Gibet de Montfaucon
Type | |
---|---|
Construction |
Probablement XIIIe siècle Destruction en 1760 |
Hauteur |
Hauteur : 4 à 6 m Longueur : 12 à 14 m Largeur : 10 à 12 m |
Usage |
Échafaud (en) |
État de conservation |
démoli ou détruit (d) |
Pays | |
---|---|
Commune |
Coordonnées |
---|
Le gibet de Montfaucon, surnommé « Fourches de la grande justice », était le principal gibet des rois de France jusqu'à Louis XIII, érigé à quelques mètres de l'actuelle place du Colonel-Fabien, à Paris.
Description
De type fourches patibulaires, le gibet était érigé sur une butte ayant appartenu jadis à un comte Falco ou Faucon d'où son nom « mont-faucon ».
Il se situait au nord-est de Paris, son emplacement probable tiendrait dans le périmètre compris entre la rue de Meaux, l'avenue Secrétan et la rue Sadi Lecointe. C'est de la rue de Meaux, que partait le sentier conduisant au gibet[1].
Le gibet consistait en un parallélépipède rectangle en pierre long de 12 à 14 mètres (6 à 7 toises), large de 10 à 12 mètres (5 à 6 toises) et haut de 4 à 6 mètres (2 à 3 toises). Une rampe permettait d'accéder à sa base, sur laquelle reposaient seize piliers de grès d'une dizaine de mètres de haut (32 ou 33 pieds), 6 alignés dans la longueur, 5 sur chacune des 2 largeurs, reliés entre eux par des poutres en bois auxquelles s'accrochaient les chaînes qui supportaient les corps qu'on y laissait pourrir ou se dessécher. Il pouvait y en avoir cinquante simultanément[2] qui étaient bien visibles « de quelques lieus à la ronde », le gibet étant situé sur une éminence sur le bord d'une route. Dans une espèce de cave, contenue dans la base même, étaient jetés les restes des suppliciés par une trappe centrale, étant de ce fait privés de sépulture chrétienne.
Le gibet était gardé par des archers pour éviter que les familles des suppliciés ou que la Faculté (qui n'avait droit qu'à deux cadavres par an pour ses autopsies) ne viennent récupérer les corps. Il arrivait que les cadavres provenant d'autres lieux d'exécution de Paris y soient également rassemblés. Si Eugène Viollet-le-Duc déduisit que l'édifice devait avoir 3 niveaux de poutres, de nombreuses gravures le représentent avec 2 ou 4 étages[3]. Quoi qu'il en soit, sa taille et son allure étaient particulièrement imposantes, et de nature à impressionner et à dissuader quiconque de commettre le moindre acte illégal.
Histoire
Le Gibet
Il fut construit probablement à la fin du XIIIe siècle en remplacement de gibets en bois, peut-être à la requête d'Enguerrand de Marigny qui devait lui-même y finir pendu. À plusieurs occasions, il dut être restauré, périodes pendant lesquelles les pendaisons et autres expositions de cadavres s'effectuaient sur des gibets provisoires dressés à proximité, comme le gibet de Montigny élevé dès 1328.
Les dernières exécutions eurent lieu vers 1629 et Montfaucon était quasi abandonné dès le milieu du XVIIe siècle. Les abords entre le gibet et le moulin à vent des Buttes Chaumont furent transformés en plâtrières, puis progressivement intégrés à l'expansion de peuplement de Paris. Il fut détruit en 1760 et reconstruit, comme simple symbole de la haute justice royale, sur le territoire de La Villette sous le nom de voirie de Montfaucon. Aucune exécution n'y était pratiquée mais les corps de suppliciés d'autres lieux de la capitale, comme ceux de la place de Grève, y étaient inhumés.
Après le 21 janvier 1790[4], les piliers restants furent abattus, la voirie fut transférée en forêt de Bondy en 1837 et définitivement supprimée en 1849 lors du percement du canal Saint-Martin (voir égouts de Paris), certaines pierres ayant été vendues pour la construction du canal. Aujourd'hui, aucune trace visible du gibet ne subsiste[3].
Exécutions célèbres
L'Histoire a retenu les exécutions des personnages suivants :
- 1278 : Pierre de La Brosse, favori et grand chambellan de Philippe III le Hardi.
- 1315 : Enguerrand de Marigny, ancien trésorier de Philippe IV le Bel.
- 1322 : Giraud Gayte, trésorier de Philippe V le Long.
- 1322 : Jourdain de l'Isle, brigand gascon neveu par alliance du Pape Jean XXII.
- 1328 : Pierre de Rémi, seigneur de Montigny, surintendant des Finances de Charles IV le Bel.
- 1378 : Jacques de Rue, chambellan de Charles II de Navarre.
- 1378 : Pierre du Tertre, secrétaire de Charles II de Navarre.
- 1409 : Jean de Montagu, surintendant des Finances de Charles VI.
- 1413 : Pierre des Essarts, également surintendant des Finances sous Charles VI.
- 1457 : Regnier de Montigny, brigand appartenant à la bande des coquillards.
- 1460 : Colin de Cayeux, brigand appartenant à la bande des coquillards.
- 1484 : Olivier Le Daim, confident du roi Louis XI.
- 1525 : Barbiton, Jean Charrot, Jean Lubbe, mauvais-garçons, brigands de toutes espèces qui terrorisaient les villes au XVIe siècle.
- 1527 : Jacques de Beaune, surintendant des Finances de François Ier.
- 1572 : le corps de Gaspard de Châtillon, comte de Coligny, amiral de France, qui est tué au cours de la Saint-Barthélemy, y est exhibé, pendu par les pieds.
La voirie de Montfaucon
La voirie de Montfaucon est décrite dans le « Cours d'hygiène fait à la faculté de médecine de Paris » de Louis Fleury paru en 1852 :
« L'ancienne voirie de Montfaucon réunissait à des bassins énormes, ayant 32 800 mètres de superficie, et à 12 arpents de terrain destinés à recevoir toutes les matières fécales fournies par la vidange de Paris et s'élevant de 230 à 244 mètres cubes par jour, des clos d'équarrissage recevant par an environ 12 000 chevaux et 25 à 30 000 petits animaux, tels que chiens, chats, etc. Vous comprendrez aisément les émanations qui devaient s'élever d'un pareil cloaque, et qui, malgré la position élevée de la voirie (36 mètres au-dessus des eaux de la Seine), s'étendaient souvent à 2 000, 4 000 et même 8 000 mètres[5]. »
Galerie historique
-
Vue de l'arrière, d'après Eugène Viollet-le-Duc.
-
Coupe et plan, d'après Eugène Viollet-le-Duc.
-
Représentation du gibet avec 2 niveaux de poutres.
-
Emplacement de Montfaucon (1608). Le gibet y est représenté sur 2 étages.
-
Gibet de Montfaucon vers 1609, avec l'église Saint-Laurent et l'ancienne Maison de Pestiférés située à l'emplacement de l'hôpital Saint-Louis.
Bibliographie
- Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris. vol. II, Paris : Chés Charles Moette ; Jacques Chardon, 1724
- Eugène Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle Tome V, Paris, B.Bance éditeur, 1861
- Firmin Maillard, Le gibet de Montfaucon (étude sur le vieux Paris), Paris, Auguste Aubry éditeur, 1863
- Michel Jullien, Esquisse d'un pendu, Verdier, 2013. Dans ses premières pages, le roman fait une description détaillée et savante des formes et de l'usage du gibet de Montfaucon.
Notes et références
- Gilette Ziegler, Histoire secrète de Paris, Stock, 1967, page 37
- Encyclopédie Larousse du XXe siècle, Paris, 1932
- Philippe Charlier, Les secrets des crimes de l'Histoire, La librairie Vuibert, (ISBN 2311004352), p. 267
- L'emplacement a été ensuite transformé en fosse géante, d'après Roger-Henri Guerrand Les lieux, histoire des commodités, destinée à recevoir le contenu des fosses d'aisance de Paris avant que les excréments ne soient transformés en engrais agricole, puis a servi de clos d'équarrisage.
- Louis Fleury, Cours d'hygiène fait à la faculté de médecine de Paris, Labé, , p. 223