Jeanne de Navarre (1370-1437)
Jeanne de Navarre, née vers 1370 à Pampelune et morte le à Havering-atte-Bower près de Londres, fille du roi de Navarre Charles II et de Jeanne de France, est par mariage duchesse de Bretagne de 1386 à 1399, puis reine d'Angleterre de 1403 à 1413. Elle est régente du duché de Bretagne de 1399 à 1402.
Mariée en 1386 avec Jean IV de Bretagne dans le but de détacher ce dernier de son alliance avec l'Angleterre, Jeanne joue un rôle déterminant dans son rapprochement avec la France et sa réconciliation avec Olivier V de Clisson en 1393. À la mort de son époux en 1399, elle devient régente du duché pendant la minorité de son fils Jean V.
Demandée en mariage par le roi d'Angleterre Henri IV, elle quitte la régence en 1402, au profit de son oncle le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, et part en Angleterre au début de l'année suivante. Son second mariage reste sans postérité, mais elle est proche de son époux, intercédant parfois auprès de lui en faveur de ses sujets. Elle entretient de bonnes relations avec les enfants d'Henri IV nés de son premier mariage.
Veuve en 1413, elle est accusée de sorcellerie en 1419 par son beau-fils, Henri V. Assignée à résidence pendant trois ans, elle est libérée par le roi peu avant sa mort en 1422. Jeanne mène pendant le reste de sa vie une existence discrète sous le règne de Henri VI.
Biographie
[modifier | modifier le code]Origines familiales et enfance
[modifier | modifier le code]Jeanne de Navarre est le septième enfant de Charles II, dit « le Mauvais », roi de Navarre mais aussi comte d'Évreux, et très impliqué dans les affaires du royaume de France, qui connaît alors les premières décennies de la guerre de Cent Ans, étant lui-même prétendant au trône de France en tant que petit-fils de Louis X.
Sa mère est Jeanne de France, fille du roi Jean le Bon, sœur de Charles V, qui règne de 1364 à 1380 et tante de Charles VI, qui règne de 1380 à 1422, mais d'abord sous la tutelle de ses oncles, le duc de Berry et le duc de Bourgogne.
Jeanne naît à Pampelune vers 1370, en l'absence de son père : ce dernier, souvent appelé dans le comté d'Évreux, a nommé son épouse lieutenant-général du royaume de Navarre pour trois ans (mai 1369-août 1372).
L'enfance de Jeanne n'est pas connue jusqu'en 1381, date à laquelle, se trouvant en France, elle est capturée au château de Breteuil (actuelle commmune de Choisel dans les Yvelines) et retenue comme otage, ainsi que ses frères, à la cour du roi Charles VI à Paris, en gage du bon comportement de leur père[1]. En effet, Charles II de Navarre a intrigué contre Charles V pendant toute la durée de son règne. Vaincu et privé de ses fiefs français, il obtient la libération de ses enfants, après quelques mois de captivité dans des conditions honorables[2].
Projet de mariage avec le roi de Castille (1382-1383)
[modifier | modifier le code]Après la mort de son épouse Éléonore d'Aragon (13 août 1382), le roi Jean Ier de Castille envisage d'épouser Jeanne de Navarre. Ce mariage permettrait en effet de renforcer les liens entre le royaume de Castille et le royaume de Navarre, déjà associés depuis 1375 par le mariage de Charles, frère aîné de Jeanne, avec Éléonore, sœur cadette de Jean. Ce dernier, allié du roi de France, essaie aussi de détacher Charles II de Navarre de leurs ennemis, notamment l'Angleterre.
Le projet est cependant abandonné par Jean de Castille lui-même, qui épouse en mai 1383 Béatrice de Portugal[2].
L'existence de Jeanne pendant les années qui suivent n'est pas connue : vraisemblablement, aucune autre proposition de mariage ne lui est faite.
Mariage avec Jean IV de Bretagne (1386)
[modifier | modifier le code]Finalement, au début de l'année 1386, ses oncles maternels Jean Ier de Berry et Philippe II de Bourgogne, régents de France depuis 1380 au nom de leur neveu Charles VI, envisagent de lui faire épouser le duc Jean IV de Bretagne[3].
En 1386, Jean IV a déjà été marié deux fois, avec Marie d'Angleterre (morte en 1361) puis avec Jeanne Holland (morte en 1384), qui n'ont pas eu d'enfants. Soucieux depuis le second traité de Guérande (1381) de s'assurer de la neutralité du duc de Bretagne en l'empêchant d'épouser une troisième fois une Anglaise, les régents de France lui proposent d'épouser Jeanne de Navarre.
Les négociations entre les cours de France, de Bretagne et de Navarre sont menées par la sœur de Charles II, Jeanne (1339-1403), épouse de Jean Ier de Rohan, chef de la maison bretonne de Rohan[4]. Un contrat de mariage est conclu le 25 août 1386 à Pampelune par Charles II de Navarre, qui accorde à sa fille une dot d'un montant de 120 000 livres[5]. De son côté, Jean IV de Bretagne fixe le douaire de sa future épouse, qui inclut les villes de Nantes et de Guérande.
Un mariage par procuration est célébré à la cathédrale de Bayonne le 2 septembre 1386, en l'absence de l'époux. Jeanne de Navarre est ensuite emmenée en Bretagne par mer par le baron Pierre de Lesnerac, dont la flotte accoste au Croisic le 4 septembre 1386.
Le mariage aurait été alors solennisé le 11 septembre 1386 dans la chapelle de Saillé, localité proche de Guérande, chapelle antérieure à l'actuelle église de Saillé[6].
Duchesse de Bretagne (1386-1399)
[modifier | modifier le code]Quelques mois après son mariage, en février 1387, le couple ducal reçoit des présents à l'occasion de la célébration de ses noces[pas clair], notamment des bijoux, des faucons et plusieurs sortes de vin[7].
Les relations entre Jeanne et son époux semblent étroites, les chroniqueurs bretons n'hésitant pas à souligner que la nouvelle duchesse conquiert rapidement le cœur du duc, et que ce dernier fait preuve d'une tendresse dont la jeune femme n'a pas bénéficié de la part de son père.
Mort de Charles II de Navarre (janvier 1387)
[modifier | modifier le code]Jeanne apprend à cette époque la mort de son père, survenue le 1er janvier 1387[5]. Les chroniqueurs contemporains prétendent que Charles II de Navarre est mort dans d'atroces circonstances : alors qu'il est en état d'épuisement, ses médecins préconisent de l'envelopper dans un drap imbibé d'eau-de-vie afin de le ranimer, mais un valet maladroit y met le feu, provoquant la mort du roi[7]. Il n'est cependant pas impossible que cette description ait été faite dans le but de présenter une punition divine particulièrement effroyable aux crimes supposés de Charles II de Navarre[8].
On ignore pas ce que Jeanne a pensé de la mort de son père, qui n'attriste guère la cour de Bretagne, lasse de ses intrigues passées[pas clair][5].
Relations de Jean IV avec Olivier de Clisson (1366-1392)
[modifier | modifier le code]Une des premières tâches qu'entreprend Jeanne pendant son règne est d'essayer de réconcilier son époux avec Olivier V de Clisson.
Les relations entre les deux hommes, longtemps bonnes, notamment à la fin de la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364), se sont dégradées à partir de 1366, entre autres à cause de remarques faites à Jean IV de Bretagne par Charles II de Navarre, qui avait dit qu'« il aimerait mieux mourir que de souffrir telle vilenie, comme le sire de Clisson lui faisait ; car [...] il lui avait vu baiser [Jeanne Holland] par derrière une courtine ». Le duc de Bretagne aurait à compter de cette date vu son allié non plus comme son ami, mais comme l'amant de sa deuxième épouse.
En juin 1387, Olivier de Clisson est invité par le duc à assister à la session du Parlement de Bretagne à Vannes, mais est capturé, emprisonné et menacé d'un assassinat, avant que le duc n'annule cette décision[9].
La situation s'aggrave particulièrement pendant les années qui suivent, notamment lorsqu'Olivier de Clisson est victime le 14 juin 1392 d'une tentative d'assassinat commise par Pierre de Craon[7]. Olivier de Clisson étant connétable de France (depuis 1380), Charles VI lance une expédition de représailles contre le duché, mais elle avorte, le roi étant frappé de sa première crise de démence alors qu'il traverse une forêt près du Mans[10] (5 août 1392)[11].
Rapprochement avec la France et réconciliation avec Olivier de Clisson
[modifier | modifier le code]Convaincue par son frère Charles III de l'inutilité de continuer à s'opposer au roi de France, Jeanne de Navarre entreprend de persuader son époux de renoncer à l'alliance avec Richard II d'Angleterre.
Elle entre en contact avec son oncle Jean Ier de Berry le 26 novembre 1391 pour organiser à Tours une rencontre entre Charles VI de France et Jean IV de Bretagne[12].
Le 26 janvier 1392, le mariage de Jean, fils aîné de Jean IV, avec Jeanne de France, deuxième fille de Charles VI, est décidé. Il sera célébré quatre ans plus tard, le 19 septembre 1396[13].
La réconciliation du duc de Bretagne avec Olivier V de Clisson prend un peu plus de temps, mais est finalement obtenue par Jeanne de Navarre le 28 décembre 1393, lorsque le connétable prête serment de fidélité à Jean IV à Nantes[14].
Malgré ce revirement d'alliance, le couple ducal maintient des relations cordiales avec l'Angleterre. Une visite à la cour de Richard II a lieu en avril 1398, afin que Jean IV de Bretagne obtienne la restitution du titre de comte de Richmond[15].
Il est possible que Jeanne de Navarre ait rencontré à cette occasion son futur époux, Henri, alors Duc de Hereford[16]. Une deuxième rencontre a peut-être lieu avant le mois de juin de l'année suivante, lorsque Henri est banni d'Angleterre[17].
Régente de Bretagne (1399-1402)
[modifier | modifier le code]Politique de Jeanne à la tête du duché
[modifier | modifier le code]Le 1er novembre 1399, Jean IV de Bretagne meurt et est remplacé sur le trône par son fils Jean, qui n'a pas encore dix ans. Jeanne de Navarre est proclamée régente du duché jusqu'à la majorité de son fils.
Pendant cette période de régence, elle s'efforce de maintenir les accords conclus avec Olivier de Clisson, qui jure fidélité au jeune Jean V le 1er janvier 1400[7]. Le 23 mars 1401, elle organise le couronnement de son fils à Rennes, célébré au cours d'une cérémonie grandiose[18].
Vers un mariage avec le roi d'Angleterre Henri IV (1401-1403)
[modifier | modifier le code]Peu après cette cérémonie, elle reçoit une demande en mariage d'Henri IV d'Angleterre, qui est rentré de son exil sur le continent et a renversé Richard II en septembre 1399.
Même si ce mariage permet à Henri d'établir des contacts solides avec la Bretagne afin de conforter sa propre position en Angleterre, alors jugée précaire, et d'entrer en possession de l'important douaire de Jeanne, il semble que l'attraction physique entre le roi d'Angleterre et la régente de Bretagne ne soit pas entièrement à exclure[réf. nécessaire]. Jeanne de Navarre donne rapidement une réponse favorable à Henri IV, mais lui précise que le mariage ne pourra être célébré avant qu'elle ait organisé le transfert de la régence à une personne de confiance ainsi que la garde de ses enfants[19].
Le 3 avril 1402, un mariage par procuration est été célébré à Eltham[19], en Angleterre.
Le 14 mai 1402, Jeanne de Navarre engage formellement les négociations de mariage[pas clair] et obtient six jours plus tard du pape d'Avignon Benoît XIII une dispense pour « consanguinité au troisième degré ».
Le départ de Jeanne pour l'Angleterre est cependant retardé, cette dernière cherchant à obtenir de Benoît XIII une dispense lui permettant de vivre en Angleterre, d'obédience romaine dans le contexte du Grand schisme d'Occident[19]. Le pape d'Avignon répond favorablement à la requête de la régente de Bretagne et la dispense lui est remise le 28 juillet 1402.
Jeanne voudrait aussi emmener ses enfants, dont Jean V, avec elle en Angleterre, mais ses oncles Jean Ier de Berry et Philippe II de Bourgogne lui indiquent que cette exigence ne peut être satisfaite, car les barons bretons ne veulent pas courir le risque de passer sous l'influence anglaise, ce qui précipiterait une intervention française afin de contrer les ambitions territoriales d'Henri IV.
Règlement du problème de la régence par Philippe le Hardi (1402)
[modifier | modifier le code]Après avoir en vain tenté de convaincre sa nièce de renoncer à se marier avec Henri IV, le duc de Bourgogne répond en septembre 1402 à l'appel des barons bretons afin de dénouer la situation[19].
Le 1er octobre 1402, Philippe II de Bourgogne vient à Nantes et gagne l'amitié de la famille ducale par de nombreux présents. Il convainc sa nièce de lui abandonner la régence de Bretagne ainsi que la garde de ses fils, afin de maintenir des relations convenables entre le duché et le royaume de France. Ayant juré de protéger les coutumes bretonnes et d'agir non pas au nom de la couronne de France mais au nom de son petit-neveu Jean V, il reçoit formellement la régence du duché de Bretagne le 19 octobre[19].
Peu après, il emmène le jeune duc à Paris, où ce dernier rend hommage le 3 novembre à Charles VI pour son fief[20].
Voyage vers l'Angleterre (janvier-février 1403)
[modifier | modifier le code]Jeanne de Navarre quitte Nantes avec ses deux plus jeunes filles le 20 décembre 1402 et embarque le 13 janvier 1403 à Camaret à bord d'un navire anglais[20]. Une forte tempête la retient cinq jours en mer avant qu'elle ne puisse débarquer à Falmouth, au lieu de Southampton, destination initialement prévue. Ayant appris son lieu de débarquement, Henri IV accourt à Falmouth et escorte Jeanne jusqu'à la cathédrale de Winchester, où il l'épouse le 7 février[21].
Reine d'Angleterre (1403-1413)
[modifier | modifier le code]Logée par la suite à la Tour de Londres, Jeanne est couronnée le 26 du même mois à l'abbaye de Westminster, au cours d'une cérémonie particulièrement somptueuse et majestueuse[21].
Le 8 mars 1403, Henri IV accorde à sa nouvelle épouse un douaire de 10 000 marcs, le plus important jamais accordé à cette date à une reine d'Angleterre[22]. Ajoutée au douaire de son premier mariage, cette somme rend Jeanne de Navarre extrêmement riche et lui permet d'administrer seule sa fortune. Toutefois, cette richesse lui vaut des accusations de corruption et d'avarice, notamment à l'encontre des enfants nobles dont elle a la garde des possessions. De ce fait, le mariage d'Henri IV avec Jeanne n'est guère populaire en Angleterre, d'autant que la nouvelle reine semble avoir une faible opinion des Anglais. Ainsi, elle perçoit comme un mauvais augure à son règne le fait qu'un navire breton soit attaqué le long de la côte anglaise juste après son mariage[7]. Par ailleurs, elle préfère demeurer avec les membres de son entourage breton, ce qui offense particulièrement la noblesse anglaise. En réaction, le Parlement ordonne en février 1405 que certains d'entre eux soient renvoyés en Bretagne, ainsi que le paiement des dettes de la reine. Malgré le mécontentement de son épouse face à ces décisions, Henri IV ne peut que lui donner tort et accepte les volontés du Parlement, dont il a alors besoin des subsides pour lutter contre le soulèvement gallois d'Owain Glyndŵr[23].
Malgré sa séparation avec les enfants issus de son premier mariage, Jeanne de Navarre demeure en étroit contact avec eux et confirme le 9 mars 1403 au Parlement de Bretagne sa volonté de laisser tous ses enfants sous la protection de Philippe II de Bourgogne[22]. En février 1404, elle reçoit la visite de son deuxième fils Arthur, venu réclamer la restitution du titre de comte de Richmond, confisqué à Jean IV de Bretagne par Henri IV le 20 octobre 1399. Le roi d'Angleterre accepte la demande de son beau-fils, même si le titre aurait dû revenir à son frère aîné Jean V. Toutefois, conscient qu'exiger du duc de Bretagne son hommage pour ce titre ne ferait qu'aggraver les relations franco-bretonnes, Henri IV accepte de conférer l'honneur de Richmond à Arthur[24]. À la même période, cependant, Jeanne doit se séparer de ses filles Marguerite et Blanche, qui étaient demeurées avec elle depuis son mariage, et les renvoyer à leur frère Jean V[24]. Par ailleurs, elle doit accepter à contrecœur que son douaire en Bretagne soit administré par la noblesse locale, la cour du roi de France craignant que le roi d'Angleterre puisse se l'attribuer. En novembre 1408, elle s'enquiert des nouvelles de ses enfants en Bretagne et, l'année suivante, son troisième fils, Gilles, lui rend visite pendant quelques semaines[23].
Au cours de son règne, Jeanne de Navarre intercède plusieurs fois en faveur de rebelles[N 1]. Ainsi, après l'incarcération de Maud d'Ufford à la Tour de Londres en mai 1404 pour son implication dans une conspiration visant à soutenir un débarquement français et à renverser Henri IV, la reine implore inlassablement son époux de lui rendre la liberté, ce que le roi consent finalement à faire le 16 novembre suivant[25]. Au début de l'année 1405, elle obtient la libération sans rançon des prisonniers capturés l'année précédente lors de la bataille de Blackpool Sands : les prisonniers en question sont principalement des pirates bretons, ce qui rend la décision royale extrêmement impopulaire[26]. En dépit de ses efforts pour maintenir la paix entre l'Angleterre et la Bretagne, la reine est accusée en 1406 de transmettre des décisions politiques secrètes à ses amis bretons, ce qui aboutit à leur expulsion définitive à la demande du Parlement[26]. Jeanne de Navarre essaie également de maintenir la concorde au sein même de la famille royale et, bien qu'elle n'ait aucun enfant de son mariage avec Henri IV, elle entretient de bonnes relations avec les enfants issus de son premier mariage avec Marie de Bohun et prend souvent parti pour le futur Henri V dans les querelles qui l'opposent à son père[27].
Sous le règne de Henri V (1413-1422)
[modifier | modifier le code]La reine mère (1413-1419)
[modifier | modifier le code]Jeanne de Navarre se retrouve à nouveau veuve le 20 mars 1413, mais n'affiche aucune volonté de retourner en Bretagne ou en Navarre et conserve de très bonnes relations avec Henri V à son avènement. Elle reçoit le titre honorifique de « reine mère ». Le 30 juin 1415, en prévision de son départ pour sa campagne militaire contre la France, ce dernier l'autorise à résider en son absence dans les châteaux de Windsor, de Wallingford, de Berkhamsted et de Hertford[7], et vient lui-même lui faire ses adieux. Contrairement à une assertion de l'historien anglais du XVIe siècle Raphael Holinshed, on ne dispose d'aucun élément permettant de prouver qu'Henri V a confié à sa belle-mère la régence en son absence[7].
Après le retour en Angleterre de l'armée anglaise qui vient de triompher à la bataille d'Azincourt, Jeanne apprend que son deuxième fils Arthur fait partie des nombreux captifs[N 2]. L'historien Charles Lethbridge Kinsford décrit les retrouvailles glaciales entre la reine douairière et son fils : rendant visite à sa mère pendant sa captivité, Arthur est présenté à Jeanne accompagnée de ses dames de compagnie, mais n'arrive pas à déterminer laquelle est sa mère, qu'il n'a pas vue depuis 1404, et est réprimandé par celle-ci lorsqu'elle révèle son identité[7].
Arrestation pour sorcellerie (1419)
[modifier | modifier le code]Toutefois, le 27 septembre 1419, Henri V décide subitement de confisquer l'immense douaire de sa belle-mère et, quatre jours plus tard, ordonne son arrestation alors qu'elle se trouve en son manoir de Havering-atte-Bower. Cet événement survient peu après la confiscation des biens du confesseur personnel de Jeanne de Navarre, John Randolph[7], et l'accusation lancée par ce dernier à l'encontre de sa maîtresse, qui aurait « comploté et manigancé pour la mort et la destruction de notre seigneur le roi de la manière la plus diabolique et la plus terrible qui soit »[28].
Deux jours avant la confiscation des terres de la reine douairière, Henry Chichele, archevêque de Canterbury, avait écrit aux évêques d'Angleterre pour les informer que le roi requérait leurs prières pour se protéger contre les machinations surnaturelles des nécromanciens qui tenteraient de le détruire.
L'accusation contre Jeanne de Navarre demeure obscure : son accusateur est incarcéré et meurt dans d'étranges circonstances en prison, tandis qu'Henri V refuse d'intenter un procès pour sorcellerie à l'encontre de sa belle-mère. Vraisemblablement, la conduite d'Henri V à l'encontre de Jeanne vise à lui permettre d'accaparer les riches possessions de la reine douairière afin de financer sa guerre coûteuse contre la France[28].
Période d'assignation à résidence (1419-1422)
[modifier | modifier le code]Recluse entre décembre 1419 et mars 1420 au château de Pevensey dans le Sussex[7], puis entre mars 1420 et août 1422 au château de Leeds dans le Kent, Jeanne de Navarre connaît une captivité aux conditions plus qu'honorables, puisqu'elle reçoit son beau-fils Humphrey, duc de Gloucester et frère d'Henri V, ainsi qu'Henri Beaufort, évêque de Winchester.
Cette attitude particulièrement clémente à l'encontre d'une personne accusée de sorcellerie montre la faiblesse des chefs d'accusation portés contre la reine douairière. En août 1422, alors qu'il agonise en France, Henri V, probablement pris de remords, ordonne la libération de sa belle-mère[28].
Dernières années, mort et funérailles (1422-1437)
[modifier | modifier le code]Jeanne mène par la suite une existence retirée. Elle établit sa résidence principale au château de Nottingham. Ce n'est que le 13 juillet 1433 qu'elle obtient du jeune Henri VI la restitution entière de son douaire[7].
Elle meurt le 9 juillet 1437 dans son manoir de Havering-atte-Bower.
Elle est inhumée le 11 août suivant dans la cathédrale de Canterbury, où son Henri IV a été inhumé[7].
Situées dans le côté Nord de la chapelle de la Trinité, leurs tombes, probablement commandées par Jeanne de Navarre elle-même, sont recouvertes de leurs gisants, réalisés en albâtre, couronnés et vêtus de leurs robes de cérémonie.
Descendance
[modifier | modifier le code]De son premier mariage avec Jean IV de Bretagne, célébré le 2 octobre 1386 à Saillé, Jeanne de Navarre a neuf enfants :
- Jeanne (12 août 1387 – 7 décembre 1388), sans alliance, ni postérité ;
- Isabelle (octobre 1388 – décembre 1388), sans alliance, ni postérité ;
- Jean V (24 décembre 1389 – 29 août 1442), duc de Bretagne du 1er novembre 1399 au 29 août 1442 et comte de Montfort du 1er novembre 1399 au 15 septembre 1427, épouse le 19 septembre 1396 Jeanne de France, d'où postérité ;
- Marie (18 février 1391 – 18 décembre 1446), épouse le 26 juin 1396 Jean Ier d'Alençon, d'où postérité ;
- Marguerite (1392 – 13 avril 1428), épouse le 26 juin 1407 Alain IX de Rohan, d'où postérité ;
- Arthur III (24 août 1393 – 26 décembre 1458), duc de Bretagne du 22 septembre 1457 au 26 décembre 1458, épouse en premières noces le 10 octobre 1423 Marguerite de Bourgogne, sans postérité, puis en deuxièmes noces le 29 août 1442 Jeanne d'Albret, sans postérité, et enfin en troisièmes noces le 2 juillet 1445 Catherine de Luxembourg-Saint-Pol, sans postérité ;
- Gilles (1394 – 19 juillet 1412), seigneur de Chantocé, sans alliance, ni postérité ;
- Richard (1395 – 2 juin 1438), comte de Vertus, d'Étampes et de Mantes, épouse le 29 août 1423 Marguerite d'Orléans, d'où postérité ;
- Blanche (1397 – août 1416), épouse le 16 juin 1407 Jean IV d'Armagnac, d'où postérité.
Son second mariage avec Henri IV d'Angleterre, célébré le 7 février 1403 à Winchester, ne produit aucune descendance.
Ascendance
[modifier | modifier le code]Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- ↑ Ironiquement, Édouard, duc d'York, qui ne manque pas d'afficher son mécontentement face aux faveurs accordées à l'entourage breton de la reine, est incarcéré en février 1405 pour avoir conspiré contre le roi et n'est libéré que 17 semaines plus tard, après que Jeanne ait plaidé en sa faveur. Ses possessions lui seront restituées le 8 décembre de la même année.
- ↑ Il n'est pas impossible que la captivité d'Arthur ait servi de point de départ au refroidissement des relations entre Jeanne de Navarre et Henri V.
Références
[modifier | modifier le code]- ↑ Strickland 1841, p. 455.
- Strickland 1841, p. 456.
- ↑ Jones 1999, p. 45.
- ↑ Jones 1999, p. 47.
- Strickland 1841, p. 457.
- ↑ Alain GALLICE Guérande-Le Croisic, ports d'armement martime vers l'Espagne (1384-1386), Annales de Bretagne et des Pays de l'Ouest, tome 1320, n°2, 2023, p. 157.
- Kingsford 2004.
- ↑ Jones 1999, p. 48.
- ↑ Strickland 1841, p. 458.
- ↑ Mais pas la forêt du Mans, qui se trouve à l'est de Paris.
- ↑ Jones 1999, p. 52.
- ↑ Strickland 1841, p. 463.
- ↑ Autrand 1986, p. 267.
- ↑ Strickland 1841, p. 466.
- ↑ Jones 1999, p. 59.
- ↑ Strickland 1841, p. 468.
- ↑ Jones 1999, p. 61.
- ↑ Strickland 1841, p. 469.
- Autrand 1986, p. 392.
- Autrand 1986, p. 393.
- Strickland 1841, p. 474.
- Strickland 1841, p. 476.
- Strickland 1841, p. 480.
- Strickland 1841, p. 477.
- ↑ Jones 1999, p. 66.
- Strickland 1841, p. 478.
- ↑ Jones 1999, p. 68.
- Jones 1999, p. 70.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Françoise Autrand, Charles VI : la folie du roi, Paris, Fayard, , 647 p. (ISBN 978-2-213-01703-7, présentation en ligne)
- Michael C. E. Jones, « Entre la France et l'Angleterre: Jeanne de Navarre, duchesse de Bretagne et reine d'Angleterre (1368-1437) », dans Geneviève et Philippe Contamine (dir.), Autour de Marguerite d'Écosse : Reines, princesses et dames du XVe siècle : Actes du colloque de Thouars (23 et 24 mai 1997), Paris, Honoré Champion, coll. « Études d'histoire médiévale » (no 4), (ISBN 2745301144), p. 45–72. .
- (en) Charles Lethbridge Kingsford, « Joan of Navarre », dans Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, (lire en ligne
) - (en) Agnes Strickland, Lives of the Queens of England from the Norman Conquest, Lea & Strickland, , 736 p. (ISBN 978-1-108-01971-2, lire en ligne).
- (en) Elena Woodacre, « The Perils of Promotion: Maternal Ambition and Sacrifice in the Life of Joan of Navarre, Duchess of Brittany, and Queen of England », dans Carey Fleiner, Elena Woodacre, Virtuous or Villainess? The Image of the Royal Mother from the Early Medieval to the Early Modern Era, Palgrave Macmillan, (ISBN 978-1-137-51314-4, DOI https://doi-org/10.1057/978-1-137-51315-1_7), p. 125-148.
- (en) Elena Woodacre, Joan of Navarre. Infanta, Duchess, Queen, Witch?, London, Routledge, (ISBN 9780429261022, DOI https://doi.org/10.4324/9780429261022).
- (en) Elena Woodacre, « Joan of Navarre: Beloved Queen and (Step)Mother or Unbeloved Witch? », dans Aidan Norrie, Carolyn Harris, J.L. Laynesmith, Danna R. Messer, Elena Woodacre, Later Plantagenet and the Wars of the Roses Consorts. Power, Influence, and Dynasty, Palgrave Macmillan, (DOI https://doi-org/10.1007/978-3-030-94886-3_7), p. 105-122.
- (en) Elena Woodacre, « Diplomacy, Family Ties and Divided Loyalties: Joan of Navarre as a Queenly Diplomat », En La España Medieval, vol. 48, , p. 19-32. (DOI https://doi.org/10.5209/elem.100986)
- (en) Elena Woodacre, « Preserving the Queen's Resources, Pressing Ancient Privileges. Joan of Navarre and the Management of Forest and Parklands », dans Susan Broomhall, Clare Davidson, Queens, Queenship, and Natural Resource Management in Premodern Europe, 1400-1800, London, Routledge, (ISBN 9781032723068).
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]
- Ressource relative aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- « Joan of Navarre Britannica Online » (consulté le )
- « Ceremonial de la Coronación, Unción y Exequias de los Reyes de Inglaterra in Historia Medieval del Reyno de Navarra » (consulté le )
- Maison d'Évreux-Navarre
- Duchesse consort de Bretagne
- Régent de Bretagne
- Reine consort d'Angleterre du XVe siècle
- Naissance à Pampelune
- Décès en juillet 1437
- Décès à Havering (borough londonien)
- Comtesse de Richmond
- Récipiendaire de l'ordre de l'Hermine
- Infante de Navarre du XIVe siècle
- Infante de Navarre du XVe siècle
- Comtesse de Montfort
- Henri IV (roi d'Angleterre)
- Dame de la Jarretière au XVe siècle