Alberto Fujimori

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Alberto Fujimori
藤森 謙也
Illustration.
Alberto Fujimori en 1998.
Fonctions
45e président de la République du Pérou

(10 ans, 3 mois et 25 jours)
Vice-président Máximo San Román (1990-92)
Carlos García García
Jaime Yoshiyama Tanaka
Carlos Torres y Torres Lara
Ricardo Márquez
César Paredes Canto
Francisco Tudela
Ricardo Márquez
Prédécesseur Alan García
Successeur Valentín Paniagua
Biographie
Date de naissance (85 ans)
Lieu de naissance Lima, Région de Lima, Pérou
Nationalité Drapeau du Pérou Péruvienne
Drapeau du Japon Japonaise
Parti politique Cambio 90, Nueva Mayoría, Vamos Vecino, Perú 2000, Sí Cumple, Alianza por el Futuro, Nouveau parti du peuple
Conjoint Susana Higuchi (1974-1994)
Satomi Kataoka
Enfants Keiko Fujimori
Diplômé de Université nationale agraire La Molina
Université de Strasbourg
Université du Wisconsin-Milwaukee
Profession Ingénieur agronome, professeur des universités
Résidence Lima (en détention)

Alberto Fujimori
Présidents de la République du Pérou

Alberto Kenya Fujimori (né le à Lima, Pérou) est un homme politique péruvien d'origine japonaise, président de la République du au . Accusé de massacre de Barrios Altos et de violations des droits de l'homme il s'est exilé pendant six ans avant d'être extradé vers le Pérou et condamné, en 2009, à 25 ans de prison[1].

Début de carrière

Fujimori est né à Lima de parents japonais, Naoichi Fujimori et Mutsue Fujimori, qui étaient natifs de Kumamoto et qui avaient émigré au Pérou en 1934 (sa mère est décédée en 2009). La naissance fut déclarée au consulat japonais pour que le bébé conserve la citoyenneté japonaise, par « droit du sang » car ses parents pensaient pouvoir retourner au Japon.

Cependant, lorsque le Japon entra dans la Seconde Guerre mondiale, le Pérou fut le premier pays d'Amérique latine à rentrer en guerre aux côtés des États-Unis.

La réussite économique de la communauté japonaise ne fit qu'exacerber le ressentiment de la population péruvienne et beaucoup de Japonais furent persécutés et envoyés en camps de concentration aux États-Unis… plus de 600 japonais trouvèrent la mort durant la mise à sac de leurs petits commerces.

Beaucoup de Japonais fuirent le Pérou et malgré la confiscation de leur atelier de réparation de pneumatiques, la famille Fujimori resta à Lima.

Il étudia à l'école de la Merced, puis au collège Alfonso Ugarte, où il sortit premier de sa promotion.

Ingénieur agronome par ses études, il est aussi professeur de mathématiques, puis il a ensuite été recteur de l'université Agraria de La Molina et fut deux fois président de la Commission nationale des recteurs d'universités péruviennes (Asamblea Nacional de Rectores).

Fujimori remporte de manière inattendue l'élection présidentielle de 1990 avec son nouveau parti Cambio 90, et devance le célèbre écrivain Mario Vargas Llosa par le ballottage au second tour. Fujimori a profité de plusieurs éléments politiques locaux :

  • du désenchantement de la population à la suite de la présidence d'Alan García et de son parti l'APRA (Alliance populaire révolutionnaire américaine).
  • du rejet de la campagne de Vargas Llosa annonçant des réformes économiques libérales nécessaires selon lui d'après le contexte d'alors.

Enfin, pour certains commentateurs politiques, l'ascendance japonaise de Fujimori a pu lui rallier le vote populaire, une bonne partie des Péruviens étant d'ascendance amérindienne, et comme lui ne parlant que peu le castillan, le distinguant ainsi du reste du personnel politique, souvent d'ascendance plus particulièrement espagnole. Il a été surnommé "el Chino" (le Chinois) [2].

Premier mandat présidentiel

Fujimori, rapidement rebaptisé « Fujishock », se lance dans une politique économique de grande envergure qui allait au-delà du slogan de son programme électoral (« Travail, technologie, honnêteté »). Sous la tutelle du FMI, il s’engage dans de grandes réformes de l'économie péruvienne, plus drastiques encore que ce que Vargas Llosa avait prévu.

En effet, après un demi-siècle de corruption le pays est au bord du gouffre et est recordman du monde de l'inflation, avec plus 7 000 % par an et rongé par une guérilla entre le gouvernement et divers groupes révolutionnaires maoïstes (PCP-Sentier lumineux, MRTA-Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru).

Fujimori privatisa des centaines d'entreprises publiques, souvent de façon imparfaite mais rapide et finalement efficace. Sur les 9 milliards de dollars US qu'auraient rapporté ces ventes, la plus grande part a été utilisée pour la construction de ponts, chemins pavés et écoles. Cette politique permit au Pérou de connaître une stabilité économique, une forte croissance au milieu des années 1990 (+12 % du PIB en 1994) et, en conséquence, la réinsertion du Pérou dans la communauté internationale, mais, malheureusement, elle ne parvient pas à venir à bout du processus de paupérisation qui avait commencé sous le gouvernement d'Alan Garcia[réf. nécessaire].

Coup d'État

Le , Fujimori renversa son propre gouvernement (en espagnol : autogolpe ou auto-coup d'État). Il semble que ses objectifs aient été :

  • l'approbation des nouvelles mesures antiterroristes ;
  • la dissolution du parlement obstructionniste et très impopulaire ;
  • la réforme du pouvoir judiciaire ;
  • l'instauration d'une nouvelle politique dans le but de vaincre les mouvements terroristes du Sentier lumineux et Túpac Amaru.

Au commencement, avec la dissolution du Congrès et la restructuration du système judiciaire, les Péruviens ont peu protesté. Selon les sondages, ce fut le moment de plus haute popularité de Fujimori, avec 80 %. En raison de la situation économique et de la pauvreté, beaucoup tablaient sur le « Fujishock » dont les effets ont été globalement positifs.

En partie, la réaction internationale fut négative. Les organisations financières internationales reportèrent leurs prêts. Les États-Unis, l'Allemagne et l'Espagne annulèrent toute aide au Pérou, sauf humanitaire. Le Venezuela rompit ses relations diplomatiques. L'Argentine et le Chili réclamèrent que le Pérou soit suspendu de l'Organisation des États américains (OEA). Le coup d'État, par ses conséquences diplomatiques, mit en danger les réformes économiques en coupant le Pérou d'une partie de ses partenaires commerciaux.

Cependant, l'OEA et le gouvernement de George H. W. Bush reconnurent officiellement Fujimori comme chef légitime du Pérou, malgré le non-respect des règles démocratiques. Leur crainte était de voir le Pérou s'affaiblir, alors que les États-Unis venaient en 1991 de signer un accord de coopération militaire avec le Pérou pour lutter contre les producteurs de coca. De plus, le gouvernement des États-Unis commençait à s'inquiéter du mouvement du Sentier lumineux (Sendero Luminoso en espagnol) d'Abimael Gúzman.

Le 13 novembre 1992, une tentative militaire du coup d'État échoua à renverser Fujimori, qui se réfugia temporairement dans l'ambassade japonaise en pleine nuit.

En 1993, le Pérou adopta une nouvelle Constitution et revint sur la scène internationale.

Un deuxième opposant apparut en la personne de la femme de Fujimori après leur divorce en 1994. Susana Higuchi fut formellement démise de son titre de première dame, qui fut remis à leur fille aînée. Dès lors, Higuchi dénonça son ancien époux comme un tyran, maître d'un gouvernement corrompu.

Deuxième mandat

En avril 1995, au moment de sa plus forte popularité, Fujimori fut réélu et son parti obtint la majorité absolue au Congrès. Il battit Javier Pérez de Cuéllar, ancien secrétaire général des Nations unies.

Quelques jours après son élection, un conflit territorial à la frontière avec l'Équateur éclata. Cédant une partie du territoire que réclamait l'Équateur, il signa un accord de paix avec l'Équateur, mettant fin à près de deux siècles de conflits territoriaux en Amazonie. Cet accord permit également d'obtenir des fonds internationaux pour développer la région frontalière.

Fujimori avança également dans les discussions avec le Chili au sujet du Traité d'Ancón.

Cependant, 1995 marqua le point de retournement dans la carrière de Fujimori. Après plusieurs années de stabilité économique et une disparition du terrorisme, les Péruviens commençaient à réclamer des droits, la liberté de presse et le retour à la démocratie. À cela s'ajoutaient les scandales autour de Fujimori et du chef des services de renseignement, Vladimiro Montesinos.

Les élections de 2000

Malgré l'interdiction constitutionnelle de briguer un troisième mandat présidentiel, Fujimori se porta candidat pour les élections de 2000 en prétextant que le 1er mandat avait eu lieu sous l'ancienne Constitution.

Il fut déclaré vainqueur de l'élection du 28 mai, au milieu d'accusations d'irrégularités faites par ses opposants. Le leader de l'opposition, Alejandro Toledo, fit campagne pour l'annulation de cette élection. Dans ce contexte, remonta le scandale de corruption autour de Vladimiro Montesinos : une vidéo fut diffusée de Montesinos corrompant un député d'opposition. Fujimori fuit le pays en novembre 2000 pour le Japon. Le 17 novembre, le Congrès péruvien vote sa destitution.

Après un intérim assuré par Valentín Paniagua, Toledo est élu le et installé président de la République le 28 juillet.

Bilan de la lutte contre la guérilla

Beaucoup de Péruviens créditent Fujimori d'avoir mis fin à l'extrême violence et au terrorisme d'une quinzaine d'années qu'avait amorcé et dirigé le groupe du Sentier lumineux (Sendero Luminoso), et d'avoir arrêté son chef, Abimaël Guzmán. Pour permettre cela, Fujimori a accordé à l'état-major militaire le pouvoir d'arrêter les personnes suspectés de terrorisme et de les juger en secret par des tribunaux militaires. Dans le même temps, Fujimori encourageait les habitants à former des patrouilles de campagne (rondas campesinas) pour veiller à la sécurité des zones rurales.

Fujimori est accusé d'avoir entraîné l'arrestation et l'assassinat de milliers de Péruviens innocents, d'avoir miné les droits et libertés individuels au profit de l'armée, sans compter les ruraux qui ont pu se trouver pris au milieu des opérations de l'armée et du Sentier lumineux. Néanmoins, dès 1992, les activités de la guérilla diminuèrent, et Fujimori se posa en vainqueur.

Le rapport final de la commission « Vérité et Réconciliation » du gouvernement péruvien, publié le 28 août 2003, soutient toujours la thèse de Fujimori voulant que la majorité des atrocités commises entre 1980 et 1995 sont bien le fait du Sentier lumineux ; toutefois, ce rapport affirme également que les forces armées péruviennes comme celles de l'actuel chef du parti nationaliste, Ollanta Humala, sont coupables de la destruction de villages et de meurtres de paysans suspectés d'aider les terroristes, comme le massacre de 47 habitants, enfants compris, de Cayara (département d'Ayacucho) en 1988, dont les officiers responsables furent condamnés à des peines de prison de trois mois à un an; mais beaucoup ne furent pas condamnés, faute de preuve ou de témoin[3].

Les révélations en 2002 sur le dénouement de la prise d'otages de la résidence de l'ambassadeur du Japon à Lima parlent également contre le comportement de l'armée. Du au , les miliciens du groupe terroriste Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) prennent violemment en otage 800 personnes (diplomates, hauts-fonctionnaires et dignitaires du régime) dans la résidence de l'ambassadeur japonais. Malgré la libération de 72 otages, le gouvernement Fujimori a refusé en échange de délivrer des prisonniers membres du MRTA. L'armée prend la résidence d'assaut le 22 avril : deux soldats tués, un otage (le juge de la Cour suprême Carlos Ernesto Giusti), ainsi que les 14 preneurs d'otages.

Quelque temps avant sa fuite au Japon, Fujimori, dans un but de réconciliation nationale, a amnistié tous les membres de l'armée et de la police péruvienne accusés ou coupables d'abus contre les droits de l'homme entre 1980 et 1995.

En exil

Alberto Fujimori, n'ayant pas abandonné sa nationalité japonaise lors de la réforme de la loi sur la citoyenneté de 1985, demeure au Japon.

Le , deux mois avant l'exil, le ministre de la justice péruvien met en accusation le président Fujimori pour homicide.

En mars 2003, à la demande du gouvernement péruvien, Interpol émet un mandat d'arrêt international contre Fujimori pour meurtre, kidnapping et crime contre l'humanité.

En septembre 2003, le gouvernement de Alejandro Toledo fait une demande d'extradition de l'ancien président aux autorités japonaises. Cependant, le Japon et le Pérou n'ont pas conclu de traité d'extradition. Le gouvernement péruvien prévoit de présenter par leur ministre de la justice les dossiers d'inculpation au gouvernement japonais, et leur rappeler que Fujimori a la double nationalité.

Il a été arrêté le quelques heures après être arrivé à Santiago du Chili où il a expliqué qu'il voulait regagner le Pérou et se porter candidat à la présidence bien que toute fonction publique lui soit interdite dans ce pays jusqu'en 2011[4]. Le , il annonce officiellement sa candidature à l'élection présidentielle d'avril 2006. Le Conseil électoral péruvien n'interdit qu'aux délinquants condamnés de se porter candidat à la présidence, mais de nombreux observateurs s'attendent à ce que la candidature de Fujimori soit rejetée.

Fujimori, voyant que le procès permettant de l'extrader avançait, décide de jouer sa dernière carte en et annonce sa candidature à la Chambre des conseillers du Japon (la chambre haute du Parlement, ou Diète, de ce pays) sous les couleurs du Nouveau parti du peuple (NPP), créant ainsi une tension entre le Chili et le Japon. Il est néanmoins battu aux élections sénatoriales japonaises du .

Les charges

  • Meurtre pour le massacre de Barrios Altos en 1991 et la mort de 15 personnes dînant dans un quartier pauvre de Lima, dont un enfant de 8 ans. Ils furent tués par un escadron de la mort nommé Grupo Colina et qui aurait agi sur ordre de Montesinos.
  • Meurtre pour le massacre de l'université de La Cantuta en 1992 et la mort de neuf étudiants et d'un professeur soupçonnés d'appartenir au Sentier lumineux, commis par le même escadron.
  • Le Congrès a également voté à l'unanimité d'accuser Fujimori d'être responsable de la détention et de la disparition de 67 étudiants de la ville andine de Huancayo et de la disparition de plusieurs habitants de la ville côtière de Chimbote pendant les années 1990.

Alberto Fujimori a plusieurs fois déclaré que ces accusations et ces procédures étaient politiques et infondées. Il a créé, depuis le Japon, un nouveau parti, Sí Cumple, pour participer à l'élection présidentielle de 2006. La commission nationale électorale a rappelé en septembre 2003 que Fujimori ne pouvait se présenter jusqu'en 2011 : le Congrès l'ayant accusé d'avoir abandonné son poste en fuyant le pays.

Fujimori reste une personnalité controversée au Pérou. Une grande partie des Péruviens rappellent qu'il a apporté la stabilité, la sécurité et le retour à la croissance économique, après les années catastrophiques de García. Mais une autre partie des Péruviens retiennent l'image d'un gouvernement corrompu, notamment grâce aux révélations liées à Vladimiro Montesinos inculpé de crimes allant du détournement au trafic de drogue et au meurtre. Son procès à Lima a débouché sur une totale responsabilité pour tous les chefs d'accusation et sur une peine de 25 ans de prison. Il se proclame toujours innocent.

Exil et condamnations

Il fut président du Pérou du au , lorsqu'il a été destitué par le Congrès — mais il avait présenté sa démission le , qui a été repoussée. Après 5 ans d'exil volontaire au Japon, il a été arrêté au Chili peu de temps avant l’élection présidentielle de 2006. Il y est demeuré en attendant son extradition vers le Pérou. Le vendredi 21 septembre 2007, son extradition a finalement été acceptée par la cour suprême du Chili. Il a été condamné le mardi 7 avril 2009 à 25 ans de prison par le tribunal de Lima, pour violation des droits de l'homme pendant sa présidence, peine confirmée par la Cour suprême du pays le 2 janvier 2010[1]. Il est également condamné à sept ans et demi de prison pour détournement des fonds avec lesquels il a payé Vladimiro Montesinos, chef de ses services de renseignement. Il a été par ailleurs reconnu coupable le 30 septembre 2009 d'avoir payé des députés d'opposition, des journalistes, et de s'être livré à des mises sur écoute téléphonique d'opposants, de journalistes, et d'hommes d'affaires, y compris Mario Vargas Llosa ou Javier Pérez de Cuéllar. Pour ces motifs, il a été condamné à 6 ans de prison. Les peines ne s'additionnant pas au Pérou, il ne devrait effectuer que la plus longue des peines de prison.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Rei Kimura, Alberto Fujimori of Peru: The President Who Dared to Dream, 2003; ISBN 0-8464-4957-9

Articles connexes

Liens externes