Charles-André Julien

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Charles-André Julien, né le 2 septembre 1891 à Caen[1] et mort le 19 juillet 1991[2], est un historien et journaliste français, spécialiste de l'Afrique du Nord (Maghreb) et militant anticolonialiste.

Il a enseigné notamment à l'Institut d'études politiques de Paris, à l'ENA et à la Sorbonne et est à l'origine de l'université de Rabat au Maroc.

Biographie

Origines

Il est le fils d'Étienne Julien, professeur agrégé, d'une famille protestante originaire de Castres, et d'Élise Jugier, son épouse.

En 1898, Étienne Julien, professeur à Marseille, est dreyfusard et transmet dès cette époque à ses enfants cette conviction encore minoritaire[3]. Il est par ailleurs proche de Jean Jaurès, avec qui Charles-André sera en relation peu avant l'assassinat de juillet 1914.

En 1906, la famille Julien part à Oran en Algérie, alors colonie française. Charles-André fait ses études secondaires au lycée d'Oran, où son père est professeur.

Il adhère à la SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière) en 1909[3].

Débuts professionnels

Après avoir obtenu son baccalauréat, il travaille comme secrétaire à la préfecture d'Oran. Dès son entrée dans le monde du travail, il se heurte aux grands propriétaires oranais, aux trafics coloniaux et à la dépossession des terres algériennes. Choqué par le traitement dont sont victimes les Algériens, il s'engage très tôt dans l'action politique. Il se range à gauche et fait la connaissance d'intellectuels et d'hommes politiques opposés au système colonial, parmi lesquels Félicien Challaye, André Gide et Albin Rozet. Il soutient la révolution bolchévique en Russie à partir de 1917.

En 1920, il est reçu à l'agrégation d'histoire et géographie[4] et est ensuite nommé professeur en Algérie.

Le Parti communiste (1920-1926)

Délégué au congrès de Tours en décembre 1920, il vote pour l'adhésion à la IIIe Internationale et devient l'un des dirigeants du Parti communiste (au départ appelé SFIC, Section française de l'Internationale communiste) pour l'Algérie.

En 1921, il fait partie de la délégation du PCF (avec Frossard, Souvarine, Vaillant-Couturier) en Russie pour le congrès de l'Internationale ; il croise l'intelligentsia révolutionnaire : Lénine, Trotsky, Zinoviev, Gorki et Hô Chi Minh. Il espère voir les révolutionnaires s'engager contre le colonialisme, ce qui n'est pas le cas en raison de difficultés qu'ils rencontrent dans leur pays.

Il quitte le Parti communiste en 1926 (après Frossard en 1923 et Souvarine en 1924), mais reste à gauche et contribue à la revue d'Henri Barbusse, Clartés.

C'est le moment où il est nommé en métropole, d'abord au lycée Janson-de-Sailly (1926-1932), puis au lycée Montaigne (1932-1945).

Les années 1930

En 1931, il écrit son premier livre, Histoire de l'Afrique du Nord ; dans cet ouvrage, il contredit les thèses colonialistes selon lesquelles l'histoire de l'Algérie commence en 1830.

Pour se constituer un réseau d'informateurs, il entre en contact avec les mouvements indépendantistes, notamment avec le groupe formé autour de Bourguiba, avec qui il se lie d'amitié.

En même temps, il devient le secrétaire de rédaction de la Revue historique.

Le Front populaire

En 1936, au moment du Front populaire, il redevient membre de la SFIO. Léon Blum, devenu chef du gouvernement en juin, le nomme secrétaire d'une nouvelle institution, le Haut Comité méditerranéen et de l'Afrique du Nord (1936-1939), qui doit permettre au Front populaire de trouver des solutions aux problèmes liés à la présence française en Algérie et dans les protectorats du Maroc et de la Tunisie.

Il conçoit un centre de documentation pour le chef du gouvernement et rédige avec Pierre Viénot des notes de synthèse faisant des propositions concrètes. Après la chute de Léon Blum (juin 1937), il travaille pour Albert Sarraut.

L'après-guerre

Dans les années 1945-1947, ont lieu des mouvements dans l'Empire colonial français, en Algérie à Sétif (mai 1945), puis en Indochine et enfin, en 1947, à Madagascar. C'est après la révolte de Madagascar, durement matée, qu'il décide de s'engager dans la voie du journalisme. Il participe notamment à la création du journal Le Monde, ce qui lui permet de gagner l'amitié de son fondateur, Hubert Beuve-Mery.

Après l'établissement de la Quatrième République, il est élu membre du Conseil de l'Union française, ce qui lui permet de travailler à la bibliothèque parlementaire où il a accès à tous les travaux de l'assemblée.

En 1947, il soutient sa thèse de doctorat : Les débuts de l'expansion et de la colonisation françaises (XVe-XVIe siècles)[5].

Les années 1950 et la décolonisation

Quoique professeur d'université, membre de la SFIO et conseiller de l'Union française, il est surveillé par les autorités en raison de son anticolonialisme, point de vue encore marginalisé.

Il dénonce les abus de la politique française au Maghreb, et s'indigne des dérives de la IVe République.

Il défend également les Maghrébins et mène une contre-enquête après la mort du syndicaliste tunisien Farhat Hached, où il accuse l'organisation de la Main rouge et la Résidence d'être à l'origine de sa mort.

Le 19 avril 1950, dans un article du Monde, il demande à la France de réviser sa politique de protectorat en Tunisie et en particulier les traités du Bardo et de la Marsa qui sont, pour lui, politiquement dépassés. Lors de la crise marocaine (1953), il se fait le conseiller du sultan Mohammed V.

Après l'indépendance du Maroc, il est invité par le roi Mohammed V à fonder l'université de Rabat et est nommé doyen de la faculté des lettres ; il assume en même temps sa charge de professeur à la Sorbonne.

Il quitte la SFIO en 1958.

Fin de carrière

En 1961, il démissionne de ses fonctions à l'université de Rabat, ne voulant pas cautionner l'évolution du régime. L'inimitié avec Hassan II s'accentue au moment de l'affaire Ben Barka, personnalité dont il était proche.

Il devient professeur honoraire de l'université de Paris en 1971, mais continue à travailler sur l'Afrique du Nord en dirigeant deux collections :

  • « Pays d'Outre-Mer » aux Presses universitaires de France, qu'il dirige depuis 1947
  • « Les Africains » chez L'Harmattan, à partir de 1977.

En 1986, il fait don de sa bibliothèque (« Fond Charles-André Julien ») au Centre des hautes études sur l'Afrique et l'Asie.

Publications

Ouvrages
Autres

Notes et références

  1. Who's who in France, 1976-1976, p. 932.
  2. Le Monde, 25 juillet 1991. Le lieu n'est pas précisé. Charles-André Julien avait une résidence à Paris et une autre à Saint-Léon-sur-Vézère en Dordogne.
  3. a et b Le Monde, 1991.
  4. Cf. Liste des lauréats de l'agrégation 1830-1950 sur le site de l'INRP.
  5. Cf. Notice du SUDOC
  6. Recension : Roger Le Tourneau, « Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique blanche », Revue de l'Occident musulman et de la Méditerranée, vol. II, no 2,‎ , p. 252-253 (lire en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Nicole Zand, « La mort de Charles-André Julien Un siècle d'anticolonialisme », dans Le Monde, 25 juillet 1991, p. 24 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Who's who in France 1975-1976, Paris, Éditions Jacques Lafitte, 1975, p. 932
  • Ghislaine Mathieu, « Charles-André Julien ou le refus de l'injustice », Confluences Méditerranée, no 7,‎ , p. 173-178 (lire en ligne [PDF])
  • Annie Rey-Goldzeiguer, « Charles-André Julien (1891-1991) : Une pensée, une œuvre, une action anticoloniales », dans Charles-André Julien, L'Afrique du Nord en marche : Algérie - Tunisie - Maroc (1880-1952), Paris, Omnibus, , p. I-XIII Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Guy Pervillé, « Julien, Charles-André (1891-1991) », dans Jeannine Verdès-Leroux (dir.), L'Algérie et la France, Paris, Robert Laffont, [détail de l’édition], p. 494-496

Articles connexes

Liens externes