Acide gamma-hydroxybutyrique

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Acide gamma-hydroxybutyrique
Image illustrative de l’article Acide gamma-hydroxybutyrique
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Identification
Nom UICPA Acide 4-hydroxybutanoïque
No CAS 591-81-1
No ECHA 100.218.519
Code ATC N01AX11
N07XX04
SMILES
InChI
Apparence liquide incolore et inodore
Propriétés chimiques
Formule C4H8O3  [Isomères]
Masse molaire[1] 104,104 5 ± 0,004 7 g/mol
C 46,15 %, H 7,75 %, O 46,11 %,
Propriétés physiques
fusion −17 °C
ébullition 178 à 180 °C (décomposition)
Écotoxicologie
DL50 4 800 mg·kg-1 (souris, oral)
3 700 mg·kg-1 (souris, i.v.)
4 500 mg·kg-1 (souris, s.c.)
4 200 mg·kg-1 (souris, i.p.)[2]
Caractère psychotrope
Catégorie Dépresseur
Mode de consommation

Ingestion

Autres dénominations
  • Gamma-hydroxybutyrate
  • Gamma-oh
  • GHB, G, GBH
  • Georgia Home Boy
  • Grievous Bodily Harm
  • Liquid X, Liquid E, Liquid Ecstasy
  • Blue Verve
  • Scoop
  • Organic quaalude
  • Fantasy, etc.
  • Gros Hérisson Bleu (ou Sonic en référence au personnage de jeux vidéo)

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

L'acide 4-hydroxybutanoïque ou gamma-hydroxybutyrate ou GHB est un psychotrope dépresseur, utilisé à des fins médicales ou à des fins détournées (parfois comme « drogue de viol »). Découvert par les laboratoires Balmer & CO, il est produit physiologiquement dans le cerveau des mammifères et sa structure chimique est très proche du neurotransmetteur GABA[3].

Historique

Le GHB est synthétisé pour la première fois au début des années 1920 mais ne rencontre aucune application scientifique ni pharmaceutique.

En 1961, Henri Laborit, au cours de ses études sur le neurotransmetteur GABA, le synthétise de nouveau[3].

Il est utilisé dans les années 1960 comme anesthésique hypnotique. Il trouve rapidement une grande variété d'utilisations due à ses effets secondaires minimaux et son action de contrôle, la seule difficulté étant la marge étroite de son usage en sécurité.

Chimie

Synthèse

Le GHB est un dérivé du GBL (gamma-butyrolactone). C'est en faisant réagir le GBL avec une base, la plupart du temps de la soude caustique, ou NaOH, qu'il devient du GHB. Le GHB est considéré comme moins toxique que le GBL pour des effets équivalents.

Synthèse endogène

Dans le cerveau des mammifères, il est synthétisé à partir de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA)[4]. Le GABA subit une première étape de transamination effectuée par la transaminase GABA-T pour produire du semialdéhyde succinique, celui-ci est ensuite réduit en GHB par la semialdéhyde succinique réductase[5]. Le GHB se retrouve de façon hétérogène dans plusieurs organes et dans le sang circulant en quantité micromolaire.

Pharmacologie

Deux sites d'actions distincts ont été identifiés dans le système nerveux central : le récepteur GHB (GHB-R) identifié pour la première fois en 2003[5], et le récepteur GABAB responsable des effets sédatifs[6]. Lorsque le GHB est administré par voie périphérique, il traverse rapidement la barrière hémato-encéphalique et modifie le système GHB endogène et donc le système GABAergique dans le cerveau.

Il inhibe temporairement la libération de dopamine dans le striatum[7].

Le GHB est un agoniste faible des récepteurs GABAb[réf. souhaitée].

Il agit sur les endorphines ce qui lui donne des propriétés sédatives et anesthésiantes.

Le GHB agit notamment sur le septum et l'hippocampe par l'intermédiaire du locus cœruleus. Il gère pour une part les comportements d'alarme, de peur, d'anxiété et d'éveil. C'est également cette minuscule structure qui met l'ensemble des muscles du corps en état de profonde relaxation (et même de paralysie) pendant le rêve ou la paralysie du sommeil.

Que ce soit pour ses effets thérapeutiques ou récréatifs, l’induction d’un effet neuropharmacologique par le GHB nécessite l’absorption d’une grande quantité de cette substance (2 à 3 grammes chez l'homme)

Il peut être métabolisé en GABA et s'élimine sous forme de CO2.

Usage médical

GHB pharmaceutique.

Le 4-hydroxy-butyrate de soude a été utilisé comme anesthésiant[8] général et comme hypnotique dans le traitement de l'insomnie. Il est également utilisé en Europe et aux États-Unis pour le traitement de certains troubles du sommeil, et particulièrement pour diminuer les attaques de sommeil diurne et les épisodes de cataplexie chez les patients narcoleptiques[3],[9]. Cette utilisation se fait sous le nom de marque Xyrem ou, en France de Gamma-OH.

Il est aussi utilisé en Italie (depuis 1991) et en Autriche (depuis 1999) dans le traitement de l'alcoolisme pour la prévention du syndrome de sevrage et au maintien de l'abstinence chez le sujet alcoolodépendant sous le nom d'Alcover, en solution liquide. En France, en 2013, il n'a pas encore cette AMM mais fait l'objet d'études[10].

Il fait aussi l'objet d'études cliniques pour le traitement d’autres assuétudes et pharmacodépendances (toxicomanies)[3], pour la réduction des symptômes chez le patient atteint de fibromyalgie[9], ainsi que pour aider à l'accouchement[8].

Usage détourné

Comme drogue, elle est utilisée le plus souvent sous la forme d'un sel chimique (Na-GHB ou K-GHB) et il est vendu la plupart du temps sous forme liquide mais aussi parfois sous forme de poudre.

Ses usages détournés sont[3] :

  • drogue récréative puisqu'à faibles doses il induit un état de désinhibition et d'euphorie proche de l'ivresse, on le désigne alors parfois par le terme erroné d'ecstasy liquide ;
  • drogue de viol, à partir des années 1990, car il se mélange facilement à l'alcool, est inodore et incolore et son goût est très léger. À faible dose il provoque une désinhibition, et, à plus forte dose, il induit un état hypnotique et des amnésies (trouble de mémoire) ;

Le GHB est d'ailleurs souvent qualifié de « drogue du viol » ou « drogue du violeur » par les médias[11],[12],[13] ;

Il ne doit pas être accompagné d'alcool, de benzodiazépines ou de barbituriques car ils amplifieraient les effets dépresseurs du système nerveux central produits par le GHB. Toutes ces drogues agissent au niveau du même récepteur membranaire neuronal, le récepteur GABAA et ont un effet synergique induisant une activité neuronale caractéristique des phases de sommeil.

Effets et conséquences

Effets recherchés

Effets à court terme

Effets à long terme

L'utilisation excessive et prolongée conduit à la tolérance et à la dépendance physique[3].

Les symptômes de sevrage sont brusques[3] et comprennent l'anxiété, l'insomnie, les tremblements, l'irritabilité, la sensibilité aux stimulis externes (bruit, lumière, toucher), tachycardie et crampes musculaires. Ces symptômes de sevrage apparaissent de 1 à 6 heures après la dernière prise et disparaîtront après 2 à 21 jours en fonction de la dépendance.

Surdose

Les seuls cas de surdosage au GHB connus chez l'homme sont liés à un mélange de GHB et d'alcool, mélange très fréquemment rencontré dans le cas où le GHB est utilisé comme drogue récréative (vomissements et décès par obstruction des bronches). Les effets du GHB et de l'alcool sont plus qu'additifs : ils agissent en synergie au niveau des récepteurs GABAB. Cette synergie est une allostérie, la présence de l'un des composés augmente la fixation et donc l'effet de l'autre. Tout se passe comme s'il fallait moins de GHB pour obtenir les mêmes effets. Le récepteur GABAB étant impliqué dans le contrôle autonome des voies aériennes, la mort peut survenir par dépression respiratoire[15].

Il a été classé en 1999, sur la liste I des substances vénéneuses pour la forme injectable réservée à l’usage hospitalier, et sur la liste des stupéfiants pour les formes orales, ce qui a poussé certains utilisateurs à se tourner vers un de ses précurseurs chimiques, non classé, la gamma-butyrolactone (GBL), rarement a priori comme « drogue du viol » mais plutôt à but récréatif, avec des cas d'intoxications avérées et des risque de décès. La médecine légale peut faire la preuve de son usage par dosage de la molécule dans l'urine ou le sang (chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM), voire par l'analyse de phanères (ongles, cheveux[16], poils pubiens). Des taux de 285 et 815 mg/L ont été associés à plusieurs cas d'intoxications mortelles[17].

La DL50 du GHB chez le rat est entre 1 100 mg·kg-1 et 2 000 mg·kg-1[18], ce qui rapporté à l'homme en fait une drogue peu toxique. Encore une fois, les effets de l'alcool et du GHB étant synergiques, la combinaison des deux diminue fortement cette DL50, rendant de facto le GHB bien plus toxique. On rencontre ce même type de synergie entre les benzodiazépines et l'alcool, tous deux se liant au même récepteur.

Statistique

En 2006, en France, on estime que sur 120 des derniers viols commis avant le 19 août 2006, 6 l'ont été sous l'emprise du GHB[19].

Trafic et production

Jusqu'en 1998, il était relativement disponible sur Internet[4].

Selon l'OICS dans son rapport du 1er mars 2006, comme pour la plupart des « drogues de synthèse », la production s'effectue près des lieux de consommation grâce à la mise en œuvre de laboratoires clandestins mobiles.

Sous sa forme artisanale, il peut avoir un goût salé[4].

Législation

Il est répertorié par la convention sur les substances psychotropes de 1971.

Le décès d'une jeune adolescente américaine, Samantha Reid (en), en janvier 1999 a été le point de départ à la classification du GHB comme stupéfiant[20].

  • En France, le GHB a été classé comme stupéfiant en 1999, à l'exception des préparations injectables destinées aux usages médicaux et vétérinaires, qui sont sur la liste I des substances vénéneuses[21].
  • Aux États-Unis, il est interdit de vente au public en 2000. Mais il est prescrit depuis 2002 dans le traitement de la narcolepsie accompagnée d’accès de cataplexie.
  • Au Canada, le GHB est inscrit à l'annexe III de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La simple possession, la possession en vue d'en faire le trafic, la production, l'exportation, ainsi que l'importation sont illégales.

Molécules voisines

Après son interdiction, des substances analogues et qui se transforment une fois ingéré en GHB, tels que la GBL et le 1,4-BD sont devenues plus disponibles. Ces 2 substances sont ensuite devenues illégales en 2011[22].

Notes et références

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. (en) « Acide gamma-hydroxybutyrique », sur ChemIDplus, consulté le 11 juillet 2009
  3. a b c d e f et g Denis Richard, Jean-Louis Senon, Marc Valleur, Dictionnaire des drogues et des dépendances, Larousse, (ISBN 2-03-505431-1)
  4. a b c et d Michel Hautefeuille, Dan Véléa, Les drogues de synthèse, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (ISBN 2-13-052059-6)
  5. a et b (en) Andriamampandry Christian, Taleb Omar, Viry Sandrine, Muller Claude, Humbert Jean Paul, Gobaille Serge, Aunis Dominique, and Maitre Michel (2003) « Cloning and characterization of a rat brain receptor that binds the endogenous neuromodulator γ-hydroxybutyrate », The FASEB Journal, Volume 17, Issue 12, p. 1691-3
  6. (en) Vienne Julie, Bettler Bernhard, Franken Paul and Tafti Mehdi (2010) « Differential effects of GABAB receptor subtypes, {gamma}-hydroxybutyric Acid, and Baclofen on EEG activity and sleep regulation » The Journal of Neuroscience, Volume 30, Issue 42, p. 14194-14204
  7. (en) Howard Sherrel C. and Feigenbaum and Jeffrey J. (1997) « Effect of gamma-hydroxybutyrate on central dopamine release in vivo » Biochemical Pharmacology, Volume 53, p. 103–110
  8. a et b Drogues, savoir plus risquer moins, comité français d'éducation pour la santé et de la mildt, (ISBN 2-908444-65-8)
  9. a et b Maitre Michel, Humbert Jean-Paul, Kemmel Véronique, Aunis Dominique, Andriamampandry Christian (2005) « Mécanismes d’action d’un médicament détourné: le γ-hydroxybutyrate » Médecine/Sciences, Volume 21, p. 284-9
  10. [PDF]F. Paille et le groupe de travail sur les médicaments de la SFA, « Oxybate de sodium (acide gamma-hydroxybutyrique ou GHB) et alcool »,
  11. Metro-France 04/03/2003
  12. 20 Minutes 04/03/2003
  13. Le Parisien 04/03/2003
  14. a b c d et e Yasmina Salmandjee, Les drogues, Tout savoir sur leurs effets, leurs risques et la législation, Eyrolles, coll. « Eyrolles Pratique », (ISBN 2-7081-3532-5)
  15. La dépression respiratoire est l'un des problèmes rencontré au cours de l'anesthésie générale
  16. Pépin, G., Gaillard, Y., Cheze, M., & GOULLE, J. P. (2003). Le GHB dans les phanères: résultats et interprétation. Journal de médecine légale droit médical, 46(2), 93-100. (résumé avec Inist/CNRS)
  17. Marjorie Chèze, Guillaume Hoizey, Marc Deveaux, Aurélie Muckensturm, François Vayssette, Francis Billault et Gilbert Pépin (2012), Une série de nouveaux cas d'intoxications par le GHB ou la GBL. Dosages dans le sang, l'urine et les phanères  ; Ann Toxicol Anal (Société Française de Toxicologie Analytique 2012) Volume 24, Numéro 2, Page(s) 59-65 ; DOI http://dx.doi.org/10.1051/ata/2012005 ; en ligne :22 June 2012
  18. (en) Galloway, Frederick, Gonzales et al. « Gamma-hydroxybutyrate: an emerging drug of abuse that causes physical dependence » Addiction 1997;92(1):98-96.
  19. Le Journal du Pays basque du 19 août 06
  20. (en) Article du PBS du 11 avril 2000
  21. Arrêté du 5 mai 1999 portant classement sur la liste I des substances vénéneuses et sur la liste des substances classées comme stupéfiants.
  22. Arrêté du 2 septembre 2011 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes