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Marquée à ses débuts par le néoréalisme, l'œuvre de Fellini évolue, dans les années 1960, vers une forme singulière, liée à la modernité cinématographique européenne à laquelle Ingmar Bergman, Michelangelo Antonioni, Alain Resnais, Jean-Luc Godard ou encore Andreï Tarkovski sont rattachés. Ses films se caractérisent alors par le foisonnement des thèmes et du récit, l'artificialité revendiquée de la mise en scène et l'absence totale de frontière entre le rêve, l'imaginaire, l'hallucination et le monde de la réalité[1].
Issu d'une famille de la petite bourgeoisie de province italienne, Federico Fellini est né dans la station balnéaire de Rimini sur la côte adriatique. Durant sa jeunesse, il est marqué par le pouvoir, l'Église et le fascisme, ce qui se ressentira plus tard dans son œuvre (Amarcord, par exemple). Attiré par le journalisme et le dessin de presse, il s'installe en 1939 à Rome où il est engagé par un hebdomadaire humoristique à grand tirage, Marc'Aurelio où il fait la connaissance de Giulietta Masina[3].
Il fait ses grands débuts au cinéma comme script et assistant-scénariste de Roberto Rossellini pour le film Rome, ville ouverte (Roma, città aperta) en 1945. Si cette collaboration dure plusieurs années, Fellini travaille également aux côtés de Pietro Germi (Au nom de la loi, In nome della legge en 1948) et Alberto Lattuada (Sans pitié, Senza pietà en 1948). C'est avec ce dernier qu'il signe sa première véritable réalisation pour le cinéma : Les Feux du music-hall (Luci del varietà) en 1951, une œuvre, certes, fortement influencée par le courant néoréaliste, notamment pour sa peinture de l'Italie d'après-guerre, mais qui s'avère déjà très personnelle tant par le style que les thèmes évoqués : les artistes itinérants, la vie de bohème, les spectacles fauchés, les querelles de personne ou de cœur ridicules et les préoccupations quotidiennes futiles[3].
Néoréalisme très personnel
En 1952, il assure seul la réalisation de la comédie Le Cheik blanc (Lo Sceicco bianco), dont le scénario développe un sujet pensé avec Michelangelo Antonioni, puis il tourne en 1953Les Vitelloni (I Vitelloni) qui évoque le parcours de cinq jeunes oisifs, vivant aux crochets de leurs parents. Ce film impose définitivement l'univers fellinien[2].
C'est avec La strada, en 1954, que Federico Fellini obtient son premier succès international. Dans ce film, comme dans Il Bidone en 1955 et dans Les Nuits de Cabiria (Le Notti di Cabiria) en 1957, il met en vedette sa femme, Giulietta Masina. Dans La strada, elle joue le rôle de Gelsomina, une jeune fille simplette confiée à Zampanò (Anthony Quinn), un briseur de chaînes ambulant qui la brutalise et dans Les Nuits de Cabiria celui de Cabiria, une prostituée courageuse, mais naïve. Ces films restent encore fidèles à la thématique néoréaliste (description du petit peuple italien, des marginaux et de la vie de misère), mais s'en écartent en grande partie par leur regard poétique, mélancolique et onirique[3].
La dolce vita en 1960, qui prend le milieu mondain de Rome et les dessous de la presse à scandale en toile de fond[4], obtient la Palme d'or au Festival de Cannes. Ce film est un tournant décisif et marque sa rupture avec le néoréalisme. Il impose définitivement ce que la critique appelle, souvent à tort et à travers, le baroque fellinien qui définit les personnages (exubérants, extravagants, grotesques, difformes - caricatures vivantes, proches de la commedia dell'arte) et la narration (fragmentée, digressive ou circulaire, sans réelle progression dramatique). L'esthétique de Fellini cherche dès lors à alterner décor et lumière naturels, scénographie ostensiblement artificielle (stucs, mer de plastique etc...), éclairage stylisé. Les maquillages et les costumes sont ostentatoires, de nombreux motifs carnavalesques sont déployés et chaque séquence tend vers la théâtralisation. Le traitement du temps prend également une forme inédite : le réel et l'imaginaire, le rêve et la banalité quotidienne, le fantasme, les hallucinations et l'univers familier ou encore le souvenir et le temps présent se confondent allègrement dans une mosaïque de visions hétérogènes. Les thèmes se précisent : le chaos, les ruines de la civilisation, la décadence, la rupture temporelle, la parade sociale, les images d'enfance idéalisées ou fantasmées, l'angoisse métaphysique et l'évocation dramatico-bouffonne de l'Histoire[3].
L'énorme succès de La dolce vita, dont la musique lancinante signée Nino Rota et l'image légendaire d'Anita Ekberg déambulant dans la fontaine de Trevi font le tour du monde, lui permet de réaliser, trois ans plus tard, son film le plus personnel et le plus ambitieux, Huit et demi (Otto e mezzo). En livrant ainsi ses angoisses d'artiste en mal d'inspiration, ses délires et ses fantasmes de cinéaste à travers Marcello Mastroianni, son alter ego, Fellini propose une réflexion passionnante et dense sur la création artistique[3]..
En 1962, il réalise aussi un sketch de 52 minutes pour le film collectif Boccace 70, Les Tentations du docteur Antonio, sur l'obsession ambigüe d'un bigot pour une publicité représentant une femme sensuelle et alanguie, interprétée de nouveau par Anita Ekberg[2].
Il doit, en 1966, tourner Le Voyage de Mastorna pour Dino De Laurentiis mais se heurte rapidement à celui-ci. De Laurentiis tente de lui imposer un cinéma industriel à l'américaine et Fellini ne supporte pas de travailler dans des studios usines où les employés pointent. Il n'admet pas non plus que l'on exige de lui un scénario définitif avant le tournage. Au moment de la distribution, il souhaite se séparer des deux vedettes engagées, Marcello Mastroianni et Raquel Welch, ce que De Laurentiis refuse. Ce dernier décide alors de rompre son contrat et le film est annulé. L'affaire fait débat. Des huissiers tentent de saisir des tableaux de la villa de Fellini à Fregene, une action est intentée en justice pour obtenir le blocage de son compte en banque et un document des syndicats des producteurs interdit à l'ensemble de ses membres de traiter avec lui tant que l'affaire n'est pas réglée[5].
Maturité
Avec son portrait de femme de la bourgeoisie italienne délaissée par son mari, incarnée par Giulietta Masina, dans Juliette des esprits qui mêle intimisme, mythologie et onirisme, puis la démesure de son Satyricon, d'après l'œuvre de Pétrone, Fellini est désormais débarrassé de l'héritage néoréaliste ; il plonge dans ses souvenirs d'enfance avec Les Clowns (I Clowns) en 1970, téléfilm sorti aussi dans les salles de cinéma, avec des clowns célèbres à l'époque comme les Colombaioni, Fellini Roma en 1972 et surtout avec Amarcord en 1973, qui évoque son adolescence à Rimini, sa ville natale. La Romagne de Fellini rappelle celle de Antonio Beltramelli, né à Forlì, comme on la trouve dans Gli uomini rossi ou Il Cavalier Mostardo[3]..
Le Casanova de Fellini (Il Casanova di Federico Fellini) en 1976, renoue avec le baroque du Satyricon ; et Fellini retrouve sa veine intimiste dans un nouveau téléfilm, également exploité dans les salles de cinéma, Répétition d'orchestre (Prova d'orchestra) en 1979[3].
Derniers films
Les années 1980 s'ouvrent sur La Cité des femmes (La Città delle donne), parabole sur la guerre des sexes et la communication rompue entre hommes et femmes. Suivent Et vogue le navire… (E la nave va…) en 1983, opéra funèbre, Ginger et Fred (Ginger e Fred) en 1986, satire féroce de la télévision commerciale et Intervista en 1987, un hommage au cinéma où il fait se retrouver Marcello Mastroianni et Anita Ekberg presque trente ans après La dolce vita[3].
C'est avec La voce della luna, en 1990, un film au climat crépusculaire que se clôt l'activité cinématographique de Fellini[6].
Lors des funérailles d'État à Rome, le célèbre trompettiste italien Mauro Maur joue L'improvviso dell'angelo de Nino Rota[7].
Afin que les romains puissent rendre un dernier hommage à Federico Fellini, son cercueil fut exposé au Teatro 5, celui qu'il affectionnait.
Fellini fait la connaissance de Nino Rota alors qu'il travaille sur son second long métrage, Le Cheik blanc. Ils ont déjà tout deux travaillé sur des films communs (Sans pitié de Lattuada), mais ce sera le début d'une collaboration ininterrompue jusqu'à la mort du compositeur et qui reste l'une des plus célèbres du cinéma : Les Vitelloni, La strada, La dolce vita, Amarcord… La bande sonore de Huit et demi est souvent citée en exemple dans la manière dont la partition enrichit le sens et l'émotion de la mise en scène fellinienne à laquelle elle apporte une certaine « cohérence »[8]. La dernière participation de Rota pour Fellini date de Répétition d'orchestre[9]. Après son décès, Fellini trouve en Nicola Piovani un nouveau compositeur fétiche pour ses dernières œuvres : Ginger et Fred, Intervista et La voce della luna[2].
1948 : L'amore, film en deux parties (I : La Voix humaine - Una voce umana - ; II : Le Miracle - Il miracolo -) de Roberto Rossellini (assistant-réalisateur et acteur pour le rôle du vagabond dans le film L'amore de Roberto Rossellini)
1970 : Quatre Rubans d'argent (meilleure photographie, meilleurs costumes, meilleurs décors et meilleure scénographie, meilleur acteur dans un rôle secondaire) pour Satyricon
Un coffret Blu-ray réunissant trois chefs-d'œuvre du réalisateur sort le , édité par Le Pacte. Le coffret contient les films Il Bidone, Les Clowns et Prova d'orchestra[11].
Anecdotes
Le terme « paparazzi » vient d'un personnage du film La dolce vita nommé Paparazzo, un journaliste photographiant des célébrités.
Le journal américain Entertainment Weekly, dans ses Lists of Bests of All Time (Liste des meilleurs de tous les temps) a attribué en 1999 :
à Fellini, la place de dixième plus grand réalisateur ;
à La dolce vita, la place de sixième meilleur film ;
à Huit et demi, la place de trente-sixième meilleur film ;
En 2020 est sorti le film Permette? Alberto Sordi de Luica ManfrediLuca Manfredi, qui célèbre les 100 ans de la naissance d'Alberto Sordi et dans lequel il parle de sa grande amitié avec un jeune Federico Fellini, au début de sa carrière.
Bibliographie
1955 - Fellini, Federico, Bazin, André, et al., La Strada. Un film de Federico Fellini, Paris, éd. du Seuil.
1956 - Agel, Geneviève, Delouche, Dominique, Les Chemins de Fellini, suivi de Journal d'un bidoniste, Paris, éd. du Cerf, coll. « 7e Art ».
1974 - Fellini, Federico, et Tonino Guerra, Amarcord (Je me souviens), Paris, Gallimard.
1977 - Salachas, Gilbert, Federico Fellini, Grenoble, éd. Jacques Glénat.
1980 - Fellini, Federico, Les propos de Fellini, Paris, éd. Buchet/Chastel.
1980 - Fellini, Federico, et Zapponi, Bernardino, La Cité des femmes, Paris, éd. Albatros.
1994 - Levergeois, Bertrand, Fellini. La Dolce Vita du Maestro, Paris, éd. de l'Arsenal. (ISBN2-910470-05-9)
1994 - Fellini: Costumes and Fashion, catalogue de l'exposition au Musée Stedelijk d'Amsterdam du 1er juillet au , sous la direction de Ida Panicelli, Milan, Edizioni Charta.
1995 - Tornabuoni, Lietta, éd., Federico Fellini, New York, Rizzoli.
↑Reportage sur le tournage du Satyricon et entretiens de Gideon Bachmann avec Fellini. Film présenté au Festival de Cannes 2003 dans le cadre Hommage à Fellini. 1 DVD avec bonus : Fellinikon, Le Monde de Fellini et des rushes (durée totale 120 min).
↑Produit par Olivier Gal et Arte France, ce long métrage documentaire - sortie en salle dans plus de 14 pays - utilise les dernières interviews majeures avec le Maestro filmées à Rome en 1992 par Pettigrew. Présenté au Festival international du film d'Édimbourg en 2002 et nommé pour le Prix Arte du Meilleur Documentaire aux European Film Awards / Prix du cinéma européen, le film a gagné le Prix Rockie au Festival International de Banff et le Coup de Cœur au Festival international du documentaire de Marseille (Vue sur les docs). 2 DVD avec les suppléments : Autour de Fellini (durée totale 200 min).
↑Gérard Blanchard, « De l’audio dans le visuel », Études de communication. langages, information, médiations, , p. 93-108 (ISSN1270-6841, DOI10.4000/edc.2920, lire en ligne, consulté le ).
↑Il y apparaît également à l'écran, dans un rôle de second plan, même si son nom n'est pas crédité au générique.