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La nappe des Voirons est restreinte à la bordure externe du massif du Chablais et est entièrement composé d'un [[flysch]] : le flysch des Voirons. Le flysch des Voirons est initialement décrit comme faisant partie du flysch ultrahelvétique<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom=Augustin|nom=Lombard|titre=Géologie des Voirons|année=1940|collection=Mémoire de la Société helvétique des Sciences Naturelles|volume=74|pages totales=118|lire en ligne=https://www.zobodat.at/pdf/Denkschr-Schweizer-naturf-Ges_74-1_0001-0112.pdf|accès url=libre}}</ref>. Il est individualisé en 1976 et rattaché à la nappe du Gurnigel sur la base de critères biostratigraphiques et pétrographiques<ref>{{article|langue=fr|prénom=Christian|nom=Caron|titre=La nappe du Gurnigel dans les Préalpes|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1976-volume=69|numéro=2|pages=297-308|doi=10.5169/seals-164510|accès doi=libre}}.</ref>. La nappe du Gurnigel est alors composée 4 flyschs distincts (Voirons, Gurnigel, Schlieren et Wägittal, respectivement d'ouest en est). À l'occasion d'une révision stratigraphique dans les années 2010, les différents flyschs sont individualisés et considérés comme autant de nappes équivalentes<ref>{{lien web|langue=fr|titre=« Complexe Voirons-Wägittal »|url=https://www.strati.ch/fr/tectonic/xxx|site=Lexique lithostratigraphique de la Suisse|accès url=libre}}.</ref>.
La nappe des Voirons est restreinte à la bordure externe du massif du Chablais et est entièrement composé d'un [[flysch]] : le flysch des Voirons. Le flysch des Voirons est initialement décrit comme faisant partie du flysch ultrahelvétique<ref>{{ouvrage|langue=fr|prénom=Augustin|nom=Lombard|titre=Géologie des Voirons|année=1940|collection=Mémoire de la Société helvétique des Sciences Naturelles|volume=74|pages totales=118|lire en ligne=https://www.zobodat.at/pdf/Denkschr-Schweizer-naturf-Ges_74-1_0001-0112.pdf|accès url=libre}}</ref>. Il est individualisé en 1976 et rattaché à la nappe du Gurnigel sur la base de critères biostratigraphiques et pétrographiques<ref>{{article|langue=fr|prénom=Christian|nom=Caron|titre=La nappe du Gurnigel dans les Préalpes|périodique=Eclogae Geologicae Helvetiae|année=1976|volume=69|numéro=2|pages=297-308|doi=10.5169/seals-164510|accès doi=libre}}.</ref>. La nappe du Gurnigel est alors composée 4 flyschs distincts (Voirons, Gurnigel, Schlieren et Wägittal, respectivement d'ouest en est). À l'occasion d'une révision stratigraphique dans les années 2010, les différents flyschs sont individualisés et considérés comme autant de nappes équivalentes<ref>{{lien web|langue=fr|titre=« Complexe Voirons-Wägittal »|url=https://www.strati.ch/fr/tectonic/xxx|site=Lexique lithostratigraphique de la Suisse|accès url=libre}}.</ref>.


[[Les Voirons]] ({{unité|1480|m}}), le mont Vouan ({{unité|978|m}}) et les sommets secondaires (Tête de Char) ceinturant les versants nord et ouest de la [[Vallée Verte|vallée verte]], ainsi que les collines d'Allinges constituent les principales reliefs de cette nappe. De par sa position structurale basse, elle forme des sommets de faible altitude et de morphologie douce en raison de la nature [[siliciclastique]] des roches (grès, marnes). Il s'agit de dépôts marins profonds issus de courants de densité ou turbidites ''s.l.'' et décrit comme le flysch des Voirons.
[[Les Voirons]], le mont de Vouan et les sommets secondaires (Tête de Char) ceinturant les versants nord et ouest de la [[Vallée Verte|vallée verte]], ainsi que les collines d'Allinges constituent les principales reliefs de cette nappe<ref name=Ragusa2021">{{article|langue=en|prénom1=Jérémy|nom1=Ragusa|prénom2=Lina Maria|nom2=Ospina-Ostios|prénom3=Pascal|nom3=Kindler|prénom4=Mario|nom4=Sartori|titre=Stratigraphic revision and reconstruction of the deep-sea fan of the Voirons Flysch (Voirons Nappe, Chablais Prealps)|périodique=Swiss Journal of Geosciences|année=2021|volume=114|numéro=8|doi=10.1186/s00015-020-00383-1|accès doi=libre}}.</ref>. De par sa position structurale basse, elle forme des sommets de faible altitude et de morphologie douce en raison de la nature [[siliciclastique]] des roches (grès, marnes). Quelques parois sont présentes. Les plus importantes sont celles du mont de Vouan auxquels se rajoutent celles sous la crête des Voirons et de la Maladières mais invisibles dans le paysage en raison de la forte couverture forestière.


La nappe des Voirons est charriée sur des écailles de flyschs subalpins et de molasse charriée qui forment la moitié inférieure du versant nord des Voirons. Vers l'est, le contact disparait sous l'épaisse série de dépôts glaciaires quaternaires. La nappe est à son tour charrié par la nappe des Préalpes médianes dont le contact est plus ou moins parallèle au lit du [[Foron]] puis remonte vers le sommet de Targaillan ({{unité|1233|m}}) puis se perd à son tour sous les dépôts quaternaires dans le Bas-Chablais et sur le plateau de Gavot. Le contact réapparait finalement à [[Saint-Gingolph (Valais)|Saint-Gingolph]], côté Suisse.
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Le flysch des Voirons est subdivisé en 3 formations : le grès des Voirons, le conglomérat du Vouan et la marne de Boëge auquel se rajoute une unité au statut indéfini, le grès du Bruant. Cette dernière est considéré comme succédant stratigraphiquement à la marne de Boëge, soit comme un dédoublement tectonique du grès des Voirons. La série débute au Lutétien, voire l'Yprésien, par une accumulation sableuse parfois métrique, construisant un cône sous-marin (grès des Vorons). Au cours du Lutétien, les apports sont brutalement plus massifs et plus grossiers avec la mise en place d'une épaisse série conglomératique (conglomérat du Vouan). Cette accumulation s'interrompt brutalement et cède la place à un intervalle marneux entrecoupée par des bancs de grès fins peu épais (marne de Boëge).
Les dépôts sont interprétés comme des dépôts marins profonds issus de courants de densité ou [[turbidite]]s ''s.l.''<ref>{{article|langue=en|prénom=Jérémy|nom1=Ragusa|prénom2=Pascal|nom2=Kindler|titre=Compositional variations in deep-sea gravity-flow deposits. A case study from the Voirons Flysch (Voirons-Wägital complex, Chablais Prealps, France)|périodique=Sediemntary Geology|année=2018|volume=377|pages=111-130|doi=10.1016/j.sedgeo.2018.08.010|accès doi=payant}}.</ref> et alimentés par l'érosion des unités briançonnaises à apuliennes imbriquées dans le prisme orogénique et constituant la chaine alpine en formation<ref>{{article|langue=en|prénom1=Jérémy|nom1=Ragusa|prénom2=Lina Maria|nom2=Ospina-Ostios|prénom3=Pascal|nom3=Kindler|titre=Provenance analysis of the Voirons Flysch (Gurnigel nappe, Haute-Savoie, France): stratigraphic and palaeogeographic implications|périodique=International Journal of Earth Sciences|année=2017|volume=106|pages=2619-2651|doi=10.1007/s00531-017-1474-9|accès doi=payant}}.</ref>. Le flysch des Voirons est subdivisé en 3 formations<ref name=Ragusa2021"/> : le grès des Voirons, le conglomérat du Vouan et la marne de Boëge auquel se rajoute une unité au statut indéfini, le grès du Bruant. Cette dernière est considéré comme succédant stratigraphiquement à la marne de Boëge, soit comme un dédoublement tectonique du grès des Voirons. La série débute au Lutétien<ref>{{article|langue=en|prénom1=Jérémy|nom1=Ragusa|prénom2=Lina Maria|nom2=Ospina-Ostios|prénom3=Silvia|nom3=Spezzaferri|prénom4=Pascal|nom4=Kindler|titre=Revision of the planktonic foraminiferal biostratigraphy of the Voirons Flysch (Chablais Prealps, Haute-Savoie, France)|périodique=Swiss Journal of Geosciences|année=2018|volume=111|pages=461-473|doi=10.1007/s00015-018-0314-7|accès doi=libre}}.</ref>, voire l'Yprésien, par une accumulation sableuse parfois métrique, construisant un cône sous-marin (grès des Vorons). Au cours du Lutétien, les apports sont brutalement plus massifs et plus grossiers avec la mise en place d'une épaisse série conglomératique (conglomérat du Vouan)<ref name=Ragusa2021"/>. Cette accumulation s'interrompt brutalement et cède la place à un intervalle marneux entrecoupée par des bancs de grès fins peu épais (marne de Boëge)<ref name=Ragusa2021"/>. Dans l'hypothèse où le grès du Bruant serait une unité stratigraphique surmontant la marne de Boëge, elle indiquerait le retour à une sédimentation gréseuse.


Son origine paléogéographique est débattue. Certains lui attribuent une origine sud téthysienne mais de récents travaux tendent à lui attribuer une origine valaisanne c'est-à-dire nord téthysienne.
Son origine paléogéographique est débattue. Certains lui attribuent une origine sud téthysienne mais de récents travaux tendent à lui attribuer une origine valaisanne c'est-à-dire nord téthysienne.

Version du 3 septembre 2023 à 20:25

Géologie du massif du Chablais
Généralités
Type Ceinture de chevauchement
Pays Drapeau de la France France et Drapeau de la Suisse Suisse
Origine Nappes de décollement incorporées dans le prisme d'accrétion sédimentaire de la Téthys alpine
Formation Entre 100 et 33,9 Ma
Roches
Roches sédimentaires Calcaire, dolomie, conglomérat, grès, marne, argilite, gypse
Roches magmatiques Olistolithes d'ophiolite et matériel détritique
Roches métamorphiques matériel détritique
Tectonique
Structures tectoniques Nappe de décollement
Failles Normales, inverses et décrochantes
Plis Anticlinaux et synclinaux

La géologie du massif du Chablais est caractérisée par des roches sédimentaires calcaires et silici-clastiques, accumulées sous forme de nappes de charriage. Ces nappes correspondent aux couvertures sédimentaires déposés dans différents domaines paléogéographiques de la Téthys alpine. Elles sont datées entre le Trias et l'Oligocène. La disposition structurale des nappes de bas en haut respectent a priori leur introduction dans le prisme d’accrétion et donc leur position relative dans la Téthys alpine : les nappes situés à la base de l'édifice préalpin sont associées à la marge nord européenne tandis que celle situées vers le sommet sont davantage placés vers la marge sud.

Cadre géographique et géologique

Carte tectonique simplifiée du massif du Chablais (nappes penniques)[note 1]. MCE = Massifs cristallins externes.

Le massif du Chablais est un relief préalpin situé sur le flanc nord des Alpes, à cheval entre la France et la Suisse. C'est un relief d'altitude moyenne dont le plus haut sommet atteint 2 466 m (Hauts-Forts). Il consiste en empilement de plusieurs nappes de charriage[1] affiliées majoritairement au domaine structural du pennique[2] et qui se sont imbriqués lors de l'orogenèse alpine[3],[4]. Les terrains du massif du Chablais se poursuivent par les Préalpes romandes[note 2] qui constituent son prolongement oriental[1] et forment ensemble l'une des plus importantes klippes des Alpes.

Il est délimité à l'est par le prolongement chablaisien de la vallée du Rhône d'origine glaciaire et qui est l'origine de la séparation en deux lobes distincts du massif du Chablais et des Préalpes romandes. Le bassin molassique suisse et les dépôts quaternaires du glacier du Rhône[5] délimite le versant nord. Ces dépôts sont par ailleurs à l'origine de l'isolement géographique de certains reliefs comme les collines d'Allinges[5] qui appartiennent géologiquement au massif du Chablais. Les vallées de l'Arve et du Giffre délimitent le versant occidental et méridional et sépare le massif du Chablais de son voisin le massif des Bornes. Enfin le versant sud-est est le plus difficile à délimiter et inclus, selon le tracé, des terrains des nappes helvétiques constituant le massif du Giffre.

Le massif du Chablais reposent à cheval sur le domaine helvétique au sud et le bassin d'avant-pays nord-alpin ou bassin molassique suisse au nord par l'intermédiaire de plans de chevauchement[6]. Le domaine helvétique est représenté par la nappe de Morcles qui forme les reliefs du massif du Faucigny (Tête de Bostan, 2 400 m) ainsi que son prolongement oriental (dents Blanches, 2 756 m et dents du Midi, 3 257 m)[7]. Elle est constituée d'une succession mésozoïque à dominante calcaire, correspondant à l'évolution d'une marge passive en plateforme carbonatée, et coiffée par une série orogénique à dominante siliciclastique du Paléogène. Le plan de chevauchement se situe généralement au sein des séries oligocènes (marnes à foraminifères et grès du Val d'Illiez, auxquels se rajoutent des mélanges) et constituent ce que certains géologues appellent la zone des cols entre Samoëns et Monthey[8],[9],[10]. Le bassin molassique suisse est représenté par la molasse charriée, un ensemble d'écailles tectoniques de molasse. De par leur nature tectonique, ces unités génèrent des reliefs de faibles altitude et de morphologies douces comme la colline de Ballaison[11] ou le mont Pèlerin[12].

Le caractère pennique des terrains le constituant est l'un des principaux traits caractéristiques du massif du Chablais par rapport aux reliefs adjacents (Jura, massifs subalpins). Le massif du Chablais apparait ainsi comme un corps exotique au milieu d’unités (par-)autochones. Ces dernières sont toutes constituées de couvertures sédimentaires des domaines helvétique (massifs des Bornes et du Giffre) ou du Jura (Salève) et ont été charriés sur des distances relativement faibles (moins de 100 km)[13] puisqu'ils demeurent sur leurs socles respectifs ou du moins équivalents. Pour comparaison, le charriage des unités penniques correspond à un déplacement de plusieurs centaines de kilomètres et leurs socles se situent actuellement en arrière des massifs cristallins externes et forment à proprement parler les Alpes. Cette distinction dans l'origine des couvertures sédimentaires et l'importance du charriage permet de distinguer d'un point de vue géologique, les Préalpes (massif du Chablais et Préalpes suisses), constitués d'unités internes (Pennique), des massifs subalpins (massifs des Bornes et du Giffre) représentant des unités externes (Jura, Helvétique).

Historique de l'étude géologique du massif du Chablais

Subdivisions tectoniques

Le massif du Chablais est constitué d'un empilement de cinq groupes de nappes de charriage. L'ordre de superposition de ces nappes (de bas en haut) respectent a priori leur introduction dans le prisme d’accrétion et donc leur position initiale dans la Téthys alpine[4] : les nappes situées structuralement au sommet sont les premières incorporées dans le prisme et étaient localisées vers la marge sud de la Téthys alpine (marge apulienne) tandis que celles situées structuralement en bas de l'édifice préalpin sont les dernières imbriquées et sont préférentiellement localisées vers la marge nord (marge européenne). Ces nappes sont ponctuellement séparées par des mélanges (précédemment dénommés wildflysch ou flysch à lentilles)[14],[15],[8] qui sont des séries chaotiques résultant du frottement des nappes entres elles ou avec la substrat sur lequel elles sont charriés. Enfin la base du versant externe du massif du Chablais est composée d'écailles tectoniques (ou lambeaux de poussées) qui sont le produit du charriages des nappes sur les domaines ultrahelvétiques à helvétiques.

Écailles tectoniques frontales

Ultrahelvétique

L'Ultrahelvétique correspond à la partie distale du domaine helvétique où prédominent des dépôts marno-calcaires de pente et pélagiques[16]. Elle constitue la semelle des Préalpes et est préservé à des degrés variables : sous forme d'une nappe à la stratigraphie cohérente et incomplète ou sous une forme plus chaotique assimilable à un mélange.

Il affleure très faiblement sur la bordure externe des Préalpes du Chablais[note 3]. Le Barrémien affleure notamment entre Saint-Gingolph et le Bouveret[17],[18],[19],[20]. Il est ensuite absent jusqu'aux collines du Faucigny ou dissimulé par l'importance couches de dépôt quaternaire. L'extrémité septentrionale des collines du Faucigny est constitué d'une série stratigraphique tronquée mais plus développé entre l'Oxfordien et le Coniacien[21].

L'ultrahelvétique affleure principalement le long de la bordure interne des Préalpes du Chablais, dans la zone des Cols. Il sert de transition avec le massif du Giffre et les dents du Midi vers le sud. Il présente un apsect plus chaotique incorporant des olistolites des différentes nappes préalpines[8].

Nappe des Voirons

La nappe des Voirons est restreinte à la bordure externe du massif du Chablais et est entièrement composé d'un flysch : le flysch des Voirons. Le flysch des Voirons est initialement décrit comme faisant partie du flysch ultrahelvétique[22]. Il est individualisé en 1976 et rattaché à la nappe du Gurnigel sur la base de critères biostratigraphiques et pétrographiques[23]. La nappe du Gurnigel est alors composée 4 flyschs distincts (Voirons, Gurnigel, Schlieren et Wägittal, respectivement d'ouest en est). À l'occasion d'une révision stratigraphique dans les années 2010, les différents flyschs sont individualisés et considérés comme autant de nappes équivalentes[24].

Les Voirons, le mont de Vouan et les sommets secondaires (Tête de Char) ceinturant les versants nord et ouest de la vallée verte, ainsi que les collines d'Allinges constituent les principales reliefs de cette nappe[25]. De par sa position structurale basse, elle forme des sommets de faible altitude et de morphologie douce en raison de la nature siliciclastique des roches (grès, marnes). Quelques parois sont présentes. Les plus importantes sont celles du mont de Vouan auxquels se rajoutent celles sous la crête des Voirons et de la Maladières mais invisibles dans le paysage en raison de la forte couverture forestière.

La nappe des Voirons est charriée sur des écailles de flyschs subalpins et de molasse charriée qui forment la moitié inférieure du versant nord des Voirons[26]. Vers l'est, le contact disparait sous l'épaisse série de dépôts glaciaires quaternaires[25]. La nappe est à son tour charrié par la nappe des Préalpes médianes dont le contact est plus ou moins parallèle au lit du Foron puis remonte vers le sommet de Targaillan (1 233 m) puis se perd à son tour sous les dépôts quaternaires dans le Bas-Chablais et sur le plateau de Gavot. Le contact réapparait finalement à Saint-Gingolph, côté Suisse[25].

Les dépôts sont interprétés comme des dépôts marins profonds issus de courants de densité ou turbidites s.l.[27] et alimentés par l'érosion des unités briançonnaises à apuliennes imbriquées dans le prisme orogénique et constituant la chaine alpine en formation[28]. Le flysch des Voirons est subdivisé en 3 formations[25] : le grès des Voirons, le conglomérat du Vouan et la marne de Boëge auquel se rajoute une unité au statut indéfini, le grès du Bruant. Cette dernière est considéré comme succédant stratigraphiquement à la marne de Boëge, soit comme un dédoublement tectonique du grès des Voirons. La série débute au Lutétien[29], voire l'Yprésien, par une accumulation sableuse parfois métrique, construisant un cône sous-marin (grès des Vorons). Au cours du Lutétien, les apports sont brutalement plus massifs et plus grossiers avec la mise en place d'une épaisse série conglomératique (conglomérat du Vouan)[25]. Cette accumulation s'interrompt brutalement et cède la place à un intervalle marneux entrecoupée par des bancs de grès fins peu épais (marne de Boëge)[25]. Dans l'hypothèse où le grès du Bruant serait une unité stratigraphique surmontant la marne de Boëge, elle indiquerait le retour à une sédimentation gréseuse.

Son origine paléogéographique est débattue. Certains lui attribuent une origine sud téthysienne mais de récents travaux tendent à lui attribuer une origine valaisanne c'est-à-dire nord téthysienne.

Nappe des Préalpes médianes

La nappe des Préalpes médianes (plastiques et rigides) constitue la majeure partie de l'édifice préalpin. De par leur position structurale dans les Préalpes et leur épaisseur, elles comportent une grande partie des sommets supérieures à 2 000 m à l'image de la dent d'Oche. Les Préalpes médianes correspondent aux couvertures sédimentaires issues du micro-continent (et domaine) briançonnais. Il s'agit de dépôts carbonatés de plateforme (Préalpes médianes rigides) et du bassin marginal (Préalpes médianes plastiques). La différence réside dans la plus forte proportion d'intervalles marneux dans les Préalpes médianes plastiques liée à leur plus grande profondeur de dépôt. Cette teneur en marnes confère par ailleurs à cette dernière une plus grande plasticité qui apparaît régulièrement plissée en une succession de plis synclinaux et anticlinaux. Par opposition, la faible teneur en niveaux marneux dans les Préalpes médianes rigides favorise une déformation cassante qui se manifeste par une forte proportion de plans de faille. Les dépôts sont datés entre le Trias avec les niveaux évaporitiques qui furent exploités à Armoy et les niveaux de flysch de l'Éocène moyen qui affleurent sporadiquement.

Le socle cristallin correspond de nos jours à un ensemble d'unités incluant la nappe Siviez-Mischabel.

Nappe de la Brèche

La nappe de la Brèche affleure dans une bande débutant au Praz de Lys et traversant Châtel. De par sa position structural élevée et sa lithologie, la nappe de la Brèche compose le sommet le plus élevé du massif du Chablais : le mont de Grange. La nappe correspond à la transition entre les domaines briançonnais et piémontais. La majeure partie des dépôts se sont par ailleurs déposés lors de la phase de rifting de la Téthys alpine (sédimentation syn-rift). Elle se caractérise par d'importantes accumulations de brèche scindées en deux unités géologiques (brèches inférieure et supérieure) et séparés par des dépôts fins schisteux. La série sédimentaire débute au Trias et se poursuit jusqu'aux flyschs éocènes. Son socle cristallin correspond au mont Rose.

Nappe supérieure des Préalpes

La nappe supérieure des Préalpes constitue la partie sommitale du massif du Chablais. Toutefois en raison de leur forte sensibilité à l'érosion, ils sont uniquement préservés de nos jours au cœur des plis synclinaux. Cette unité est constituée d'une superposition de quatre flyschs qui sont de bas en haut : le flysch de la Sarine, le flysch de la Dranse, le flysch de la Simme et le flysch des Gets. Ces différentes unités sont des dépôts silico-clastiques marins profonds et déposés par des courants de densités ou turbidites s.l.. Ils ont été déposés le long de la marge sud téthysienne et constituent par ailleurs les premières unités emportées dans la subduction et donc dans le prisme d'accrétion. Ces flyschs affleurent très mal et sont généralement couverts par des prairies. Ils sont par ailleurs sujet régulièrement à des glissements de terrain. Selon les interprétations, la nappe du Gurnigel est parfois associée à la nappe supérieure des Préalpes et plus particulièrement au flysch de la Sarine.

Mélanges préalpins

Histoire géologique du massif du Chablais

Sédimentation dans la Téthys alpine

Fermeture de la Téthys alpine et décollement des nappes

Accumulation dans le prisme d'accrétion sédimentaire

Stade glaciaire

Structures géomorphologiques

Notes et références

Notes

  1. Par convention, les figurés avec triangles désignent les plans de chevauchement. Les triangles étant toujours situés sur l'unité chevauchante.
  2. D'un point de vue géologique, la partie occidentale des Préalpes suisses, à savoir les Préalpes vaudoises, fribourgeoises et bernoises sont décrites comme un ensemble cohérent.
  3. Par convention, les domaines internes sont ceux situés le plus au sud tandis que les domaines externes sont localisés au nord.

Références

  1. a et b Christian Caron, « Survol géologique des Alpes occidentales », Bulletin de la Société Fribourgeoise des Sciences Naturelles, vol. 62,‎ , p. 73-81 (DOI 10.5169/seals-308499 Accès libre).
  2. (en) Mark R. Handy, Stefan M.R. Schmid, Romain Bousquet, Eduard Kissling et Daniel Bernoulli, « Reconciling plate-tectonic reconstructions of Alpine Tethys with the geological–geophysical record of spreading and subduction in the Alps », Earth-Science Reviews, vol. 102,‎ , p. 121-158 (DOI 10.1016/j.earscirev.2010.06.002 Accès payant).
  3. Jon Mosar, « Géologie structurale dans les Préalpes Médianes (Suisse) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 84, no 3,‎ , p. 689-725 (DOI 10.5169/seals-166793 Accès libre).
  4. a et b (en) Jon Wissing et Adrian O. Pfiffner, « Structure of the eastern Klippen nappe (BE, FR) : implications for its Alpine tectonic evolution », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 95, no 3,‎ , p. 381-398 (DOI 10.5169/seals-168966 Accès libre).
  5. a et b Robert Vial, Daniel Jamier et Philippe Olive, « Adaptation de la morphologie quaternaire à la structure tectonique dans la région du Bas-Chablais (Haute-Savoie) », Revue de géographie alpine, vol. 64, no 1,‎ , p. 79-92 (DOI 10.3406/rga.1976.2033 Accès libre).
  6. (en) Nicolas Bellahsen, Frédéric Mouthereau, A. Boutoux, M. Bellanger, O. Lacombe, L. Jolivet et Y. Rolland, « Collision kinematics in the western external Alps », Tectonics, vol. 33, no 6,‎ , p. 1055-1088 (DOI 10.1002/2013TC003453 Accès payant).
  7. Jean-Piere Uselle, Contribution à l’étude géologique de la partie nord du Massif de Sixt - Haute Savoie - France, Université Joseph-Fourier - Grenoble I, , 63 p. (lire en ligne Accès libre).
  8. a b et c Pascal Jeanbourquin, Pascal Kindler et Stephan Dall'Agnolo, « Les mélanges des Préalpes internes entre Arve et Rhône (Alpes occidentales franco-suisses) », Eclogae Geologicae Helvetiae, vol. 85, no 1,‎ , p. 59-83 (DOI 10.5169/seals-166995 Accès libre).
  9. (en) Homewood, « Ultrahelvetic and North-Penninic flysch of the Prealps: a general account », Eclogae Geologicae Helvetiae, no 3,‎ 1977-volume=70, p. 627-641 (DOI 10.5169/seals-164633 Accès libre).
  10. (en) Pascal Kindler, Géologie des wildflyschs entre Arve et Giffre, Université de Genève, (lire en ligne Accès libre).
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