Transparentalité

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Grossesse transgenre)
Zack Elías et Diane Rodríguez avec leur fille

La transparentalité est un type familial dans lequel au moins un des parents est transgenre. La parentalité concerne une très grande partie de la population trans, qui devient généralement parente avant d'entamer sa transition. Pour les personnes trans qui deviennent parent post-transition, les modalités concrètes (adoption, conception par relation sexuelle, par autoconservation ou don de gamètes, gestation pour autrui) du devenir parent dépendent non seulement des possibilités biologiques des couples, mais aussi de la légalité ou non des techniques d'aide à la procréation du pays considéré.

La transphobie et l'homophobie sont des obstacles à l'accès à la parentalité des personnes trans, que ce soit par l'existence de lois ou pratiques discriminantes, comme l'obligation d'effectuer des chirurgies stérilisantes pour pouvoir effectuer un changement d'état civil, mais aussi en altérant la confiance en soi et les conditions matérielles d'existence.

Démographie[modifier | modifier le code]

Dans une étude française réalisée en 2014, 49% des participants trans sont parents avant la transition et 14% souhaitent le devenir après[1],[2]. Une autre étude réalisée en 2011 sur plus de six mille personnes trans et non-conformes de genre en 2011, montre un pourcentage de 38% de parents dont près de la moitié avec un enfant actuellement à charge[3].

Plus la transition est tardive dans la vie d'une personne trans, plus celle-ci a de chances d'être parent[3].

Rapport des personnes trans à la parentalité[modifier | modifier le code]

La transphobie rend l'accès à la parentalité complexe ; en plus des nombreux pays où le changement de genre à l'état civil ne peut se faire qu'après avoir effectué une chirurgie stérilisante[4], de nombreuses personnes trans ne se retrouvent en position suffisamment stable à leurs yeux que tard dans leur vie et la violence subie diminue leur confiance en eux, et a fortiori en leur capacité à être parents[5].

Formes de transparentalité[modifier | modifier le code]

Transition après la naissance[modifier | modifier le code]

Une étude de 2006 réalisée aux États-Unis sur 27 parents trans montre un très long temps entre le premier coming out trans, réalisé auprès du ou de la conjointe, et la transition effective, avec une moyenne d'une période de neuf ans et demi ; un long temps entre le coming out et la transition est corrélé avec des relations plus difficiles entre le parent trans et ses enfants[6]. La transition est une période de fréquente rupture entre les parents, qui s'accomagne dans 30% des cas d'une tentative du partenaire cis d'éloigner les enfants du parents trans[3]. Toutefois, l'existence d'une relation conflictuelle entre les parents n'est pas corrélée avec des difficultés dans la relation parent-enfant, que ce soit le parent trans ou le parent cis[6].

Adoption[modifier | modifier le code]

Conception post-transition[modifier | modifier le code]

Lois sur le changement légal d'identité des personnes trans par pays.
  • Changement légal d'identité, sans chirurgie obligatoire
  • Changement légal d'identité, chirurgie obligatoire
  • Absence de changement légal d'identité
  • Inconnu/ambigu

Les conditions de conception pour les personnes trans dépendent à la fois de leur propre identité de genre et de celle de leur partenaire, qui influe les techniques médicales qu'elles peuvent utiliser, mais aussi des contraintes légales de leur pays, qui limitent l'accès à ces techniques, soit à tous, soit spécifiquement aux personnes trans et/ou aux couples homosexuels.

En particulier, de nombreux pays ont ou continuent à exiger une stérilisation ou une chirurgie de réassignation sexuelle stérilisante comme condition nécessaire à un changement de la mention de sexe à l'état civil[4].

Don de sperme[modifier | modifier le code]

Dès le milieu des années 1990 en France, les couples hétérosexuels formés d'un homme trans et d'une femme cis peuvent avoir accès au don de sperme et à la procréation médicalement assistée, à condition que ce soit la conjointe qui accouche ; c'est le cas notamment à l'hôpital Cochin[7]. Un protocole de soin particulier, confié à la SoFECT, a cependant été utilisé dans cet hôpital pour diagnostiquer et trier les couples et les futurs pères qui pouvaient avoir accès à cette procédure[8],[9].

Autoconservation des gamètes[modifier | modifier le code]

En ce qui concerne la conservation des gamètes des personnes trans, les standards de soins de l'Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres recommandent d’assurer la possibilité de l’auto-conservation des gamètes avant toute transformation, et la loi française prévoit que « toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité (...) peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux ».

Les femmes trans peuvent ainsi faire le choix pré-transition de conserver leur sperme ; toutefois l'utilisation de ces gamètes avec leur conjointe cis ou leur conjoint trans n'est pas toujours possible : si elle est par exemple réalisable en Belgique, ce n'est pas le cas de la France qui impose l'usage du sperme d'un donneur tiers[10],[11].

Réception d'ovocyte du partenaire[modifier | modifier le code]

La réception d'ovocyte de la partenaire (ROPA) est une technique qui permet, dans le cadre de la transparentalité, qu'un homme trans puisse donner ses ovocytes tandis que sa ou son partenaire réalise la grossesse ou, inversement, qu'il soit enceint avec l'ovocyte de son ou de sa conjointe[12].

Si de nombreux pays interdisent directement cette technique, notamment en France[13], ceux qui l'autorisent, États des États-Unis, le font à la fois pour les couples lesbiens et les hommes trans[14]. La possibilité pour le donneur d'ovocytes d'être le parent légal dès la naissance de l'enfant n'est toutefois pas possible dans tous les endroits où la ROPA est autorisée[14].

Grossesse d'hommes trans[modifier | modifier le code]

Zack Eliaz posant enceint aux côtés de Diane Rodríguez

Si la prise de testostérone diminue la fertilité, elle n'est toutefois pas contraceptive et n'empêche ainsi pas des hommes trans de tomber enceint suite à des rapports sexuels s'ils ont pu préserver leurs ovaires et leur utérus[15],[16] . Si des cas de grossesses involontaires sont documentés[17], plusieurs pays, dont la France, excluent les hommes trans des parcours de procréation médicalement assistés[18].

Même si ces grossesses sont possibles, elles s'accompagnent souvent de difficultés administratives ; ainsi, en Belgique et au Royaume-Uni, les hommes trans qui mettent au monde un enfant sont considérés comme des « mères » à l’état civil[7],[19].

Médiatisation de grossesses[modifier | modifier le code]

Matt Riz, un homme transgenre, a enfanté un fils nommé Blake en [20] grâce aux dons de sperme de trois amis cisgenres au cours d'une relation avec l'écrivain transgenre Pat Califia.

Thomas Beatie, un autre homme trans, a donné naissance à trois enfants. Il a choisi de devenir enceint après l'annonce de la stérilité de sa femme Nancy, grâce à un don de sperme cryogénique et une seringue ; le processus global ayant été réalisé à la maison. Thomas a écrit un article sur l'expérience dans The Advocate[15]. The Washington Post a développé l'histoire le , quand le blogueur Emil Steiner a appelé Beatie le premier homme « légalement » enceint[21], en référence à certains états ayant reconnu juridiquement Beatie en tant qu'homme[22],[15]. En 2010, le Guinness World Records a reconnu Beatie comme le « First Married Man to Give Birth » (premier homme marié à accoucher)[23]. Beatie a donné naissance à une fille nommée Susan Juliette Beatie, le [24],[25]. Barbara Walters a annoncé la deuxième grossesse de Beatie sur The View[26], et Beatie a donné naissance à un garçon nommé Austin Alexander Beatie, le [27]. Beatie a donné naissance à son troisième enfant, un garçon, nommé Jensen James Beatie, le [28],[29].

Yuval Topper, un homme transgenre israélien, a donné naissance à un enfant le [30].

Représentations culturelles[modifier | modifier le code]

Le , la nouvelle norme 14.0 d’Unicode est approuvée. Parmi les nouveaux émojis ajoutés se trouvent ceux d’une personne enceinte et d’un homme enceint[31].

Grossesse de femmes trans[modifier | modifier le code]

La question théorique de la grossesse extra-utérine pour les personnes n'ayant pas d'utérus et notamment les femmes trans, a été abordée par les spécialistes du domaine de la médecine, qui soulignent que la notion d'implantation extra-utérine, bien que théoriquement plausible, n'a jamais été tentée et qu'il serait difficile de la justifier, même pour les femmes cisgenres, en raison des risques encourus pour la santé de la mère et de l'enfant[32],[33].

Robert Winston, l'un des pionniers de la fécondation in vitro, pense que celle-ci peut se faire via l'implantation d'embryon dans l'abdomen ; le placenta étant attaché à un des organes internes tel que le côlon et, plus tard, livré par césarienne[34],[35],[36]. L'implantation d'embryon extra-utérine le long de la paroi abdominale, et ainsi la croissance du placenta, pourrait cependant être très dangereuse et potentiellement mortelle à l'accouchement ; il est donc peu probable qu'elle soit étudiée chez l'être humain[34],[37].

En Inde en 2022, la greffe d'un utérus sur une femme trans est en projet[38].

Gestation pour autrui[modifier | modifier le code]

Dans les pays où la gestation pour autrui est légale (en), celle-ci peut être limitée aux couples hétérosexuels, excluant ainsi les femmes trans lesbiennes ; c'est notamment le cas de l'Ukraine[39].

Études sur les enfants de familles transparentales[modifier | modifier le code]

Une étude réalisée par Petra de Sutter en 2014 auprès de personnes trans démontre que la situation de transparentalité n’influence pas négativement le développement d’un enfant : ll n’y a aucune constatation de trouble au niveau du développement sexuel ou de l’identité de genre des enfants issues de ces familles[1].

Représentations[modifier | modifier le code]

Le roman Detransition, Baby parle notamment de la quête de maternité d'une femme trans[40].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Laurence Hérault (dir.), La parenté transgenre, Aix-Marseille, Presses universitaires de Provence, col. « Penser le genre », 2014, 146 p., (ISBN 978-2-85399-932-8).
  • Hérault, Laurence. « Transparentalités contemporaines », Mouvements, vol. 82, no. 2, 2015, p. 106-115.
  • Fortier Corinne, « Transparentalité : vécus sensibles de parents et d’enfants (France, Québec) », Enfances Familles Générations, no 23,‎ (lire en ligne)
  • Martine Gross et Marie-France Bureau, « L’homoparentalité et la transparentalité au prisme des sciences sociales : révolution ou pluralisation des formes de parenté ? », Enfances, Familles, Générations, no 23,‎ , i–xxxvii (lire en ligne)
  • Jean-Baptiste Marchand, « La transparentalité, une nouvelle façon d’être parent », Dialogue, vol. 216, no 2,‎ , p. 105-117
  • Elisabetta Ruspini (dir.), Monoparentalité, homoparentalité, transparentalité en France et en Italie, Paris, L'Harmattan, , 222 p. (ISBN 978-2-296-13627-4)
  • Patricia, Porchat, « Transidentité, non-binarité et parentalité. De quoi parle-t-on ? », Recherches en psychanalyse, 2020/2 (No 30), p. 122-130.[lire en ligne]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Jean-Baptiste Marchand, « La transparentalité, une nouvelle façon d’être parent: », Dialogue, vol. n° 216, no 2,‎ , p. 105–117 (ISSN 0242-8962, DOI 10.3917/dia.216.0105, lire en ligne, consulté le )
  2. Alain Giami, « Procréation et parentalité dans la population trans’ », dans La parenté transgenre, Presses universitaires de Provence, (lire en ligne), p. 93–105
  3. a b et c (en) Jaime M. Grant, Lisa A. Mottet, Justin Tanis, Jack Harrison, Jody L. Herman, Mara Keisling, National Center for Transgender Equality et National Gay and Lesbian Task Force, Injustice at Every Turn : A Report on the National Transgender Discimination Survey, (lire en ligne)
  4. a et b (en) Carla A Pfeffer, « Trans Pregnancy: An International Exploration of Transmasculine Practices of Reproduction », Law and Policy Review,‎ (lire en ligne)
  5. (en) Claire Brown, « Exploring trans people’s experiences of adoption and fostering in the United Kingdom: A qualitative study », International Journal of Transgender Health, vol. 22, nos 1-2,‎ , p. 89–100 (ISSN 2689-5269, PMID 33899048, PMCID PMC8040684, DOI 10.1080/26895269.2020.1867396, lire en ligne, consulté le )
  6. a et b (en) Tonya White et Randi Ettner, « Adaptation and adjustment in children of transsexual parents », European Child & Adolescent Psychiatry, vol. 16, no 4,‎ , p. 215–221 (ISSN 1018-8827 et 1435-165X, DOI 10.1007/s00787-006-0591-y, lire en ligne, consulté le )
  7. a et b Florian Bardou, «En France, on a complètement mis de côté la filiation des personnes trans», sur Libération (consulté le )
  8. Florian Bardou, «En France, on a complètement mis de côté la filiation des personnes trans», Libération, (consulté le ) : « En plus de divers entretiens habituels, il y avait, avant de démarrer la procédure, un entretien avec un psychiatre spécialiste des questions de «transsexualisme». Le Cecos de Cochin a également mis en place un suivi périodique, tous les deux ans, des enfants nés de ces couples. Ce protocole expérimental a duré plus d’une dizaine d’années mais a ensuite été critiqué en interne car des voix le jugeaient discriminant et il a été abandonné récemment. »
  9. Louise Fessard, « PMA: le projet de loi oublie les personnes transgenres », sur Mediapart,  : « La psychiatre Colette Chiland, très contestée pour son approche psychiatrisante du genre et des transidentités, avait mis en place un protocole particulier, imposant à ces couples un entretien supplémentaire avec « un psychiatre ayant l’expérience du transsexualisme ». Un suivi des enfants ainsi conçus fut également proposé. Selon l’Académie de médecine, les premiers résultats « ont montré que les hommes affirmaient une identité de père et se comportaient comme tels » et que « le développement psychomoteur des enfants ne montrait pas de perturbation majeure ni de trouble de l’identité de genre ». Ouf ! pas de trouble dans le genre… »
  10. Marie Mesnil, « L’autoconservation de gamètes : nouvelle donne ou nouveaux dons ?: », Journal du Droit de la Santé et de l’Assurance - Maladie (JDSAM), vol. N° 32, no 2,‎ , p. 37–43 (ISSN 2269-9635, DOI 10.3917/jdsam.222.0037, lire en ligne, consulté le )
  11. Rozenn Le Carboulec, « Jena, activiste trans et mère : « C’est fatigant d’être toujours la minorité sacrifiée » », sur Mediapart (consulté le )
  12. Phoebe Greenwald, Bethany Dubois, Jovana Lekovich et John Henry Pang, « Successful In Vitro Fertilization in a Cisgender Female Carrier Using Oocytes Retrieved From a Transgender Man Maintained on Testosterone », AACE Clinical Case Reports, vol. 8, no 1,‎ , p. 19–21 (ISSN 2376-0605, PMID 35097196, PMCID 8784719, DOI 10.1016/j.aace.2021.06.007, lire en ligne, consulté le )
  13. « La méthode ROPA est-elle autorisée en France ? », sur Assistance médicale à la procréation (consulté le )
  14. a et b (en-US) « What You Don’t Know About LGBTQ+ Family Making | RESOLVE: The National Infertility Association », (consulté le )
  15. a b et c Thomas Beatie, « Labor of Love: Is society ready for this pregnant husband? ».
  16. (en) « Can transgender men get pregnant? », sur www.plannedparenthood.org (consulté le )
  17. (en) Juno Obedin-Maliver et Harvey J Makadon, « Transgender men and pregnancy », Obstetric Medicine, vol. 9, no 1,‎ , p. 4–8 (ISSN 1753-495X et 1753-4968, DOI 10.1177/1753495X15612658, lire en ligne, consulté le )
  18. « L’exclusion des hommes transgenres de la PMA jugée conforme par le Conseil constitutionnel », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  19. (en-US) « Transgender parents conceiving children », sur NGA Law (consulté le )
  20. NNDB Pat Califia http://www.nndb.com/people/573/000118219/
  21. Thomas Beatie: The First Man to Give Birth?
  22. Labor of Love website.
  23. «First Married Man to Give Birth », Guinness World Records 2010 edition, page 110.
  24. (en) « The Pregnant Man Gives Birth », sur PEOPLE.com, (consulté le )
  25. (en) James Orr, « 'Pregnant man' transsexual American Thomas Beatie has given birth to a baby girl », sur the Guardian, (consulté le )
  26. « Pregnant man pregnant again ». www.meeja.com.au. 2008-11-14.
  27. « 'Pregnant Man' Gives Birth Again ».
  28. "First known transgender man to give birth delivers third child". perth now. 2010-08-03.
  29. (en) Wendy Carpenter, « ‘Pregnant man’ Thomas Beatie splits from wife », sur yahoo.com, Yahoo Entertainment, (consulté le ).
  30. (en) Neri Brener, « Israeli man gives birth », Ynetnews,‎ (lire en ligne, consulté le )
  31. (en) « Why Is There a Pregnant Man Emoji? », sur Emojipedia, (consulté le )
  32. William Leith (2008-04-10).
  33. Dick Teresi (1994-11-27).
  34. a et b "Babies borne by men 'possible'".
  35. Meryl Rothstein (2005-07-31).
  36. « Men can have babies; Study still in infancy though: Expert ».
  37. (en-US) David Mikkelson, « Male Pregnancy », sur Snopes.com, (consulté le )
  38. « Inde une femme transgenre va se faire greffer un utérus », sur RTL, (consulté le )
  39. Delphine Lance et Jennifer Merchant, « Réglementer les corps : la gestation pour autrui en Ukraine et aux États-Unis: », Les Cahiers de la Justice, vol. N° 2, no 2,‎ , p. 231–247 (ISSN 1958-3702, DOI 10.3917/cdlj.1602.0231, lire en ligne, consulté le )
  40. (en-US) Crispin Long, « The Insider Insights of “Detransition, Baby” », The New Yorker,‎ (ISSN 0028-792X, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes[modifier | modifier le code]