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Kalâm

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Le Kalām (arabe : كلام, 'ilm al-kalām, « discussion, dialectique ») signifie dans son premier aspect une des sciences religieuses de l'islam faisant référence à la recherche de principes théologiques à travers la dialectique et l'argumentation rationnelle[1]. Elle est parfois confondue avec l'idée de théologie islamique ou théologie musulmane, c'est-à-dire l'utilisation du discours rationnel à propos des choses divines. Inspirée par la philosophie grecque, dont elle tient cependant à se distinguer, cette démarche est pratiquée par les mutakallimins et est reconnue par certaines écoles se réclamant du sunnisme (surtout le mutazilisme et l'acharisme).

Le kalâm ou la théologie dans l'islam cherche à répondre à des interrogations concernant la théodicée, l'eschatologie, l'anthropologie, la théologie négative, le libre arbitre (qadar), et de religion comparée.

Différence entre kalâm et falsafa (philosophie)

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Bien qu'inspirée par la méthode de raisonnement rationaliste de la philosophie antique, le kalâm s'en différencie sur plusieurs points, en particulier la nature de Dieu et celle de l'âme.

Ainsi, Aristote cherche à démontrer l'Unité de Dieu, mais il considère qu'il ne peut être le créateur de l'univers. La connaissance de Dieu n'est alors qu'une extension de la connaissance de l'univers et par conséquent elle n'a nul besoin d'être le fruit d'une révélation ou prophétie. Elle peut être le fruit de la seule raison et de la seule connaissance. Or cela est contraire aux enseignements du Coran, qui insiste sur l'idée de révélation de Dieu aux hommes.

Pour les philosophes péripatéticiens de la Grèce antique, l'âme est seulement une aptitude et une capacité naturelle, qui peut atteindre d'une façon passive la perfection. Cette capacité peut, à force de vertu et par la connaissance, être qualifiée pour une union avec l'intellect et ensuite seulement être unie à Dieu. Pour admettre cette théorie, il est nécessaire de nier l'immortalité de l'âme. Ce point choque naturellement les Mutakallimins.

Différence entre kalâm et soufisme

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Pour les soufis, le savoir n'est pas une fin en soi. Le kalām, lui repose sur la raison. Le but du soufisme est de parvenir à la sainteté (walaya (en)) et la connaissance de Dieu passe par la « gustation spirituelle » (dhawq), ce qui efface les arguments de la raison et ceux venant de l'enseignement transmis par le kalām[réf. nécessaire]. En effet, le soufisme est une mystique dont le but est d'atteindre une connaissance de Dieu qui repose davantage sur le sentiment que la raison. Les soufis sont particulièrement sévères avec les théologiens de la ’ilm al-kalâm, qu'ils considèrent comme une vanité et une perte de temps.

Argument cosmologique du kalām

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Pour les raisons d'opposition à la falsafa, les mutakallimins acharites ont, avant toute chose, dû établir un système philosophique qui démontrait la création de la matière. Ils ont adopté à cette fin, à la suite des mutazilites, la théorie des atomes énoncée par Démocrite d'Abdère[2],[3]. Les atomes ont été créés par Dieu et sont recréés à chaque instant[4]. Les corps naissent ou meurent par l'agrégation ou la dislocation de ces atomes. Cependant cette théorie ne règle pas les objections philosophiques à la création de l'Univers : Si on suppose que Dieu commence "Son Œuvre" à une date définie par "Sa Volonté" et pour un "objectif précis", on doit admettre qu'il était imparfait avant son accomplissement ou avant d'atteindre "Son Objectif".[réf. nécessaire][5]

En éliminant cette difficulté les mutakallimins ont étendu au temps leurs théories sur les atomes[6]. Comme l'espace est constitué de vide et d'atomes[7], le temps est constitué d'une série de petits moments indivisibles. La création du monde une fois définie, il a été simple de montrer la nécessité du Créateur, Dieu unique, omnipotent et omniscient.[réf. souhaitée][5]

Les arguments cosmologiques du kalam sont des arguments dialectiques tirés en faveur de l'existence de Dieu. Le kalam fait appel au principe de la cause universelle d'une façon similaire à celle issue de la théologie judaïque (par exemple dans le travail de Moïse Maïmonide) et la théologie chrétienne (par exemple avec Thomas d'Aquin), en faisant appel au principe de la cause première.

L'argument cosmologique du "kalam" a été revalorisé à partir de la fin des années 1970 par le philosophe William Lane Craig[8].

Son argument se résume en deux prémisses amenant à une conclusion :

  1. Tout ce qui commence à exister a une cause de son existence.
  2. L'univers a commencé à exister.
  3. Si 1) et 2) sont vrais, alors 3) l'univers a une cause de son existence.

Pour tenter de démontrer la probabilité des deux premières prémisses, il utilise des principes métaphysiques généraux (prémisse 1), des arguments philosophiques (notamment l'impossibilité d'un nombre réellement infini d'événements passés) et scientifiques, dont la théorie du Big Bang (prémisse 2)[9].

Pour Frédéric Guillaud, avec la publication de son livre en 1979, « William Lane Craig a tiré beaucoup de philosophes de leur sommeil dogmatique kantien » et « a déclenché une avalanche d'études et rouvert des champs de réflexion que les philosophes avaient laissé en friche depuis très longtemps »[10]. Selon le philosophe Quentin Smith, "un décompte des articles dans les journaux de philosophie montre que le nombre de publications portant sur la défense de l'argument du Kalam par Craig dépasse celui de n'importe quelle autre formulation d'un argument en faveur de l'existence de Dieu par un philosophe contemporain."[11]

En réponse au mutazilisme, un courant théologique qui s'opposait à la vue de l'islam des orthodoxes de l'époque, Abou Hassan al-Achari, initialement un mutazilite lui-même, développa la méthode dite « Ilm-al-Kalâm », fondée sur la dialectique d'origine grecque et fonda ainsi l'école de pensée acharite.

Les premiers mutakallimins ont été recrutés par le chrétien Hunayn ibn Ishaq pour la Maison de la sagesse sous les califes abbassides de Bagdad. Ils ont collecté, traduit et synthétisé tout ce que le génie des autres cultures (grecque, indienne, iranienne) a pu produire, avant d'entreprendre les commentaires de ces œuvres et former les bases de la philosophie musulmane au IXe siècle et Xe siècle. Elle influencera plusieurs madhhabs.

Controverse sur le kalâm

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Le XIIe siècle voit l'apothéose de la philosophie pure (ou falsafa) d'inspiration aristotélicienne, et le déclin du kalām. Cette illustration de la philosophie se fait par contrecoup de l'œuvre du persan Al-Ghazali et du juif Juda Halevi. En critiquant les philosophes, ils ont produit par réaction un courant favorable à la philosophie par une mise en cause de leurs concepts et en rendant leurs théories plus logiques et plus claires. En ce sens, Ibn Bajjah et Averroès ont produit parmi les œuvres les plus importantes de la pensée islamique. Al-Ghazali n'est pas un fervent partisan du kalām, trop spéculatif à ses yeux. Il ne le recommande que pour convaincre ceux qui doutent, et encore, avec précaution, car l'usage de la dialectique peut selon lui insinuer dans l'esprit de nouveaux doutes[12].

À la fin du XIIe siècle, les traditionalistes s'en prennent aux philosophes comme Averroès qui est exilé, et font brûler leurs livres[13]. Le débat se poursuivra, mais en Occident, par l'intermédiaire de penseurs juifs.

Les madhhabs considèrent donc toujours aujourd'hui, avec beaucoup de circonspection, tout ce qui vient du kalām, sans pour autant le rejeter complètement. Ibnou Açakir a distingué au XIIIe siècle « le kalam blâmable, c'est le kalam des gens des passions et ce que brodent les maîtres en innovations périlleuses » (bidʻah) ; « quant au kalam qui est conforme au Coran et à la sunna, éclaircissant les vérités des fondements lorsque apparaît la zizanie, celui-là est louable chez les savants et ceux qui le connaissent, Abou Hassan al-Achari le maîtrisait et le comprenait et il a argumenté avec nombre de ceux qui ont innové, il les a laissés sans répliques jusqu'à ce qu'ils furent cassés »[14].

Des penseurs, à partir du XIXe siècle, tenteront de faire sortir le kalām de sa « sclérose »[15]. Ainsi, Mohamed Abduh[16].

Études contemporaines

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Albert Nader, universitaire, est l'auteur de plusieurs ouvrages spécialisés sur le kalâm[17].

Notes et références

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  1. Jean-René Milot, L'islam et les musulmans, éd. Fides (1993), p. 121-122, 271 pages, (ISBN 978-2762116311).
  2. Louis Gardet, M. M. Anawati et Georges C. Anawati, , J. Vrin, 1948 (lire en ligne)
  3. Mohyddin Yahiya, La pensée classique arabe. 3, L'aurore du kalâm, Université Ouverte de Catalogne, février 2010 (lire en ligne), p. 28 et suivantes.
  4. Louis Gardet, M. M. Anawati et Georges C. Anawati, Introduction à la théologie musulmane: essai de théologie comparée, J. Vrin, (lire en ligne), p. 63
  5. a et b Moise Maimonide, Le guide des égarés, Paris, Verdier, , 1315 p. (ISBN 978-2-86432-561-1), p. 386-425
  6. Mohyddin Yahiya, La pensée classique arabe. 3, L'aurore du kalâm, Université ouverte de Catalogne (lire en ligne [PDF]), p. 29-30
  7. Louis Gardet, M. M. Anawati et Georges C. Anawati, Introduction à la théologie musulmane: essai de théologie comparée, J. Vrin, (lire en ligne), p. 62
  8. William Lane Craig The Kalam Cosmological Argument. London: MacMillan. 1979.
  9. Frédéric Guillaud, Dieu existe, arguments philosophiques, Paris, Cerf, 2013, p. 209-264.
  10. Frederic Guillaud, Dieu existe, arguments philosophiques, Paris, Cerf, 2013, p. 211-212
  11. Quentin Smith, "Kalam Cosmological Argument for Atheism", in Michael Martin (ed.), The Cambridge Companion to Atheism, Cambridge University Press, 2007, p. 183: "a count of the articles in the philosophy journals shows that more articles have been published about Craig’s defense of the Kalam argument than have been published about any other philosopher’s contemporary formulation of an argument for God’s existence"
  12. Abū Hāmid al-Ghazālī, Épître de la tolérance, ch. 10, Al-bouraq, (ISBN 9791022501422), p. 77-78
  13. Roger Arnaldez, Averroès : Un rationaliste en Islam, Paris, Balland, , 233 p. (ISBN 2715811527), p. 28.
  14. Ibnou Açakir dans son livre Tabyinou kadhibi l-mouftari (L'Élucidation du Mensonge du Calomniateur) p. 337.
  15. Louis Gardet, M. M. Anawati et Georges C. Anawati, Introduction à la théologie musulmane: essai de théologie comparée, J. Vrin, (lire en ligne), p. 76 sp
  16. Louis Gardet, M. M. Anawati et Georges C. Anawati, Introduction à la théologie musulmane: essai de théologie comparée, J. Vrin, (lire en ligne), p. 85
  17. Pascal Lemmel, « Courants d’idées en islam (Nader Albert) », sur Les Cahiers de l'islam, (consulté le ).

Bibliographie

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En français

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Autres langues

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  • (en) J. Bouman, The Doctrine of 'Abd al-Jabbar on the Qur'an as the Created Word of Allah, in Verbum, Utrecht, 1964.
  • (en) William Lane Craig, Free Will and Predestination in Early Islam, London, 1948.
  • (en) R. M. Frank, « The Neoplatonism of Jahm Ibn Safwan », in Le Muséon, 1965.
  • (ar) Abu 'l-Hasan al-Ash'ari, Maqalat al-Islamiyyin, ed. Ritter, Istanbul 19t9-1930, ed. 'Abd al-Hamid, Cairo, 1950.
  • (ar) Abu 'l-Husayn al-khayyat, Kitab al-Intisar wa 'l-radd 'ala Ibn al-Rawandi al-mulhid, ed. by H.S. Nyberg with Fr. tr. by A. N. Nader, Beirut, 1957.
  • (ar) Ibn al-Murtada, Tabaqat al-Mu'tazila, ed. T. W. Arnold, Leipzig 1902, ed. Diwald-Wilzer, Wiesbaden 1961.
  • Ibn Mutahhar al-Hilli, Sharh Tadhrid al-i'tiqad, ed. Tehran.
  • (it) R. Rubinacci, La Professione di fede di al-Djannawuni in AIUON, 1964.
  • (en) J. Schacht, « New sources for the history of Muhammadan theology », in Studia Islamica, I (1953).

Articles connexes

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Liens externes

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