabyles, d'après eux, ont perdu 400 hommes, la plupart tués par l'artillerie ; le nombre des blessés est inconnu, mais on estime 1 000 au moins[31]. Le pieux fanatisme avec lequel les Kabyles enlèvent leurs blessés et leurs morts rend impossible l'évaluation exacte de leurs pertes. Mais, 67 cadavres des leurs, trouvés soit derrière leurs barricades, soit dans les ravins de la montagne le jour même du combat et les jours suivants, témoignent des pertes subies par eux[32]. Par la vivacité de la défense et le chiffre des pertes, le combat d'Icheriden est l'un des plus considérables des combats divers qui se sont donnés en Algérie[29].

Le général Jacques Louis Randon en Kabylie.

Le jour après le commencement de la bataille d'Icheriden, deux divisions commencent à envahir le territoire des Aït Yenni. Pendant cette invasion, les tribus voisines pas encore soumises, telle que les Aït Boudrar, les Aït Ouacif et les tribus des Aït Menguellet, n'ont pas pu envoyer des hommes pour battre à leurs côtés, car ils étaient déjà à Icheriden et à Aguemoun Izem, une partie des Aït Yenni eux-mêmes étaient là-bas[33]. Les contingents des Aït Yenni à Aguemoun Izem, dernier centre de résistance organisé, ne pouvaient pas arriver à temps pour prendre part à la défense de leur pays[34], et donc la défense était le devoir de la population restante dans la tribu, et même les femmes ont participée[35]. Les Français ont capturé village après village facilement, et les ont brûlés et détruits en grande partie en punition de l'hostilité permanente des Aït Yenni, et de leur persistance à ne faire aucune offre de soumission. Le , une autre division, celle de Maissiat, a pris le col de Chellata avec succès, mais leur causera 4 morts et 30 blessés, dont 3 officiers[36]. Le dernier village des Aït Yenni capturé par les Français était celui de Taourirt el-Hadjadj, à l'extremité de leur territoire, en [37], et avait le même sort que les autres villages de la tribu. Après cette l'invasion du pays des Aït Yenni, les Français ont perdu seulement 7 hommes et avaient 44 blessés[37].

« La soumission des Aït Iraten et l'occupation du Souk Larbâa ont porté les premiers coups; l'indépendance berbère en avait été comme ébranlée, mais elle était encore debout. La double défaite d'Ichériden et des Aït Yenni est la grande défaite de la Kabylie : toutes les tribus ne sont pas soumises, mais toutes sont vaincues. L'élite de leurs guerriers a succombé dans un combat suprême; la tribu libre par excellence ne s'est défendue qu'à peine, et son territoire est aux mains de l'ennemi. »

— Émile Carrey, Récits de Kabylie: campagne de 1857, p. 201

Même si le territoire des Aït Yenni est complètement sous occupation française, ils n'ont toujours pas fait d'offre de soumission. Plus de quinze mille hommes avec tous les convoyeurs, les chevaux, les bêtes de somme et les bestiaux qui les suivent, sont étalés sur le pays des Aït Yenni, brûlant leurs maisons, bouleversant leurs champs, foulant leurs moissons. Le maréchal leur fait savoir, en outre, que s'ils ne viennent pas se soumettre dès le lendemain, il fera couper tous leurs arbres jusqu'au dernier[38].

Les Kabyles furent encore vaincus le , à Aguemoun Izem, le dernier centre de résistance organisé des Kabyles insoumis, qui fut occupé par les Français. Le même jour, les Aït Betroun, qui sont les Aït Yenni, qui avaient leurs villages détruits et brulés ; les Aït Ouacif, qui étaient déjà en guerre civile ; les Aït Boudrar, ont tous faits leurs soumissions[33], sauf les Aït Bou Akkach, qui n'étaient pas directement exposés aux dangers. Ils étaient, comme le rest des Kabyles, épuisés par cette guerre, dans laquelle ils avaient perdus beaucoup d'hommes en participent à la défense d'Alger, des Guechtoula, des Aït Iraten, et des villages d'Icheriden et d'Aguemoun Izem, aux côtés de leurs voisins, les Aït Menguellet, qui étaient incapables de se défendre face aux Français le jour après, et ont donc apporté leur soumission eux aussi, avec les Aït Bou Akkach et les Aït Yahya, quelques jours après[31].

La confédération des Aït Betroun avait perdu beaucoup de ses hommes durant l'époque française à cause de leur resistance face l'envahiseur. Par exemple, le village de Taourirt Mimoun des Aït Yenni avait environ 2,000 à 3 000 habitants en 1857[39], mais en 1868, il n'y avait que 830 habitants[40] et 770 en 1879[41], 8 ans après la révolte de Mokrani à laquelle les Aït Betroun ont participé. Ce n'est qu'un seul exemple, même les autres tribus des Aït Betroun, comme les Aït Ouacif et les Aït Boudrar, ont aussi perdu beaucoup d'hommes comme le reste des Kabyles.

Les tribus

Les Aït Betroun se divisent en quatre :

  • Les Aït Yenni, répartis sur 6 villages : Aït Lahcène, Aït Larbâa, Taourirt Mimoun, Agouni Ahmed, Tigzirt et Taourirt el-Hadjadj. Ils avaient 2 250 hommes armés sur une population de 7 200 habitants dans les années 1840. Durant la conquête française, ils avaient 1 325 fusils[42]. La population des Aït Yenni était de 5 139 habitants en 1868[40], et de 4 466 habitants après l'insurrection de 1871[43].
  • Les Aït Ouacif, répartis en 7 villages : Aït Abbès, Zoubga, Aït Bou-Abderahmane, Tiqidount, Tiqichourt, Aït Eurbaḥ et Tassaft Ouguemoun (les deux derniers appartiennent à la commune d'Iboudraren). Ils avaient 2 600 hommes armés sur une population de 8 100 habitants dans les années 1840. Durant la conquête française, ils avaient 1 230 fusils[42]. La population des Aït Ouacif était de 5 532 habitants en 1868[44], et de 4 749 habitants après l'insurrection de 1871[43].
  • Les Aït Boudrar, répartis en 6 villages : Ighil Bouammas, Tala n-Tazart, Aït Ali Ouharzoun, Bouadnane, Derna et Aït Ouabane[45]. Ils avaient environ 2 000 hommes armés sur une population d'environ 7 000 habitants dans les années 1840, Ils avaient durant la conquête française 1 225 fusils[42]. La population des Aït Boudrar était de 5 958 habitants en 1868[44], et de 5 037 habitants après l'insurrection de 1871.
  • Les Aït Bou-Akkach, répartis en 4 villages : Tiroual (commune d'Aït Boumehdi), Zaknoun, Tiguemmounin, Aït Sidi-Athmane. Ils avaient 1 100 hommes armés sur une population de 3 500 habitants dans les années 1840. Durant la conquête française, ils avaient 765 fusils[42]. La population des Aït Bou-Akkach était de 3 120 habitants en 1868[44], et de 2 680 habitants après l'insurrection de 1871[43].

Dans les années 1840, les Aït Betroun étaient forts d'environ 8 000 hommes armés, sur une population d'à peu près 25 800 habitants. Ils avaient 91 ouvriers en métaux, 4 535 fusils et 78 moulins à huile et à farine durant la conquête française. La population des Aït Betroun était de 19 749 habitants en 1868, et de 16 932 habitants en 1872[43], repartis sur 23 villages[46].

Langue

Les Aït Betroun sont des Berbérophones. Le kabyle reste toujours la langue dominante de la région.

Le dialecte local, tout celui comme leurs voisins, se caractérise par l'absence du son [ʕ], c'est-à-dire le son « 'Ayn » arabe [ع], qui est toujours remplacé par le son [a]. D'après certains linguistes, le son [ʕ] est d'origine étrangère du berbère, qui est venu grâce au contact avec les peuples sémitiques[réf. nécessaire].

Personnalités

Hommes politiques et révolutionnaires

Littérature et poésie

Sport

Musique

Idir en 2011.

Peinture

Galerie

Références

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