Sirius

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Sirius
α Canis Majoris
Description de cette image, également commentée ci-après
Sirius est un système binaire composé d'une étoile de la séquence principale et d'une naine blanche (en bas à gauche), près de 10 000 fois moins lumineuse (Image Télescope spatial Hubble).
Données d'observation
(époque J2000.0)
Ascension droite 06h 45m 08,9173s
Déclinaison −16° 42′ 58,017″
Constellation Grand Chien
Magnitude apparente −1,46 / 8,44
Caractéristiques
Type spectral A1V / DA
Indice U-B −0,05 / −1,04
Indice B-V −0,01 / −0,03
Variabilité aucune
Astrométrie
Vitesse radiale −7,6 km/s
Mouvement propre μα = −546,05 mas/a
μδ = −1 223,14 mas/a
Parallaxe 379,21 ± 1,58 mas
Distance 8,6 ± 0,04 al
(2,64 ± 0,01 pc)
Magnitude absolue 1,47 / 11,18
Caractéristiques physiques
Masse ~2,12 / 1,03 M
Rayon 1,711 / 0,008 R
Luminosité 26,1 / 0,000 24 L
Température 9 900 / 24 800 K
Rotation 16 km/s
Âge 2,5 × 108 a

Désignations

Sirius, 9 Canis Majoris, GJ 244 A/B, BD-16°1591, HR 2491, HD 48915, GCTP 1577.00 A/B, LHS 219, LTT 2638, HIP 32349.

Sirius, également appelée Alpha Canis MajorisCanis Majoris/α CMa) par la désignation de Bayer, est l'étoile principale de la constellation du Grand Chien. Vue de la Terre, Sirius est l'étoile la plus brillante du ciel (après le Soleil), dépassant Canopus et Arcturus. Elle fait partie de la catégorie des étoiles blanches (selon la classification du catalogue de l'astronome Pietro Angelo Secchi)[1]. Du fait de sa déclinaison, Sirius n'est jamais très élevée au-dessus de l'horizon depuis les latitudes tempérées de l'hémisphère nord. L'extinction atmosphérique atténue son éclat comparativement à Arcturus (Canopus étant elle, invisible depuis ces latitudes). Du fait de sa proximité et de son éclat, Sirius est une des étoiles les plus étudiées des astronomes et fut objet de plusieurs « premières », notamment la détection de son mouvement propre et de sa vitesse radiale.

Caractéristiques physiques

Sirius possède une magnitude apparente de -1,46. C'est avec Canopus le seul astre possédant une magnitude apparente notablement négative, et elle n'a de fait pas été incluse dans les considérations qui ont mené à l'établissement de l'échelle des magnitudes apparentes. L'éclat important de Sirius vue depuis la Terre ne vient pas tant de la luminosité intrinsèque de l'astre, certes plus lumineux que le Soleil, que de sa relative proximité avec le Système solaire. Situé à seulement 8,6 années-lumière du Soleil, Sirius correspond au cinquième système stellaire le plus proche du Soleil, après le système triple Alpha Centauri (4,35 al), l'étoile de Barnard (5,96 al), Wolf 359 (7,78 al) et Lalande 21185 (8,29 al) (voir la liste d'étoiles proches).

Sirius est en réalité une étoile binaire (voir ci-dessous).

Déplacement par rapport au Soleil

Du fait de sa relative proximité par rapport au Soleil, Sirius est animée d'un mouvement propre important, c'est-à-dire que sa position sur la sphère céleste varie au cours du temps plus rapidement que nombre d'autres astres. C'est Edmund Halley qui mit ce mouvement propre pour la première fois en évidence en 1717, se fondant sur la comparaison de la position d'alors de Sirius par rapport à celle transcrite par les astronomes de l'Antiquité grecque, notamment Hipparque[2]. Un siècle et demi plus tard, utilisant la spectroscopie, une discipline tout fraîchement introduite en astronomie, William Huggins parvint pour la première fois à mettre en évidence le rapprochement de Sirius vers le Soleil, c'est-à-dire sa vitesse radiale[3], après une première tentative infructueuse avec W. A. Miller en 1862-1863[4]. Les limitations à l'époque portaient sur la résolution des spectrographes. Au début des années 1860, seules des vitesses radiales de plus de 300 kilomètres par seconde pouvaient être mises en évidence, limite rabaissée à quelques kilomètres par seconde quelques années plus tard. Les mesures de Huggins demeuraient entachées d'incertitude : il publia une vitesse radiale de −40 km/s, alors que la valeur mesurée aujourd'hui est de −7,6 km/s.

Sirius A et Sirius B

Image en rayons X prise par le télescope spatial Chandra : la source la plus brillante est Sirius B

Sirius est une étoile binaire[5].

Sirius A, l'étoile visible à l'œil nu est une étoile blanche de la séquence principale, de type spectral A0 ou A1, dont la masse est de 2,1 masses solaires. Son âge estimé à environ 250 millions d'années. Sa température de surface est d'environ 9 900 K et son diamètre environ 1,711 fois le diamètre solaire, diamètre mesuré directement par interférométrie et en accord avec les modèles stellaires. Sa composition chimique diffère notablement de celle du Soleil, présentant une abondance en fer trois fois supérieure à notre étoile. Un faible champ magnétique a été détecté à sa surface[6].

Son compagnon, Sirius B, est une naine blanche (en dessous, à gauche de Sirius A sur l'image en sommet d'article), qui orbite avec une période de près de 50,1 ans[7],[8]. Ce fut la première naine blanche à être découverte, en 1862 par Alvan Graham Clark, et elle fait partie des trois naines blanches les plus connues, avec Procyon B et 40 Eridani B, parmi lesquelles elle est la plus massive. L'orbite du système Sirius A/Sirius B est assez fortement elliptique, la distance entre les deux astres variant entre 8,1 et 31,5 unités astronomiques, pour une distance moyenne de 19,5 UA. Les précédents passages au périastre du système se sont produits en 1944, 1994, le suivant étant prévu pour 2044.

La séparation angulaire entre ces deux astres devrait être suffisamment importante pour pouvoir distinguer les deux, mais la tâche est rendue extrêmement compliquée par le contraste extrême de luminosité entre les deux astres. Sirius B, trois fois plus chaude que sa compagne, est surtout beaucoup plus petite, du fait de sa nature de naine blanche, avec un diamètre comparable à celui de la Terre. Son éclat est donc bien moindre que celui de Sirius A, avec une magnitude apparente de seulement 8,44. La présence de Sirius B, et ses caractéristiques orbitales peuvent cependant être mises en évidence par l'étude du mouvement propre de Sirius A. Celui-ci n'est pas rectiligne comme ce serait le cas pour un astre isolé, mais présente une ondulation autour d'une trajectoire rectiligne moyenne.

L'étude de l'orbite du système permet de connaitre avec précision la masse des deux astres, qui sont de 2,12 et 1,03 masses solaires respectivement pour Sirius A et Sirius B. Cette différence de masse révèle un aspect connu quoique surprenant de prime abord de l'évolution stellaire : les étoiles évoluent d'autant plus vite qu'elles sont massives. Sirius B ayant déjà atteint le stade de naine blanche, elle était au départ plus massive que sa compagne, avec une masse estimée à 6 ou 7 masses solaires. De telles étoiles sont cependant sujettes à un phénomène très important de vent stellaire, qui a dépouillé l'ancienne Sirius B d'une très grande partie de sa masse, qui en fait aujourd'hui l'astre le plus évolué mais aussi le moins massif du système.

Hypothétique ancienne couleur rouge

Les astronomes antiques, tels Ptolémée, ont décrit Sirius comme une étoile rouge, comparant sa couleur à celle d'autres étoiles aujourd'hui visiblement rouges. De plus, au moins un texte chinois ancien mentionne que sa couleur a changé. La cause de cet éventuel changement spectaculaire reste un mystère[9].

Traditions concernant Sirius A et B

Canicule, en Europe

Le mot canicule est emprunté, à la fin du XVe siècle, au latin canicula, diminutif de canis. Après s'être spécialisé en astronomie pour cette étoile (1539), il signifiait également la période de chaleur pendant laquelle elle se lève et se couche en même temps que le soleil, du 22 juillet au 23 août[10]. Son origine étant oubliée, il s'est répandu au sens de « très forte chaleur »[11].

Quelques noms traditionnels de α Canis Majoris

Sopdet surmontée d'une étoile, personnification de α Canis Majoris chez les Égyptiens.
  • En arabe, elle est nommée « الشعرى ». Ce nom est cité dans le Coran, Sourate 53 (L'étoile — An-Najm)[12].
  • Le nom connu en occident, Sirius, vient du grec « Σείριος » via le latin Sirius, signifiant « ardent ». C'était le nom du chien que possédait le personnage de la mythologie grecque Orion éponyme de la constellation Orion, qui se situe à proximité immédiate de Sirius, qui lui-même fait partie du Grand Chien. Orion et le Grand Chien furent placés dans le ciel à la suite du décès tragique d'Orion, au sujet duquel plusieurs versions existent, notamment celle d'un deuxième chien nommé Procyon.
  • Dans l'Égypte ancienne, elle était dénommée Sopdet (ou Sôpdit), plus tard transcrit en grec sous le nom Sothis. Une déesse éponyme existait, en raison du culte lié à cette étoile, dont la réapparition dans le ciel du matin après sa conjonction avec le Soleil (le lever héliaque) était à l'époque annonciateur de la prochaine crue du Nil, indispensable à la vie du peuple égyptien. Ce lever héliaque avait à l'époque lieu début juillet. Il s'est depuis lentement décalé de plusieurs semaines du fait du phénomène de la précession des équinoxes.
  • En astronomie chinoise, l'étoile était dénommée Tianlang (ou Lang), formant à elle seule un astérisme représentant un loup céleste. Celui-ci est dans la ligne de mire d'un arc bandé, Hu, correspondant à la partie basse de la constellation occidentale du Grand Chien et la partie nord-est de la constellation de la Poupe, la flèche en elle-même correspondant aux trois étoiles η Canis Majoris, δ Canis Majoris (Wezen) et ο2 Canis Majoris. Ces deux astérismes s'insèrent dans un tableau plus vaste évoquant la chasse, avec, entre autres, Yeji (β Canis Majoris) représentant un faisan, Shen (le grand quadrilatère d'Orion) correspondant à un tigre, et Bi (la tête de la constellation occidentale du Taureau) un piège à lapins[13].
  • En Polynésie (îles de la Société), Sirius était appelée Tauru'a fau papa (Festivité des premiers grands chefs), Ta’urua e hiti i te tara te feiai (Festivité qui s’élève avec prières et cérémonies religieuses), ou encore Ta’urua nui te amo aha (Grande festivité porteuse de corde tressée)[14]. Avec sa déclinaison de -16°42', Sirius était et est encore, l'étoile zénithale de Raiatea, et dans une moindre mesure celle de Tahiti. Le marae de Taputapuatea, centre névralgique de l'ancien culte polynésien, se situe quant à lui à la latitude 16°5' sud. Sirius, étoile la plus brillante du ciel et passant au zénith du lieu de culte le plus révéré de tout le triangle polynésien, était donc un répère fondamental de la navigation aux étoiles en ce temps.

Dans la culture dogon

Les Dogons, peuple originaire du Mali (ainsi que les Bambaras, originaires d'Afrique de l'Ouest et les Bozo du Niger[15]) accorderaient une grande importance à ce système double. De retour d'expédition ethnologique, en 1950, Marcel Griaule rapporte que dans la tradition dogon :

  • Sirius A est nommée Sigi Tolo (l'étoile du « sigi »).
  • Sirius B est nommée l'Étoile du Fonio ou du Po, Po Tolo. Elle tourne autour de Sirius A et sa durée de révolution est d'environ 50 (ou 60…) ans[16],[17]. Elle serait la plus importante de toutes les étoiles, avant même Sirius A, puisqu'ils la considèrent comme le centre du monde stellaire. Po Tolo signifie l'Étoile du commencement. C'est l'œuf du monde pour les Dogons. Ils la considèrent comme le réservoir, la source de toutes choses.
  • Sirius C est nommée Emme ya tolo, (l'étoile du sorgho femelle) . Toutefois, si Sirius A et Sirius B sont attestées, l'existence de Sirius C reste hypothétique[15],[5].

Il paraît stupéfiant que les Dogons, sans moyens astronomiques modernes, puissent avoir connaissance de l'existence de Sirius B, et de ses paramètres orbitaux. Parmi les hypothèses évoquées par les occidentaux pour expliquer ce mystère, on peut citer :

  • Contamination culturelle par des missionnaires dans les années 1930[18],[19]. Les propriétés hors du commun des naines blanches, Sirius B en particulier, faisaient à cette époque couler beaucoup d'encre dans le monde occidental, y compris en dehors du monde scientifique[19]. Noah Brosch propose que cette contamination culturelle a pu avoir lieu dès la fin du XIXe siècle[20].
  • Contamination culturelle par Marcel Griaule lui-même[21],[22].
  • Des observations astronomiques anciennes faites par les Dogons, par exemple des changements de couleur ou d'éclat de Sirius, et interprétation du phénomène comme la présence d'un compagnon à l'étoile Sigi Tolo[18]. Selon les livres de Marcel Griaule, Dieu d'eau (entretiens avec Ogotemmeli) et Renard Pâle, ils connaissaient la période orbitale de cinquante ans de Sirius et de son compagnon avant les astronomes occidentaux. Ils évoquent également une troisième étoile accompagnant Sirius A et B. Dans son livre The Sirius Mystery publié en 1976, Robert Temple leur prête la connaissance des quatre lunes galiléennes de Jupiter et des anneaux de Saturne.
  • Robert K. G. Temple évoque dans son livre The Sirius Mystery l'hypothèse de visites extra-terrestres[23],[24].

Notes et références

  1. Legault, Jean-Luc. L'astronomie ; Pour comprendre l'Univers, Les éditions CEC, 2008, p. 128.
  2. (en) Edmond Halley, « Considerations on the Change of the Latitudes of Some of the Principal Fixt Stars », Philosophical Transactions of the Royal Society, Londres, Royal Society, vol. 30,‎ , p. 736-738 (DOI 10.1098/rstl.1717.0025, Bibcode 1717RSPT...30..736H, lire en ligne) lire en ligne sur Gallica.
  3. (en) William Huggins, « Further Observations on the Spectra of Some of the Stars and Nebulae, with an Attempt to Determine Therefrom Whether These Bodies are Moving towards or from the Earth, Also Observations on the Spectra of the Sun and of Comet II », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, Londres, Royal Society, vol. 158,‎ , p. 529-564 (DOI 10.1098/rstl.1868.0022, résumé) lire en ligne sur Gallica.
  4. (en) William Huggins et W.A. Miller, « On the Spectra of Some of the Fixed Stars », Philosophical Transactions of the Royal Society, Londres, Royal Society, vol. 154 Part II,‎ , p. 413-435 (DOI 10.1098/rstl.1864.0012, résumé, lire en ligne).
  5. a et b (en) D. Benest, J.L. Duvent : Is Sirius a Triple Star?, Astronomy and Astrophysics, 299, 621–628 (1995) Texte intégral[PDF].
  6. (en) P. Petit et al., Detection of a weak surface magnetic field on Sirius A: are all tepid stars magnetic?, Astronomy & Astrophysics, 532, L13 (2011) Voir en ligne.
  7. source Jean-Marc Bonnet-Bidaud et Eric Pantin du Service d’Astrophysique de l’Irfu-CEA, Article SAO/NASA Astrophysics Data System (ADS) sur le site http://articles.adsabs.harvard.edu/. .. The published values for the period of révolution of Sirius range from 48,84 years to 50,20 years
  8. https://www.rasc.ca/sirius-b-observing-challengeThe Royal Astronomical Society of Canada:Sirius B Observing Challenge.
  9. « L'énigme Sirius par Jean-Marc Bonnet-Bidaud », sur Ciel & Espace Radio.
  10. Molière l'utilise avec ce sens en 1660 (Sganarelle ou le Cocu imaginaire, I, 2)
  11. Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, p. 605.
  12. Voir le texte de la sourate sur le site Wikilivre (non affilié à Wikipédia).
  13. (en) Sun Xiaochun et Jakob Kistemaker, The Chinese sky during the Han, New York, Éditions Brill, , 247 p. (ISBN 9004107371), pages 137 et 141.
  14. Teuira Henry, Tahiti aux temps anciens, Paris, 2009
  15. a et b Pensée scientifique noire africaine.
  16. Les Dogons.
  17. Le Secret des Dogons sur le site www.scientox.info.
  18. a et b « L'Astronomie dogon, les étoiles du sacrifice » [PDF] dans Ciel et Espace de mai 1996 par Serge Jodra.
  19. a et b Jean-Pierre Luminet, Les trous noirs, Seuil, coll. « Points Sciences », (ISBN 978-2020159487), chap.  « Le jardin des naines blanches », p. 100-102.
  20. (en) Noah Brosch, Sirius Matters, vol. 354, Dordrecht, Springer, coll. « Astrophysics and Space Science Library », , PDF (ISBN 978-1-4020-8318-1, lire en ligne).
  21. Sirius et les dogons sur le site « les sceptiques du Québec ».
  22. (en) Philip Coppens, Dogon Shame.
  23. (en) Robert K.G. Temple, The Sirius Mystery, Sidgwick and Jackson, Londres, 1976, 290 p. (ISBN 0283981369).
  24. (fr) Les Dogons du Mali et leurs contacts supposés avec des « extraterrestres »[PDF].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes