Emanuel Adriaenssen

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Emanuel AdriaenssenEmmanuel Adriaensen, Adriansen, Hadrianus ou Hadrianius, etc.
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La page (f. 59v) comprenant la tablature de luth et les voix de canto et d'alto de la chanson Het soude een meysken gaen om wijn, du Pratum musicum (RISM, 158412) d'Emanuel Adriaenssen, ouvrage imprimé à Anvers en 1584. Il s'agit de la première version de deux mises en musique des mêmes paroles.

Naissance entre 1540 et 1555
Anvers, Duché de Brabant
Drapeau des Pays-Bas des Habsbourg Pays-Bas des Habsbourg
Décès enterré le
Anvers, Duché de Brabant
 Pays-Bas espagnols
Activité principale luthiste
compositeur
professeur de musique
arrangeur et éditeur de musique de la Renaissance
Style Musique de la Renaissance
Lieux d'activité Anvers
République calviniste d'Anvers
Duché de Brabant
Pays-Bas espagnols
Éditeurs Pierre Phalèse
Descendants Alexander Adriaenssen

Œuvres principales

(Novum) Pratum Musicum (1584-1592-1600)

Emmanuel ou Emanuel Adriaenssen ou Emanuel Adriaensen, Adriansen, Hadrianus et Hadrianius, né à Anvers entre 1540 et 55 et enterré dans la même ville le , est un luthiste, professeur de musique et compositeur brabançon des Pays-Bas espagnols.

Biographie

Emmanuel Adriaenssen alla étudier à Rome en 1574, ce qui explique les éléments italiens dans ses publications. Protestant avant la prise de la ville d'Anvers en 1585, après celle-ci, il se vit contraint d'embrasser la foi catholique pour des raisons politiques. Avec son frère Gysbrecht, il ouvrit une école de luth à Anvers. Toutefois, en 1587, ils entrèrent en conflit avec la guilde des musiciens parce qu'aucun d'entre eux n'était membre. Plus tard, cependant, Emanuel aurait été reçu franc-maître à la guilde, car il employa parfois le titre de maître. Il fut nommé capitaine de la garde civile, une activité procurant un revenu régulier, et en 1595 il prit part à la délivrance de la ville voisine de Lierre, qui avait été occupée par la République[1].

Adriaenssen devint un bourgeois aisé qui fréquentait les milieux les plus élevés, où il faisait preuve de sa maîtrise en l'art de jouer le luth : sans aucun doute, dans les familles puissantes, on admirait sa virtuosité de luthiste et on le sollicita comme instrumentiste[1]. Dans un délai de quatre ans, il put s'acheter deux maisons au Meir à Anvers[2].

Ses publications, qui lui valurent une renommée croissante, trouvèrent le chemin vers les bibliothèques de personnes aussi illustres que Constantin Huygens, le roi Jean IV de Portugal ou le cardinal Mazarin. Adrian Denss (1594), Robert Dowland (1610), Georg Leopold Fuhrmann (1615), Jean-Baptiste Besard (1617), Wolfgang Caspar Printz (1690) et Ernst Gottlieb Baron (1727) le mentionnent comme un compositeur de musique de luth de premier plan, mais sa musique frôlerait l'excès quant à l'ornementation, raison pour laquelle il ne saurait rivaliser avec les plus grands de ses contemporains italiens, français et anglais. Il s'agit ici sans doute d'un jugement inspiré par des réflexes chauvinistes. Quoi qu'il en soit, en tant que professeur, il se trouve au premier rang, tant en raison des tablatures exceptionnelles qu'il a publiées que du fait qu'il était l'initiateur d'une école anversoise de luth qui comprenait, selon toute vraisemblance, Denss et Van den Hove[1].

Œuvre

Introduction

Les éditions du Pratum Musicum, parues à Anvers entre 1584 et 1600, eurent une influence considérable.

Il s'agit de trois éditions en tout :

  • Pratum musicum longe amoenissimum, cuius ... ambitu comprehenduntur ... omnia ad testudinis tabulaturam fideliter redacta … opus novum (Anvers, 1584, cf. RISM 158412), et réimpression en 1600 (cf. RISM 160018, « editio nova priori locupletior »),
  • Novum pratum musicum ... selectissimi diversorum autorum et idiomatum madrigales, cantiones, et moduli ... opus plane novum, nec hactenus editum (Anvers, 1592, cf. RISM 159222).

Le contenu du Pratum Musicum

Chacune des trois éditions est en tablature de luth française et se compose de cinq fantaisies, une cinquantaine de pièces vocales et une trentaine de danses[1]. Chaque édition contient environ 85 fantaisies, danses et chansons en tablature[3] de luth et comprend des pièces pour luth seul et des madrigaux pour divers luths et voix qui procurent aux musicologues une riche source d'information sur les pratiques d'exécution de la musique de la Renaissance[4].

Ces tablatures de luth françaises comprennent souvent des arrangements d'œuvres de certains des plus éminents compositeurs de cette époque : madrigaux italiens, chansons françaises et néerlandaises, motets, chansons napolitaines, fantaisies pour luth et musique de danse arrangée pour luth seul et pour luth et deux instruments mélodiques, pièces allemandes et anglaises pour luth[1].

Le style d'Adriaenssen peut se définir comme un style progressiste tendant au baroque. En raison de son ampleur et grâce à sa qualité musicale, les ouvrages d'Adriaenssen furent décisifs pour le développement de la musique pour luth dans les Pays-Bas. Le Novum pratum musicum de 1592 est particulièrement intéressant, car il permet d'obtenir des instructions (en latin) sur les méthodes de mise en tablature de la musique polyphonique d'autrefois : il comprend des tables sur lesquelles la notation mesurée est représentée à côté des signes correspondants en tablature[4],[1].

Notoriété du Pratum Musicum

Le Pratum Musicum était assez populaire, et cela dès la première édition : le prix de l'ouvrage est mentionné dans un journal de l'éditeur anversois Christophe Plantin et des exemplaires du Pratum Musicum ont été retrouvés dans les bibliothèques de Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde, de Constantin Huygens et de Jean IV de Portugal[5].

Les genres dans le Pratum Musicum

Les fantaisies

Les fantaisies (toutes éditées par Anthony Rooley, 21 Renaissance Lute Fantasias, Londres, 1980), qui sont toutes des pièces originales, sont de petites fugues embryonnaires ; leur contrepoint est clair et, presque baroque par leur style et par leur forme, elles annoncent une évolution ultérieure[1].

Pièces vocales

La plupart des pièces vocales sont en italien. Les chansons napolitaines (pas nécessairement sur des paroles italiennes, puisqu'il s'agit ici plutôt de la définition d'un style), avec leurs parallèles de quintes, présentent un caractère plutôt villageois. L'une d'elles, Del crud'amor, est d'esprit presque oriental. Pour chaque tablature, deux parties vocales, ou plus, sont ajoutées en notation mesurée ; ces pièces peuvent donc être réalisées instrumentalement, vocalement ou de façon mixte[1].

Les chansons françaises (9) et néerlandaises (4), ainsi que celles qui possèdent à la fois un texte en français et un (traduit) en néerlandais (2), représentent une minorité. Le madrigal italien Fiamenga freda, dans lequel nous voyons un amoureux italien chercher à fléchir le cœur d'une belle Flamande[6], contient quelques mots en néerlandais : Niet te verstaen[7]. L'Allemande Slaepen gaen est un arrangement instrumental de la chanson, originellement en allemand, Was woll'n wir auf den Abend tun ? Schlafen woll'n wir gehn, ihr Magdlein, wollt ihr mit uns gehn (Que faire le soir ? Nous voulons aller dormir ; fillettes, irez-vous avec nous ?), tandis que l’Allemande nonnette est sans doute un arrangement instrumental de la chanson allemande Ich gieng einmal spazieren (J'allai un jour me promener, variante d’Une jeune fillette)[8].

Toutes les compositions vocales sont placées dans un contexte italien, comme indiqué dans la classification suivante :

Classification des compositions vocales du Pratum Musicum
a quatro
a cinque
a sei
carmina duabus testudinibus accommoda[ta]
carmina 3. testud[inibus]
carmina 4. testud[inibus]
cantiones napolit[anæ][7]

Les catégories définies soit en italien, soit en latin sont empruntées à la musique italienne. Parmi les cantiones napolitanæ, on trouve deux chansons néerlandaises et deux françaises. L'influence italienne s'étend parfois jusqu'aux paroles. La chanson Als ick u vinde du compositeur anversois Hubertus Waelrant en est un exemple. Les vers sont construits, d'après la théorie de versification italienne, comme une canzone à trois vers endécasyllabes[7] :

Als ick u vinde (Hubertus Waelrant / Emanuel Adriaenssen)[7] Quand je vous trouve

Als ick u vinde met u spil en spinrock
Met u schoon handen ende roode wanghen,
Dan vind ic dat ic ben van u ghevanghen.

Quand je vous trouve, avec votre pivot et votre quenouille
Avec vos belles mains et vos joues rouges
Alors, je me considère comme épris de vous.

Le rythme alternant des vers de cette chanson marqua une nouveauté dans la chanson néerlandaise. D'autres chansons présentent un rythme pareil de vers alternants ou un autre rythme. C'est le cas de la chanson d'un auteur anonyme Tsou een meisken gaen om wijn (Une fille alla chercher du vin), dont le refrain se lit comme suit : « Hout u canneken proper Dianneken, / Hout u canneken vaste » (« Gardez-la propre, votre cruche, petite Diane, / tenez-la bien ! »)[9].

La position de la langue néerlandaise était, à cette époque, plutôt affaiblie et avait complètement changé de caractère par rapport aux décennies antérieures. Les pièces sur des paroles néerlandaises, y compris les deux chansons en version bilingue, disparurent d'ailleurs des éditions postérieures du Pratum Musicum (Novum Pratum Musicum de 1592 et Pratum Musicum editio nova de 1600). Contrairement à ce qui avait été le cas dans les recueils de chansons néerlandaises du XVIe siècle, Adriaenssen employa la langue néerlandaise plutôt comme un dialecte approprié dans certaines situations[9].

Danses

Les danses sont des variations virtuoses anonymes sur des airs populaires de l'époque et des basses standardisées, en particulier les gaillardes, les passamezzos, les allemandes, les courantes, les voltes et les branles[1]. Plusieurs danses pour luth seul présentent également une tendance bucolique.

Progéniture

Nature morte aux poissons, Alexander Adriaenssen

Avec sa femme Sybilla Crelin, Adriaenssen eut six fils et une fille[2]. Quatre de ses fils furent peintres[10] :

Discographie

Liens externes

Fichiers vidéo sur YouTube :

Sources

Notes et références

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