Utilisateur:Cyberprout/renaissance de l'an mil

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Copiste dans un scriptorium

Les terreurs de l'an mil ont été très exagérées par les historiens du XVIIIe et XIXe siècles (comme Jules Michelet). S'il y a un renouveau religieux à cette époque, on ne peut pas parler d'âge sombre. Au contraire, des médiévistes tels Pierre Riché considèrent cette période comme celle de la renaissance médiévale[1]. En effet, l'élan de la Renaissance carolingienne se perd avec la dissolution de l'empire carolingien. Mais à la fin du Xe siècle (an mil), lorsque dans l'Orient européen a lieu la Renaissance macédonienne, la constitution d'États forts et structurés va faire ressurgir cet élan et donner lieu aux renaissances ottonienne et clunisienne. Il s'agit d'une poussée technique, économique, démographique et artistique qui va permettre à l'Occident chrétien d'augmenter considérablement ses échanges avec le pourtour méditerranéen et de combler le retard culturel pris sur le monde musulman. Cet âge d'or, la période dite du bas Moyen Âge, dure environ trois siècles (950-1250), voit la création d'États centralisés puissants et une modification profonde de la société ou se développent l'administration, l'artisanat et le commerce. De même l'art et l'architecture vont connaître une profonde évolution. Elle débouche au XIIe siècle sur l'âge d'or de l'occident médiéval.

La basilique du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial
L'Europe à la veille de l'an mil

Prémices[modifier | modifier le code]

Renaissance carolingienne[modifier | modifier le code]

Charlemagne, entouré des ses principaux officiers, reçoit Alcuin qui lui présente des manuscrits, ouvrage de ses moines. Victor Schnetz

Aux VIIIe et IXe siècle, la création d'un empire puissant en Europe va permettre d'accueillir les érudits venus du royaume wisigoth, des îles britanniques ou d'Italie , territoires où la sécurité est devenue aléatoire du fait des invasions sarrasines, viking et Byzantines. Le monachisme irlandais structuré par Saint Benoît d'Aniane va permettre de créer des ateliers de copie qui grâce à la généralisation d'une écriture plus facile à déchiffrer (petite caroline) et l'homogénéisation du latin vont permettre une circulation accrue des connaissances. La création de nombreuses écoles et la généralisation des sept arts libéraux par Alcuin. Les bibliothèques[2] de l'ancien royaume wisigoth regorgent d'écrits antiques. L'iconoclasme a enfin conduit de nombreux artistes à fuir Byzance pour Rome ou l'empire carolingien. Cette conjonction de savoir et de facultés à le transmettre a entraîné de nombreux progrès techniques et artistiques.

Mais après la mort de Louis le Pieux, l'empire se morcelle et s'affaiblit considérablement freinant cet élan culturel. L'empire se divise en principautés reconnaissant le roi mais autonomes de fait. Les comtes, qui sont au départ des représentants de l'autorité impériale, nommés de manière temporaire, se fixent sur un territoire. La seule richesse à l'époque est la possession de terres. Charlemagne, pour garder la fidélité de ses comtes, leur faisait prêter serment, mais il fallait les rémunérer[3]. On leur concédait donc des terres. Quand les fils de Louis le Pieux s'entredéchirent pour le partage de l'empire, ils doivent s'assurer la fidélité de leurs vassaux en monnayant leur autonomie. C'est ainsi que se crée le système féodal. Plus le pouvoir central faiblit, plus les comtes doivent prendre en charge la défense des territoires contre les envahisseurs (Normands, musulmans ou Hongrois) et plus ils prennent d'autonomie dans les faits. L'ancrage des comtes à une terre se matérialise par la construction de nombreux châteaux. D'autre part, les évêques, qui sont souvent des laïcs, sont nommés par les princes et échappent souvent à l'autorité du pape. Avec l'affaiblissement de l'autorité impériale et papale, l'empire se morcelle en une multitude de principautés autonomes bien que reconnaissant leur autorité. Ainsi avec l'instauration du féodalisme et la décentralisation, la circulation de la culture ralentit et le niveau de connaissance général baisse[4].

Effets bénéfiques paradoxaux des pillages[modifier | modifier le code]

Accélération de la mutation de l'économie agraire[modifier | modifier le code]

Représentation de Vikings datant du IXe ou du Xe siècle

Durant le règne des premiers carolingiens la structure de la société agricole s'est transformée. Les domaines fonciers francs dérivés de l'Antiquité utilisaient des esclaves comme main d'œuvre. Ces derniers non intéressés au rendement sont peu productifs et sont coûteux en saison morte. Quand vient la paix nombreux sont les hommes libres qui choisissent de poser les armes pour le travail de la terre plus rentable. Ceux-ci confient leur sécurité à un protecteur contre ravitaillement de ses troupes ou de sa maison. Certains arrivent à conserver leur indépendance, mais la plupart cèdent leur terre à leur protecteur et deviennent exploitants d'une tenure (ou manse) pour le compte de ce dernier[5]. Dans le sens inverse les esclaves sont émancipés en serfs et deviennent plus rentables (cette évolution se fait d'autant mieux que l'Église condamne l'esclavagisme entre chrétiens). La différence entre paysans libres et ceux qui ne le sont pas s'atténue. L'introduction du denier d'argent est un progrès énorme : le paysan peut alors vendre des surplus, il devient intéressant de produire plus que ce qu'il suffit pour survivre (après avoir reversé la partie de la production due au seigneur). La diffusion de la monnaie est une puissante motivation pour augmenter la production dans le domaine agricole que ce soit par l'extension de la surface exploitée ou par l'amélioration technique. Avec cette évolution, les paysans libres ont une productivité bien supérieure aux esclaves qui n'ont aucun intérêt à produire plus[5]. Les grandes invasions vont chasser les paysans serviles des exploitations pillées, ils se réinstallent à leur compte en défichant leurs propres parcelles, ou se mettent sous la protection d'un seigneur : au total les invasions sont accéléré le processus de mutation du monde agricole, qui devient plus porté sur la productivité afin de dégager des surplus vendables[5]. Il en résulte de nombreux défrichage et des progrès techniques qui se traduisent par une forte croissance démographique. D'autre part, l'augmentation des surplus agricoles va permettre d'augmenter les capacités d'élevage et de produire plus de richesses et une alimentation plus variée ce qui a aussi un impact sur la croissance démographique[6].

Vikings et mutation de l'économie marchande[modifier | modifier le code]

  • Voies commerciales Vikings.
  • Territoires contrôlés par les Vikings.
  • Enfin, l'activité de pillage et de piraterie des Vikings se double d'une activité marchande qui devient peu à peu prépondérante. D'une part ils doivent écouler leur butin, et ils frappent de la monnaie à partir les métaux précieux qui étaient thésaurisés dans les biens religieux pillés, ce numéraire qui est réinjecté dans l'économie[7] est comme nous l'avons vu précédemment un catalyseur de premier plan à la mutation économique en cours. D'autre part, leur avance technologique maritime leur permet de transporter des marchandises sur longue distance. Ils créent de nombreux comptoirs sur les côtes européennes, jusqu'en méditerranée et commercent jusqu'à Byzance dynamisant ainsi considérablement les échanges et l'économie. Après avoir notablement désorganisé les échanges commerciaux[8], ils contribuent à la création de villes commerçantes et artisanales comme York ou Dublin[9]directement ou indirectement en dynamisant le commerce des villes côtières et en faisant fuir des paysans vers des centres fortifiés[10]. Ce faisant, ils se sédentarisent comme en Normandie ou en Northumbrie. Enfin, leur savoir faire en construction navale est reconnu et utilisé par les européens du nord[11] qui développent aussi leur flotte[10].

    Au total, si au IXe siècle les pillages des Vikings ont notablement ralenti l'économie, il devient plus rentable pour eux de s'installer sur un territoire, recevoir un tribut contre la tranquillité des populations et commercer plutôt que guerroyer dès le Xe siècle[12]. C'est ainsi que Alfred le Grand ayant vaincu les Danois leur laisse le nord est de l'Angleterre (Danelaw) en 897 ou que Charles le Simple accorde la Normandie à Rollon en 911. Ils sont christianisés, s'intègrent de fait à l'occident féodal et en deviennent des éléments moteurs[12].

    Al-Mansur et le renouveau des États de la marche espagnole[modifier | modifier le code]

    L'Espagne Wisigothique fut jusqu'au VIIIe siècle le conservatoire des connaissances de l'empire romain. Al-Mansur, le vizir du calife de Cordoue brille par sa violence et son intolérance religieuse fait fuir vers le nord de nombreux juifs et mozarabes[13] qui amènent leur savoir. Les monastères catalans recèlent des trésors culturels qu'ils enrichissent au contact du monde musulman tout proche[14]. Dès le milieu du IXe siècle, la surpopulation des régions montagneuses qui ont servi jusque là de refuges aux razzia pousse vers les plaines des milliers de paysans qui colonisent les régions abandonnées à la friche depuis le VIIIe siècle.

    Campagnes d'Al-mansur

    En 985, Al-Mansur, attaque et pille Barcelone, emmenant avec lui de nombreux esclaves. Le comte Borell II demande de l'aide à son suzerain Hugues Capet. Ce dernier ne daignant pas lui répondre, le comte prend une indépendance de fait. Paradoxalement, cet événement accélère le développement de la Catalogne qui entraîne les autres États de la marche espagnole. Il doit dans un premier temps traiter avec Al-Mansur et de nombreux catalans s'enrôlent comme mercenaires dans les troupes du Califat. Le comte Borell fait reconstruire les fortifications de Barcelone et organise la défense de la Catalogne. C'est dans cet espace protégé que va se dérouler la renaissance catalane. Le redressement est rapide et dès 1010, la crise du califat omeyyade permet aux catalans de dégager de grosses ressources financières, grâce à leur participation dans Guerre civile en al-Andalus du coté de Muhammad II (Omeyyade). Comme les Castillans, les Catalans vont ensuite, tout au long du XIe siècle, « protéger » les petits royaumes musulmans apparus sur les ruines du califat et les émirs de Lérida, de Tortosa et de Saragosse sont ainsi contraints de payer tribut au comte de Barcelone. Les marchands catalans sillonnent la Méditerranée et établissent des relations serrées avec les royaumes voisins. Les splendeurs de l'art roman fleurissent alors dans toute la Catalogne.

    Les musulmans arrivés en Espagne au VIIIe siècle étaient en majorité issus de milieux agricoles. Les andalous en précurseurs, aidés par une pression fiscale favorable à l'augmentation des rendements et a la pratique de l'irrigation ont fait de l'agriculture une science ce qui entraîne une augmentation fulgurante des récoltes et l'amélioration de la qualité des produits sur la base d'études des terres, l'adaptation des espèces cultivées à celles-ci, l'utilisation d'engrais naturels efficaces, le développement de l'irrigation par canaux... Les paysans catalans en quête de liquidités louent leurs services comme mercenaires du calife. Revenus en Catalogne, ils utilisent les techniques agricoles connues dans le califat de Cordoue et réinjectent leur solde dans l'économie. Ils construisent des moulins, irriguent la terre. Les échanges commerciaux avec le califat augmentent rapidement. Il en résulte une poussée démographique et technique dès la fin du Xe siècle.

    L'amélioration de la rentabilité des cultures libère de la main d'œuvre pour d'autres taches. La présence des gîtes de fer du Canigou permet de développer une métallurgie dynamique. Le commerce maritime sur une côte délivrée de la piraterie sarrasine, le développement des échanges au long de la voie commerciale qui, par le Perthus, relie le Roussillon à l'Ampurdan, la renaissance des marchés et des bourgs, la réapparition de la circulation monétaire (grâce à l'or perçu par les mercenaires et les tributs payés à partir du XIe siècle par les petits royaumes musulmans qui achètent désormais la protection du comte de Barcelone), font de la Catalogne un puissance commerciale en quelques décennies.

    Le décollage économique va de pair avec des transformations sociales. Le poids de la caste militaire se renforce et un processus de féodalisation s'opère aux Xe et XIe siècles, au détriment des petits paysans libres soumis désormais à des seigneurs toujours plus exigeants. Au même moment, une bourgeoisie marchande active s'impose dans les villes où elle dispose rapidement d'une large autonomie. Dès 1025, le comte Ramon Berenguer Ier accorde ainsi à Barcelone une charte de franchise et les lendemains de l'an mil sont marqués, sous l'impulsion de Ramon Berenguer Ier, par un regroupement des divers comtés autour de l'ensemble formé par ceux de Barcelone, Vich et Gérone. La seconde moitié du XIe siècle voit un renforcement de l'autorité du comte à qui les nobles doivent désormais prêter un serment de fidélité. En 1111, le comté de Barcelone s'agrandit de celui de Besalù, en 1117 de la Cerdagne et en 1162 du Roussillon.

    De fait, une renaissance catalane qui préfigure celle du reste de l'Europe démarre dès le IXe siècle. C'est surtout par l'Espagne que la culture arabe pénètre en Occident et essentiellement par la Catalogne[15].

    Renouveau spirituel vecteur de la renaissance[modifier | modifier le code]

    L'Église n'est pas épargnée par les désordres des IXe et Xe siècle. Des charges d'abbés, paroissiales ou ecclésiastiques sont données à des laïcs pour se former des clientèles et la discipline monastique se relâche, le niveau de culture des prêtres sombre[16]. Les rares monastères qui ont conservé une conduite irréprochable acquièrent une grande autorité morale. Ceci d'autant plus que l'approche de l'an mil travaille les esprits: l'Apocalypse est le texte sacré qui retient l'attention la plus passionnée[17]. On y lit que « Les mille ans écoulés, Satan, relâché de sa prison, s'en ira séduire les nations dans les 4 coins de la terre, Gog et Magog, et les rassembler pour la guerre, aussi nombreux que le sable de la mer. »[18]. Les exactions des guerriers semblent correspondre à la prophétie. Dès lors, un soin particulier est mis à se laver de ses péchés. En particulier les monastères intègres reçoivent de nombreuses donations pour obtenir des prières en particulier postmortem[19]. Le choix des abbés se fait de plus en plus vers des hommes d'une grande intégrité et certains tels Guillaume d'Aquitaine vont jusqu'à donner l'autonomie et l'immunité à des monastères qui élisent donc leur abbé. Ce fut le cas de Gorze, Brogne ou Cluny. D'autres monastères utilisent des faux certificats d'immunité pour acquérir l'autonomie[20].

    Réforme clunisienne[modifier | modifier le code]

    De tous, Cluny a le développement et l'influence les plus impressionnants. Sous la férule d'abbés dynamiques tels que Odon, Maïeul ou Odilon, l'abbaye entraine d'autres monastères qui lui sont rattachés et constitue bientôt un ordre très puissant (en 994 l'ordre de Cluny compte déjà 34 couvents)[21]. L'une des grandes forces de Cluny est de recruter une bonne partie des ses membres et particulièrement ses abbés dans la haute aristocratie: Bernon (909-927) appartient à l'aristocratie du comté de Bourgogne, Odon (927-942) à une grande famille de Touraine, Mayeul (948-994) à la famille provençale des Valensole, Odilon de Mercoeur (994-1048) à un lignage comtal d'Auvergne, Hugues de Semur (1049-1109) est le beau-frère du duc capétien de Bourgogne et sa nièce épousera le roi de Castille Alphonse VI, Pons de Melgueil (1109-1122) est apparenté aux comtes d'Auvergne et de Toulouse, Pierre de Montboissier, dit le Vénérable (1122-1156), est issu d'une famille seigneuriale d'Auvergne[22]. Aymard (942-948) est le seul abbé issu d'un milieu modeste.

    Du côté institutionnel, on développe l'autonomie du monastère. Guillaume d'Aquitaine leur concède une villa, force économique importante, sur laquelle l'abbaye va former sa seigneurie avec ses propres liens vassaliques. Dès sa fondation, elle se considère exempte de l'évêque (qui à cette époque peut être laïc et est nommé par le prince local) mais directement liée au pape. En 931, le pape permet au monastère d'accepter des moines venus d'ailleurs. L'abbé est élu par les moines qui ne sont "soumis au joug d'aucune puissance terrestre, ni de nous, ni de nos parents, ni de la grandeur royale ; qu'aucun prince séculier, ni comte, ni évêque, ni même le pontife romain"[23]. L'abbaye se soustrait aux pouvoirs laïcs.

    L'exemple de Cluny va séduire d'autres monastères et servir d'exemple: Dans la seconde moitié du Xe siècle, on passe à un réseau de communautés directement liées à Cluny. Ce seront des prieurés, d'abord local et régional, puis dans l'ensemble du monde méridional. Elle est alors une force politique et un réseau de communication qui dépasse les principautés et sur laquelle les souverains et le Saint-Siège vont pouvoir s'appuyer pour construire des États et une Europe structurée.

    Cluny atteint son essor définitif au XIe siècle. Elle est finalement considérée comme un ordre monastique à part entière, ses branches étant totalement autonomes. Elle est considérée comme un rapport politique international. A la fin du siècle, 1 000 monastères lui sont liés, et en dessous, les prieurés.

    D'autres ordres tels celui de Gorze ont eu une évolution similaire, sans avoir la même structure hiérarchique et le même pouvoir politique. En fin de compte, ces ordres ont une grande influence politique et vont jouer sur la nomination de monarques puissants capables de structurer politiquement l'Europe. C'est ainsi que Hugues Capet sera élu grâce à Adalbéron l'évêque de Reims qui vient de l'abbaye de Gorze. De la même manière, c'est grâce au soutien des clunisiens que Hugues Capet pourra asseoir son pouvoir.

    Le clergé, la chevalerie et la paysannerie

    Le mouvement de la Paix de Dieu[modifier | modifier le code]

    Ces ordres religieux au pouvoir politique et à l'influence spirituelle de plus en plus puissants, vont pouvoir lancer les mouvements de la paix de Dieu et de la trêve de Dieu. La dissolution de l'empire carolingien en de multiples principautés a considérablement affaibli le pouvoir temporel. De fait l'Église peut prendre une influence de premier ordre. Ses terres étant menacées par la noblesse dont une des sources principales de revenu est le pillage, elle œuvre pour canaliser les chevaliers brigands dès la fin du Xe siècle. À partir du concile de Charroux en 989, les hommes en armes sont priés de mettre leur puissance au service des pauvres et de l'Église et deviennent des milites Christ (Soldats du Christ)[24]. Ceci est rendu possible par la monétarisation et la réforme de l'agriculture: il devient plus rentable de prélever des impôts sur ses terres contre protection que de piller. Ces mesures ont un effet stabilisateur très favorable à l'implantation de nouvelles exploitations et au développement du commerce.

    Pèlerinages[modifier | modifier le code]

    Pour favoriser la conversion des populations païennes, le culte des saints et donc des reliques a été vivement encouragé dès le VIe siècle. La possession de reliques par les monastères et autres édifices religieux est très courue, car l'afflux de pèlerins qu'elles entrainent est source de bénéfices importants[16]. Les pèlerinages se développent intensément.

    Chemins de Saint-Jacques de Compostelle

    Au cours des Xe et XIe siècles, le culte de saint Jacques commence de se répandre et les rois de Navarre et de León améliorent les routes et construisent des ponts afin de faciliter les pérégrinations. C'est d'ailleurs sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle[25] ainsi que sur les grands axes commerciaux (les grands bassins fluviaux comme ceux du Rhône, Po, Garonne, Loire ou de la Seine) que Cluny étend son influence à cette époque[26].

    La spiritualité clunisienne se fondant sur la restauration de la règle bénédictine, l'activité des moines est orientée vers la prière, l'office choral, le recueillement et le travail aux ateliers de copie. Dès lors, Cluny cumulant nombre de scriptoriae et une présence sur les voies d'échanges possède l'une des plus riches bibliothèques d'occident[27].

    La route du Pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle permet de fixer sur papier et de transmettre au reste de l'ordre, dans toute l'Europe, les connaissances transmises par les contacts avec la civilisation musulmane en Espagne. Ce point est particulièrement bien illustré par Gerbert d'Aurillac, qui va perfectionner ses connaissances en mathématiques dans les monastères catalans, avant de diffuser la numérotation arabe en Europe (il est écolâtre à Reims puis précepteur des Empereurs Ottoniens)[28]. De la même manière, les pèlerinages vers Rome et la terre sainte de plus en plus pratiqués contribuent aux échanges de connaissances. Au fur et à mesure de la croissance démographique, le nombre de pèlerins se multiplie: en 1 025 700 pèlerins venus de la région rhénane et de Normandie, dont les comtes d'Angoulême et de Déols, se rendent en terre sainte. En 1065, ils sont entre 7 000 et 12000[29]!

    Recomposition géographique et politique[modifier | modifier le code]

    Au Xe siècle, l'Europe est divisée en principautés, très autonomes vis à vis des pouvoirs centraux. Les princes nommant directement leurs évêques, la papauté tout comme les couronnes royales et impériales sont très affaiblies. Il faut attendre le sacre d'Othon Ier en 936 pour retrouver un pouvoir fort à la tête du Saint-Empire. Signe d'une réaffirmation de la présence royale: les décisions législatives se multiplient par cinq au cours de son règne. La royauté demeure élective, mais Othon arrive à faire passer le pouvoir à son fils puis à son petit-fils.

    De fait, les rois et le pape ont des intérêts convergents et vont devoir s'allier pour récréer des entités politiques et religieuses centralisées.

    Avec la soumission de Bérenger d'Ivrée, l'empereur Otton fait main basse sur le royaume d'Italie : amorce de la renaissance ottonienne.
    Manuscriptum Mediolanense, vers 1200.

    Le pape Jean XII mène à bien une réforme religieuse ainsi qu'une vigoureuse politique d'expansion territoriale. Contre le roi d'Italie, Bérenger, il demande l'aide d'Otton Ier, roi de Germanie et héritier de droits sur l'Italie par son mariage avec Adélaïde de Bourgogne. Jean XII le couronne empereur le 2 février 962. En échange, après moult négociations, Otton accorde le ‘’Privilegium Ottonianum’’, confirmation de la Donation de Pépin : l'Empereur reconnaît les États pontificaux (étendus jusqu'aux régions byzantines) en échange d'un serment de fidélité du pape, librement élu, aux représentants impériaux.

    La mainmise d'Otton gêne cependant Jean XII, qui noue des contacts avec Adalbert, fils de Béranger, ainsi qu'avec Byzance : il reprend la tradition, abandonnée dès Adrien Ier (772–795), de dater ses actes à partir des années de règne des empereurs byzantins. Furieux, Otton revient à Rome et Jean doit s'enfuir. L'Empereur convoque un synode qui juge le pape coupable d'apostasie, d'homicide, de parjure et d'inceste. Il le dépose le 4 décembre 963, ce qui constitue une nouveauté pour une assemblée d'évêques. Jean XII est remplacé par un laïc, le protoscriniaire, qui prend le nom de Léon VIII. Otton modifie son privilège : désormais, l'élection pontificale doit être sanctionnée par l'approbation impériale.

    C'est ainsi que les Ottoniens font élire en 999 un de leur proche: Gerbert d'Aurillac, futur Sylvestre II précepteur du fils d'Othon II (Othon III). Celui ci favorise la création d'États structurés: il a influé sur l'élection d'Hugues Capet, puis créé les couronnes de Hongrie et de Pologne.

    Durant le XIe siècle, les Normands vont être à l'origine, via des conquêtes militaires, de la création de L'Angleterre et du royaume de Naples.

    Ouverture de L'Occident sur la méditerranée[modifier | modifier le code]

    La méditerranée en 1092

    Quand Othon Ier fait main basse sur l'Italie du nord au Xe siècle, la carte commerciale est bouleversée: le Saint-Empire a un accès méditerranéen. À cette époque, de grandes puissances commerciales sillonnent la méditerranée protégées par des flottes puissantes. Les Vikings sont présents et commercent dans tout le bassin depuis le Xe siècle. Venise qui est une région autonome (et de fait indépendante) de Byzance est déjà une grande puissance commerciale et maritime. Les Maures sont présents en Provence (ils ont établi un comptoir à la Garde Freinet[30] dans le massif des Maures).

    Les marchands de toute la Méditerranée peuvent utiliser les ports d'Italie du nord pour commercer avec le Saint-Empire. Dès lors, Gênes occupe une position idéale. En s'enrichissant, les marchands génois vont pouvoir investir dans leur propre flotte puis eux-mêmes commercer dans toute la Méditerranée. Amalfi et Pise suivent des évolutions similaires.

    En 1016, Pise et Gênes s'allient pour repousser les Sarrasins en conquérant la Corse et la Sardaigne et ainsi prendre le contrôle de la mer Tyrrhénienne tout entière. Dès lors, les puissances maritimes italiennes et particulièrement Venise et Gênes vont progressivement prendre le contrôle de la méditerranée. Après sa conquête par les Normands soutenus par les Génois en 1072, la Sicile devient le berceau d'une culture mixte arabo-normande où les idées circulent librement[31]. Les croisades élargissent encore la zone d'échange commerciale et culturelle avec le monde arabe, lui même en contact avec le monde indien et l'Extrême-Orient.

    Les acteurs de la renaissance[modifier | modifier le code]

    Borell II[modifier | modifier le code]

    Il dirige le Comté de Barcelone, qui est le plus en pointe culturellement du monde occidental au Xe siècle. En effet, les bibliothèques espagnoles héritées du royaume wisigothique ont été enrichies par les connaissances des chrétiens mozarabes fuyant les persécutions d'Al-mansur. Le comte, étonné par les facultés intellectuelles de Gerbert d'Aurillac, l'emmène en 967 parfaire ses connaissances en Catalogne. En 970 il le présente au pape Jean XIII et à l'empereur Othon Ier, Gerbert va poursuivre son ascension qui le mène jusqu'au Saint-Siège. Après le sac de Barcelone par Al-Mansur en 985, la Catalogne prend son indépendance et se donne les moyens de se défendre. Parallèlement, les dissensions au sein du Califat de Cordoue entraînent une période de stabilité propice. La Catalogne va connaître un important développement technique, démographique et culturel. Cette poussée culturelle se propage à l'Europe via les réseaux monastiques et les voies de pèlerinage (saint Jacques de Compostelle) et commerciales (Barcelone est un port ouvert sur la méditerranée).

    Les Ottoniens[modifier | modifier le code]

    Othon Ier est couronné roi de Germanie en 936. À cette époque, l'Europe est divisée en principautés et les souverains ont un pouvoir limité. Mais Othon a suffisamment de puissance militaire pour mettre au pas les ducs de Bavière, de Franconie et de Loraine dès 938. Il met fin à la menace hongroise en 955 à la bataille du Lechfeld. Il suit la même stratégie que Charlemagne et se pose en protecteur de Rome qui est une fois de plus menacée par les Italiens du nord. Le 2 février 962, à Rome, il est couronné empereur des Romains par le pape Jean XII et fait main basse sur l'Italie du Nord. Il contrôle les élections au Saint-Siège qui sont soumises à son approbation. Il gère la nomination des évêques (dont la charge n'est pas héréditaire), ce qui lui permet de contrôler son empire sans le diviser. Il permet l'instauration d'une dynastie en faisant couronner son fils Otton II le Roux dès 967.

    Impressionné par les connaissances de Gerbert d'Aurillac qui lui a été présenté par le comte Borell II, il lui confie l'éducation d' Othon II. L'idée de réunir les empires d'Orient et d'Occident fait son chemin et, en 972, il marie Otton II à la princesse byzantine Théophano.

    Otton II n'a pas les mêmes qualités militaires que son père, mais il parvient à maintenir l'unité de l'empire qui se développe culturellement et commercialement. Ses incursions en France et dans le sud de l'Italie sont des échecs. Il meurt à 28 ans en 983.

    Otton III

    En 983, Otton III n'est encore qu'un enfant et est incapable de régner. Le prince Henri le Querelleur profite de cette faiblesse pour l'enlever et tenter de s'en faire attribuer la tutelle. Mais Willigis, l'archevêque de Mayence, soutenu par d'autres grands, condamne cette usurpation et impose la régence de sa mère, la princesse byzantine Théophano. Après le décès de celle-ci en 991, c'est Adélaïde, grand-mère de l'empereur, qui assurera la tutelle.

    En 995, Otton est majeur et prend officiellement le pouvoir; il rêve de fonder un empire universel qui réunirait d'abord tous les peuples chrétiens d'Occident. Il intervient dans les affaires de l'Église en faisant placer son cousin Brunon sur le Saint-Siège : il s'agit de Grégoire V, premier pape d'origine germanique. Ce dernier le couronne empereur le 21 mai 996 et Otton installe sa cour à Rome. Sous le pontificat et avec l'aide de Sylvestre II, il se rapprocha de la Pologne et fit parvenir à Étienne de Hongrie la première couronne royale de ce pays. Mais ils se trouvèrent bientôt chassés de la ville éternelle par la population et la tentative d'unir le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel à Rome tournera court. Otton meurt très jeune de maladie et son corps est ramené d'Italie en Allemagne par ses proches.

    Les abbés clunisiens[modifier | modifier le code]

    L'abbaye de Cluny et son modèle se développe d'autant mieux qu'elle est dirigée par une série d'abbés particulièrement brillants: les abbés Bernon, Odon, Mayeul (qui refuse la fonction papale en 973), Odilon de Mercœur (qui fait avancer l'idée de la trêve de Dieu qui va métamorphoser la chevalerie), Hugues de Semur et Pons de Melgueil (ces deux derniers jouent un rôle de premier plan dans la querelle des investitures et sa résolution), se suivent et augmentent constamment le prestige et le pouvoir politique de leur ordre. L'ordre de Cluny a un rôle culturel et politique de premier plan au Xe et XIe siècles: le mouvement de la trêve de Dieu, en canalisant la chevalerie vers un rôle constructif, permet le développement de la société. La puissance politique de Cluny va permettre la genèse d'États structurés à même de contrôler les débordements de la noblesse.

    Gerbert d'Aurillac[modifier | modifier le code]

    Le pape Sylvestre II est considéré comme l'homme le plus cultivé de son temps. Il a une importance majeure sur les changements politiques et culturels qui touchent l'Europe de l'an mil. Gerbert d'Aurillac est d'origine modeste. Jeune Berger dont l'intelligence, il est remarqué et est éduqué par les moines de Saint Géraud d'Aurillac. Il y étudie les disciplines du trivium (grammaire et rhétorique) dans l'esprit moderniste de Cluny. Il est présenté au comte de Barcelone, Borell II, qui lui permet de renforcer ses connaissances en mathématiques et en philosophie en Catalogne (où les monastères, à la frontière du monde musulman, renferment des connaissances inconnues du reste de l'Occident). Il a une culture exceptionnelle pour son époque. Il devient écolâtre[32] à Reims. Il réintroduit les arts libéraux, et particulièrement le quadrivium qui n'était presque plus enseigné dans les monastères. L'Occident lui doit aussi la réintroduction des œuvres d'auteurs antiques (Aristote, Boèce...), de l'arithmétique (il transmet les chiffres arabes, le zéro et invente l'abaque de Gerbert)... Il faut savoir que ces apports sont considérables, car calculer avec des chiffres romains était très difficile.

    Il favorise l'instauration de grandes dynasties qui permettront la présence d'États forts et structurés, obtenant en échange que ceux-ci s'appuient sur l'Église. Lors de la désignation de Hugues Capet comme roi de France, il avait déjà joué un rôle de conseiller important auprès d'Adalbéron, l'évêque de Laon (dont il fut l'enseignant à Gorze). Les capétiens amènent la fin de la division progressive du royaume de France qui étouffait la renaissance carolingienne. Mais leur pouvoir est encore faible. Son immense culture est reconnue et il devient le précepteur des futurs monarques Othon III et Robert le Pieux.

    Sylvestre II

    Il devient pape en 999 sous le nom de Sylvestre II grâce au soutien des empereurs Ottoniens et vole au secours des capétiens:Robert II de France s'était mis en conflit avec le pape Grégoire V en répudiant la reine pour Berthe de Bourgogne (ce qui posait un problème de consanguinité). En fait, cette liaison inquiétait Otton III, car Robert le pieux aurait reçu le duché et le conté de Bourgogne lors de ce mariage, or une grande partie de ce territoire appartenait au Saint-Empire. Grégoire V est le cousin de l'Empereur. Le roi était sous la menace d'une excommunication et le royaume d'interdit[33]. Sylvestre II, ayant de l'affection pour son ancien élève, commue la peine en une pénitence de sept ans. Il renforce ainsi l'assise des capétiens sur le trône et contribue à l'établissement d'une dynastie forte en France. Durant son pontificat, il attribue le titre de roi aux souverains chrétiens de Pologne et de Hongrie. Il meurt à Rome le 12 mai 1003 après quatre années d'un pontificat à la fin duquel l'Europe est transformée: elle est à présent constituée d'États structurés et de plus en plus puissants qui vont permettre le redémarrage de la poussée culturelle amorcée à la renaissance carolingienne. Puisant leur légitimité dans le soutien de Rome, ces souverains vont entériner en retour le rôle de la papauté dans l'Europe médiévale.

    Effets[modifier | modifier le code]

    Progrès agricoles et croissance démographique[modifier | modifier le code]

    Moulin à eau de Braine-le-Château (XIIe s.)

    Les réseaux de monastères permettent de diffuser les techniques agricoles à toute l'Europe. La majeure partie des moines sont convers, ce qui permet de diffuser ces connaissances dans les villages avoisinants.

    • L'introduction de la jachère, puis l'assolement triennal permettent d'accroître la productivité de l'agriculture[34].
    • Le moulin hydraulique se répand dans l'Occident médiéval dès l'époque carolingienne. Le moulin à vent, connu depuis l'empire romain et jusque là peu utilisé, se généralise. Les moulins sont perfectionnés par la mise au point d'engrenages de plus en plus perfectionnés. La maîtrise des d'énergies hydraulique et éolienne permet de moudre le grain, piler les olives, préparer la bière (plus salubre que l'eau), aiguiser les instruments, actionner de grands soufflets pour augmenter la chaleur des forges ou encore d'actionner de lourds marteaux pour travailler le métal. Cela va développer l'économie tout en améliorant la productivité agricole, la métallurgie permettant l'usage d'outils plus performants[35].
    • Les rendements s'améliorent grâce à la diffusion d'outils en fer et à l'essor de la charrue.
    • La technique d'attelage : le collier d'épaules remplace le « collier de cou » et permet de tirer des charges plus lourdes, de labourer des sols moins faciles et de creuser des sillons plus profonds[34].

    Les rendements atteignent 4 pour 1 en Bourgogne au XII° s contre 2 à 3 pour 1 à l'époque carolingienne[36].

    Ces améliorations entraînent une croissance démographique très importante: on considère qu'entre 950 et 1300 la population européenne a doublé et, dans certaines régions, triplé[37]. L'augmentation de la population entraîne d'immenses défrichements et assèchements de marais qui permettent d'étendre les surfaces cultivées. Cela permet d'augmenter encore la production agricole et, donc, de nourrir plus de bouches.

    Développement urbain[modifier | modifier le code]

    Le développement de la productivité agricole va permettre l'orientation d'une partie de la main d'œuvre vers d'autres tâches (artisanales, commerciales, artistiques ou spirituelles) accélérant les échanges d'idées et donc la renaissance[34]). La vente des surplus va permettre à certains de devenir commerçants. L'enrichissement permet parfois aux serfs d'acheter leur affranchissement. Se crée donc une nouvelle classe sociale composée d'artisans et de marchands. Ceux-ci s'installent dans les faubourgs des anciennes villes épiscopales ou dans les nouveaux bourgs castraux (les Villeneuves ou Villefranches sur lesquelles les Capétiens fonderont un pouvoir échappant à la noblesse locale). D'autre part, l'augmentation de l'élevage va permettre de développer l'artisanat de la laine et du cuir, ce qui conduit progressivement à la spécialisation économique comme dans certaines zones: l'Angleterre pour la production de laine, les Flandres et l'Italie pour le textile... [34]

    Art associé à la période[modifier | modifier le code]

    Dans une société féodale christianisée, cet essor démographique et économique permet de fournir les effectifs ouvriers considérables et les finances nécessaires à l'érection de milliers d'églises rurales romanes (voûte en berceau, arc de plein cintre) et, à partir du milieu du XIIe siècle et de l'Île de France, des premières cathédrales gothiques urbaines (arc brisé, voûte sur croisée d'ogives).

    Art ottonien[modifier | modifier le code]

    Au Xe siècle, l'empire germanique est le principal foyer artistique en Occident. L'empereur et les grands ecclésiastiques donnent une impulsion déterminante à l'architecture.

    L'architecture ottonienne puise son inspiration à la fois dans l'architecture carolingienne et dans l'architecture byzantine. En effet, ces deux styles architecturaux se réclament de l'Empire romain et sont les plus proches exemples de l'art dédié au souverain. Si la femme d'Otton, Théophano Skleraina, était la fille de l'empereur de Byzance, c'est tout de même l'art carolingien qui a le plus influencé l'architecture ottonienne.

    L'architecture religieuse ottonienne semble délaisser le plan centré, malgré quelques exemples : à Ottmarsheim (XIe siècle, Alsace), le déambulatoire est octogonal comme celui de la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle. On peut retrouver une évocation de l'octogone central d'Aix dans l'abside de l'abbatiale de la Trinité d'Essen. À Nimègue (Pays-Bas), l'évocation est plus nette dans la chapelle Saint-Nicolas du Valkhof (vers 1050). Le plan basilical d'inspiration romaine est le plus courant. L'architecture ottonienne conserve la figure des deux chevets symétriques carolingiens et lui donne même un grand essor. Tours et clochers sont placés à l'extérieur des édifices afin d'accentuer la taille du bâtiment et la puissance des deux chevets.

    Art roman[modifier | modifier le code]

    Fichier:Saint Nectaire Église interieur.jpg
    Choeur de l'église de Saint Nectaire

    Le centre intellectuel de la féodalité se situe essentiellement dans les abbayes et les monastères où se développe l'art architectural roman. Le premier art roman naît alors, regroupant l'ensemble des expériences et créations nouvelles dans le reste de l'ancien Empire (c'est-à-dire sans la Normandie ni la Saxe).

    Les sources d'inspirations sont tirées de livres comme le manuscrit de Saint Gall ou le Physiologue dont les origines remontent à l'Égypte au IIe siècle pour ce dernier.

    L'art roman prend ses sources dans l'Antiquité tardive et s'inspire des œuvres carolingiennes et ottoniennes.

    Premier âge roman[modifier | modifier le code]

    Le premier art roman est un art méridional et international. Il a débuté en Lombardie et s'est étendu aux régions voisines grâce aux maîtres d'œuvre de Côme. Ces derniers travaillent sur différents chantiers successifs et, avec leur matériel de maçon, imposent la structure d'église en forme de navire renversé (la nef) et les « bandes lombardes »; ils insufflent des bases solides pour un développement riche de l'architecture romane :

    • pierre ajustée mais non polie,
    • chevets de plein-cintre ornés avec petits arcs et des bandeaux géométriquement disposés,
    • temples couverts et terminés en voûte en cul de four,
    • nefs plus vastes et importantes, au moins en comparaison avec d'anciens bâtiments préromans,
    • usage des piliers comme sustentation,
    • peu de figuration sculptée,
    • premiers déambulatoires (Saint-Étienne de Vérone, Cathédrale d'Ivrée),
    • importance de la crypte,
    • premières voûtes,
    • pilastres extérieurs (lésènes),
    • frises d’arcatures aveugles.

    Deuxième âge roman[modifier | modifier le code]

    Basilique Saint-Sernin, Toulouse

    L'apogée du style de par sa qualité et sa beauté se dévoile entre 1050 et 1150. En provenance de la France, il se transmet principalement autour des chemins de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le deuxième art roman s'exporte en Terre Sainte grâce aux Croisades :

    • Nefs plus amples pour accueillir les pèlerinages : en Bourgogne, les églises abbatiales de Pontigny, de Saint-Bénigne de Dijon et de Cluny III dépassent les 100 mètres.
    • La circulation des pèlerins et l'accès aux reliques ou à la crypte sont facilités par de nouveaux aménagements : larges déambulatoires et bas-côtés, tribunes (Normandie), chapelles rayonnantes.
    • Développement de la sculpture monumentale et ronde-bosse à la suite du développement du culte des saints.
    • La sculpture envahit les façades (cathédrale d'Angoulême), les modillons, le tour des fenêtres et les tympans.
    • Les édifices gagnent en hauteur : la tour de la basilique Saint-Sernin à Toulouse mesure 64 mètres; les tours de la façade de l'abbatiale Saint-Étienne de Caen s'élancent à 80 mètres; les murs sont renforcés à l'extérieur par des contreforts massifs.
    Façade de la cathédrale d'Angoulême le décor sculpté prend de l'importance au XIe siècle.

    Les sculptures décorent d'abord les chapiteaux dans les cryptes, les cloîtres et les églises. À la fin du XIe siècle, elles prennent place sur la façade des églises, à la manière des antiques arcs de triomphes[38]. La sculpture devient « monumentale ».

    Christ sur la châsse de Calmin et de Namadie (XIIe siècle) - abbaye de Mozac

    Elle a une vertu pédagogique, celle d'enseigner la vie des apôtres et des saints, d'illustrer des passages de l'Ancien Testament. Elle s'inspire des bas-reliefs et des chapiteaux romains, mais surtout des images placées dans les manuscrits enluminés et sur les objets d'orfèvrerie.

    • La sculpture sur chapiteau : elle se diffuse à partir de l'An Mil, même si ses débuts furent timides. Dans les églises italiennes de la première moitié du XIe siècle, est repris le modèle corinthien, plus ou moins stylisé (chapiteau à palmettes). D'autres lieux (Bourgogne, Catalogne) expérimentent les chapiteaux à entrelacs et à feuilles d'acanthe. Mais bientôt, les animaux et les figures anthropomorphiques apparaissent, même s'ils restent rares avant 1050 (Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire). La basilique Saint-Sernin de Toulouse (deuxième moitié du XIe siècle) conserve 260 chapiteaux romans[39].

    Les principaux sculpteurs connus de l'époque romane sont :

    En relation avec le développement du culte des reliques, les orfèvres produisent des reliquaires et des châsses de grande qualité. À l’époque romane, le renouveau des sacrements et le culte des reliques provoquent un essor de l’orfèvrerie religieuse.

    • Œuvres à caractère somptuaire,
    • thèmes hagiographiques,
    • ateliers mosans et de Limoges prépondérants,
    • Châsses qui reproduisent les églises en miniature.

    Au total[modifier | modifier le code]

    L'Europe au XIIIe siècle

    La Renaissance ottono-clunisienne est un redémarrage de la Renaissance carolingienne quand un pouvoir fort en Germanie apparaît au Xe siècle. Les connaissances sont véhiculées par des réseaux monastiques qui se fédèrent en ordres. Politiquement, cette période est marquée par l'instauration d'États structurés dans toute l'Europe. La restauration des communications en Europe va permettre à la connaissance et à la culture de se propager à nouveau. Les contacts avec le monde musulman via les États de la marche espagnole et la Méditerranée qui est conquise par les puissances maritimes italiennes naissantes, vont conduire à un rattrapage culturel. L'ensemble de ces facteurs conduit à une poussée démographique, technique et culturelle (apparition de l'art roman). Elle se prolongera bien au delà du XIe siècle et s'amplifie à partir du XIIe siècle. La modernisation de la société où les villes prennent de plus en plus d'importance conduit à la baisse progressive du pouvoir féodal et à l'instauration d'un pouvoir royal de plus en plus centralisé. Les villes vont prendre de plus en plus d'importance et d'autonomie en Europe.

    Voir aussi[modifier | modifier le code]

    Sources et bibliographie[modifier | modifier le code]

    • Marc Girot, De Charlemagne à la féodalité, site de l'IUFM de Créteil
    • Jean Chélini, Le franc succès des pèlerinages, Croisade Historia thématique, n°95, mai-juin 2005
    • Philippe Conrad. Les origines de la Catalogne, de la marche d'Espagne carolingienne au comté de Barcelone, Clio.net: [6]
    • David Maso. Barcelone, ville des paradoxes, Clio.fr: [7]
    • Le Xe siècle et ses mutations, www.cliohist.net: [8]
    • Jean-François Mangin. Développement monastique pendant les carolingiens: [9]
    • Gerbert d'Aurillac devient Sylvestre II, Herodote.net [10]

    Notes[modifier | modifier le code]

    1. Pierre Riché, Les grandeurs de l'An Mil, 1999.
    2. Voir Isidore de Séville
    3. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 65-66
    4. De Charlemagne à la féodalité: [1]
    5. a b et c Philippe Noirel, L'invention du marché, seuil 2004, p.140
    6. Fabrice Mazerolle, Histoire des faits et des idées économiques , page 21 Cours HPE
    7. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin 2004, page 92
    8. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin 2004, page 89
    9. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin 2004, pages 91-92
    10. a et b Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin 2004, pages 94-95
    11. Philippe Contamine, Marc Bompaire, Stéphane Lebecq, Jean-Luc Sarrazin, L'économie médiévale, Collection U, Armand Colin 2004, page 90
    12. a et b Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 89
    13. chrétiens ayant adoptés les usages du monde musulman
    14. En 967 Gerbert d'Aurillac étudiera les mathématiques (il y apprend l'usage des chiffres arabes) et la philosophie abbayes catalanes de Vich et de Ripoll : [2]
    15. Pierre Riché, Les grandeurs de l'an mille, Bartillat, 2001, page 194
    16. a et b Georges Duby, Les féodaux (980-1075) tiré de Histoire de la France, Larousse 2007, p.277
    17. Georges Duby, Les féodaux (980-1075) tiré de Histoire de la France, Larousse 2007, p.274
    18. Saint Jean, l'Apocalypse 20:7 et 20:8
    19. Georges Duby, Les féodaux (980-1075) tiré de Histoire de la France, Larousse 2007, p.276
    20. Christian Lauranzon-Rosaz, La Paix des Montagnes: Origines auvergnates de la Paix de Dieu, p.19
    21. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 104-105
    22. Jacques Paviot,Le moine est maître chez lui Historia Thématique N°90: La France féodale p.43
    23. Acte de fondation de Cluny le 11 septembre 909 par Guillaume d'Aquitaine Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, t.1, A. Bernard, A. Bruel (éd.), Paris, 1876, p. 124-128.[3]
    24. Laurent Bourquin, « Qu'est-ce que la noblesse ? », L'Histoire N°195 décembre 1995, page 24
    25. Georges Duby, Les féodaux (980-1075) tiré de Histoire de la France, Larousse 2007, p.278
    26. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 186
    27. Michel Balard, Jean-Philippe Genet et Michel Rouche, Le Moyen Âge en Occident, Hachette 2003, p. 187
    28. Michel Soutif, La diffusion de la numérotation décimale de position, tiré du Colloque Ocean Indien au carrefour des Mathématiques arabes, Chinoise, Européenne et Indienne, p.158-159 l'IUFM de la Réunion
    29. Jean Chélini, Le franc succès des pèlerinages, Croisade Historia thématique, n°95, mai-juin 2005
    30. Implantés vers 890; il seront délogés par Guillaume Ier, en 973 à la Bataille de Tourtour
    31. Jean-Marie Pesez, La Sicile Arabe et Normande, Dossiers d'Archéologie n° 225 Juillet 1997, La Sicile, p. 118
    32. responsable de l'enseignement dans une école épiscopale
    33. interdiction de tout sacrement ou rituel religieux
    34. a b c et d Fabrice Mazerolle, Histoire des faits et des idées économiques , page 22 Cours HPE
    35. Fabrice Mazerolle, Histoire des faits et des idées économiques , page 23 Cours HPE
    36. De Charlemagne à la féodalité: [4]
    37. www.cliohist.net. Le Xe siècle et ses mutations: [5]
    38. Georges Duby, Jean-Luc Daval, La sculpture, ..., page 266
    39. Georges Duby, Jean-Luc Daval, La sculpture, ..., page 276

    Liens internes[modifier | modifier le code]

    [[Catégorie:Ordre de Cluny]] [[Catégorie:Historiographie médiévale]] [[Catégorie:Histoire du catholicisme en Europe]] [[Catégorie:Saint Empire romain germanique]] [[Catégorie:IXe siècle]]