Bleu horizon

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Soldat en tenue bleu horizon pendant la Grande Guerre.

Le bleu horizon est un nom de couleur dont on se souvient surtout parce qu'elle a été utilisée pour les uniformes gris-bleu des troupes métropolitaines françaises de 1915 à 1921, date à laquelle elle a commencé à être remplacée par les couleurs vert foncé et kaki, remplacement achevé en 1935.

Historique

La couleur bleu horizon est attestée, dans la mode féminine, en 1884[1]. Elle fait partie des centaines de noms de couleurs de la mode, sans se faire autrement remarquer.

Le Répertoire de Couleurs de la Société des chrysanthémistes publié en 1905, donne quatre tons d'un Bleu d'horizon, « couleur rappelant le bleu du ciel à l'horizon », synonyme de Bleu de cobalt imitation[2].

L'uniforme bleu horizon

En 1914, l'armée française est équipée de capotes de couleur dite « gris de fer bleuté » et de pantalons et képi de couleur dite « garance », nom de l'élément de teinture. Conçus pour être visibles, opposant le brillant militaire au terne bourgeois, ces uniformes sont inadaptés à la tactique de la guerre moderne, où, grâce aux munitions sans fumée, les tireurs ne perdent pas de vue les troupes adverses. Dans les premiers mois de la guerre, la stratégie d'attaque à outrance de l'État-major français envoie les soldats à découvert, avec des pertes considérables.

Il est bon de signaler que si l'uniforme n'a pas subi de modifications, les Français ont beaucoup réfléchi à la question. Au début du siècle, la guerre des Boers a attiré l'attention de la plupart des états-majors du monde sur la nécessité de réformer l'habillement militaire. Toutes les grandes puissances en tirent effectivement les conséquences, sauf la France. Cette réforme concerne les couleurs qui doivent être moins voyantes, mais également la coupe de l'uniforme et son paquetage. Le fantassin français est non seulement trop repérable, mais il est aussi quelque peu empêtré. Entre 1903 et 1914, il y a eu en France plus d'essais de nouvelles tenues de couleurs neutres (gris bleu, beige-bleu ou vert réséda) que dans n'importe quel autre pays ; toutes les réformes ont échoué sur une opposition, soit des militaires, soit des politiques[web 1].

Le commandement français, averti sur la nécessité pour ses soldats d'arborer des couleurs discrètes[3], ne choisit pas le kaki ou le vert-jaune terne, comme les anglais, ou le gris-vert, comme les Allemands, ni le noir, comme les Russes, mais le bleu-gris. Outre que cette couleur n'avait pas été retenue par d'autres nations, il avait été estimé qu'il était difficile de viser une cible de cette couleur[4]. Pour sa production, on devait cependant mélanger du bleu, du blanc et du rouge d'où le nom de drap « tricolore ». Malheureusement, le colorant rouge n'était plus depuis plusieurs décennies l'alizarine qui vient de la garance mais l'aniline, une teinture chimique fabriquée en Allemagne par la BASF. Avec la guerre les livraisons cessèrent et du mélange entre le bleu et le blanc, sans le rouge, naquit le bleu horizon[4]. Les instructions fermes datent du 27 juillet 1914[web 2],[5] ; les premières unités qui en sont habillées défilent à Calais en novembre[6]. Finalement et dans les faits, le drap est un mélange de laine blanche (35 %), de laine bleu foncé (15 %) et de laine bleu clair (50 %).

Le bleu-gris n'est pas une nouveauté dans les tenues militaires ; le bleu barbeau a servi pour la Marine, et plusieurs des essais menés depuis 1906 ont utilisé une capote de cette couleur. On pense en effet qu'un soldat se voit d'abord de loin, donc près de la ligne bleue du ciel[réf. souhaitée].

Les troupes coloniales et la Légion étrangère sont elles dotées d'uniformes jaune moutarde.

Le colorant utilisé pour la teinte bleu horizon est le pastel des teinturiers (dit aussi guède, en picard, waide ou vouède), pigment extrait de l'herbe dite de Picardie. Cette plante a longtemps fait la richesse de la région, et son exploitation a permis entre autres la construction de la cathédrale d’Amiens et du quartier Saint-Leu[réf. souhaitée].

Le bleu de l'uniforme est assez variable, d'autant plus que la couleur résiste mal à la lumière et aux intempéries :

« Nos capotes bien brossées ont leurs pans abaissés, et comme ils sont relevés d'habitude, on voit se dessiner, sur ces pans flottants, deu carrés où le drap est plus bleu. »

— Barbusse, Le feu[7].

Après la première guerre mondiale

Le bleu horizon devient rapidement le symbole du « poilu » de la Première Guerre mondiale. Après le conflit, le bleu horizon symbolise les anciens combattants et le nationalisme intransigeant de la Chambre bleu horizon composée, en 1919, de conservateurs soucieux de « faire payer l'Allemagne ».

Les troupes françaises adoptent le vert armée et le kaki en 1935, et progressivement le bleu horizon se mélange à la ligne bleue des Vosges pour évoquer plus ou moins distinctement le patriotisme guerrier[8],[9].

Au XXIe siècle, l'expression bleu horizon se retrouve, dans la mode et la littérature, avec son caractère descriptif d'avant la Grande Guerre, pour désigner des ensembles de tissus bleu-gris clair, ou des couleurs d'yeux.

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

  1. Christophe Fombaron, « les tentatives de réforme »
  2. Christophe Fombaron, « l'uniforme bleu horizon »

Notes et références

  1. Frétillon, « Le strict nécessaire », La caricature,‎ (lire en ligne).
  2. Henri Dauthenay, Répertoire de couleurs pour aider à la détermination des couleurs des fleurs, des feuillages et des fruits : publié par la Société française des chrysanthémistes et René Oberthür ; avec la collaboration principale de Henri Dauthenay, et celle de MM. Julien Mouillefert, C. Harman Payne, Max Leichtlin, N. Severi et Miguel Cortès, vol. 2, Paris, Librairie horticole, (lire en ligne), p. 216.
  3. Les observations des armées étrangères, publiées, ne laissent aucun doute à ce sujet ; lire : France. État-major des armées, Revue militaire des armées étrangères, 1914, en ligne.
  4. a et b Jean-Pierre Verney, La Grande Guerre, La boétie, , 242 p. (ISBN 978-2368650226)
  5. La gazette du village, 28 juin 1914, Pour afficher « p. 404 », veuillez utiliser le modèle {{p.|404}} lire en ligne.
  6. Calais Times, 1914.
  7. Henri Barbusse, Le Feu : journal d'une escouade, Paris, Flammarion, , p. 320lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65983d/f327.
  8. http://www.analysebrassens.com/?page=texte&id=137&
  9. Les années bleues de Martial Coqlicot, Jean-Claude Grulier p. 102