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Les Paysans

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Les Paysans
Image illustrative de l’article Les Paysans
Illustration d'Édouard Toudouze

Auteur Honoré de Balzac
Pays Drapeau de la France France
Genre Étude de mœurs
Collection La Comédie humaine
Lieu de parution Paris
Date de parution 1855
Série Scènes de la vie de campagne

Les Paysans est un roman inachevé écrit en 1844 par Honoré de Balzac. Il est publié à titre posthume en 1855 par sa veuve Évelyne de Balzac, qui a arrangé la fin du texte existant afin de lui donner l'apparence d'un récit achevé.

Un ancien général, fils d'un ébéniste parisien mais rendu célèbre par ses exploits à la bataille d'Essling et fait comte de Montcornet par Napoléon, a acquis en Bourgogne le château des Aigues et les terres qui l'entourent, près de la petite sous-préfecture (imaginaire) de La Ville-aux-Fayes. Entiché d'ancienne aristocratie (il a épousé une Troisville et rêve d'être reçu pair de France), le comte voudrait, pour complaire à sa femme, renouer avec les fastes d'avant la Révolution en régnant sur un grand domaine prospère et bien géré, en comptant pour cela sur son autorité de militaire.

L'intrus va voir se liguer sourdement contre lui toute la société campagnarde, depuis les notables ruraux encore plus rapaces que les bourgeois des grandes villes, jusqu'aux plus misérables tenanciers, qui ne cessent de le voler sans vergogne. De cette épreuve de force, le comte de Montcornet sortira brisé. Le garde Michaud, son seul vrai fidèle, est assassiné. Le meurtrier est protégé par la loi du silence. Le comte lui-même est menacé de mort. Il vend les Aigues. Le domaine sera morcelé, le château démoli.

Le nom « La Ville-aux-Fayes » évoque celui de la bourgade de Villers-la-Faye, en Côte-d'Or. Toutefois, Balzac présente La Ville-aux-Fayes comme une sous-préfecture située « à cinquante lieues de Paris environ, au commencement de la Bourgogne », et spécifie que le paysage est dominé par les premières hauteurs du Morvan : ces indications correspondent précisément à la ville d'Avallon.

Principaux personnages

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  • Le général comte de Montcornet, fils d'artisan et héros militaire anobli par Napoléon.
  • La comtesse de Montcornet son épouse, née de Troisville.
  • Émile Blondet, amant de la comtesse.
  • Gaubertin, ex-régisseur congédié par le comte, mais devenu maire de La Ville-aux-Fayes.
  • Sibilet, le nouveau régisseur qui complote contre son maître.
  • Lupin, notaire.
  • Rigou, usurier rural.
  • Soudry, ex-gendarme.

Tel qu'il nous est parvenu, ce gros roman ne représente guère que l'introduction (le tiers, une petite moitié au mieux) de l'ouvrage que Balzac avait en tête. Dans sa dédicace à P. S. B. Gavault, son avoué, l'auteur affirme avoir « pendant huit ans, cent fois quitté, cent fois repris ce livre, le plus considérable de ceux que j'ai résolu d'écrire » et en explicite l'idée centrale : dans la paysannerie (« ce Robespierre à une tête et à vingt millions de bras »), la Révolution a réveillé des forces qui finiront par dévorer ceux qui en avaient été les initiateurs et les premiers bénéficiaires, les bourgeois.

Dans ce livre, le portrait que Balzac trace des paysans est d'une remarquable noirceur : des êtres brutaux et alcooliques, sans morale, presque totalement déchristianisés, mais calculateurs et vindicatifs. Le contraste est net avec Le Médecin de campagne (1833), où Balzac les dépeignait comme frustes et ignorants mais perfectibles.

Cette position pessimiste, révélatrice du tournant conservateur « trône et autel » de Balzac vers la fin de sa carrière, entre en collision avec la tendance alors dominante de la littérature romantique à idéaliser le monde rural, notamment avec les premiers romans campagnards de George Sand (néanmoins amie de Balzac), dans le sillage du rousseauisme. À la fin des Paysans, Émile Blondet, contemplant la déchéance du château des Aigues et de son parc transformé en misérable hameau agricole, s'exclame : « Voilà le progrès ! C'est une page du Contrat social de Jean-Jacques ! »

L'historien populiste Jules Michelet s'est scandalisé de cette présentation. Il apparaît cependant que Balzac était assez bien renseigné sur les conflits sociaux dans les régions rurales de l'Yonne où se déroule le roman : ce département semble avoir été, sous la monarchie de Juillet, le cadre d'une « guérilla » entre paysans et grands propriétaires, marquée par de nombreux incendies criminels et assassinats de gardes forestiers[1].

Bibliographie

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  • Henri Bachelin, « Les Paysans, critique du texte de Balzac », Mercure de France, , no 618, p. 642-671.
  • Pierre Barbéris, « Notes sur une édition récente des Paysans », Revue d’histoire littéraire de la France, 1965, no 65, p. 494-502.
  • Thierry Bodin, « Généalogie de la médiocratie dans Les Paysans », L'Année balzacienne, 1978, nos 91-101.
  • Thierry Bodin, « L’Accueil aux Paysans : de l’anathème à la gloire », L’Année balzacienne, 1977, nos 241-266.
  • Thierry Bodin, « L’Arcadie n’est pas en Bourgogne ou Balzac, Les Paysans et Paul Louis, vigneron », Stendhal-Balzac. Réalisme et cinéma, Grenoble, PU de Grenoble, 1978, p. 67-82.
  • Thierry Bodin, « Le Neveu de Rameau et Les Paysans », L’Année balzacienne, 1968, nos 414-422.
  • Denise Brahimi, « Paysage et politique dans deux romans, Les Paysans de Balzac et Le Conservateur de Nadine Gordimer », Compar(a)ison: An International Journal of Comparative Literature, 1998, no 2, p. 93-107.
  • Nicole Célestin, « Balzac et la chronique tourangelle : Tours, Mère, Le Lys et Les Paysans », L’Année balzacienne, Paris, Garnier Frères, 1965, p. 121-129.
  • (en) Ione Crummy, « The Subversion of Gleaning in Balzac’s Les Paysans and in Millet’s Les Glaneuses », Neohelicon, 1999, no 26, vol. 1, p. 9-18.
  • Jean-Hervé Donnard, « À propos des Paysans : Touraine et Bourgogne »,Stendhal-Balzac. Réalisme et cinéma, Grenoble, PU de Grenoble, 1978, p. 59-64.
  • Jean-Hervé Donnard, « À propos des Paysans : fictions et réalités », Cahiers de l’Association Internationale des études françaises, 1963, no 15, p. 341-348.
  • René Durr, « À propos de l’Yonne dans Les Paysans de Balzac », Stendhal-Balzac. Réalisme et cinéma, Grenoble, PU de Grenoble, 1978, p. 83-88.
  • Peter Fitting, « Effet esthétique, effet idéologique : lectures de Balzac, Les Paysans », Le Roman de Balzac. Recherches critiques, méthodes, lectures, Montréal, Didier, 1980, p. 185-194.
  • Francois Jacolin, « Les Paysans et l’état social des campagnes de l’Yonne sous la Restauration », L’Année balzacienne, 1974, nos 133-150.
  • (en) Fredric Jameson, « The Political Unconscious », The Novel: An Anthology of Criticism and Theory, 1900-2000, Malden, Blackwell, 2006, p. 413-433.
  • Patricia Kinder, « Balzac, la Gazette de France et Les Paysans », L’Année balzacienne, 1973, nos 117-143.
  • Pierre Laforgue, « Le communisme aux champs, ou Sand, Balzac et le roman des paysans (1844-1846) (enjeux politiques et poétiques) », George Sand Studies, 2006, no 25, p. 98-115.
  • Jean-Pierre Leduc-Adine, « Paysan de dictionnaire, paysan de roman ou un modèle textuel pour une représentation sociale de la paysannerie au milieu du XIXe siècle », Au bonheur des mots. Mélanges en l’honneur de Gérald Antoine, Nancy, PU de Nancy, 1984, p. 91-106.
  • Pierre Macherey, « Histoire et roman dans Les Paysans de Balzac », Sociocritique, Paris, Nathan, 1979, p. 137-146.
  • (en) James W. Mileham, « Group Names in Balzac’s Les Paysans », Romance Notes, hiver 1982, no 23, vol. 2, p. 140-145.
  • Marianne Milhaud, « Les Paysans », Europe, 1965, nos 429-430, p. 286-288.
  • A. Namaan, « Une lecture “tiers-mondiste“ des Paysans de Balzac », International Perspectives in Comparative Literature: Essays in Honor of Charles Dédéyan, Lewiston, Mellen, 1991, p. 81-95.
  • Paule Petitier, « Les Paysans, une anamorphose de La Comédie humaine », Balzac, Œuvres complètes. Le moment de « La Comédie humaine », Saint-Denis, PU de Vincennes, 1993, p. 269-279.
  • (en) Roddey Reid, « Realism Revisited: Familial Discourse and Narrative in Balzac’s Les Paysans », MLN, , no 103, vol. 4, p. 865-886.
  • Vicomte de Spoelberch de Lovenjoul, La Genèse d'un roman de Balzac. « Les Paysans ». Lettres et fragments inédits, lib. Paul Ollendorff, Paris, 1901. Lire en ligne.
  • Sigbrit Swahn, Le Pourquoi du récit. Étude d’un roman inachevé de Balzac, « Les Paysans », Uppsala, Uppsala University, 1999.
  • Sigbrit Swahn, « Poétique des Paysans : l’anti-idylle dans un roman de Balzac », L’Année balzacienne, , no 20, vol. 1, p. 217-227.
  • Michael Tilby, « Sur quelques éléments intertextuels des Paysans : Balzac, Walter Scott et Théophile Gautier », L’Année balzacienne, 2001, no 2, p. 283-304.
  • Isabelle Weill, « Balzac auteur médiéval satirique dans Les Paysans », Annuaire de la Société Internationale Renardienne, 1997, no 10, p. 181-195.

Références

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Liens externes

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