Tous les matins du monde (film)
Tous les matins du monde est un film français réalisé par Alain Corneau et sorti sur les écrans en 1991. Il est tiré d'un roman homonyme écrit par Pascal Quignard, qui retrace la vie du compositeur français du XVIIe siècle, Marin Marais, et ses relations avec un autre compositeur contemporain, Monsieur de Sainte-Colombe.
Synopsis
Sur la fin de sa vie, Marin Marais, violiste du XVIIe – XVIIIe siècles, se remémore ses souvenirs de jeunesse et en particulier son apprentissage de la viole de gambe auprès de son maître monsieur de Sainte Colombe et de ses deux filles, Madeleine et Toinette.
1673, dans la campagne près de Paris. Marin Marais, un adolescent gauche de 17 ans, se présente à Monsieur de Sainte-Colombe, un maître gambiste connu pour son austérité (il est janséniste) et sa sévérité : il voudrait devenir son disciple. Sainte-Colombe, bien que vivant retiré du monde, est connu pour sa virtuosité et pour ses innovations techniques (tenue de la viole et de l'archet, addition d'une septième corde pour obtenir les notes plus basses).
Le jeune Marais raconte son histoire d'une voix sourde : « Il était membre de la chorale paroissiale de Saint Germain l'Auxerrois, mais lorsque sa voix mua, il en fut chassé alors que son ami Michel-Richard de Lalande, qui n'avait pas mué, resta dans la formation ... Il ne désirait pas être cordonnier comme son père. Il est doué pour la viole de gambe... » Le maître, après avoir écouté le jeune homme jouer une improvisation sur une Folia de l'époque lui annonce froidement : « Je ne pense pas que je vais vous admettre parmi mes élèves. » Devant l'étonnement de Marin, il ajoute brutalement : « Vous faites de la musique, Monsieur, vous n'êtes pas musicien. » Marin joue alors un aria de sa composition, qui, loin de transcender le maître, l'émeut cependant. Finalement, Monsieur de Sainte-Colombe l'accepte un mois plus tard, pour sa douleur et non pour son art.
Les deux filles du maître (en particulier Madeleine, l'aînée) sont émues par l'arrivée du jeune homme dans la gentilhommière désolée par la mort subite, quelques années auparavant, de Mme de Sainte-Colombe. D'ailleurs, depuis, le maître (qui a refusé d'aller jouer de la viole devant le roi Louis XIV), passe ses journées seul dans une cabane au fond du jardin, travaillant inlassablement son art et recevant parfois la visite de sa défunte épouse : il a fait peindre par Lubin Baugin la table (portant un verre de vin, une bouteille clissée et une assiette d'oublies) derrière laquelle l'apparition s'assied pour l'écouter jouer.
Pendant que le maître s'absente de ce monde, son élève et Madeleine, sa fille aînée, s'aiment. Alors que Marin Marais débute son ascension à la Cour du roi, il s'attarde à en raconter les détails à Madeleine pendant une leçon de viole. Monsieur de Sainte Colombe l'enjoint à plusieurs reprises de jouer, en vain, et laisse sa fureur de voir son élève rechercher la gloire (et non la musique) prendre le dessus : il fracasse la viole du virtuose mondain contre la cheminée et le chasse hors de sa vue, mettant un terme à leurs leçons. Marais revient cependant, à l'insu du maître, prendre des leçons particulières auprès de Madeleine qui lui transmet tout ce qu'elle sait ; elle l'introduit même sous la cabane de Sainte-Colombe pour qu'il puisse continuer à s'inspirer des thèmes, des ornements inédits et du jeu inégalable du vieux musicien, lui vantant des morceaux jamais publiés, attisant ainsi sa curiosité.
L'ascension de Marin Marais dans le milieu musical de la cour continue et il s'éloigne de plus en plus de l'austère maison campagnarde. Il annonce finalement à Madeleine qu'il ne reviendra plus car « il a vu d'autres visages. » Elle s'alite alors, accouche d'un enfant mort-né et tombe en cachexie.
Au fil des années, le mutisme de monsieur de Sainte-Colombe s'accentue. Il refuse à Madeleine, confinée au lit, de lui jouer « La Rêveuse », une pièce que Marais avait composé pour elle autrefois. Sainte-Colombe, sentant néanmoins sa fille approcher de la mort, envoie un billet à Marais lui mandant de venir à son chevet. Celui qui est devenu un musicien bien en cour dirige à Versailles l'orchestre de chambre du roi, en battant impérieusement la mesure de sa canne (comme le faisait Lully) quand on lui apporte le billet ; il refuse tout net de se déplacer mais son battu se dérègle... Il finit par monter en carrosse pour aller chez les Sainte-Colombe. Madeleine, transformée par la vérole et l'anorexie, réalise en le revoyant qu'elle a aimé passionnément et tout donné à un cynique égoïste, qui ne sait que s'étonner de la décrépitude où elle est tombée. Marais s'en va après avoir joué pour Madeleine. Elle se pend au baldaquin de son lit après son départ (avec des rubans de chaussures offertes, jadis, par Marin Marais).
Dans les années suivant la mort de Madeleine, Marais, pourtant devenu chef d'orchestre de la musique du roi, continue à se rendre tous les soirs chez Sainte-Colombe pour se glisser sous la cabane et tenter d'entendre les fameuses pièces que Madeleine avait évoquées, en vain. Mais une nuit, le vieux maître se lamente, seul, et Marais se découvre. Sainte-Colombe lui pardonne et accepte de lui donner « sa première leçon » lorsque Marin Marais lui prouve qu'il a compris que la musique n'était ni pour Dieu, ni pour la gloire ("Elle est un petit abreuvoir pour ceux que le langage a désertés"). Prêtant à Marais la viole de sa défunte fille, Sainte Colombe lui montre une fois la partition des pièces et referme le livre avant qu'ils ne se mettent à jouer.
Le film se termine sur le retour à la Cour de Marin Marais, qui, dans ses derniers jours, voit Sainte-Colombe lui apparaître et lui confier qu'il a été fier de le compter parmi ses élèves.
On apprend à la fin du film que le titre provient de l'aphorisme : « Tous les matins du monde sont sans retour. » (extrait du chapitre XXVI de l'œuvre de Quignard)
Contexte de l'époque
Jean de Sainte-Colombe (qui a pour élève Marin Marais), est un partisan du très austère jansénisme, plus exactement, il était en faveur de Port-Royal des Champs.
Fiche technique
- Titre : Tous les matins du monde
- Réalisation : Alain Corneau
- Scénario : Alain Corneau et Pascal Quignard (d'après son roman)
- Décors : Bernard Vézat
- Costumes : Corinne Jorry
- Photographie : Yves Angelo
- Montage : Marie-Josèphe Yoyotte, Florence Ricard (assistante)
- Musique : Jordi Savall (Marin Marais, Sainte-Colombe, Jean-Baptiste Lully, François Couperin...)
- Production : Jean-Louis Livi, Bernard Marescot (éxecutif)
- Sociétés de production : Film Par Film ; D.D. Productions ; Dival Films ; SEDIF et FR3 Films Production avec la participation du Centre National de la Cinématographie et de Canal+
- Société de distribution : Bac Films
- Pays d’origine : France
- Langue originale : français
- Format : couleur – 35 mm – son : Dolby
- Genre : biographie, drame, musique
- Durée : 115 minutes
- Date de sortie : France le
Distribution
- Jean-Pierre Marielle : Monsieur de Sainte-Colombe
- Gérard Depardieu : Marin Marais
- Anne Brochet : Madeleine
- Guillaume Depardieu : Marin Marais jeune
- Carole Richert : Toinette
- Michel Bouquet : Lubin Baugin, le peintre
- Jean-Claude Dreyfus : L'abbé Mathieu
- Yves Gasc : Caignet
- Yves Lambrecht : Charbonnières
- Jean-Marie Poirier : Monsieur de Bures
- Myriam Boyer : Guignotte
- Violaine Lacroix : Madeleine, jeune
- Nadège Téron : Toinette, jeune
- avec la participation de Caroline Sihol : Madame de Sainte-Colombe
Musiques
- Musiques dirigées et interprétées par Jordi Savall :
- Une jeune fillette : traditionnel, arrangement Jordi Savall
- François Couperin : Troisième leçon de ténèbres à 2 voix
- Jean-Baptiste Lully : Marche pour la cérémonie des turcs (issue de la comédie-ballet Le Bourgeois gentilhomme de Molière)
- Marin Marais : le Badinage, la Rêveuse, l'Arabesque du quatrième livre de pièces pour violes, les Folies d'Espagne et Tombeau pour M. de Sainte Colombe du second livre, Muzette I et Muzette II du troisième livre, la Sonnerie de Sainte-Geneviève du Mont de Paris des pièces en trio
- Jean de Sainte Colombe : les Pleurs, concert à deux violes le Retour, Gavotte du Tendre
- Monsieur de Sainte-Colombe, le fils : Prélude en sol mineur (plus improvisation de Jordi Savall), Fantaisie en mi mineur, arrangement Jordi Savall.
Musiques interprétées par Le Concert des Nations: Jordi Savall (basse de viole, direction), Montserrat Figueras (soprano), Maria Cristina Kiehr (soprano), Rolf Lislevand (théorbe), Christophe Coin (basse de viole), Pierre Hantaï (clavecin), Jérôme Hantaï (violon).
Récompenses
- Box Office France : 2 107 197 entrées
- César du cinéma 1992
- César du meilleur film :
Tous les matins du monde, réalisé par Alain Corneau - César de la meilleure actrice dans un second rôle :
Anne Brochet - César du meilleur réalisateur :
Alain Corneau - César de la meilleure musique :
Jordi Savall - César de la meilleure photographie :
Yves Angelo - César des meilleurs costumes :
Corinne Jorry - César du meilleur son :
Gérard Lamps, Pierre Gamet et Anne Le Campion
- César du meilleur film :
Bibliographie
- Sophie Nauleau, La Main d'oublies, récit inspiré de Tous les matins du monde, Galilée, 2007.
Liens externes
- « Tous les matins du monde » (présentation de l'œuvre), sur l'Internet Movie Database
- « Tous les matins du monde » (fiche film), sur Allociné
- Tous les matins du monde, analyse par Agnès Lefillastre, Centre national de documentation pédagogique, novembre 2003
- Film français sorti en 1991
- César du meilleur film
- Film réalisé par Alain Corneau
- Prix Louis-Delluc
- Film tourné dans la Creuse
- Film biographique français
- Adaptation d'un roman au cinéma
- Film lié à la musique classique
- Film se déroulant au XVIIe siècle
- Film avec un César des meilleurs costumes
- Film avec un César de la meilleure photographie
- Film avec un César du meilleur réalisateur
- Film avec un César de la meilleure musique originale
- Film avec un César de la meilleure actrice dans un second rôle