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=== Doctrine nucléaire de l'OTAN ===
=== Doctrine nucléaire de l'OTAN ===
{{Article général|Organisation du traité de l'Atlantique nord}}
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Le « concept stratégique » actuel de l'OTAN<ref>{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Les concepts stratégiques|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_56626.htm|site=OTAN|périodique=|date=22 juin 2018|consulté le=22 février 2020}}</ref> date du [[Sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord|sommet de l'OTAN]] qui se tient en 2010 à Lisbonne. Son préambule affirme qu'il {{Citation|engage l’OTAN sur l’objectif qui consiste à créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires, mais il reconfirme que, tant qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde, l’OTAN restera une alliance nucléaire}}<ref name=":6" />. Les Alliés déclarent vouloir disposer des {{Citation|capacités nécessaires pour assurer la dissuasion et la défense contre toute menace [par] une combinaison appropriée de forces conventionnelles, nucléaires et de défense antimissile}}<ref>{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Déclaration du sommet de Lisbonne publiée par les chefs d’État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Lisbonne le 20 novembre 2010|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_68828.htm?selectedLocale=fr|site=OTAN|périodique=|date=20 novembre 2010|consulté le=22 février 2020}}</ref>. L'OTAN réaffirme que la sécurité collective de ses membres repose pour une part sur la dissuasion nucléaire. En même temps, l'Alliance dit chercher à assurer sa sécurité au niveau de forces le plus bas possible et à promouvoir la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération. L'élément le plus nouveau est l'accent mis sur la défense antimissile au grand dam toutefois des Russes qui y voient un risque de rupture de l'équilibre stratégique, et dont le déploiement effectif dans les années 2010 devient une des causes du regain de tension entre la Russie et les Occidentaux<ref name=":6">{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Engagement actif, défense moderne - Concept stratégique pour la défense et la sécurité des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord adopté par les chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_68580.htm|site=OTAN|périodique=|date=19 novembre 2010|consulté le=22 février 2020}}</ref>.
Le « concept stratégique » actuel de l'OTAN<ref>{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Les concepts stratégiques|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_56626.htm|site=OTAN|périodique=|date=22 juin 2018|consulté le=22 février 2020}}</ref>{{,}}<ref name=":7">{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Politique et forces de dissuasion nucléaire de l'OTAN|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50068.htm|site=OTAN|périodique=|date=25 octobre 2019|consulté le=22 février 2020}}</ref> date du [[Sommet de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord|sommet de l'OTAN]] qui se tient en 2010 à Lisbonne. Son préambule affirme qu'il {{Citation|engage l’OTAN sur l’objectif qui consiste à créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires, mais il reconfirme que, tant qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde, l’OTAN restera une alliance nucléaire}}<ref name=":6" />. Les Alliés déclarent vouloir disposer des {{Citation|capacités nécessaires pour assurer la dissuasion et la défense contre toute menace [par] une combinaison appropriée de forces conventionnelles, nucléaires et de défense antimissile}}<ref>{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Déclaration du sommet de Lisbonne publiée par les chefs d’État et de gouvernement participant à la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord tenue à Lisbonne le 20 novembre 2010|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_68828.htm?selectedLocale=fr|site=OTAN|périodique=|date=20 novembre 2010|consulté le=22 février 2020}}</ref>. L'OTAN réaffirme que la sécurité collective de ses membres repose pour une part sur la dissuasion nucléaire. En même temps, l'Alliance dit chercher à assurer sa sécurité au niveau de forces le plus bas possible et à promouvoir la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération. L'élément le plus nouveau est l'accent mis sur la défense antimissile au grand dam toutefois des Russes qui y voient un risque de rupture de l'équilibre stratégique, et dont le déploiement effectif dans les années 2010 devient une des causes du regain de tension entre la Russie et les Occidentaux<ref name=":6">{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=Engagement actif, défense moderne - Concept stratégique pour la défense et la sécurité des membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord adopté par les chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne|url=https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_68580.htm|site=OTAN|périodique=|date=19 novembre 2010|consulté le=22 février 2020}}</ref>.


Le concept stratégique confirme le parapluie nucléaire américain, tout en évoquant la contribution des forces nucléaires françaises et britanniques en ces termes : {{Citation|la garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ; les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés}}<ref name=":6" />.
Le concept stratégique confirme le « [[parapluie nucléaire]] » américain, tout en évoquant la contribution des forces nucléaires françaises et britanniques en ces termes : {{Citation|la garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ; les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés}}<ref name=":6" />.

Les États-Unis maintiennent un total d'environ 150 [[B61 (bombe nucléaire)|bombes nucléaires tactiques B-61]] dans cinq pays européens de l'OTAN<ref group="alpha">Les cinq pays de l'OTAN concernés sont l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et la Turquie. Ils mettent des avions à double capacité (DCA) conventionnelle et nucléaire à la disposition de l'Alliance. Les armes nucléaires correspondantes restent sous le contrôle et la garde absolus des États-Unis, tandis que les Alliés concernés assurent un soutien militaire au moyen de forces et de capacités conventionnelles.</ref>, qui peuvent armer des avions [[McDonnell Douglas F-15E Strike Eagle|F-15E]] de l'[[United States Air Force|USAF]] et des avions à capacité duale des armées de l'air de ces cinq pays<ref name=":8">{{Lien web|langue=en|auteur1=Hans M. Kristensen & Matt Korda|titre=Tactical nuclear weapons, 2019|url=https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00963402.2019.1654273?needAccess=true|site=FAS|périodique=Bulletin of the Atomic Scientists|date=|consulté le=}}</ref>. Ces armes ne répondent pas à un besoin militaire mais symbolisent politiquement et psychologiquement l'engagement des États-Unis à garantir la sécurité de l'Europe. Au début des années 2010, de nombreuses voix se font entendre en Europe et aux États-Unis pour les éliminer. Mais depuis la crise en Ukraine et le changement de pied dans la relation avec la Russie, les membres de l'OTAN se sont accordés pour les conserver et les moderniser. Au sommet de Varsovie en 2016, les dirigeants de l'OTAN déclarent que {{Citation|la posture de dissuasion nucléaire de l'OTAN repose également, en partie, sur les armes nucléaires des États-Unis déployées à l'avant en Europe, ainsi que sur les capacités et l'infrastructure mise à disposition par les Alliés concernés}}<ref name=":7" />{{,}}<ref name=":8" />{{,}}<ref>{{Article |langue=en |auteur1=Richard Sokolsky & Gordon Adams |titre=The Problem With NATO's Nukes |périodique=Foreign Affairs |date=9 février 2016 |issn= |lire en ligne=https://www.foreignaffairs.com/articles/russian-federation/2016-02-09/problem-natos-nukes |pages= }}</ref>.


=== La dissuasion française et l'Europe ===
=== La dissuasion française et l'Europe ===

Version du 23 février 2020 à 10:58

Dissuasion et prolifération nucléaires au XXIe siècle
Description de cette image, également commentée ci-après
Chronologie des années 2000 - 2009
Crise nucléaire entre l'Inde et le Pakistan
Les États-Unis se retirent du traité ABM de limitation des systèmes antimissiles
Premier essai nucléaire de la Corée du Nord

Chronologie des années 2010 - 2019
Signature du traité New Start de réduction des armes stratégiques
La 9e conférence d'examen du TNP s'achève sur un échec
Signature de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JCPoA)
D. Trump annonce la sortie des États-Unis du JCPoA
Les États-Unis, suivis par la Russie, se retirent du traité FNI

Les questions touchant la dissuasion et la prolifération nucléaires au XXIe siècle sont une dimension clé des politiques de sécurité nationale des États qui possèdent l'arme nucléaire ou développent un programme nucléaire, et occupent une place centrale dans les négociations multilatérales relatives à la non-prolifération et au désarmement nucléaires qui sont conduites dans le cadre de l'ONU, de l'Agence internationale de l'énergie atomique, du traité sur la non-prolifération et des relations entre les grandes puissances.

Aucune des cinq puissances qui possédaient l'arme nucléaire au sortir de la guerre froide n'y a renoncé depuis, et dans les années 1990 et 2000, quatre États l'ont développé : l'Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord. La dissuasion nucléaire occupe une place importante dans la stratégie de sécurité nationale de ces neuf États, mais les concepts et les priorités varient d'un État à l'autre. Les États-Unis et la Russie demeurent attachés à une dissuasion fondée sur des capacités de destruction massive et n'excluent pas des frappes préemptives. La France et le Royaume-Uni à l'opposé appliquent le concept de dissuasion minimale reposant sur une stricte suffisante de leurs capacités.

Malgré l'augmentation du nombre de puissances nucléaires, des avancées ont en parallèle été enregistrées en matière de réduction des arsenaux nucléaires et de lutte contre la prolifération. Sur le plan quantitatif, les États-Unis et la Russie ont réduit leur arsenal dans des proportions considérables, ils en ont en revanche poursuivi la modernisation qualitative. La France et le Royaume-Uni, à une échelle bien moindre, ont fait de même. Une dizaine d'États ont renoncé à l'arme nucléaire en interrompant leur programme. Tous les États du monde sauf quatre ont signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP)[a].

Le TNP et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) demeurent les deux piliers de la limitation de la prolifération nucléaire. Des zones sans armes nucléaires ont aussi été instaurées par plusieurs traités comme le traité de Bangkok qui vise à créer une zone exempte d'armes nucléaires en Asie du Sud-Est, ou le traité de l'espace qui interdit la mise en place d'armes nucléaires dans l'espace extra-atmosphérique. Les dispositifs pour contrôler les risques de prolifération[b] ont été renforcés dans les années 1990 et 2000 dans le but d'exercer un contrôle très étroit des matières fissiles et d'éviter tout risque de terrorisme nucléaire.

La tendance s'inverse durant la décennie 2010. Les États-Unis, la Russie et la Chine consacrent des moyens considérables à la modernisation de leurs arsenaux nucléaires. Après la fin du traité sur les défenses antimissiles (ABM) et de celui sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI), le seul traité qui limite les capacités nucléaires des États-Unis et de la Russie est le traité New Start sur les armes stratégiques dont les négociations pour le prolonger au-delà de février 2021 ou l'étendre sont au point mort début 2020. Les tensions liées aux programmes nucléaires de la Corée du Nord et de l'Iran sont extrêmement fortes, qui accroissent les risques de prolifération régionale, notamment au Moyen-Orient.

Dissuasion nucléaire et désarmement

Nombre d'armes nucléaires par pays en 2000 et 2019 - Double échelle, une pour États-Unis et Russie, l'autre pour les autres puissances

La dissuasion nucléaire demeure au centre des politiques de sécurité nationale des États qui possèdent l'arme nucléaire, malgré les engagements pris et les pressions exercées à par de nombreux pays à l'ONU et par des ONG, notamment via la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN).

Depuis le début du XXIe siècle le risque terroriste est passé au premier plan des considérations de sécurité et les technologies nouvelles ont accru la puissance et les scénarios d'emploi des armes conventionnelles. Pour autant la dissuasion nucléaire demeure pour les Occidentaux une double assurance contre les risques liés à la prolifération et la possibilité de la résurgence d'une menace majeure venant de Chine, de Russie ou d'ailleurs[1].

Forces nucléaires au XXIe siècle

La fin de la guerre froide favorise les initiatives de désarmement. Gorbatchev et Reagan sont tout près à Helsinki en 1986 de s'entendre sur un véritable traité de désarmement nucléaire. À défaut, ils signent en 1987 le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire qui élimine totalement les missiles d'une portée comprise entre 500 et 5 500 km[2]. Les États-Unis et la Russie continuent de s'entendre sur la réduction de leurs arsenaux nucléaires stratégiques ; le plus récent accord en la matière est le traité New Start signé en 2010 par Obama et Medvedev par lequel les plafonds d'ogives et de vecteurs nucléaires sont réduits. Malgré une réduction des deux-tiers du nombre de leurs armes nucléaires depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis et la Russie possèdent dans les années 2010 près de 90 % des armes nucléaires dans le monde.

Les trois autres puissances nucléaires historiques, la Chine, la France et le Royaume-Uni possèdent entre 200 et 300 armes chacune, un nombre assez stable depuis le début du siècle. Selon les termes employés par la France, elles appliquent un « principe de stricte suffisance pour déterminer le niveau de leurs forces nucléaires » et consacrent les moyens qui leur sont dévolus essentiellement à les rendre plus robustes et à renouveler leurs vecteurs.

L'Inde et le Pakistan développent de façon continue depuis le début de ce siècle des capacités nucléaires très comparables dont la principale raison d'être est leur antagonisme mais aussi plus généralement leurs aspirations à être des puissances régionales, capable de ne pas être soumises à la Chine. Lors de la crise indo-pakistanaise de l'hiver 2001-2002, l'emploi de l'arme nucléaire ne fut évité que de justesse[1].

Remise en cause de l'équilibre nucléaire de l'après-guerre froide entre les grandes puissances

Durant la guerre froide, les États-Unis et l'Union soviétique s'entendent pour diminuer les risques de guerre nucléaire entre eux, réduire leur arsenal nucléaire et éviter que d'autres États se dotent à leur tour de l'arme nucléaire. Les traités bilatéraux ou multilatéraux signés entre 1963 et 1991 constituent toujours au début du XXIe siècle la base du droit international en matière d'armes nucléaires.

Après l'effondrement de l'Union soviétique, la Russie et les États-Unis continuent par étape de réduire leur arsenal nucléaire stratégique. Dans les années 1990, le monde vit une période de stabilité nucléaire comme il n'en a plus connu depuis les années 1950. Les traités hérités de la guerre froide ont mis fin à la course aux armements conventionnels et nucléaires entre les États-Unis et la Russie[3].

En 2009 et 2010, durant les deux premières années de sa présidence, Obama se prononce clairement pour poursuivre la politique de réduction des armes nucléaires. Dans un discours à Prague, il dit « j'affirme clairement et avec conviction l'engagement de l'Amérique à rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires » et annonce comme premières mesures concrètes la réduction du « rôle des armes nucléaires dans [la] stratégie de sécurité nationale » des États-Unis, et la négociation d'un « nouveau traité de réduction des armes stratégiques avec la Russie »[4]. Celui-ci, dit New Start, est signé en 2010.

Entre les deux super-puissances nucléaires, de nouveau en compétition depuis le renouveau de l'influence internationale et des moyens militaires de la Russie, les désaccords l'emportent durant les années 2010 sur l'élargissement de l'OTAN, le traité sur les forces nucléaires intermédiaires, ou encore la défense antimissile. La fin du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) en août 2019 en est une des conséquences. En 2020, le traité New Start sur les armes nucléaires stratégiques est le dernier qui lie encore les États-Unis et la Russie dont les dirigeants émettent des signaux contradictoires sur leur volonté de le voir prolongé ou renégocié[5].

Plus globalement, le paysage géopolitique et stratégique mondial évolue dans les années 2010. Le changement le plus visible est l'émergence de la Chine comme une grande puissance économique et militaire. Son budget de défense est depuis 2007 le deuxième au monde[6]. La montée en puissance de ses capacités militaires est une des raisons de la dénonciation du traité FNI et des hésitations sur la suite à donner au traité New Start. La Chine, dont l'arsenal nucléaire était limité à la fin de la guerre froide, l'a développé et dispose depuis le début des années 2010 de capacités nucléaires comparables à celles des deux puissances européennes et continue d'investir.

Armes et vecteurs nucléaires en 2019[7]
Puissance nucléaire Armes
nucléaires
ICBM IRBM Avion SNLE
Drapeau de la Russie Russie 4 330 ✔️ ❌ ✔️ ✔️
Drapeau des États-Unis États-Unis 3 800 ✔️ ❌ ✔️ ✔️
Drapeau de la France France 300 ❌ ❌ ✔️ ✔️
Drapeau de la République populaire de Chine Chine 290 ✔️ ✔️ ✔️ ✔️
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 215 ❌ ❌ ❌ ✔️
Drapeau du Pakistan Pakistan 150 ❌ ✔️ ✔️ ❌
Drapeau de l'Inde Inde 140 ❌ ✔️ ✔️ ✔️
Drapeau d’Israël Israël 80 ❌ ✔️ ✔️ ❌[c]
Drapeau de la Corée du Nord Corée du Nord 25 ✔️ ? ✔️ ? ❌ ❌

La France et le Royaume-Uni maintiennent leurs forces nucléaires à un niveau inférieur à celui atteint durant la guerre froide mais stabilisé tout au long de la décennie 2010, dans une logique de stricte suffisance[8],[9]. Les accords de Lancaster House de 2010 renforcent la coopération franco-britannique dans le domaine nucléaire[10].

Nouvelles puissances nucléaires régionales

Les cinq puissances nucléaires veulent éviter que d'autres États acquièrent à leur tour l'arme nucléaire. Le succès le plus significatif de la lutte contre la prolifération est le renoncement par les nouveaux États où étaient déployées des armes nucléaires de l'Union soviétique de les conserver : par le protocole de Lisbonne signé en 1992, la Biélorussie, l'Ukraine et le Kazakhstan détruisent ou restituent à la Russie les armes nucléaires sur leur sol. La Russie est ainsi dans ce domaine la seule héritière de l'URSS[11]. D'autres États vont renoncer à aller au bout de leur programme nucléaire : la Suède, l'Afrique du Sud.

En revanche, à la fin des années 1990, les deux principales puissances de l'Océan indien, l'Inde et le Pakistan, acquièrent une capacité nucléaire, puis dans les années 2000 la Corée du Nord procède à plusieurs essais nucléaires.

Bien que l'Inde, le Pakistan et la Chine aient historiquement soutenu l'idée d'abolir les armes nucléaires, les trois nations sont engagées sur la voie d' un renforcement constant de leurs capacités stratégiques. Cette expansion reflète leur conviction que l'abolition mondiale des armes nucléaires est peu probable, tandis que les menaces à la sécurité auxquelles chacun de ces trois États est confronté exigent un investissement solide dans leurs moyens de dissuasion nucléaire. En outre, bien que ces trois États reconnaissent que les puissances nucléaires historiques ont réduit la taille de leurs propres arsenaux au cours des dernières années, aucun d'entre eux ne juge que ces réductions évitent la nécessité d'une expansion de leurs propres capacités stratégiques[12].

Israël est un cas particulier, puisqu'il n'a jamais reconnu officiellement disposer d'armes nucléaires bien qu'aucun doute n'existe à cet égard. Grâce à sa coopération avec l'Afrique du Sud, Israël disposerait d'importants stocks d'uranium et aurait procédé en 1979 à deux essais nucléaires au large des côtes sud-africaines. Depuis lors, Israël a réussi à maintenir sa politique d'opacité sur le sujet. Ses premiers missiles balistiques équipés d'ogives nucléaires seraient opérationnels depuis 1973. Israël a aussi acquis en Allemagne six sous-marins de la classe Dolphin qu'elle aurait équipée de missiles de croisière (SLCM) de sa fabrication capables d'emporter une charge nucléaire lui donnant ainsi une capacité de seconde frappe. Avec ses avions d'origine américaine F-15 et F-16 et ses missiles Jéricho, Israël disposerait d'une triade nucléaire complète[13].

Parapluie nucléaire

Sans être détenteurs de l'arme nucléaire, des pays d'Europe et d'Asie ont signé des traités d'alliance avec des puissances nucléaires. Ces pays bénéficient donc du « parapluie nucléaire » de leurs protecteurs. Toutefois, la crédibilité de l'éventuel emploi d'armes nucléaires pour honorer les engagements pris dans ces traités d'alliance a toujours été un sujet de débat, notamment au sein de l'OTAN. La décision de la France de bâtir une force nationale de dissuasion nucléaire résulte directement des doutes nourris par le général de Gaulle à cet égard et sa volonté d'indépendance de la France.

Au XXIe siècle, les alliés des États-Unis en Europe au sein de l'OTAN et le Japon et la Corée du Sud en Asie sont dans cette situation. De même les alliés de la Russie au sein de l'Organisation du traité de sécurité collective bénéficient de son parapluie nucléaire. Au total, quatorze pays ont des armes nucléaires américaines ou russes sur leur territoire[14].

Désarmement nucléaire : utopie ou objectif à long terme ?

Le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) qui résulte d'un vote à l'Assemblée générale de l'ONU en 2017 par 122 voix pour sur 124 votes[15]. Fin 2019, ce traité a été ratifié par trente-cinq États, son entrée en vigueur nécessite que cinquante États l'ait ratifié[16]. Aucune des puissances nucléaires ne l'a voté. Les États qui le soutiennent considèrent que ce nouveau traité appuie l'application de l'article VI du TNP qui dispose que « chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire »[17].

La France considère que « le TIAN est un texte inadapté au contexte sécuritaire international marqué par la résurgence des menaces d’emploi de la force, le réarmement nucléaire russe, les tensions régionales et les crises de prolifération »[18],[19].

Limitation des risques et de la prolifération nucléaires

Principaux traités
de contrôle et de limitation des armements nucléaires
Signé Libellé
1959 Traité sur l'Antarctique
1963 Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires
1967 Traité de l'espace
1967 Traité de Tlatelolco
1968 Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
1971 Traité de désarmement sur le fond des mers et des océans
1972 Accord intérimaire de limitation des armes stratégiques (dit SALT I)
1972 Traité de limitation des systèmes contre les missiles balistiques (dit Traité ABM)
1973 Accord relatif à la prévention de la guerre nucléaire (en)
1979 Traité sur la Lune
1985 Traité de Rarotonga
1987 Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (dit FNI)
1988 Accord sur les notifications de lancements de missiles balistiques
1991 Traité de réduction et de limitation des armes stratégiques offensives (dit START I)
1991 Protocole de Lisbonne avec la Biélorussie, l'Ukraine et le Kazakhstan
1995 Traité de Bangkok
1996 Traité de Pelindaba
1996 Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE)[d]
2002 Traité de réduction des armes stratégiques offensives (dit SORT)
2002 Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques (HCOC)
2005 Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire
2006 Traité de Semipalatinsk
2010 Traité de réduction des armes stratégiques (dit New Start)
2015 Accord de Vienne sur le nucléaire iranien (PAGC)
2017 Traité sur l’interdiction des armes nucléaires

Au sortir de la guerre froide, cinq puissances possèdent l'arme nucléaire : les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France. Elles sont aussi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et parmi les États les plus riches de la planète.

Prévenir la prolifération[b] nucléaire est un objectif partagé dès l'apparition de l'arme nucléaire, qui se heurte initialement à la volonté des quelques États qui durant la guerre froide veulent s'en doter, mais qui adhèrent à cet objectif une fois acquis leur statut de puissance nucléaire.

Problématique de la prolifération

La barrière technologique pour accéder à l’arme nucléaire n’est pas aisément franchissable, mais elle est néanmoins à la portée de dizaines d’États. La difficulté réside moins dans la conception de la charge explosive que dans l’acquisition d’un stock suffisant de matière fissile de qualité militaire, raison pour laquelle les contrôles de l’AIEA portent essentiellement sur le combustible nucléaire. En 1996, lors de la négociation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), 44 États sont techniquement capables de produire rapidement une quantité significative de matière fissile, raison pour laquelle leur ratification du traité est considérée comme indispensable à son entrée en vigueur[14].

La troisième étape pour disposer d'une force nucléaire opérationnelle est de parvenir à miniaturiser suffisamment la tête nucléaire pour pouvoir la placer sur un vecteur, missile ou avion, dont il faut par ailleurs maîtriser la technologie ou à défaut être en capacité politique et financière de s'en procurer.

Instruments de non-prolifération des armes nucléaires

Plusieurs traités encadrent les risques de prolifération. Le plus important sur le plan mondial est le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires[20] (TNP) Mais d'autres traités y contribuent dans une approche régionale : les traités sur les zones exemptes d'armes nucléaire, le traité sur l'Antarctique, celui sur le fond des mers et celui sur l'espace.

Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

Le TNP est en vigueur depuis 1970. À fin 2019, le traité a été ratifié par 191 États. Signataire en 1985, la Corée du Nord s'en retire en 2003. L'Inde, le Pakistan et Israël ne l'ont jamais signé. Les cinq États dotés d'armes nucléaires[e] (EDAN) s'engagent à ne pas transférer d'armes nucléaires aux États non dotés (ENDAN) et à ne pas les aider à en fabriquer ou à en acquérir. En application de ce traité, les États non dotés d'armes nucléaires (ENDAN) signataires ont contracté l'obligation de soumettre aux garanties de l'AIEA toutes leurs matières nucléaires dans toutes leurs activités nucléaires pacifiques, aux fins de s'assurer que lesdites matières ne seront pas détournées vers des armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires[20],[21].

Les fragilités intrinsèques à la dissuasion nucléaire incitent l'immense majorité des pays à lutter contre la prolifération, comme le confirme l'a confirmé en 1995 la décision de prolonger le TNP pour une durée indéterminée[1].

L'article VI du TNP engage les EDAN à mener des négociations afin d'aboutir à terme au désarmement nucléaire. Lors de la conférence d'examen du TNP de 2010, les États-Unis et la Russie mettent en avant le traité New Start comme preuve qu'ils respectent cette obligation[22]. Durant les années 2010, les deux super-puissances nucléaires ne mènent aucune nouvelle négociation dans ce sens et sont l'objet de critiques de la part des États non nucléaires et des mouvements anti-nucléaires.

Autres traités et régimes de contrôle

Moins contraignants que des traités, ne relevant pas du système de droit international de l'ONU, mais contribuant à réduire les risques de prolifération, trois régimes multilatéraux de contrôle des exportations et la lutte contre la prolifération sont en place fin 2019 : le Comité Zangger, le Régime de contrôle de la technologie des missiles, et l’Arrangement de Wassenaar. Ces « régimes de fournisseurs » sont des clubs informels d'États qui s'accordent sur des règles communes à respecter dans le domaine des exportations des biens et des technologies pouvant contribuer au développement, à l’acquisition et à l’utilisation des armes nucléaires[23]. Ainsi le Comité Zangger, qui compte 39 États membres, veille depuis 1971 à la bonne application de l'article III du TNP et sa liste des technologies sensibles est reprise en 1994 par l'AIEA[14].

L'acquisition de vecteurs capables d'emporter une charge nucléaire n'est pas difficile puisque le commerce des missiles n'est pas couvert par le traité sur la non-prolifération nucléaire. Toutefois, deux accords restreignent le commerce balistique : le Régime de contrôle de la technologie des missiles (MTCR) établi en 1987, et le Code de conduite de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques (HCOC) établi en 2002. Mais les États n’y participent que sur une base volontaire, et leurs directives sont non-contraignantes[24].

Convention on the Physical Protection of Nuclear Material

Négociations enlisées

Les instances multilatérales du désarmement n'enregistrent plus d'avancées depuis le début du siècle. Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) signé en 1996 n'est toujours pas ratifié. La Conférence du désarmement à Genève[25] et la Commission du désarmement de l'ONU[26] n'aboutissent à aucun résultat concret. La négociation d'un traité d'interdiction de la production de matières fissiles n'a pas commencé en dépit de propositions concrètes dont celle de la France[14].

La mise en œuvre d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient est au point mort depuis 1995.

Rôle clé de l'Agence internationale de l'énergie atomique dans le respect du TNP

L’Agence a été créée en 1957 en tant qu’organisme mondial de « L’atome pour la paix » au sein du système des Nations Unies[27]. Dès l'origine, ses États membres lui confient la mission de s'assurer « que l'aide fournie par elle-même ou à sa demande ou sous sa direction ou sous son contrôle n'est pas utilisée de manière à servir à des fins militaires »[28]. Le système des garanties de l'AIEA prend toute sa valeur en 1970, lors de l'entrée en vigueur du TNP : afin d'offrir un cadre juridique approprié et identique pour tous ses signataires, un modèle d'accord de garanties est élaboré, essentiellement basé sur la vérification par l'AIEA de la comptabilité des matières nucléaires déclarées[21].

La découverte en 1991 du programme nucléaire militaire clandestin de l'Irak et les difficultés rencontrées par l'AIEA en Corée du Nord pour vérifier le stock initial de matières nucléaires déclarées mettent en évidence l'insuffisance des mesures appliquées dans le cadre de ces accords de garanties signés par ces deux États, parties au TNP[21]. En réponse, l'AIEA met sur pied à partir de 1993 un ambitieux programme de renforcement des garanties, communément appelé « Programme 93+2 », qui comporte deux objectifs fondamentaux : le renforcement des capacités de l'Agence à détecter des activités clandestines ou des matières nucléaires non déclarées dans les ENDAN, et l'augmentation de l'efficacité et du rendement des garanties[29],[21].

Compatibilité ou non du « parapluie nucléaire » avec le TNP

Tous les États membres de l'OTAN qui ne possèdent pas l'arme nucléaire ont signé le TNP. Au moins pour certains d'entre eux, le renoncement à l'arme nucléaire est lié au fait qu'ils bénéficient du « parapluie nucléaire » fourni par les États-Unis et formalisé par les plans nucléaires de l'OTAN et la présence sur le sol de plusieurs États européens, encore en 2019, de bombes nucléaires tactiques américaines. Cette situation, héritée du contexte géostratégique existant lors de la conclusion du TNP est ambigüe : elle peut être vue comme évitant la prolifération d'armes nucléaires dans des pays qui auraient toutes les capacités pour s'en doter, comme elle peut être analysée comme une forme de prolifération rampante[30].

Dans le contexte géopolitique des années 2020, l'idée avancée par le président français E. Macron que la force de frappe française pourrait bénéficier aux États membres de l'Union européenne soulève cette question[31],[32].

Prévention du risque de terrorisme nucléaire

La montée du terrorisme incite la communauté internationale à traiter ce risque dans le droit international et à renforcer la lutte contre la dissémination des matières fissiles et des technologies nucléaires.

Dans le cadre de l'ONU, la résolution 1540 adoptée en avril 2004 par le Conseil de sécurité interdit tout transfert de nature nucléaire à des acteurs non étatiques , et une Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire[33] est adoptée en 2005[14],[34]. La France, selon le site officiel FranceTNP[19], « prend très au sérieux les risques attachés à l’apparition d’une forme de terrorisme nucléaire et radiologique » et soutient, financièrement et par les contributions de ses experts, les initiatives multilatérales prises dans ce domaine[35].

Évolution des doctrines de dissuasion nucléaire

Doctrines de dissuasion nucléaire au XXIe siècle

Durant la guerre froide, les doctrines de dissuasion nucléaire évoluent avec l'accumulation effarante des armes nucléaires, leur sophistication, et l'idée toujours plus ancrée au fil des décennies selon laquelle l'arme nucléaire doit avoir avant tout une fonction dissuasive et ne peut être employée pour mener une guerre. Les évolutions politiques et sociétales des trente dernières années rendent toujours plus illégitime la menace nucléaire. Abondant dans ce sens, la Cour internationale de justice (CIJ) estime en 1996 que l'emploi ou la menace d'emploi de l'arme atomique serait contraire au droit international[1]. Ce contexte défavorable à la dissuasion nucléaire et les améliorations technologiques des vecteurs devenus plus précis et plus souples d'emploi font évoluer les doctrines de dissuasion sans toutefois les révolutionner : le « No-first-use » et le « déciblage » en sont les plus notables.

La doctrine de non-recours en premier aux armes nucléaires (en anglais « No-first-use ») s'inscrit dans cette logique de pure dissuasion défensive. La Chine l'a depuis toujours adoptée, et l'Inde la revendique également[36]. Les États-Unis ont considéré son adoption durant la présidence de Barack Obama, mais ne sont finalement pas allés au bout de la démarche. Le fait que rien n'empêche une puissance qui aurait adopté le « No-first-use » de changer brutalement de posture pose la question de sa crédibilité. Le contexte géopolitique de la fin de la décennie 2010 conduit donc la plupart des puissances nucléaires à ne prendre aucun engagement de cette nature[37]. En revanche, les cinq puissances nucléaires membres permanents du Conseil de sécurité réaffirment en 1995 par la résolution 984 leur engagement pris dans le TNP de ne pas employer d'arme nucléaire contre des pays qui n'en sont pas dotés[14],[38],[39].

Durant la guerre froide, la plupart des armes nucléaires ont une cible assignée. Il peut s'agir d'une zone urbaine (dans une stratégie « anti-cités ») ou de cibles militaires ou stratégiques (dans une stratégie « anti-forces »). En 2000, les cinq puissances nucléaires historiques déclarent de manière coordonnée que leurs forces ne sont désormais plus pointées en permanence sur une cible prédéterminée[14].

Israël et le Pakistan : le nucléaire comme arme de survie du pays

La Shoah et le manque de profondeur stratégique du pays sont à l'origine du programme nucléaire d'israël qui considère l'arme nucléaire comme le moyen de pallier sa vulnérabilité contre des attaques de toutes natures résultant de sa géographie — petit État, adossé à la mer — et du grand nombre d'États du Moyen-Orient qu'il perçoit comme étant belliqeux à son égard. La stratégie de dissuasion nucléaire d'israël repose d'une part sur le maintien d'une opacité quasi-totale sur son programme nucléaire et sa doctrine d'emploi de ses armes nucléaires, et d'autre part sur sa volonté de rester la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient.

La politique d'« ambiguïté nucléaire » d'Israël sert trois objectifs majeurs : en premier lieu, elle permet au pays de ne pas inciter à une prolifération massive de l’arme atomique dans la région. Ensuite, cette ambiguïté évite à Israël une condamnation de son programme nucléaire militaire par la communauté internationale, et lui permet surtout de ne pas subir de pression des États-Unis tant qu'il n'admet pas publiquement disposer d'un arsenal nucléaire et qu'il ne revendique pas à d'essai nucléaire selon l'accord passé en 1969 entre R. Nixon et G. Meir[40]. Enfin, cette ambiguïté nucléaire permet à Israël d’éviter de définir la « la ligne rouge » qui, si elle était franchie par ses adversaires, justifierait d'une riposte nucléaire[41]. Il en résulte qu'Israël est bien loin d'adopter une doctrine de « No-first-use ».

Pour rester à l'abri de l'émergence d'autres puissances nucléaires dans la région, Israël adopte une stratégie préventive menée avec des moyens conventionnels ainsi que le déclare en 1981 le M. Begin en 1981, après que la chasse israélienne a bombardé le site nucléaire irakien d’Osirak : « Nous n’accepterons sous aucunes circonstances que l’ennemi développe des armes de destruction massive contre notre nation »[41]. La doctrine Begin est appliquée de nouveau en 2007 avec la SyrieIsraël bombarde un site qui abriterait la construction d'un réacteur à eau lourde devant servir à la production de plutonium militaire. Cependant, ces deux cas ne signifient pas que cette doctrine puisse être appliquée en toute circonstance. Les États antagonistes d'Israël en ont tiré les leçons en enterrant profondément leurs installations nucléaires, en les dispersant et en les protégeant mieux d'attaques aériennes. En témoigne le fait que dans les années 2010 aucune action militaire conventionnelle n'a été menée par Israël contre l'Iran, pourtant perçu comme le pire ennemi du pays et dont le programme nucléaire est pourtant un sujet d'angoisse des dirigeants israéliens[13],[41].

Doctrine nucléaire de l'OTAN

Le « concept stratégique » actuel de l'OTAN[42],[43] date du sommet de l'OTAN qui se tient en 2010 à Lisbonne. Son préambule affirme qu'il « engage l’OTAN sur l’objectif qui consiste à créer les conditions pour un monde sans armes nucléaires, mais il reconfirme que, tant qu’il y aura des armes nucléaires dans le monde, l’OTAN restera une alliance nucléaire »[44]. Les Alliés déclarent vouloir disposer des « capacités nécessaires pour assurer la dissuasion et la défense contre toute menace [par] une combinaison appropriée de forces conventionnelles, nucléaires et de défense antimissile »[45]. L'OTAN réaffirme que la sécurité collective de ses membres repose pour une part sur la dissuasion nucléaire. En même temps, l'Alliance dit chercher à assurer sa sécurité au niveau de forces le plus bas possible et à promouvoir la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération. L'élément le plus nouveau est l'accent mis sur la défense antimissile au grand dam toutefois des Russes qui y voient un risque de rupture de l'équilibre stratégique, et dont le déploiement effectif dans les années 2010 devient une des causes du regain de tension entre la Russie et les Occidentaux[44].

Le concept stratégique confirme le « parapluie nucléaire » américain, tout en évoquant la contribution des forces nucléaires françaises et britanniques en ces termes : « la garantie suprême de la sécurité des Alliés est apportée par les forces nucléaires stratégiques de l’Alliance, en particulier celles des États-Unis ; les forces nucléaires stratégiques indépendantes du Royaume-Uni et de la France, qui ont un rôle de dissuasion propre, contribuent à la dissuasion globale et à la sécurité des Alliés »[44].

Les États-Unis maintiennent un total d'environ 150 bombes nucléaires tactiques B-61 dans cinq pays européens de l'OTAN[f], qui peuvent armer des avions F-15E de l'USAF et des avions à capacité duale des armées de l'air de ces cinq pays[46]. Ces armes ne répondent pas à un besoin militaire mais symbolisent politiquement et psychologiquement l'engagement des États-Unis à garantir la sécurité de l'Europe. Au début des années 2010, de nombreuses voix se font entendre en Europe et aux États-Unis pour les éliminer. Mais depuis la crise en Ukraine et le changement de pied dans la relation avec la Russie, les membres de l'OTAN se sont accordés pour les conserver et les moderniser. Au sommet de Varsovie en 2016, les dirigeants de l'OTAN déclarent que « la posture de dissuasion nucléaire de l'OTAN repose également, en partie, sur les armes nucléaires des États-Unis déployées à l'avant en Europe, ainsi que sur les capacités et l'infrastructure mise à disposition par les Alliés concernés »[43],[46],[47].

La dissuasion française et l'Europe

Modernisation de l'arsenal nucléaire

Risques accrus

Horloge de la Federation of American Scientists.

Nouvelles technologies

Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a justifié le premier déploiement d’une arme nucléaire de faible puissance à bord d'un sous-marin par l’ambition des États-Unis de «contenir des conflits avec tout autre pays».

Défis posés par la défense antimissile

Notes

  1. Les quatre États qui n'ont pas signé le TNP sont : l'Inde, Israël, le Pakistan et le Soudan du Sud. La Corée du Nord l'a signé le 12 décembre 1985, mais a annoncé son intention de s'en retirer le 10 janvier 2003.
  2. a et b La notion de prolifération est apparue en 1965 lors de la négociation du traité TNP. Un des acteurs importants de ces négociations, l'indien Homi J. Bhabha avait proposé de distinguer la prolifération horizontale, définie comme l'augmentation du nombre d'États possédant l'arme nucléaire, et la prolifération verticale comme l'augmentation du nombre d'armes nucléaires détenues par un État. Cette distinction est très peu utilisée de nos jours.
  3. Israël ne dispose pas de sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), mais ses sous-marins diésel-électriques Dolphin sont probablement équipés de missiles de croisière navals (SLCM) à capacité nucléaire.
  4. Non ratifié au 31 décembre 2019.
  5. Au sens du TNP, les cinq puissances dotées d'armes nucléaires sont celles qui la possèdent au moment de sa signature : les États-Unis, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l'Union soviétique.
  6. Les cinq pays de l'OTAN concernés sont l'Allemagne, la Belgique, l'Italie, les Pays-Bas et la Turquie. Ils mettent des avions à double capacité (DCA) conventionnelle et nucléaire à la disposition de l'Alliance. Les armes nucléaires correspondantes restent sous le contrôle et la garde absolus des États-Unis, tandis que les Alliés concernés assurent un soutien militaire au moyen de forces et de capacités conventionnelles.

Sources

Références

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Bibliographie

Documents officiels

Ouvrages

  • Bruno Tertrais, La France et la dissuasion nucléaire : concept, moyens, avenir, La documentation française, , 176 p. (ISBN 9782111454187).
  • (en) Thérèse Delpech, Nuclear Deterrence in the 21st Century : Lessons from the Cold War for a New Era of Strategic Piracy, RAND Corporation, , 196 p. (ISBN 978-0-8330-5930-7, lire en ligne).
  • (en) Lawrence Freedman, The Evolution of Nuclear Strategy, Palgrave Macmillan, , 566 p. (ISBN 978-0-333-97239-7).

Publications et articles en français

Publications et articles en anglais

Compléments

Articles connexes

Liens externes