Sphères d'activité

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Les sphères d'activité et de sens sont des espaces-temps décrits en sciences sociales, sciences cognitives et en méthodologie scientifique.

Les sphères d'activité, de sens et identitaires, d'après Jean-François Dortier, Caroline Fourest et Guillaume Lecointre.

Description

« Le problème de la politique moderne, selon Hannah Arendt, c'est qu'elle a perdu le sens premier de la vie politique et que, pire encore, elle a confondu la sphère privée et la sphère publique. »[1]. Distinguer les sphères d'activité et de sens permet, de donner un cadre au respect du principe de parcimonie dit « du Rasoir d'Ockham »[2]. Il s'agit de ne plus mêler des éléments personnels et subjectifs, liés aux racines culturelles ou aux convictions intimes, à des éléments objectivement mesurables, quantifiables et expérimentalement vérifiables [N 1].

Guillaume Lecointre reprend l'idée que la recherche scientifique a besoin d'être située dans une sphère protégée des options métaphysiques individuelles (religieuses ou spirituelles). S'appuyant sur les exigences en vigueur dans la communauté scientifique, il constate la réalisation du besoin de sphères séparées entre la sphère privée du citoyen chercheur et la sphère publique de son activité professionnelle. Cela est la condition scientifique moderne car il s'agit de faire « la différence entre le registre des savoirs - savoirs qui sont du domaine public et donc potentiellement universels, savoirs dont la contestation doit être instruite et méthodologiquement caractérisée - et le registre des significations, qui sont du domaine privé [.] »[3].

Beaucoup de personnes ignorent le contenu des « différentes sphères de l'espace public » décrites par Caroline Fourest[4]. Caroline Fourest considère que la distinction binaire entre public et privé est insuffisante et mal adaptée aux conditions contemporaines de vie en société. Il est temps de réellement séparer ces deux sphères opposées mais aussi de définir des degrés différents entre elles deux. Elle propose 6 sphères dans lesquelles la répartition entre contrainte et liberté est définie précisément. Ces sphères de contraintes et de libertés sont[5] :

  1. Les sphères de sens : l'école, les services et l'administration publique, l'équipement, le parlement, le tribunal par exemple,
  2. Les sphères de contraintes : l'hôpital, la prison par exemple,
  3. Les sphères de liberté réglementée : la rue par exemple,
  4. Les sphères de liberté maximale : le domicile par exemple,
  5. Les sphères de l'intérêt mutuel : l'entreprise par exemple,
  6. Les sphères de l'accommodement : le commerce, le marché, la relation client-fournisseur...


En recherche scientifique, « la sphère du sens et de la symbolique des pouvoirs publics » ne peut pas être confondue avec « la sphère de liberté maximale (la sphère privée) »[3]. « La validation croisée des résultats scientifiques est un espace laïque au sens français du terme, sans que, pour autant, nous ne nous formulions les choses comme cela. Nos options métaphysiques restent aux vestiaires de nos laboratoires et n'interviennent pas dans nos comptes rendus d'expériences »[6]. Guillaume Lecointre pense[7] qu'« il serait temps d'enseigner aux futurs chercheurs une explication de leur contrat tacite, autant dans ses attendus épistémologiques que dans ses composantes sociologique, économique et politique » et appelle de ses vœux une évolution de la notion de distinction-séparation entre les « sphères d'activité et de sens ». B. Latour estime que « les conditions de contrat tacite de la recherche ne sont pas au programme des formations scientifiques »[8].

Les scientifiques ne sont pas seuls concernés : tous les citoyens, peuvent, en tant que tels et conformément à leurs droits démocratiques, prendre les positions qu'ils souhaitent concernant des sujets de société comme le « mariage pour tous » ; en revanche, quelles que soient leurs motivations philosophiques, morales, personnelles ou religieuses, ils dérogent à l'éthique s'ils avancent des arguments scientifiquement faux à l'appui de leurs positions, comme, dans ce cas, l'idée que seul le mariage monogame hétérosexuel à vocation procréative serait « naturel »[9] alors que dans la nature, cela n'est le cas que pour une minorité d'espèces tel l'albatros Diomedea exulans ou le gorfou sauteur Eudyptes chrysocome, et que l'histoire naturelle et l'éthologie des autres espèces d'êtres vivants montrent que la sexualité sert le plus souvent au tissage des liens entre individus et rarement uniquement à la procréation : toutes les formes et variantes que l'on peut rencontrer dans les sociétés humaines sont présentes dans la biosphère, de sorte que nul type de relation sexuelle ou de structure familiale de l'humanité ne peut être qualifié de « plus naturel » qu'un autre ; ils sont tous « naturels » et seules les coutumes, les croyances, les civilisations ou les législations créent des normes, des préférences, des interdits[10].

Notes et références

Notes

Références

  1. Benjamin Nitzer, Introduction à la philosophie contemporaine : 21 auteurs clés, Paris, Ellipses, , 238 p. (ISBN 978-2-340-02463-2), p. 20.
  2. Lecointre 2012, p. 111
  3. a et b Lecointre 2012, p. 125
  4. Fourest 2009, p. 272 à 280 § distinguer les sphères de contraintes et de libertés
  5. Fourest 2009, p. 272
  6. Lecointre 2012, p. 127
  7. Lecointre 2012, p. 129
  8. Bruno Latour, Le métier de chercheur, QUAE, , 108 p. (ISBN 978-2-7380-0973-9)
  9. Sylvain Bosselet, Le couple est-il naturel ?, Huffpost, 3/06/2014 - actualisé 5/10/2016, [1]
  10. Jean Génermont, Une histoire naturelle de la sexualité, Les Éditions matériologiques, décembre 2014, [2] et (en) An Encyclopaedia of Gay, Lesbian, Bisexual, Transgender and Queer Culture, 2004 ([3])

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes