Utilisateur:Maimonid/Groupe de Galois

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Évariste Galois 1811-1832

En mathématiques, et plus spécifiquement en algèbre dans le cadre de la théorie de Galois, le groupe de Galois d'une extension galoisienne L d'un corps K, souvent noté Gal(L/K), est le groupe formé par l'ensemble des automorphismes de corps de L laissant K invariant, muni de l'opération usuelle de composition des applications.

Le groupe de Galois d'une extension galoisienne L/K est l'expression de sa géométrie au sens de Felix Klein. Si cette extension est finie, elle se traduit par le fait qu'il existe une bijection entre les extensions M, intermédiaires entre K et L, et les sous-groupes du groupe de Galois de L/K. Si L/K est infinie, cette correspondance univoque a encore lieu entre les extensions intermédiaires de L/K et les sous-groupes du groupe de Galois vérifiant certaines conditions topologiques. Dans les deux cas, elle permet une compréhension profonde de la structure de l'extension, et fait du groupe de Galois l'instrument par excellence et le pilier de la théorie des corps commutatifs. L'étude des propriétés fondamentales du groupe de Galois, ainsi que ses applications les plus proches, constituent la théorie de Galois, qui, de par son élégance et ses applications nombreuses et variées, est considérée comme un modèle du genre mathématique. Une application historique est le théorème de Galois pour les équations algébriques, qui donne une condition nécessaire et suffisante de résolution par radicaux d'une équation polynomiale, portant sur le groupe de Galois associé à l'équation.

Introduction[modifier | modifier le code]

Initialement, le groupe de Galois est apparu comme un outil pour comprendre les équations algébriques. L'approche naïve, consistant à opérer des changements de variables ou des transformations sur un polynôme, ne permet pas de trouver algébriquement les racines. Pour comprendre dans quels cas une telle démarche est susceptible de réussir, il est nécessaire d'étudier les permutations des racines qui laissent invariantes toutes les expressions algébriques de ces racines. Une telle structure forme un groupe : le groupe de Galois.

La théorie de Galois permet alors de déterminer exactement dans quel cas il est possible d'exprimer les racines en fonctions d'expressions algébriques des coefficients de l'équation et de radicaux. La structure du groupe de Galois permet cette exacte détermination. Une telle démarche, consistant à étudier non plus les équations de façon directe, mais la structure même de la plus petite extension contenant toutes les racines, s'avère puissante, et préfigure l'approche moderne de l'algèbre. Celle-ci consiste à étudier de manière générale la structure d'un ensemble particulier, ici le corps de décomposition d'un polynôme, au moyen de son groupe de symétries, qui n'est autre, dans le cadre de la théorie de Galois, que le groupe des automorphismes de l'extension laissant invariable le corps des coefficients. Elle est largement facilitée par le fait que cet ensemble dispose d'une double structure, à la fois de corps, et aussi d'espace vectoriel sur le corps des coefficients.

Cette approche générale est féconde pour l'analyse de toute extension finie sur n'importe quel corps de base. Mais l'analyse s'avère plus simple si l'extension possède de bonnes propriétés. Deux hypothèses sont utiles, l'extension doit être séparable et normale. On parle alors d'extension galoisienne. Il est néanmoins nécessaire d'introduire un certain nombre de concepts.

Le théorème fondamental de la théorie de Galois établit, dans le cas où l'extension finie est galoisienne, une correspondance entre ses corps intermédiaires et les sous-groupes de son groupe de Galois. Cette correspondance permet la compréhension fine de l'extension.

Le caractère fini de l'extension n'est pas nécessaire pour la définition du groupe de Galois. Dans le cas général, le groupe de Galois reste un outil fondamental. Cependant, la théorie devient plus complexe et doit être décomposée. Le cas où le groupe de Galois est commutatif est maintenant parfaitement connu. La théorie des corps de classes correspond à la classification des extensions abéliennes. Cette théorie est considérée comme l'un des grands succès des mathématiques du XXe siècle.

Le cas non commutatif est encore largement une question ouverte en mathématique. Le groupe de Galois reste un outil fondamental, comme le montrent par exemple les travaux de Laurent Lafforgue sur le programme de Langlands, qui lui valurent une médaille Fields en 2002.

Définitions et observations préliminaires[modifier | modifier le code]

  • Une extension galoisienne L d'un corps K est une extension qui est à la fois normale et séparable[1].
  • Une telle extension L/K étant donnée, un K-automorphisme de L, ou bien un automorphisme de L/K, est un automorphisme de L qui laisse invariants les éléments de K. C'est donc une application bijective φ de L dans L vérifiant les propriétés suivantes :
  1. φ(x + y) = φ(x) + φ(y) ;
  2. φ(xy) = φ(x) φ(y) ;
  3. pour tout x dans K, φ(x) = x.
  • Il est immédiat que l'application identité est un K-automorphisme de L, et que la composition de deux K-automorphismes est encore un K-automorphisme. De plus, on voit facilement que l'application inverse de φ, notée φ−1, est un K-automorphisme. Ces propriétés sont celles qui définissent la structure algébrique de groupe : l'ensemble des K-automorphismes de L forme un groupe pour la composition, dont l'unité est l'application identité. Ce groupe est le groupe de Galois de l'extension L/K, souvent noté Gal(L/K), ou parfois G en abrégé.
  • Si Gal(L/K) est infini, on le munit de plus d'une topologie dite "topologie de Krull", dont une base d'ouverts est constituée par les ensembles de la forme
U(σ,S) = { τ ∈ Gal(L/K) : τ|S = σ|S },
σ variant dans Gal(L/K), et S variant dans l'ensemble des sous-ensembles finis de L. C'est la topologie la plus faible qui rende les projections σ σ(x) continues. Sous cette topologie, Gal(L/K) devient un groupe topologique compact et un espace de Hausdorff.
  • Étant donné un sous groupe H de Gal(L/K), on note LH l'ensemble des éléments de L laissés invariants par chacun des automorphismes de H. Il est facile de voir que LH est un corps et une extension de K.
  • Si P est un polynôme à coefficients dans un corps K, le groupe de Galois de P, souvent noté GK(P(X)) ou Gal(P, K), est le groupe de Galois de l'extension constituée par le corps de décomposition de P sur K. Par exemple, si P(X) = X2+1, le groupe de Galois de P sur Q est le groupe de l'extension Q(i)/Q, qu'on peut démontrer être constitué des seuls automorphismes "identité" et "conjugaison".

Définition étendue du groupe de Galois[modifier | modifier le code]

De nombreux auteurs, dont Jacobson, Sage ou Szpirglas[2], définissent plus généralement le groupe de Galois d'une extension quelconque L/K de corps comme étant le groupe des automorphismes de L laissant K invariant, et le dénotent encore par Gal(L/K). Néanmoins, cette définition peut être perçue comme antinomique lorsque L/K est non-galoisienne, et de nombreux mathématiciens tels que Lang, Stewart, ou Bourbaki,[3] auteurs d'ouvrages influents sur le plan international, ainsi qu'un grand nombre d'auteurs d'articles, préfèrent réserver cette terminologie aux extensions galoisiennes seulement. Dans le cas des extensions quelconques, ils se réfèrent simplement au groupe des K-automorphismes de L, et le dénotent par Aut(L/K). Cette convention est suivie dans cet article.

Définition du groupe de Galois infini par les limites projectives[modifier | modifier le code]

Avec les notations précédentes, si l'extension L/K est infinie, on peut définir son groupe de Galois comme la limite projective des groupes de Galois finis Gal(F/K), où F varie dans l'ensemble des extensions intermédiaires finies entre K et L ; le filtre du processus de limite est l'homomorphisme de restriction Gal(F2) → Gal(F1), pour deux extensions finies F1F2. On voit facilement qu'un élément (σF) dans la limite projective s'identifie à un K-automorphisme de L, et que cette identification est un isomorphisme. Si on munit de plus les extensions finies F de la topologie discrète, cet isomorphisme induit sur Gal(L/K) la topologie dite topologie de Krull, suite à sa mise au jour par Wolfang Krull.

Le groupe de Galois de L/K est donc un groupe profini, c'est à dire la limite projective d'un système projectif de groupes topologiques finis discrets. L'intérêt de cette définition est qu'elle s'inscrit dans le cadre général de la théorie des groupe profinis, et met immédiatement à disposition la machinerie de ces groupes.

On notera pour finir que tout groupe profini se réalise comme groupe de Galois d'une extension galoisienne d'un certain corps K[4], un résultat démontré par William Charles Waterhouse en 1974. Ce théorème ne permet malheureusement pas de contrôler le corps de base K.

Observations d'ordre topologique dans le cas infini[modifier | modifier le code]

En supposant que G est un groupe quelconque de K-automorphismes d'une extension L/K, on peut munir G de la topologie de Krull, dont une base a été spécifiée ci-dessus. Notons au passage qu'un élément U(σ, S) de cette base n'est autre que l'ensemble des automorphismes qui coincident avec un des automorphismes σ|K(S) d'une extension finie K(S). De plus, pour tout τ appartenant à U(σ, S), on a U(σ, S) = U(τ, S). En conséquence, pour tout τ appartenant à l'intersection I de deux ouverts U(σ, S) et U(σ, S' ), U(τ, S U S' ) est contenu dans dans I. Ainsi, les ouverts U forment bien une base de topologie.

À partir de la définition, on voit facilement que la fermeture d'un sous-ensemble H de G est l'ensemble des automorphismes qui coincident sur n'importent quelle partie finie de L avec un des automorphismes de H. Plus formellement, La fermeture d'un sous-ensemble H de Gal(L/K) est

H = { σ ∈ Gal(L/K) : pour tout sous-ensemble fini SL, il existe τH tel que τ|S = σ|S }.

En particulier, si L/K est finie, un tel automorphisme doit coincider avec un automorphisme de H sur une K-base de L, donc lui être égal. Ainsi, dans le cas fini, tout sous-ensemble est fermé, et donc aussi ouvert, et la topologie induite n'est autre que la topologie discrète. Une telle topologie est donc inutile dans le cas fini, mais on ne perd rien non plus à la supposer, ce qui permet une exposition unifiée du cas fini et du cas infini. De fait, le cas infini englobe le cas fini, et ces deux cas sont traités tout à la fois dans cet article.

Quelques notions supplémentaires d'ordre topologique sont nécessaires pour la théorie du cas infini.

Soit G Aut(L/K) le groupe des K-automorphismes d'une extension algébrique quelconque L/K. Supposons que G est muni de la topologie de Krull. Alors

  1. G est un groupe topologique ;
  2. G est un espace de Hausdorff ;
  3. G est compact ;
  4. Si M est une extension intermédiaire entre K et L, la restriction σ σM est un homomorphisme continu de G dans le groupe Aut(M / K∩L), muni lui aussi de la topologie de Krull ;
  5. D'une façon générale, si G et G' sont des groupes topologiques, si G est compact et G' est Hausdorff, et si φ est un homomorphisme continu de G dans G', alors Ker(φ) est distingué dans G, Im(φ) et G/Ker(φ), muni de la topologie quotient, sont des groupes topologiques compacts et Hausdorff, et le premier théorème d'isomorphisme a lieu, en termes d'isomorphisme bi-continu : Im(φ) G / Ker(φ). Cela s'applique aux groupes des K-automorphismes d'une extension algébrique, munis de la topologie de Krull.

Le théorème fondamental de la théorie de Galois[modifier | modifier le code]

Le théorème fondamental de la théorie de Galois exprime la relation entre le groupe de Galois d'une extension de corps et l'ensemble de ses sous-extensions. Il permet une compréhension profonde de la structure de ces extensions, de leur générateurs, et des polynômes associés.

Théorème : Soit L/K une extension galoisienne.

  1. Le groupe de Galois Gal(L/K) est de cardinal égal à [L : K] (fini ou infini) ;
  2. si L/K est de dimension finie, l'application M Gal(L/M), dite "correspondance de Galois", est une bijection entre les extensions M de K, intermédiaires entre K et L, et les sous groupes de Gal(L/K) ; sa bijection réciproque est H LH ; dans le cas infini, le groupe de Galois est muni de la topologie de Krull, et la correspondance de Galois M Gal(L/M) est encore une bijection entre les extensions intermédiaires entre K et L et les sous groupes fermés de Gal(L/K), de réciproque H LH ;
  3. la correspondance de Galois inverse le sens de l'inclusion : une extension intermédiaires M1 est incluse dans une extension intermédiaires M2 si et seulement si Gal(M2/K) est inclus dans Gal(M1/K) ; de même, un sous groupes H1 de Gal(L/K) est inclus dans un autre sous groupe H2 si et seulement si LH2 est inclus dans LH1 ;
  4. le degré d'une extension M2/M1, où M1 et M2 sont intermédiaires entre K et L, est égal à l'indexe du groupe Gal(L/M2) dans le groupe Gal(L/M1) :

    [M2 : M1] [Gal(L/M1) : Gal(L/M2)] ;

  5. sous la correspondance de Galois, les extensions intermédiaires normales de K correspondent aux sous groupes distingués (fermés) de Gal(L/K).

Le lemme d'Artin[modifier | modifier le code]

Dans la théorie de Galois classique, le lemme d'Artin est souvent considéré comme un complément important du théorème fondamental de la théorie de Galois. En fait, dans de nombreuse expositions, il constitue l'étape de sa démonstration qui permet d'assurer que l'application M Gal(L/M) est surjective. De fait, il admet une démonstration courte et élémentaire, indépendante de ce théorème. Il est aussi parfois regardé comme le tout premier théorème de la théorie de Galois inverse, dont l'objet est de réaliser un groupe comme groupe de Galois d'une extension d'un corps donné.

Théorème : Soit L un corps, G un groupe d'automorphismes de L, fini ou infini, et K LG le sous-corps de L laissé invariant par tous les automorphismes de L.

  1. Si l'extension L/K est algébrique, alors elle est galoisienne, G ≤ Gal(L/K), et l'orbite d'un élément x de L sous l'action de G forme l'ensemble des conjugués de x sur LG ; similairement, l'orbite SG d'une partie finie S de L sous l'action de G est égal à son orbite SGal(L/K) sous l'action du groupe de Galois de L/K ;
  2. (Lemme d'Artin proprement dit) Si G est de cardinal fini, l'extension L/K est galoisienne finie, G Gal(L/K), et [L:K] G.

Réalisation du groupe de Galois comme groupe de permutations dans le cas fini[modifier | modifier le code]

Une extension algébrique L/K étant donnée, un élément σ de Gal(L/K) agit sur un élément α de L en le transformant en l'un de ses conjugués. On le voit en appliquant σ à l'équation P(α) = 0, où P est le polynôme minimal de α sur K, et en se souvenant que les coefficients de P appartiennent à K, ce qui implique P(σα) = 0. Ainsi, puisque σ est bijectif, σ permute entre elles les racines de P.

Supposons maintenant que L/K soit le corps de décomposition d'un polynôme P à coefficients dans K (en particulier Gal(L/K) est fini). Alors tout élément de L est une fonction rationnelle des racines αi de P, à coefficients dans K . Si x = f(α1, α2, . . .) est un tel élément, avec f K(X), on a σx =f(σα1, σα2, . . .). Il s'en suit que l'automorphisme σ est univoquement déterminé par ses valeurs sur les racines αi de P, et le théorème suivant s'en déduit immédiatement :

Théorème : Si L/K est le corps de décomposition d'un polynôme séparable P de degré n à coefficients dans K, alors le groupe de Galois de l'extension L/K est isomorphe à un groupe de permutations de n lettres, décrit par l'action des éléments de Gal(L/K) sur les racines de P.

Le groupe de Galois peut donc être présenté de la façon suivante, avec σ0 = Id  :

σ0 : α1 α2 α3 . . .
σ1 : σ1(α1) σ1(α2) σ1(α3) . . .
σ2 : σ2(α1) σ2(α2) σ2(α3) . . .
. . . . . . . . . . . . . . .

En particulier, étant donnée une extension galoisienne finie L/K, on sait qu'il existe un élément primitif θ de L/K. Tout élément de L est une fonction rationnelle de θ, et tout automorphisme σ est déterminé par sa valeur sur θ, qui est un conjugué de θ. Inversement, puisque L=K(θ), le degré de θ sur K est égal à [L:K] ; mais le cardinal de Gal(L/K) est lui aussi égal à [L:K], par le théorème fondamental de Galois. Il existe donc, pour tout conjugué θ' de θ, un unique K-automorphisme σ tel que σθ = θ'. En posant αi = σi(θ), le théorème précédent montre que Gal(L/K) se réalise comme un groupe de permutations de [L:K] lettres, qui s'écrit, avec σ0 = Id,

σ0 : σ1(θ) σ2(θ) σ3(θ) . . .
σ1 : σ1σ1(θ) σ1σ2(θ) σ1σ3(θ) . . .
σ2 : σ2σ1(θ) σ2σ2(θ) σ2σ3(θ) . . .
. . . . . . . . . . . . . . .

On reconnait la représentation de Cayley du groupe de Galois.

On peut écrire le groupe de Galois d'un polynôme P d'une autre façon,[5] au moyen d'un élément primitif θ du corps de décomposition de P sur K. En dénotant encore par α1, α2,... les racines de P, et par θ, θ', θ", . . . les conjugués de θ sur K, on peut poser αi = φi(θ), où φi est une fonction K-rationnelle. Le groupe de Galois prend alors la forme

σ0 : φ1(θ) φ2(θ) φ3(θ) . . .
σ1 : φ1(θ') φ2(θ') φ3(θ') . . .
σ2 : φ1(θ'') φ2(θ'') φ3(θ'') . . .
. . . . . . . . . . . . . . .

On doit encore observer que si P est un polynôme irréductible sur K et L est le corps de décomposition de P sur K, alors le groupe de Galois de P n'agit pas seulement comme un groupe de permutations des racines de P, mais son action est de plus transitive sur ces racines ; autrement dit, deux racines x et y de P étant données, il se trouvera toujours un automorphisme σ de Gal(P, K) tel que y = σ(x). Cette propriété résulte du fait qu'un K-isomorphisme d'une extension algébrique L de K dans une autre extension L' de K peut toujours être étendu en un K-automorphisme d'une extension normale de K contenant L et L' , ce qu'on applique à l'isomorphisme naturel K(x) K(y).

Conséquences[modifier | modifier le code]

Le théorème précédent est parfois interprété à tort comme une façon ancienne et dépassée de concevoir le groupe de Galois. Il est en effet si évident qu'on peut manquer d'en percevoir la portée. En réalité, comme pour toutes les autres structures et objets algébriques, la seule donnée d'une représentation du groupe de Galois fournit des informations précieuses sur ce groupe. C'est d'ailleurs par ce moyen qu'on peut obtenir des théorèmes généraux sur la solubilité par radicaux de certaines classes d'équations algébriques. L'application suivante et les exemples associés suffiront sans doute à le démontrer.

Proposition[6] : Soit P un polynôme irréductible sur Q, de degré n premier. Si P a 2 racines complexes et n-2 racines réelles, alors le groupe de Galois de P est isomorphe à Sn.

Dans la démonstration de ce résultat, deux types d'informations sont utilisées : la première est la donnée d'un automorphisme évident de Gal(P,Q) (la conjugaison complexe), et la seconde, le simple fait que le groupe de Galois de P se réalise comme un groupe de permutations de n lettres !

Exemples[modifier | modifier le code]

  • Considérons le polynôme P(X) = X5 - 9x + 3.[7] Il est irréductible sur Q par le critère d'Eisenstein. D'autre part, P(X) a deux alternances de signes, et P(-X) en a une ; par la règle des signes de Descartes, il s'en suit que P a 0 ou 2 racines réelles positives, et une racine réelle négative. Mais il a certainement une racine positive entre 0 et 1, car P(0) = 3 et P(1) = -5 (théorème des valeurs intermédiaires appliqué à P) . Ainsi, P a exactement 2 racines réelles positives, et une négative. La proposition précédente implique que son groupe de Galois est isomorphe à S5.
  • Considérons encore P(X) = X7 - 3X6 - 6X5 + 9X4 + 3X - 3. P est irréductible sur Q par le critère d'Eisenstein. La règle des signes de Descartes appliquée à P(X) et P(-X) montre que P à au plus 5 racines réelles. D'autre part, P(-∞) = (-∞), P(-1) = 5, P(0) = -3, P(1) = 1, P(2) = -109, et P(+∞) = +∞ ; donc P a au moins 5 racines réelles. La proposition précédente s'applique à nouveau et le groupe de Galois de P est isomorphe à S7.
Nappe qui à z, associe le module de P(z)
  • Soit P(X) = X5 – 3X – 1.[8] Ce polynôme est illustré sur la figure de droite ; plus précisément, cette figure illustre la nappe qui à un nombre complexe z associe le module de P(z) pour les points de coordonnée imaginaire positive. Le polynôme P admet exactement trois racines réelles ; en effet, le théorème des valeurs intermédiaires ainsi que le calcul des valeurs du polynôme en –2, –1, 0 et 2 montre l'existence d'au moins trois racines réelles. Mais la dérivée de P, égale à 5X4 – 3, possède exactement deux racines, ce qui montre l'existence d'au plus trois racines réelles (on peut aussi le voir en appliquant la règle des signes de Descartes à P(X) et P(-X)). Les trois racines réelles valent approximativement –1,21, –0,33 et 1,39, et les deux complexes conjuguées, 0,08 ± 1,33i. D'après la proposition précédente, pour s'assurer que le groupe de Galois de P est S5, il ne reste qu'à montrer que P est irréductible sur ℚ. Ici, le critère d'Eisentstein est impuissant à assurer l'irréductibilité requise, même en effectuant des changements de variables. On doit donc y parvenir par un autre moyen. Le fait qu'il n'existe qu'une unique racine dans le disque unité, illustré en vert sur la figure, est l'un des arguments possibles[9] (voyez la boîte déroulante ci-dessous).

Réduction modulo p[modifier | modifier le code]

Pour un polynôme unitaire P à coefficients entiers et un nombre premier p, le groupe de Galois (sur le corps fini Fp) du polynôme P déduit de P par réduction modulo p fournit des informations sur celui (sur ) de P :

Soient G le groupe de Galois de P et D (resp. Dp) l'anneau engendré par les racines de P (resp. P), dans un corps de décomposition. Si P est séparable, alors :

  • Théorème[10] :
    • il existe des morphismes de D dans Dp ;
    • un tel morphisme envoie bijectivement les racines de P sur celles de P ;
    • si φ et ψ sont deux tels morphismes, il existe un élément σ de G tel que ψ = φσ ;
  • Corollaires :
  1. le groupe de Galois de P s'identifie (de façon non canonique) à un sous-groupe de G[11] ;
  2. (théorème de Dedekind) : G contient une permutation dont les cycles, dans la décomposition en cycles disjoints, ont pour longueurs les degrés des facteurs irréductibles de P[11],[12].
Exemples[modifier | modifier le code]
  • Ceci fournit une autre méthode pour montrer que le groupe de Galois sur ℚ du polynôme P(X) = X5 – 3X – 1 (étudié dans la section précédente) est isomorphe à S5, en remarquant que P est congru à (X3 + X2 + 1)(X2 + X + 1) modulo 2 et à (X – 1)(X4 + X3 + X2 + X + 1) modulo 3.
En effet, les deux facteurs X3 + X2 + 1 et X2 + X + 1 sont irréductibles Dans F2[X], puisqu'ils sont de degrés 3 et 2 et n'ont pas de racine dans F2. Dans F3[X], les deux facteurs X – 1 et X4 + X3 + X2 + X + 1 sont irréductibles aussi (pour le second, qui est le polynôme cyclotomique Φ5,F3, on peut utiliser que l'ordre multiplicatif de 3 modulo 5 est égal à φ(5) ou, moins savamment, raisonner par identification comme au début de la boîte déroulante précédente).
Ceci prouve que le groupe de Galois de P, sous-groupe de S5, contient un 4-cycle et une permutation φ, produit d'un 2-cycle par un 3-cycle disjoint, donc aussi une transposition de la forme φ3. Il est aussi transitif puisque P est irréductible. Or un sous-groupe transitif de Sn qui contient une transposition et un n-1 cycle est est égal à Sn.[14] Le groupe de Galois de P est donc isomorphe à S5..
On retrouve aussi que P est irréductible (sans quoi, le polynôme P serait le produit de deux polynômes non constants P1 et P2, et il manquerait à S5 au moins les permutations qui échangent des racines de P1 avec des racines de P2).
  • Voici un exemple[15] où la proposition dans la section précédente est impuissante. Soit
P(X) = X5 + 10 X3 - 15.
La règle de Descartes montre que P a une seule racine positive, et pas de racine négative, donc la méthode précédente ne peut être appliquée. Le critère d'Eisenstein implique que P est irréductible sur Q ; son groupe de Galois est donc transitif. On a
P(X) = (X+1) (X4 + X3 + X2 + X + 1)     (mod 2),
et on vérifie que ces facteurs de P n'ont pas de racines dans F2, et ne sont pas divisibles par le seul polynôme irréductible de degré 2, qui est X2 + X +1. Ils sont donc irréductibles sur F2, et Gal(P, Q) contient un 4-cycle. On a encore
P(X) = (X2 + X + 3) (X3 + 18 X2 + 8X + 14)     (mod 19).
Vu que la liste des polynômes irréductibles de degré n donné est finie sur Fp (ils divisent tous Xpn - X), on peut vérifier que cette factorisation est irréductible. Ainsi, le groupe de Galois de P contient une permutation égale au produit disjoint d'un 3-cycle et d'une transposition. On conclut comme dans l'exemple précédent qu'il est égal à S5.
  • Un exemple[15] ou le groupe de Galois de P est A5 est
P(X) = X5 + 10 X3 - 10X2 + 35X - 18.

Propriétés du groupe de Galois[modifier | modifier le code]

La relation qui unit une extension galoisienne avec son groupe de Galois est le siège de nombreuses propriétés, qui s'expriment par des relations booléennes ou par des théorèmes de plongements et d'isomorphismes. Toutes se dérivent sans difficultés à partir du théorème fondamental de la théorie de Galois.

Dans ce qui suit, on dénote par MM' le compositum de deux sous corps M et M' d'un même corps, et par H1H2 la fermeture du compositum de deux sous-groupes H1 et H2 d'un groupe de Galois G. Si G est fini, H1H2 se réduit donc au compositum habituel de H1 et H2.

Dans le contexte de la théorie infinie, tous les isomorphismes de groupes apparaissant dans les théorèmes de cette section sont continus, et l'usage du symbol signifie sans autres commentaires que les groupes en jeux sont homéomorphiquement isomorphiques (l'isomorphisme et son inverse sont tous deux continus pour la topologie de Krull). Ceci est en général automatique en vertu du premier théorème d'isomorphisme pour les groupes topologiques, qui produit des isomorphismes bi-continus, comme expliqué dans la section "Définition et observations préliminaires".

Conjugaison et quotient par un sous groupe distingué[modifier | modifier le code]

Si L est un corps et σ est un morphisme de L dans un autre corps, on dénote par σL l'ensemble des éléments de la forme σx, x variant dans L. On voit que σL est un corps, souvent appelé conjugué de L par σ, en vertu du no 1 ci-après.

On peut aussi examiner le noyau et l'image de l'homomorphisme de restriction Gal(L/K) Gal(M/K). En tenant compte du théorème fondamental de la théorie de Galois (no 2 et 5), le premier théorème d'isomorphisme produit alors immédiatement la deuxième assertion de ce théorème.

Supposons que L/K soit une extension galoisienne finie ou infinie, et M une extension intermédiaire entre K et L.

  1. Si σ est un K-automorphisme de L, alors Gal( L/σM) σ Gal(L/M) σ-1 ;
  2. l'extension M/K est normale si et seulement si Gal(L/M) est distingué dans Gal(L/K) ; dans ce cas, la restriction σ induit un epimorphisme de groupes, et Gal(M/K) Gal(L/K) / Gal(L/M).

Propriétés booléennes du groupe de Galois[modifier | modifier le code]

Soit L/K une extension galoisienne finie ou infinie, et M1 et M2 deux extensions de K, intermédiaires entre K et L (donc M1 ∩ M2 et M1M2 sont des extensions intermédiaires entre K et L).

  1. M1 M 2 si et seulement si Gal(L/M2) Gal(L/M1) ;
  2. Gal(L / M1∩M2) Gal(L/M1) Gal(L/M2) ;
  3. Gal(L / M1M2) Gal(L/M1) ∩ Gal(L/M2).

Remarque : Une partie de ce théorème reste vrai dans un contexte plus général. Si L est un corps de sous corps premier L0, et S1 et S2 sont des sous-ensembles de L, on dénote par Aut(L/Si) l'ensemble des automorphismes de L qui laissent Si invariant. Alors

  • S1 S 2 implique Aut(L/S2) Aut(L/S1) ;
  • Si S est un sous ensemble de L0(S1,S2) contenant S1 et S2 (et en particulier si S est le plus petit sous corps contenant S1 et S2), alors Aut(L/S) Aut(L/S1) ∩ Aut(L/S2).

Théorèmes de plongements et d'isomorphismes[modifier | modifier le code]

On considère maintenant une extension Galoisienne L/K, où K et L sont contenus dans un corps C, et un troisième corps N lui aussi contenu dans C. En supposant que N satisfait certaines conditions, que peut-on dire du groupe de Galois des extensions L ∩ N / K ∩ N, ou de LN/KN ? Les théorèmes suivants fournissent des réponses à ces questions et à d'autres semblables.

Soulèvement d'une extension galoisienne[modifier | modifier le code]

Soient K, L et N trois corps contenus dans un même corps. Supposons que L/K soit une extension galoisienne finie ou infinie. Alors

  1. l'extension LN / KN est galoisienne ;
  2. la restriction ResL(σ) σ est un homomorphisme de Gal(LN / KN) dans Gal(L/K) ;
  3. si N est une extension quelconque de K, alors ResL est injective, et Gal(LN / N) s'identifie à un sous-groupe de Gal(L / K) : Gal(LN / N) Gal(L / L∩N) ;
  4. en supposant de plus les extensions L/K et N/K finies, on a [LN : K] [L : K] [N : K] / [L∩N : K] ;
  5. si N est une extension transcendante pure de K, alors Gal(LN / N) Gal(L/K) ;
  6. si N/K est galoisienne, alors LN / L∩N est galoisienne, et l'application σ (ResL(σ), ResN(σ)) est un isomorphisme de Gal(LN / L∩N) dans Gal(L / L∩N) Gal(N / L∩N) (dans le cas infini, la topologie du produit est la "topologie produit") ;
  7. en supposant encore N/K galoisienne, Gal(LN / K) s'identifie au sous groupe de Gal(L/K) Gal(N/K), appelé produit amalgamé, formé des éléments (σ,τ) tels que ResL ∩ N(σ) ResL ∩ N(τ).

Remarque[modifier | modifier le code]

En faisant K=L∩N dans la troisième et sixième assertion, on a des résultats qui méritent d'être soulignés à part :

1. Si L et N sont deux sous-corps d'un même corps tels que L / L∩N soit algébrique, et tels que l'une ou l'autre des extensions LN / N et L / L∩N soit galoisienne, alors les deux extensions sont galoisiennes, et
Gal(LN / N) Gal(L / L∩N).
2. Si L et N sont deux sous-corps d'un même corps tels que L / L∩N et N / L∩N sont galoisiennes, alors LN / L∩N est galoisienne et
Gal(LN / L∩N) Gal(L / L∩N) x Gal(N / L∩N).

Intersection avec un tiers corps[modifier | modifier le code]

Si K, L et N sont trois corps contenus dans un même corps, et si L/K et L∩N / K∩N sont des extensions galoisiennes, alors L / K(L∩N) est galoisienne, Gal(L / K(L∩N)) est distingué dans Gal(L/K), et

Gal(L∩N / K∩N) Gal(L/K) / Gal(L / K(L∩N)).

En particulier, si N est un sous corps de L, et si L/K et N / K∩N sont galoisiennes, alors L / KN est galoisienne, Gal(L / KN) est distingué dans Gal(L/K), et

Gal(N / K∩N) Gal(L/K) / Gal(L / KN).

Groupe de Galois des extensions classiques[modifier | modifier le code]

Groupe de Galois du polynôme général de n variables sur le corps de ses coefficients[modifier | modifier le code]

Le polynôme général[16] de n variables est le polynôme

P(X) = Xn - an-1 Xn-1 + ...+ (-1)n-1 a1 X + (-1)n a0,

a0, a1, a2, ... sont des éléments transcendants algébriquement libres sur Q, ou, ce qui revient au même, n variables indépendantes. On pose K = Q(a0, a1,...), et on dénote par x1, x2, ... , xn ses n racines sur K. En développant le polynôme et en l'ordonnant selon ses puissances, on voit que les coefficients ai sont égaux aux fonctions symétriques élémentaires des xj, soit

an-1 = x1 + ... + xn,
an-2 = x1x2 + x1x3 + ... + xn-1 xn,
etc.
a0 = x1...xn.

Groupe de Galois des extension cyclotomiques de degré premier[modifier | modifier le code]

Groupe de Galois des extensions cyclotomiques de degrés quelconques[modifier | modifier le code]

Groupe de Galois d'une extension finie d'un corps finis[modifier | modifier le code]

Histoire[modifier | modifier le code]

Genèse[modifier | modifier le code]

Niels Abel (1802-1829)

Si l'histoire de la théorie des équations algébriques remonte à la nuit des temps, en revanche l'introduction du concept de groupe date du XVIIIe siècle. Joseph-Louis Lagrange met en évidence la relation entre les propriétés des permutations des racines et la possibilité de résolution d'une équation cubique ou quartique[17]. Paolo Ruffini est le premier à comprendre que l'équation générale et particulièrement l'équation quintique n'admet pas de solution[18]. Sa démonstration reste lacunaire. Les démonstrations de Niels Henrik Abel, dans deux articles écrits en 1824[19] et 1826 passent, après des années d'incompréhension, à la postérité. Cependant la notion de groupe abstrait n'apparaît pas encore et le théorème reste incomplet.

Évariste Galois[modifier | modifier le code]

Évariste Galois résout définitivement la problématique en proposant une condition nécessaire et suffisante juste pour la résolubilité de l'équation par radicaux. Son approche subit la même incompréhension que ses prédécesseurs. Ses premiers écrits, présentés à l'Académie des sciences dès 1829, sont définitivement perdus. Un article[20] de l'auteur écrit en 1830 est découvert par Joseph Liouville qui le présente à la communauté scientifique en 1843 en ces termes: « … J'espère intéresser l'Académie en lui annonçant que dans les papiers d'Évariste Galois j'ai trouvé une solution aussi exacte que profonde de ce beau problème : Étant donnée une équation irréductible décider si elle est ou non résoluble par radicaux. »

L'apport de Galois est majeur, G. Verriest[21] le décrit dans les termes suivants : « le trait de génie de Galois c'est d'avoir découvert que le nœud du problème réside non pas dans la recherche directe des grandeurs à adjoindre, mais dans l'étude de la nature du groupe de l'équation. Ce groupe […] exprime le degré d'indiscernabilité des racines […]). Ce n'est donc plus le degré d'une équation qui mesure la difficulté de la résoudre mais c'est la nature de son groupe. »

Galois modifie profondément son axe d'analyse par rapport à ses prédécesseurs. Pour la première fois dans l'histoire des mathématiques, il met en évidence une structure abstraite, qu'il appelle groupe de l'équation. C'est une étude sur la théorie des groupes abstraits qui lui permet de montrer qu'il existe des cas non résolubles. Il met ainsi en évidence que le groupe alterné d'ordre cinq ne possède pas les propriétés nécessaires pour être résoluble. Il écrit ainsi « Le plus petit nombre de permutations que puisse avoir un groupe indécomposable quand ce nombre n'est pas premier est 5.4.3.[22] »

Cette démarche, consistant à définir et analyser des structures abstraites et non plus des équations, est des plus fécondes. Elle préfigure ce qu'est devenue l'algèbre. Pour cette raison, Galois est souvent considéré comme un père de l'algèbre moderne.

L'évolution de la théorie[modifier | modifier le code]

Deux mathématiciens comprennent immédiatement la portée du travail de Galois, Liouville et Augustin Louis Cauchy qui publie dès 1845 un article démontrant le théorème sur les groupes finis portant son nom[23]. Puis Arthur Cayley donne une première définition abstraite de la structure de groupe[24], indépendante de la notion de permutation. Camille Jordan diffuse largement les idées de Galois. Son livre[25] rend accessible la théorie à un public beaucoup plus vaste en 1870.

La théorie est petit à petit profondément modifiée par des mathématiciens comme Richard Dedekind qui fut le premier à parler de « théorie de Galois », Otto Hölder qui démontra son théorème désormais célèbre en 1889 ou Emil Artin qui donne la définition moderne d'un groupe de Galois[26]. Le groupe de Galois est maintenant un groupe d'automorphismes et non un sous-groupe de permutations.

Exemples[modifier | modifier le code]

D'autres exemples sont donnés dans les articles « Théorème d'Abel (algèbre) » et « Théorie de Galois inverse ». Signalons aussi l'existence d'un polynôme de degré 7 ayant pour groupe de Galois un groupe simple d'ordre 168.

Degré 2[modifier | modifier le code]

Considérons un exemple suffisamment simple pour que l'approche historique soit utilisable dans ce cas. Soit P le polynôme à coefficients rationnels défini par :

Ses deux racines sont :

Considérons alors l'ensemble E des polynômes à deux variables dont le couple (x1, x2) est racine. Les trois exemples de polynômes suivants vérifient cette propriété :

On remarque alors que (x2, x1) est aussi une racine d'un polynôme de cette nature. Ceci démontre que les deux permutations des racines, qui au couple (x1, x2) associent, l'une (x1, x2) et l'autre, (x2, x1), laissent E stable (plus généralement : le groupe de Galois d'un polynôme irréductible agit transitivement sur l'ensemble des racines de ce polynôme).

Le groupe des deux permutations est isomorphe au groupe de Galois. Initialement c'est ainsi qu'il était défini. Il est ici isomorphe à ℤ/2ℤ.

Degré 5[modifier | modifier le code]

Selon le théorème d'Abel, si le groupe de Galois d'un polynôme irréductible P sur un corps parfait K comme le corps ℚ des rationnels, n'est pas résoluble, alors les racines du polynômes ne s'expriment pas à l'aide de radicaux à partir d'éléments de K. Les exemples les plus simples sont des polynômes de degré 5 dont le groupe de Galois sur ℚ est le groupe symétrique S5, qui n'est pas résoluble.

Applications[modifier | modifier le code]

Si les groupes de Galois sont historiquement apparus à travers la théorie des équations algébriques, la puissance de ce concept a rapidement dépassé ce cadre.

Équations algébriques[modifier | modifier le code]

Une équation algébrique est une équation qui s'écrit avec les quatre opérations +, -, . et /. Il est possible d'y ajouter les radicaux, c’est-à-dire des expressions correspondant à la racine n-ième d'un nombre. Toute équation de cette nature revient à une équation polynomiale. Si, dans les cas les plus fréquents, c’est-à-dire celui des réels ou complexes, la problématique de l'existence et du nombre de solutions est résolue, en revanche celui de la résolution explicite est restée longtemps une question ouverte. Certaines méthodes analytiques, comme celle de Newton par une suite convergente, ou celle d'Abel par des fonctions elliptiques apportent des solutions à cette question. Il reste néanmoins à trouver une méthode purement algébrique pour une telle question.

Dans les cas de polynômes de degré inférieur à cinq, cette question se résout par des changements de variables bien choisies. Dans le cas général une telle approche n'est pas satisfaisante. En effet, il n'existe pas de solution dans le cas général. Le groupe de Galois permet de fournir une condition nécessaire et suffisante, ainsi qu'une méthode explicite de résolution. Cette question est traitée par le théorème d'Abel.

Théorie des corps[modifier | modifier le code]

L'approche d'une équation algébrique par son groupe de Galois met en évidence la structure du corps K associé à l'équation. L'étude des corps est donc totalement liée à celle des groupes de Galois

Comme souvent en mathématiques, un outil puissant d'analyse de la structure de K consiste en l'étude de l'ensemble des sous-corps. Il en existe toujours un plus petit, appelé le sous-corps premier de K : c'est le sous-corps engendré par l'unité de la multiplication. Dans le cas ou K est de caractéristique nulle, son sous-corps premier est isomorphe au corps des rationnels. Dans le cas contraire, la caractéristique est égale à un nombre premier p, et le sous-corps premier de K est isomorphe au corps ℤ/p. En théorie de Galois, il est peu question de sous-corps, mais essentiellement d'extensions. Le corps K est en effet considéré comme une extension de son sous-corps premier, et tout sous-corps de K comme une extension intermédiaire.

Le théorème fondamental de la théorie de Galois indique que pour toute extension galoisienne finie, il existe une bijection entre les sous-groupes du groupe de Galois et les extensions intermédiaires. C'est la raison pour laquelle les groupes de Galois sont un outil essentiel dans la théorie des corps.

Théorie algébrique des nombres[modifier | modifier le code]

En théorie des nombres, il existe une classification, nombres entiers, rationnels, constructibles, algébriques et transcendants. Un nombre est dit algébrique s'il est solution d'une équation algébrique. En conséquence, il est naturel que le groupe de Galois soit dans ce contexte un outil essentiel.

Un exemple est donné par les nombres constructibles. En termes de théorie de Galois, ces nombres apparaissent comme élément d'une tour d'extension quadratique. Le groupe de Galois associé à cette extension est abélien, ce qui permet de démontrer le théorème de Gauss-Wantzel et de trouver tous les polygones réguliers constructibles. Cette approche permet de même de démontrer de vieilles conjectures comme l'impossibilité dans le cas général de réaliser la trisection de l'angle ou la duplication du cube.

Par ailleurs, dans le cadre d'une extension galoisienne, la ramification admet en un certain sens une interprétation galoisienne : les groupes de ramifications (en), dont le groupe de décomposition et le groupe d'inertie, sont des sous-groupes du groupe de Galois, qui correspondent via la correspondance de Galois à des sous-extensions ayant des propriétés de décomposition maximale, ou de ramification minimale.

Une question importante est celle de l'étude du groupe de Galois absolu d'un corps, en particulier du corps des rationnels, c'est-à-dire du groupe de Galois de sa clôture séparable.

Géométrie algébrique[modifier | modifier le code]

Enfin, en géométrie, une classe importante de variétés est constituée par les variétés algébriques. Ce sont les variétés définies comme une intersection d'un nombre fini de polynômes à plusieurs variables. L'analyse des corps associées à ces polynômes et donc des groupes de Galois est une voie essentielle pour la compréhension de ces géométries.

La correspondance de Galois qui à chaque sous-extension associe un sous-groupe de Galois, devient alors une correspondance entre les sous-groupes fermés du groupe fondamental d'une variété algébrique et les revêtements étales de la variété.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. En caractéristique 0, et plus généralement si K est parfait, toutes les extensions de K sont séparables.
  2. Aviva Szpirglas, Algèbre L3 : Cours complet avec 400 tests et exercices corrigés [détail de l’édition], Définition 12.59.
  3. Bourbaki, Algèbre, V.
  4. Michael D. Fried and Moshe Jarden, Field Arithmetic.
  5. Œuvres mathématiques d'Évariste Galois, publiée sous les auspices de la société mathématique de France, Paris, 1897, Proposition I p.38-39.
  6. Lang, Algèbre.
  7. Des exemples très similaires sont donnés dans Lang, Algèbre.
  8. Cet exemple provient de Régine et Adrien Douady, Algèbre et théories galoisiennes [détail des éditions], 2005, p. 322.
  9. En fait, un polynôme de la forme Xn + aX ± 1 est irréductible sur ℚ dès que la valeur absolue de l'entier a est supérieure ou égale à 3 : (de) O. Perron, « Neue Kriterien für die Irreduzibilität algebraischer Gleichungen », dans J. reine angew. Math., vol. 132, 1907, p. 288-307.
  10. (en) Nathan Jacobson, Basic Algebra, vol. I, Dover, , 2e éd. (ISBN 978-0-48613522-9, lire en ligne), p. 302-303, Theorem 4.38.
  11. a et b (en) David S. Dummit et Richard M. Foote, Abstract algebra, , 3e éd. (lire en ligne), chap. 14, § 8, p. 640-641.
  12. Jacobson 2012, p. 302, Theorem 4.37.
  13. Jacobson 2012 démontre le théorème et en déduit directement le second corollaire. Dummit et Foote 2004 énoncent seulement le premier corollaire et en déduisent le second.
  14. Démonstration abrégée : En réordonnant les lettres, on peut supposer que le n-1 cycle est (2 3 ... n-1). Vu que le groupe est transitif, on peut aussi supposer (!) que la transposition est (1 2). Mais alors, en conjugant cette transposition par le n-1 cycle, on obtient une transpositon de la forme (1 3), et en faisant de même avec cette transposition et en continuant de la sorte, toutes les transpositions de la forme (1 k), lesquelles engendrent Sn.
  15. a et b Tiré d'un document en ligne : http://math.univ-lyon1.fr/~tchoudjem/ENSEIGNEMENT/GALOIS/td10.pdf
  16. Ian Stewart, Galois Theory, chap. 15, p. 138.
  17. J.-L. Lagrange, Réflexions sur la résolution algébrique des équations, 1770.
  18. (it) P. Ruffini, Teoria Generale delle Equazioni, in cui si dimostra impossibile la soluzione algebraica delle equazioni generali di grado superiore al quarto, 1799.
  19. N. H. Abel, Mémoire sur les équations algébriques, où l'on démontre l'impossibilité de la résolution de l'équation générale du cinquième degré, 1824.
  20. É. Galois, Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux, texte manuscrit de 1830, publié en 1846 au Journal de mathématiques pures et appliquées, en ligne sur le site bibnum avec une analyse par Caroline Ehrhardt.
  21. G. Verriest, Œuvres Mathématiques d'Évariste Galois, 1951, Gauthier-Villars, Paris.
  22. É. Galois, Écrits et Mémoires Mathématiques d'Évariste Galois, 1962, Gauthier-Villars, Paris.
  23. A. L. Cauchy, Sur le nombre de valeurs égale ou inégales que peut acquérir une fonction de n variables indépendantes, quand on permute ces variables entre elles d'une manière quelconque, 1845.
  24. (en) A. Cayley, « On the theory of groups, as depending on the symbolic equation θn=1 », Philos. Mag., vol. 7, no 4,‎ , p. 40–47.
  25. C. Jordan, Traité des substitutions et des équations algébriques, 1870.
  26. (en) E. Artin, Galois Theory, Notre Dame Press, Londres 1942 (rééd. 1971).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]