Conférences de Carême catholiques

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Lacordaire donnant sa conférence de Carême, à Notre-Dame de Paris (aquarelle de 1845)

Les Conférences de Carême (également appelées Conférences de Notre-Dame) sont les sermons donnés chaque année, les cinq dimanches de carême, durant l’office des Vêpres célébré dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Fondées en 1835 à l’initiative de Frédéric Ozanam (qui suggéra lui-même le nom de ‘Conférences’) avec Lacordaire comme premier conférencier, elles attirèrent immédiatement les foules. Les conférences évoluèrent au fil des années. Du brillant exercice d’éloquence sacrée qui au XIXe siècle donnait grand prestige au ‘Titulaire de la chaire de Notre-Dame’, elles ont pris, après Vatican II, un aspect pluriforme et davantage interactif. Depuis 2019, elles ont renoué avec le prédicateur unique.

Histoire[modifier | modifier le code]

La fondation des missions, prélude aux Conférences[modifier | modifier le code]

Mgr Hyacinthe Louis de Quélen (1778-1839), archevêque de Paris

Mgr Hyacinthe-Louis de Quélen, évêque coadjuteur de Mgr Alexandre-Angélique de Talleyrand-Périgord, lui succède à son décès le 20 novembre 1821 sur le siège épiscopal de Paris. Dès le début de son épiscopat, il encourage la fondation de la société missionnaire de France, établie au mont Valérien. Le principe de la mission consiste pour un corps de prêtres missionnaires à séjourner dans les paroisses environ deux mois, à prêcher des “exercices” deux fois par jour et à tenir une permanence de confession. La mission se termine en apothéose par les communions sacramentelles. Le 28 octobre 1821, Mgr de Quelen préside l’ouverture à Saint-Étienne du Mont, ainsi que sur trois autres paroisses environnantes. Cette initiative pastorale est troublée par de nombreux incidents fomentées par des perturbateurs anticléricaux soutenus entre autres par le journal libéral Le Constitutionnel[1]. Les dernières missions diocésaines dans les paroisses se déroulent en décembre 1823 à Saint-Merry, à Saint-Jean-Saint-François et à Notre-Dame des Blancs Manteaux. Elles continuent, dans deux lieux uniquement jusqu’en 1830, à Sainte-Geneviève et au mont Valérien où sont établis les missionnaires, mais le public s’étiole. En 1833, Mgr de Quelen livre la raison de cette interruption dans un mémoire adressé au pape Grégoire XVI où il dénonce l’activisme des anticléricaux et la timidité du pouvoir à faire respecter l’ordre[2].

Une demande d’étudiants catholiques[modifier | modifier le code]

En janvier 1833, trois étudiants de la Faculté de droit de paris, Frédéric Ozanam, Le Jouteux et Montazet, demandent sous forme d’une pétition, l’organisation de conférences religieuses. Celle-ci, bien accueillie par l’archevêque, n’aboutit à aucune décision[3].

En janvier 1834, Frédéric Ozanam accompagné de Lallier et Lamache réitèrent leur demande pour recevoir : « un enseignement “qui sortit du ton ordinaire des sermons” et qui traitât des questions qui préoccupaient alors la jeunesse notamment des rapports de la religion avec la société contemporaine »[4]. Ils proposent comme prédicateur l’abbé Lacordaire, Mgr de Quelen accède à leur demande mais fait appel à sept prédicateurs différents pour chaque station : Dupanloup, Pététot, Jammes, Annat, Veyssière, Thibaut et Dassance. L’originalité des conférences consiste à identifier une problématique contemporaine, mais les prédicteurs chargés par l’archevêque d’en traiter, ne parviennent pas à sortir de la forme du sermon convenu[5].

Les conférences de Lacordaire au collège Stanislas[modifier | modifier le code]

Bien qu’il soit sollicité pour ces premières conférences, l’abbé Lacordaire se récuse car il n’est pas d’accord sur le principe de la pluralité des prédicateurs qui a l’inconvénient de morceler l’enseignement et d’en perdre la cohérence. Il s’attèle à une série de conférences qu’il donne à la chapelle du collège Stanislas et qui rencontrent un grand succès. Ce succès suscite, dans le clergé, de la jalousie ; et de la surprise quant à la tonalité des conférences. Le 14 avril 1834, Lacordaire doit interrompre ses conférences à la demande de l’archevêque et sur la pression du gouvernement[6].

L’appel de l’archevêque à Lacordaire[modifier | modifier le code]

Mais en 1835, Mgr de Quélen propose à l’abbé Lacordaire la prédication du prochain carême à Notre-Dame de Paris[Note 1]. Dans la discussion avec l’orateur, l’archevêque accepte que le prédicateur ne lui confie que le plan des conférences et non le texte final, le canevas devant cependant être examiné au préalable par un vicaire général. C’est l’abbé Affre qui est choisi par Lacordaire comme Mgr de Quelen lui en a laissé le choix.

Succès, critiques et retrait de Lacordaire[modifier | modifier le code]

Si Mgr de Quelen et le large auditoire de la cathédrale furent conquis, Thierry Foisset biographe de Lacordaire signale que « le vieux clergé »[7] n’apprécie ni le fond ni la forme de la rhétorique de l’abbé Lacordaire à qui on reproche « l’inexactitude théologique de son langage (…) et de parler des choses de la religion dans un esprit trop moderne »[8].

Les Conférences de carême eurent immédiatement un grand retentissement. Frédéric Ozanam note un peu plus tard : «Il nous semblait assister à la résurrection religieuse de la société actuelle».[réf. souhaitée]

Pour s’adresser à l’ensemble de la société, Lacordaire et ses amis choisissent le titre, alors nouveau, de « conférences » plutôt que celui des « sermons » de Carême. À tous ses contemporains, quelle que fût leur position, Lacordaire parlait en témoin de la foi catholique dans les questions majeures que posait à la conscience humaine l’évolution de la société. Le souci d’une formation chrétienne, chez tous les jeunes gens qui retrouvent ou rejoignent l’Église, anime en profondeur les conférenciers durant le XIXe siècle.[réf. souhaitée]

Lacordaire prêche le carême de 1837 et fait part à l’archevêque de son souhait de se retirer à Rome pour parfaire sa formation théologique.

« Je laisse, dit-il, entre les mains de mon évêque cette chaire de Notre-Dame désormais fondée, fondée par lui et par vous, et par le pasteur et par le peuple. Un moment ce double suffrage a brillé sur ma tête : souffrez que je l’écarte de moi-même, et que je me retrouve seul quelque temps devant ma faiblesse et devant Dieu. »[9]

Lacordaire ne prêchera pas d’autre carême à Notre-Dame de Paris, cependant on le retrouve en 1843 pour une série de sept conférences sur le thème des effets de la doctrine catholique sur l’esprit[10].

Pérennité des Conférences[modifier | modifier le code]

Le Père Xavier de Ravignan, jésuite, assure le carême de 1837.

Les conférences de Carême s’adressent à tous ceux qui viennent écouter le conférencier. En outre, la diffusion par France Culture, Radio Notre Dame, KTO élargit cette perspective : les conférenciers s’adressent aux croyants comme aux non-croyants.

Les Conférenciers[modifier | modifier le code]

Depuis 1835 près d’un millier de conférences ont été données. Jésuites et Dominicains vont souvent alterner dans ces exercices d’éloquence sacrée:Les dominicains occupent le premier quart du XXe siècle (avec l’interruption d’un Oratorien). Une mention spéciale doit être faite du père Marie-Albert Janvier o.p., qui occupa cette chaire pendant 22 ans, de 1903 à 1924.

Une nouvelle dynamique[modifier | modifier le code]

L’année 2005, les conférences ont pris une nouvelle forme. Plusieurs conférenciers, autour d’une table sont engagés dans un dialogue où la foi chrétienne et la pensée contemporaine s’expliquent l’une l’autre sur un grand sujet de société. Elles sont suivies de la célébration des vêpres dominicales et de l’Eucharistie.

Retour aux origines et délocalisation temporaire[modifier | modifier le code]

En 2019, Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris, a souhaité renouer avec la tradition d'un prédicateur unique et d'une prédication kérygmatique et populaire.

Suite de l'incendie du 15 avril 2019, les conférences de Carême trouvent refuge à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, qui accueille également les offices du chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

  • 2020 : Guillaume de Menthière, L’Église vraiment sainte ?[13]
  • 2021 : Guillaume de Menthière, L’homme, irrémédiable ? Rends-nous la joie de ton Salut ![14]
  • 2022 : Mgr Jean-Louis Bruguès, archevêque-évêque émérite d'Angers et théologien, … voici la lourde nef ![15]
  • 2023 : Mgr Bernard Podvin, Missionnaire de la Miséricorde, archidiocèse de Lille, Dieu fait du neuf aujourd’hui. Ouvrons les yeux.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Frédéric Ozanam est à l’initiative de la première demande en 1834 à Mgr de Quélen, et non en 1835.

Références[modifier | modifier le code]

  1. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome I – La Restauration, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, pages 135-139.
  2. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome I – La Restauration, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, pages 145-147.
  3. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, page 180.
  4. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, page 188.
  5. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, pages 180-181.
  6. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, page 182.
  7. R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, page 185.
  8. Thierry Foisset, Vie du R. P. Lacordaire in R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, page 185.
  9. Thierry Foisset, Vie du R. P. Lacordaire in R. Limouzin-Lamothe, Monseigneur de Quelen archevêque de Paris, son rôle dans l’Église de France de 1815 à 1839 d’après ses archives privées, Tome II – La Monarchie de Juillet – 1830-1839, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1957, page 186.
  10. Conférences de Notre-Dame de Paris par le R. P. Henri-Dominique Lacordaire, Tome premier – années 1835-1836-1843, Poussielgue, 1881, page 253.
  11. Conférences données à Notre-Dame de Paris par M. l'abbé Plantier, Jacques Lecoffre et Cie, libraires, Paris, 1849, page 3.
  12. KTOTV
  13. KTOTV
  14. « Conférence de Carême de Notre-Dame de Paris: L'homme périmé ? Sauver le salut » (consulté le )
  15. « Conférences 2022 », sur www.paris.catholique.fr (consulté le )