Origène

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Origène
Origène
Naissance
Décès
V. 253 (Tyr, dans l'actuel Liban)
Césarée ou TyrVoir et modifier les données sur Wikidata
École/tradition
Principaux intérêts
Idées remarquables
Transcendance de Dieu,
. Père de l'exégèse biblique
Œuvres principales
Influencé par
Père
Léonidès d'Alexandrie (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Origène (en grec ancien Ὠριγένης / Ôrigénês) est un théologien de la période patristique, né à Alexandrie v. 185 et mort à Tyr v. 253[1]. Il est l'un des Pères de l'Église.

Il y eut aussi au IIIe siècle un autre Origène, philosophe néoplatonicien et païen, condisciple de Plotin et de Longin, avec lequel on l'a parfois confondu[1].

Biographie

Il naît en Égypte dans une famille chrétienne ; en 202, sous le règne de Septime Sévère, l'Église d'Alexandrie est persécutée et son père Léonidès meurt martyrisé[1] ; son fils assiste à sa mort par décapitation[1]. Il voulut le suivre dans le martyre, mais sa mère réussit à l'en empêcher en cachant ses vêtements. La mort de Leonidès laissait sans ressources une famille de neuf personnes car ses biens avaient été confisqués. Origène devint cependant le protégé d'une femme riche et haut placée ; mais, comme elle abritait déjà chez elle un hérétique du nom de Paul, il semble qu'Origène qui professait la plus stricte orthodoxie ne soit resté avec elle que peu de temps. Selon Eusèbe de Césarée, qui lui consacre le sixième livre de son Histoire ecclésiastique, Origène doit alors travailler pour faire vivre ses nombreux frères et sœurs. Instruit dans les belles-lettres et les saintes Écritures, il enseigne la grammaire pour subvenir aux besoins de sa famille[1]. En 215, bien que très jeune, il succède à son maître Clément d'Alexandrie à la tête de la Didascalée à l'École théologique d'Alexandrie (école catéchétique)[1]. Il se signale dès lors par une rigidité de principes et de mœurs qu'il pousse au point de se castrer pour se soustraire à toute tentation[1].

Pour être entièrement indépendant, Origène vend sa bibliothèque pour une somme qui lui rapporte un revenu quotidien net de 4 oboles, qui lui suffisent en raison de son extrême frugalité. Il donne des leçons publiques à Césarée en Syrie[1] la journée, il consacre à l'étude de la Bible la plus grande partie de ses nuits menant une vie d'ascète rigide. Selon quelques traditions, il portait si loin ce souci que, puisqu'il enseignait à des femmes aussi bien qu'à des hommes il craignit que cette situation pût donner lieu au scandale pour les païens et il suivit à la lettre Matthieu[2] (« il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le royaume des cieux » et Marc[3] (« si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la »), c'est-à-dire qu'il se châtra ; une telle action, si elle a vraiment eu lieu, était en partie, sans doute, due à ce qu'il croyait que le chrétien devait suivre l'enseignement de son maître sans la moindre réserve. Plus tard dans la vie, cependant, il vit des raisons qui auraient dû lui faire juger différemment avant de se décider à un tel acte. Dans son enseignement donné à Césarée, il regretta son geste qu'il attribua à l'erreur que constitue la lecture littérale des Écritures. La vérité historique de cette castration a été mise en doute par quelques disciples. On a supposé que c'était un racontar répandu par les rivaux d'Origène qui s'efforçaient de réduire son importance ou de souiller sa réputation. Il se rendit à Athènes pour secourir les églises d'Achaïe[1].

Il continue à étudier, notamment auprès d'Ammonius Saccas. En 230, il est ordonné prêtre à Jérusalem[1] mais son évêque, Démétrius d'Alexandrie, lui reproche ses mutilations qui selon les canons le rendent inapte au sacerdoce. Malgré le soutien des évêques et une assemblée en concile, Démétrius, regardant son ordination comme irrégulière, destitue Origène de ses fonctions, l'excommunie et lui interdit le séjour de son diocèse[1]. Origène n'y rentre effectivement qu'après la mort de ce prélat[1]. En 231, Origène quitte Alexandrie pour Césarée, en Palestine, où il continue d'expliquer l'Écriture et où une nouvelle école prend corps autour de lui avec les élèves les plus remarquables (dont Grégoire le Thaumaturge).

En 250, sous le règne de Dèce, il subit la persécution et, bien qu'emprisonné et torturé[1], il ne cesse d'écrire pour encourager ses compagnons et composer son livre Contre Celse. Bien qu'il retrouve la liberté, il meurt peu après, vers 253, probablement des suites de ses blessures[1].

Selon saint Jérôme, il serait mort à Tyr, et aurait été enterré dans la cathédrale.

Héritage

Origène, représentation dans un manuscrit daté de 1160, Bayerische Staatsbibliothek, Munich

L'exégèse biblique

Origène est considéré comme le père de l'exégèse biblique pour avoir commenté tous les Livres de l'Ancien et du Nouveau dans une œuvre exégétique gigantesque, non seulement par son étendue, mais par l’ampleur de son information et par l’élan spirituel qui l’anime[4].

Sa méthode exégétique fait appel à la distinction entre trois sens de l’Écriture : le sens littéral, le sens moral et le sens spirituel, correspondant aux trois parties de l’homme, le corps l’âme et l’esprit[4].

« Il faut donc inscrire trois fois dans sa propre âme les pensées des saintes Écritures : afin que le plus simple soit édifié par ce qui est comme la chair de l’Écriture – nous l’appelons ainsi perception immédiate- ; que celui qui est un peu monté le soit par ce qui est comme son âme ; mais que le parfait … le soit de la loi spirituelle qui contient une ombre des biens à venir. De même que l’homme est composé de corps, d’âme et d’esprit, de même l’Écriture de Dieu a donné dans sa providence pour le salut des hommes. »
Traité des principes IV, 2, 4

Son entreprise la plus importante fut les Hexaples, édition de la Bible dans lequel il présente, sur six colonnes le texte hébreu de l’Ancien Testament et les diverses versions grecques alors en usage[1].

Le traité sur les Principes

Il y présentait une doctrine mystique qui se rapprochait de celle des Gnostiques[1] ; il croyait à la préexistence des âmes dans une région supérieure, d'où elles étaient venues animer les corps terrestres[1] ; elles pouvaient, pendant la vie, se purifier et s'élever à la félicité suprême par la communication intime avec Dieu[1]. II soutenait encore que Jésus-Christ n'est fils de Dieu que par adoption[1], que l'âme de l'homme a péché même avant d'être unie au corps, que les peines de l'enfer ne sont pas éternelles[1].

Selon Origène, Dieu est transcendant et infini. Il engendre éternellement le Fils, son image. À travers le Logos (Verbe), il crée une multitude d’esprits purs qui, à l’exception de Jésus, s’éloignent de Lui et deviennent alors des âmes. Il leur donne des corps concrets en rapport avec la gravité de leurs fautes : corps d’anges, d’hommes ou de démons.

Ces âmes, grâce à leur libre décision, peuvent se rapprocher de Dieu ou s’en éloigner. Le salut équivaut au retour à la perfection originelle, à ce moment-là les âmes auront des « corps de résurrection ». Le véritable idéal est cette connaissance complète, que les philosophes n’ont qu’entrevue, mais que le chrétien peut acquérir complètement s’il se détache de la matière.

Le corps physique est donc une punition, mais en même temps le moyen par lequel Dieu se révèle et soutient l’âme dans son élévation. Dieu ne veut pas contraindre l’âme, et recourt donc à l’éducation par le Logos, dont les agents ont été les philosophes, Moïse et les prophètes pour le peuple juif, et bien évidemment Jésus en qui s’incarna le Fils de Dieu.

Origène admettait, comme Augustin d'Hippone, l'existence des antipodes[5]. Il fondait cet avis sur des écrits de saint Clément[6]

Postérité

La science biblique

Beaucoup de Pères de l’Église s’inspireront des écrits d’Origène ainsi Grégoire de Nazianze et Basile de Césarée composeront une anthologie de ses œuvres, la Philocalie d'Origène, Jérôme de Stridon traduira les homélies sur Saint Luc, qui sont les seules qui restent, les originaux ayant disparu[7][réf. incomplète], Didyme l’Aveugle se déclarera disciple d’Origène[8].

Origène est à l'origine de l'interprétation selon les quatre sens des Écritures et de la Lectio divina pratiquée dans les monastères[9].

Érasme écrivait dans le De Ratione Studii, rédigé à Londres en mars 1506 : « En fait de théologie, après les Saintes Écritures, rien de mieux à lire qu'Origène — ex theologia, secundum divinas litteras, nemo melius Origene. »

L'origénisme

Son seul ouvrage véritablement spéculatif, le De principiis a le caractère d’une recherche ouverte à une époque où aucune doctrine n’a encore été fixée par un concile œcuménique. Origène est un penseur en mouvement, curieux, prolifique et jamais un doctrinaire obtus.

Les thèses exposées font l'objet de controverses après sa mort.

La première thèse qui posa problème est celle de la pré-existence de l’âme ; ainsi Dieu aurait créé les êtres spirituels, mais une partie de celles-ci auraient refusé Dieu. La gravité et la rapidité de ce refus aurait conduit à la création des anges, démons ou des hommes[10]. Le monde matériel aurait donc été créé afin de donner aux hommes la possibilité de se racheter[10].

La deuxième est la théorie de l’apocatastase, Origène croyant que la nature va revenir à son état originel. Ainsi les pécheurs comme les démons vont progressivement se purifier afin de revenir à l’état originel qui est bon[8],[11].

Un dossier rassemblé par Pamphyle et Eusèbe de Césarée au IVe siècle intitulé Apologie pour Origène traite de cette controverse.

La querelle sur Origène conduisit dès l'an 400 dans un concile national convoqué par l'évêque d'Alexandrie, Théophile d'Alexandrie, à la condamnation de l'origénisme[12]. Théodore d'Alexandrie écrivit au pape Anthanase afin de lui transmettre les difficultés sur Origène, ce qui contribuera à la condamnation de la doctrine d'Origène[13].

Par la suite, ces thèses furent à nouveau condamnées, sous Justinien, au synode de Constantinople de 543, puis au concile de Constantinople II de 553, en particulier, on l'accusait d'avoir soutenu la croyance en la réincarnation et la pré-existence de l'âme avant la naissance.

Œuvres

Origène est réputé avoir laissé une œuvre considérable en grec[1] que Jérôme estimait à près de 2 000 volumes, mais dont il ne reste qu’une faible partie (Clavis Patrum Græcorum 1410-1525) à la suite de la destruction systématique entreprise sous Justinien. La majeure partie des œuvres dont nous disposons provient des traductions en latin de Jérôme et Rufin d'Aquilée[14].

Parmi ses écrits on distingue ses Commentaires sur toute l’Écriture sainte, dont une bonne édition a été donnée par (Huet, Rouen, 1668)[1].

Il est aussi l’auteur d’écrits polémiques (Contre Celse[15]), dogmatiques (Sur les principes, De principiis) et exégétiques (Homélies, Commentaires).

On peut ajouter :

  • De la prière ;
  • Exhortation au martyre ;
  • Homélies sur la Genèse.

Son ouvrage le plus volumineux Sur la Prière influença les premiers chrétiens.

Les Œuvres complètes d’Origène ont été publiées à Bâle, par Érasme (1536), à Paris, par De La-Rue (1733-1759), à Wurtzbourg (1776-1794), à Berlin, par Lommatsch (1831-46), 24 v. in-8, et réimprimées dans la collection de l’abbé Migne (1860)[1]. Genoude en a traduit en français quelques parties dans ses Pères des trois premiers siècles (1837-43)[1].

Les Philosophoumena ou Réfutation des hérésies ont été transmis sous son nom, mais ne lui appartiennent pas, car cet ouvrage a étè composé à Rome. Cet ouvrage a été attribué également à S. Hippolyte[1].

Joseph A. Fitzmayer lui attribue[16] le fait d’avoir étendu à tous les juifs, et pour tous les temps la responsabilité de la mort de Jésus, allant plus loin que Jean 19:6 et 15 pour qui ce sont les « principaux sacrificateurs » qui réclament la crucifixion de Jésus.

Bibliographie

Œuvres d'Origène traduites en français

  • Commentaire sur le Cantique des cantiques, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 2 t., 1991-1992.
  • Commentaire sur l'Évangile selon saint Matthieu X et XI, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1970.
  • Commentaire sur saint Jean, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 5 t., 1966-1992.
  • Contre Celse, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 5 t., 1967-1976.
  • Entretien d'Origène avec Héraclite, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 2002.
  • Homélies sur la Genèse, Introduction par Henri de Lubac, s.j. et Louis Doutreleau, s.j., Traduction et notes par Louis Doutreleau, s.j., Cerf, coll. "Sources chrétiennes", rééd. 2003.
  • Traité des principes, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 5 t., 1978-1984.
  • Commentaire sur l'épître aux Romains, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 2 t., 2009-2010.
  • Homélies sur Josuée, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 2000.
  • Homélies sur les Nombres, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 3 t., 1996-2001.
  • Homélies sur Jérémie, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 2 t., 1976-1977.
  • Homélies sur le Lévitique, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 2 t., 1981.
  • Homélies sur l'Exode, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1985.
  • Homélies sur Samuel, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1986.
  • Homélies sur Ezéchiel, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1989.
  • Homélies sur les Juges, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1993.
  • La prière, Migne, coll. "Les pères dans la foi", 1997, rééd. 2002.

Anthologies

  • Au commencement était le Verbe, Rivages poche / Petite Bibliothèque, Traduit, préfacé et annoté par Nicolas Waquet, 2013.
  • Philocalie 1-20 : Sur les Écritures et La Lettre à Africanus sur l'histoire de Suzanne, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1983.
  • Philocalie 21-27 : Sur le libre arbitre, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1976.
  • Les Écritures, océan de mystères (Exégèse spirituelle), Cerf, coll. "Trésors du christianisme", 5t., 1998-2009.

Œuvres sur Origène

  • Eusèbe de Césarée - Pamphile de Césarée, Apologie pour Origène, suivi de Rufin d'Aquilée : Sur la falsification des livres d'Origène, Cerf, coll. "Sources chrétiennes" - Textes grecs N° 464-465, 2002.
  • Grégoire le Thaumaturge, Remerciement à Origène suivi de La Lettre d'Origène à Grégoire, Cerf, coll. "Sources chrétiennes" - Textes grecs N° 148, 1969.

Études sur Origène

  • Henri Crouzel, Paris : Origène, Lethielleux, Namur - Culture et vérité, 1985.
  • Jean Daniélou, Origène, Paris, 1948, rééd. Les Éditions du Cerf, 2012.
  • Jacques Dupuis, L'Esprit de l'Homme, étude sur l'anthropologie religieuse d'Origène, Paris, Desclée de Brouwer, 1967
  • Marc Froidefont, « Les fondements ontologiques de la morale origénienne », Conférences et Débats du Cercle d'Études philosophiques d'Annecy, 2005.
  • Pierre Hadot, Origène et origénisme, in Encyclopaedia universalis, 1985, corpus 13, p. 713-717.
  • Philippe Henne, Introduction à Origène, suivie d'une anthologie, Cerf, 2004.
  • Henri Lubac (de), Histoire et Esprit : L'Intelligence de l'Écriture d'après Origène, Les Éditions du Cerf, 2002.
  • Joseph Stephen O'Leary, Christianisme et philosophie chez Origène, Cerf, 2011.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x et y Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), « Origène » dans Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, (lire sur Wikisource)
  2. verset 19:12
  3. verset 9:43
  4. a et b Pierre Hadot, op. cité
  5. I.2, de Princip'. c. 3
  6. Nicolas-Sylvestre Bergier, Dictionnaire de théologie, p. 99
  7. Philippe Henne, Saint Jérôme, Monts (France), Cerf, coll. « Histoire », , 141 p. (ISBN 978-2-204-08951-7).
  8. a et b Philippe Henne, Saint Jérôme, Monts (France), Cerf, coll. « Histoire », , 201 p. (ISBN 978-2-204-08951-7).
  9. Le pape Benoît XVI a relancé la Lectio divina lors de sa catéchèse du 2 mai 2007
  10. a et b Philippe Henne, Saint Jérôme, Monts (France), Cerf, coll. « Histoire », , 200 p. (ISBN 978-2-204-08951-7).
  11. Origène lui-même dans son Commentaire sur l’évangile de Matthieu, livre X, chap. 20 qualifie la réincarnation d’erreur (pseudodoxia tès metensômatôseôs).
  12. Philippe Henne, Saint Jérôme, Monts (France), Cerf, coll. « Histoire », , 238 p. (ISBN 978-2-204-08951-7)
  13. Philippe Henne, Saint Jérôme, Monts (France), Cerf, coll. « Histoire », , 239 p. (ISBN 978-2-204-08951-7)
  14. C. Mondesert et J.-N. Guinot, Lire les Pères de l'Eglise dans la collection "Sources chrétiennes", Cerf, rééd. 2010, p.40.
  15. Editée par Gui 11. Spencer, Cambridge, 1658, in-4
  16. commentaire de Joseph A. Fitzmayer dans Corpus Christi, Mordillat et Prieur 1998 : 2 Jean le Baptiste.