Communauté de Taizé

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Communauté de Taizé
Croix de Taizé.
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La communauté de Taizé est une communauté monastique chrétienne œcuménique localisée à Taizé en Saône-et-Loire, en France. Fondée en 1944 par Roger Schutz, elle rassemble en 2008 une centaine de pasteurs ou frères venant du monde entier et qui ont choisi de vivre ensemble une vie de prière et de célibat.

Histoire[modifier | modifier le code]

Frère Roger Schutz en 2003.

La communauté de Taizé est fondée dans le village de Taizé en 1944 par un Suisse, Roger Schutz, qui prendra le titre de frère Roger, dans la maison qu'il avait acquise en 1940. La même année, Roger Schutz, protestant, est consacré pasteur.

Le choix du lieu de cette implantation ne tient pas du hasard. La communauté sera inspirée par l'exemple clunisien[1]. Pendant la guerre, Taizé se situe en zone libre, tout près de la ligne de démarcation. Roger Schutz héberge avec sa sœur Geneviève des réfugiés[2], notamment des juifs fuyant la zone occupée[3]. En , alors qu'il se trouve en Suisse où il vient d'aider quelqu'un à franchir la frontière, il apprend que la Gestapo a visité sa maison de Taizé[4]. Il décide alors de prolonger son séjour en Suisse jusqu'à la fin de la guerre. Il réside à Genève où se forme une première vie communautaire[5] avec Max Thurian, Pierre Souvairan et Daniel de Montmollin[6], organisée autour d'une spiritualité vivante[7].

Après la Libération, en automne 1944, Roger Schutz retourne à Taizé où le rejoignent bientôt trois autres pasteurs. Leur vie est partagée entre la prière et le travail (essentiellement agricole et artisanal). Ils qualifient leur existence de clunisienne. Ils sont cependant ancrés dans leur temps : ils viennent en aide à des prisonniers de guerre allemands et s'occupent d'enfants abandonnés et d'orphelins de guerre[8]. Dès 1941, Schutz avait écrit des « Notes explicatives » pour la « communauté d'intellectuels chrétiens » qu'il voulait rassembler à Taizé[2]. En 1949, ils sont sept frères à s'engager à se consacrer à vie au Christ et à la communauté, à renoncer à toute propriété personnelle et à faire vœu de chasteté. C'est là un événement inédit : d'une part parce que depuis la Réforme protestante, ils sont les premiers hommes de cette obédience à fonder une communauté de type monastique ; d'autre part, parce que cette communauté embrasse dès le départ une vocation œcuménique[9],[10].

Dès les années 1940, des contacts sont noués avec des laïcs et des religieux catholiques. L'abbé Paul Couturier s'était rendu à Taizé dès 1941[2]. La communauté organise des rencontres œcuméniques et Roger Schutz et Max Thurian participent aux travaux du Concile de Vatican II en tant qu'observateurs non catholiques[11]. En 1948, le nonce Angelo Roncalli et l'évêque d'Autun autorisent un simultaneum dans l'église paroissiale[12]. En 1964, les autorités catholiques autorisent leurs fidèles à prier selon l'office de Taizé[13]. En 1969, le premier frère catholique rejoint la communauté de Taizé, après avoir obtenu l'autorisation spéciale de l'archevêché[14].

Depuis les années 1960 et surtout après les mouvements de mai 1968, de nombreux jeunes viennent à Taizé. À Pâques, en 1970, ils sont 2 500, puis 7 500, 16 000, 18 000 les années suivantes, et jusqu'à 40 000 fin à se rassembler autour de la communauté[15]. L'église de Taizé est agrandie par des chapiteaux.

L'année 2015 marque un triple anniversaire : le centième anniversaire de la naissance de Roger Schutz, le dixième anniversaire de sa mort, et le soixante-quinzième anniversaire des origines de la communauté en 1940. Cet anniversaire est célébré par une rencontre avec des représentants de différentes Églises chrétiennes et des représentants d'autres religions, le [16].

Communauté[modifier | modifier le code]

Grès émaillés de la communauté de Taizé.

Au fil des ans s'est développée la communauté de Taizé et des dizaines de compagnons se sont joints à Roger Schutz. Selon ce dernier, il y avait en 1966 soixante-dix frères, « tous protestants »[17]. Le premier frère français était entré en 1948[18]. En 2006, la communauté compte une centaine de frères, dont 70 à 80 vivent à Taizé, venant de vingt-cinq nations et de diverses origines chrétiennes[19]. Les autres ont vécu ou vivent aussi dans de petites fraternités, en Asie (Bombay, Calcutta), en Afrique (Johannesburg, Le Caire, Dakar) ou en Amérique du Sud (São Paulo), auprès des plus pauvres. En 2014, il existe cinq de ces fraternités, au Kenya, au Sénégal, au Bangladesh, en Corée et au Brésil, et depuis 2015, à Cuba[16].

L'église de la Réconciliation, bâtie en 1961-1962.

La communauté n'accepte pour elle-même aucun don. Selon ses dires, son financement vient de la vente de poteries, d'émaux, de livres, disques et CD[20].

La communauté reçoit environ 50 000 visiteurs par an, venant du monde entier et de toutes confessions chrétiennes depuis 1966, soit plus de 3 millions de visiteurs en près de 50 ans[réf. nécessaire]. Ils sont logés dans des chalets et des tentes, et peuvent s'intégrer à des groupes de réflexion, de chant, de musique, d'étude biblique et de prière. L'église de la Réconciliation — dont les plans ont été dressés par Denis Aubert[21], architecte de formation — a été bâtie en 1961-1962 par de jeunes volontaires allemands[22] travaillant à un geste de réconciliation franco-allemande[23]. Inaugurée en [a], elle comprend un orgue de 12 jeux[25].

À la mort de Roger Schutz, en 2005, Alois Löser, d'origine allemande, lui succède en tant que prieur. Ce dernier annonce le son renoncement à sa charge. Après avoir consulté ses frères, il choisit comme successeur Andrew Thorpe, dont le nom en religion est « frère Matthew », Britannique de confession anglicane[26].

Prière à Taizé.

Prieurs[modifier | modifier le code]

Frère Roger Schutz en 1974.
Frère Alois Löser en 2013.

Mode de vie[modifier | modifier le code]

La vie à Taizé est rythmée par les prières, matin, midi et soir, composées de chants, lectures de l'Évangile, méditations et prières dans l'église de la Réconciliation.

Rencontres internationales[modifier | modifier le code]

Rencontres à Stuttgart en 1996.

Depuis 1978, Taizé organise pour le Nouvel An des rencontres de cinq jours dans une ville d'Europe sous le nom de Pèlerinage de Confiance sur la Terre. Des dizaines de milliers de jeunes y assistent et sont hébergés dans les familles ou les centres communautaires. Le pèlerinage est structuré sur la vie de Taizé[27]. La communauté organise également tous les ans des rencontres internationales de moindre ampleur. Ce sont des rencontres qui concernent particulièrement les jeunes du continent où se trouve la rencontre. Elles sont souvent organisées dans des pays qui vivent des difficultés économiques ou politiques. De tels rassemblements sont alors un soutien pour les églises locales. La présence de jeunes des autres continents, même en petit nombre, montre donc le soutien des jeunes du monde entier.

Étapes hors Europe du Pèlerinage de confiance sur la Terre organisées par Taizé

Relations avec les Églises protestantes[modifier | modifier le code]

Rupture avec l'Église réformée de France[modifier | modifier le code]

Fondée par des protestants, la communauté de Taizé était membre de la Fédération protestante de France, et appréciée par de nombreux pasteurs, comme Henri Eberhard (dès 1947)[31] et Marc Boegner[32], qui voyait en cette expérience « une grande grâce »[33]. Au début, les trois pasteurs de la communauté (Roger, Max et Daniel) avaient pris en charge les protestants disséminés dans la région, Roger Schutz présidant le culte à Mâcon[34]. Mais en 1956, le conseil national de l'Église réformée de France refuse la consécration pastorale des frères de Taizé, qui doivent alors quitter le poste pastoral de Mâcon[35],[32]. Le principal motif de ce refus vient du fait qu'un pasteur doit être libre de tout engagement envers une communauté monacale[9]. Les divergences entre la communauté de Taizé et le protestantisme français portent sur les points suivants :

  • le monachisme restauré par Roger Schutz et ses compagnons, une première dans l'histoire du protestantisme, et l'appartenance de Schutz à la compagnie des pasteurs de Genève[20] ;
  • la conversion secrète de Max Thurian au catholicisme, suivie de son ordination sacerdotale à Naples en 1987, alors qu'il continuait à représenter le protestantisme au sein du groupe des Dombes[36] ;
  • l'intercommunion incomplète pratiquée à Taizé, et la réception par Roger Schutz de l'eucharistie catholique lors des obsèques à Rome du pape Jean-Paul II, en  : avec la conversion de Thurian, ces gestes « ont marqué les esprits et blessé nombre de protestants, apeurés que Taizé n'évolue définitivement vers le catholicisme et ne participe à la dissolution du protestantisme »[20].

Signe de cette évolution qui éloigne Taizé du protestantisme : alors que la Cène protestante était célébrée à l'origine dans l'église de la Réconciliation, c'est maintenant la messe catholique[5],[37].

Perspectives[modifier | modifier le code]

Quelques gestes ont été faits pour rétablir la confiance et la compréhension :

Les relations entre Taizé et le protestantisme sont aujourd'hui maintenues[20].

Abus sexuels[modifier | modifier le code]

  • Le , la communauté de Taizé signale à la justice cinq cas d'agressions sexuelles sur des mineurs commis par trois frères dans les années 1950 à 1980. Deux des agresseurs sont morts. Le procureur de la République de Mâcon doit étudier si les faits, qui ne sont pas des viols, sont prescrits ou non[39]. Le prieur frère Aloïs dit ressentir « de la honte et une profonde tristesse surtout en écoutant les victimes parce que les jeunes nous font confiance et dans certaine situation cette confiance est trahie »[40].
  • En , deux autres membres de la communauté de Taizé sont signalés à la justice pour des attouchements commis sur des mineurs, comme sur des majeurs, dans les années 1960 et 1970. L'un a quitté la communauté il y a plus de quarante ans et l'autre est mort[41].
  • En , alors que la première affaire est toujours en cours d'instruction, un membre de la communauté de Taizé est arrêté pour viol et agression sexuelle sur une femme, depuis 2003 selon ses déclarations. Elle témoigne d'une « forte emprise de la part d'un de nos frères, qu'elle accuse de manipulation et harcèlement, spirituel, psychologique et sexuel »[42].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Les travaux ont débuté après Pâques 1961[24].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Frère Aloïs, « Les 1 100 ans de Cluny et les 70 ans de Taizé », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  2. a b et c Scatena 2021, p. inconnue.
  3. Histoire de Taizé, p. 27-28.
  4. Histoire de Taizé, p. 31.
  5. a et b Myriam Bettens, « Taizé : retour aux origines », sur Réformés.ch, (consulté le )
  6. André Encrevé, « TAIZÉ COMMUNAUTÉ DE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  7. Histoire de Taizé, p. 31-32.
  8. Histoire de Taizé, p. 37-39.
  9. a et b « La communauté de Taizé », sur Musée protestant (consulté le )
  10. Histoire de Taizé, p. 45-48.
  11. Histoire de Taizé, p. 64-65.
  12. Scatena 2021, p. 230-233.
  13. Histoire de Taizé, p. 69.
  14. Histoire de Taizé, p. 93-94.
  15. Alain Woodrow, « Le concile des jeunes s'ouvre à Taizé le 30 août. Lutte ou contemplation ? », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. a et b « Taizé va ouvrir en septembre une fraternité à Cuba », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  17. « Frère Roger », sur rts.ch, (consulté le )
  18. Henri Tincq, « Frère Roger », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. « Démenti de la communauté de Taizé », sur cath.ch, (consulté le )
  20. a b c et d Nathalie Leenhardt, « Taizé et son lien avec le protestantisme », sur Reforme.net,
  21. Frère Denis Aubert, mort en 2015 à 81 ans.
  22. Marie-Lucile Kubacki, « Taizé, laboratoire d’une autre Europe », sur La Vie.fr, (consulté le )
  23. « Avril 1962. À Taizé, grâce aux travaux d’étudiants allemands bénévoles... Inauguration de "l’église de réconciliation" », sur www.lejsl.com, (consulté le )
  24. Raconter, Tournus, coll. « Les Essentiels du Pays d’art et d’histoire entre Cluny et Tournus », (ISBN 978-2-9558953-4-4), p. 71.
  25. Henri Martinet, « L'orgue en Saône-et-Loire », Images de Saône-et-Loire, no 2,‎ , p. 9 et no 6, octobre 1970, p. 14-15.
  26. Céline Hoyeau et Anne-Bénédicte Hoffner, « Communauté de Taizé : frère Alois se retire de sa charge et nomme son successeur », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  27. Gauthier Vaillant, « Taizé, les raisons d’un succès inoxydable », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  28. « Rencontre de Santiago du Chili », sur Communauté de Taizé, (consulté le )
  29. Pèlerinage de confiance sur la terre au Mexique sur le site de la communauté
  30. « Rencontre internationale de jeunes à Cotonou », sur Communauté de Taizé, (consulté le )
  31. François Boulet, « Taizé, les protestants français et Marc Boegner (1940-1970) », Revue d'histoire du protestantisme, Droz, vol. 5, nos 2020/4,‎ octobre à décembre 2020, p. 657 (présentation en ligne, lire en ligne)
  32. a et b Histoire de Taizé 2016, p. 98-99.
  33. Boulet 2020, p. 655.
  34. Histoire de Taizé 2016, p. 46.
  35. Scatena 2021, voir la recension de François Boulet.
  36. Jean Baubérot, Le Protestantisme doit-il mourir ?, Seuil, (ISBN 2-02-010365-6)
  37. « Inauguration de l’église de la Réconciliation de Taizé – Académie des Sciences, Arts et Belles-lettres de Dijon », sur www.academie-sabl-dijon.org (consulté le )
  38. Frère Émile, « Taizé : sur les lignes de fracture des Églises et du monde », Lumen vitae, vol. LXXI,‎ , p. 167-178 (note 1). (lire en ligne)
  39. « Taizé : la communauté signale à la justice cinq faits anciens d'agressions sexuelles », sur France3 région, (consulté le )
  40. Hélène Destombes, « Taizé : des cas d’abus au sein de la communauté signalés à la justice - Vatican News », sur www.vaticannews.va, (consulté le )
  41. « Taizé : de nouveaux cas d'agressions sexuelles signalés à la justice », sur France3 région, (consulté le )
  42. « Un frère de la communauté de Taizé arrêté pour des faits de viol et d'agression sexuelle », sur Le Figaro, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • François Biot, o. p., Communautés protestantes, Paris, Fleurus, , 238 p..
  • Jean-Claude Escaffit et Moïz Rasiwala, Histoire de Taizé, Paris, éditions du Seuil, , 215 p. (ISBN 978-2-02-095341-2).
  • (en) Nancy Sanders Gower, Reformed and ecumenical : the foundations of the community of Taize, Ann Arbor, Mich., ProQuest, , 389 p.
    thèse de Philosophie
  • (it) Silvia Scatena, Taizé : le origini della comunità e l'attesa del concilio, Zürich, LIT, , 143 p. (ISBN 978-3-643-90127-9)
  • (it) Silvia Scatena, Taizé, una parabola di unità. Storia della comunità dalle origini al concilio dei giovani, Bologne, Il Mulino, , xlv-876 (ISBN 978-8-815-27133-4)
    • Traduction en français : Taizé, une parabole d'unité, Turnhout, Brepols, , 650 p. (ISBN 978-2-503-58536-9). Recension en ligne : François Boulet, « Silvia Scatena, Taizé, une parabole d’unité. Histoire de la communauté des origines au concile des jeunes », Revue d'histoire du protestantisme, vol. 6, no 3,‎ , p. 382–386 (ISSN 2624-8379, lire en ligne, consulté le )..

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]