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Homme-requin de Sossa Dede (vers 1890), une statue bochio symbolisant le roi Behanzin (Musée du quai Branly - Jacques-Chirac)

restitutions d'œuvres d'art spoliées La restitutions d'œuvres d'art spoliées est un débat qui trouve un écho important au XXIe siècle au sujet de la proposition de restituer aux peuples africains des œuvres appropriées sous la contrainte ou sans contrepartie adéquate durant la période coloniale, principalement en Afrique, mais aussi sur d'autres continents.

Contexte[modifier | modifier le code]

Il est estimé que 85 ou 90 % du patrimoine artistique africain se trouve hors de ce continent, situation qui ne se retrouve pour aucun autre continent. Les Africains sont ainsi privés d'un accès local à la créativité de leurs ancêtres. Le débat né après les décolonisations des années 1960 n'a pas abouti à des restitutions significations au XXe siècle[1].

Depuis la fin des années 1990, des demandes de restitution émanent de divers États d'Amérique du Sud, du Proche et Moyen-Orient et des anciens pays colonisés.

Approfondi à la Convention de La Haye de 1954, le droit international de la protection des biens culturels en cas de conflit armé est mis en place dès la Conférence de La Haye de 1899 qui prohibe les pillages de bien culturels en situation de guerre[2].

Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels[3] (1970) oblige les États signataires à restituer le patrimoine sorti illicitement (pillages, trafics, etc.). Ce texte est efficace s’agissant d’objets entrés illégalement dans les collections publiques[4].

Concernant les collections privées, les règles diffèrent entre les pays anglo-saxons où il n’est pas possible de transmettre un droit de propriété défectueux : « Nemo dat quod non habet » (« On ne transmet pas ce que l’on n’a pas »), ce qui a ainsi permis dans le cas des biens spoliés aux juifs, au portrait de Judith Bloch Bauer de Klimt, alors exposé dans un musée autrichien, d’être restitué aux héritiers de son légitime propriétaire, alors pour les États de droit civil, tels la France, le principe qui prévaut est qu’en matière de meubles, possession valant titre, un acquéreur de bonne foi d’un objet mal acquis en devient le propriétaire légitime[4].

En 1978, l'UNESCO offre un cadre de discussion et de négociation à cet effet en créant le Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d'origine ou de leur restitution en cas d'appropriation illégale[5].

Aperçu historique[modifier | modifier le code]

Appropriations en temps de guerre[modifier | modifier le code]

Dans l'Antiquité[modifier | modifier le code]

Stèle de victoire du roi Naram-Sin (2254-2218 av. J.C). Musée du Louvre, Paris.

La guerre et le pillage des peuples vaincus sont une pratique courante depuis l'Antiquité. Durant le règne de roi akkadien Naram-Sin, le peuple des Lullubis, habitant dans les monts Zagros, se rebelle. Après avoir maté la révolte, Naram-Sin fait ériger une stèle en son honneur à Sippar. Cette stèle de victoire est enlevée au XIIe siècle av. J.-C. par le roi médio-élamite Shutruk-Nahhunte pour être transportée à Suse (dans l'actuel Iran)[6]. Il y fait alors graver sur ce butin de guerre une inscription en élamite comme sur toutes les œuvres qu'il rapporta de ses expéditions, au niveau de la montagne figurée sur la stèle[6]. Celle-ci est retrouvée le par l'archéologue français Jacques de Morgan sur le tell de l'acropole de Suse, puis envoyée en France. Elle est exposée au Département des antiquités orientales du musée du Louvre[6].

Le Palladium est la plus ancienne et peut-être la plus notoire statue volée de la littérature occidentale[7]. Cette petite statue en bois gravé d'Athéna en armes servait de talisman de protection à la ville de Troie, aurait été volée par deux Grecs du Parthénon. Dans l'Antiquité, la croyance veut que la chute de Troie n'ait été rendue possible que par la disparition de cette protection. Ce mythe illustre la signification sacrée de la statuaire de a Grèce antique comme une manifestation divine symbolisant le pouvoir ou octroyant des capacités surnaturelles. The sacred nature of the statues is further illustrated in the supposed suffering of the victorious Greeks afterward, including Odysseus, who was the mastermind behind the robbery.[7]

D'après le mythe de l'histoire romaine, Rome a été fondée par Romulus, the first victor to dedicate spoils taken from an enemy ruler to the Temple de Jupiter Férétrien. In Rome's many subsequent wars, blood-stained armor and weaponry were gathered and placed in temples as a symbol of respect toward the enemies' deities and as a way to win their patronage.[8] As Roman power spread throughout Italy where Greek cities once reigned, Greek art was looted and ostentatiously displayed in Rome as a triumphal symbol of foreign territories brought under Roman rule.[8] However, the triumphal procession of Claudius Marcellus après la chute de Syracuse en 211 is believed to have set a standard of reverence to conquered sanctuaries as it engendered disapproval by critics and a negative social reaction[9].

Selon Pline l'Ancien, l'Empereur Auguste a été suffisamment embarrassé par le poids des rapines romaines de l'art grec pour renvoyer certaines pièces à leur emplacement originel[10].

Au XXe siècle et XXIe siècle[modifier | modifier le code]

L'un des cas les plus tristement célèbres de pillage d'art en temps de guerre a été l'appropriation par les Nazis d'objets d'art appartenant à des fonds publics et privés situés en Europe et en Russie. Le pillage a commencé avant la Seconde Guerre mondiale par des saisies illégales dans le cadre d’une persécution systématique des Juifs, qui faisait partie des crimes nazis commis lors des procès de Nuremberg[11]. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne a pillé 427 musées en Union soviétique, détruit 1 670 églises orthodoxes russes, 237 églises catholiques et 532 synagogues[12].

Un cas contemporain et documenté de pillage en temps de guerre est celui de milliers d'objets du Musée national à Bagdad en 2003 au début de la guerre d'Irak. Bien que ce pillage ne fut pas organisé par le vainqueur du conflit armé, ses actions ont rendu l’environnement instable et chaotique créant les conditions pour permettant aux pillages de survenir.

Les archéologues et les intellectuels ont critiqué l'armée américaine pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger le musée, a repository for a myriad of valuable ancient artifacts from the ancienne civilisation mésopotamienne .[13] In the several months leading up to the war, scholars, art directors, and collector met with Pentagone to ensure that the US government would protect Iraq's important archaeological heritage, with the National Museum in Baghdad being at the top of the list of concerns.[14] Between April 8, when the museum was vacated and April 12, when some of the staff returned, an estimated 15,000 items and an additional 5,000 cylinder seals were stolen.[15] Moreover, the National Library was plundered de milliers de tablettes cunéiformes et le bâtiment principal a été incendié avec le demi-million d'ouvrages qu'il contenait. Heureusement, de nombreux manuscrits et livres sont été préservés[14]. Des forces américaines furent en mesure de retrouver la moitié des des objets volés en diffusant un inventaire des des objets manquants et en garantissant l'immunité en cas de restitution volontaire[15]. In addition to the vulnerability of art and historical institutions during the Iraq war, Iraq's rich archaeological sites and areas of excavated land (Iraq is presumed to possess vast undiscovered treasures) have fallen victim to widespread looting.[16] Hordes of looters disinterred enormous craters around Iraq's archaeological sites, sometimes using bulldozers.[17]. Il est estimé qu'entre 10 000 et 15 000 sites archéologiques en Irak ont été dépouillés[16].

Modern imperialism and looting[modifier | modifier le code]

The scale of plundering that took place under Napoléon Ier's French Empire was unprecedented in modern history with the only comparable looting expeditions taking place in ancient Roman history.[18] In fact, the French revolutionaries justified the large-scale and systematic looting of Italy in 1796 by viewing themselves as the political successors of Rome, in the same way that ancient Romans saw themselves as the heirs of Greek civilization.[19] They also supported their actions with the opinion that their sophisticated artistic taste would allow them to appreciate the plundered art.[20] Napoleon's soldiers crudely dismantled the art by tearing paintings out of their frames hung in churches and sometimes causing damage during the shipping process. Napoleon's soldiers appropriated private collections and even the papal collection.[21] Of the most famous artworks plundered included the Chevaux de Saint-Marc à Venise et le Groupe du Laocoon à Rome (tous deux restitués depuis), with the later being considered the most impressive sculpture from antiquity at the time.

Le Groupe du Laocoon, ca. 40-20 BCE. Museo Pio Clementino, Vatican

The Laocoön had a particular meaning for the French because it was associated with a myth in connection to the founding of Rome.[22] When the art was brought into Paris, the pieces arrived in the fashion of a triumphal procession modeled after the common practice of ancient Romans.[21]

Napoleon's extensive plunder of Italy was criticized by such French artists as Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy (1755–1849), who circulated a petition that gathered the signatures of fifty other artists.[23] With the founding of the Louvre Museum in Paris in 1793, Napoleon's aim was to establish an encyclopedic exhibition of art history, which later both Joseph Staline et Adolf Hitler would attempt to emulate in their respective countries.[19]

L'Expédition d'Égypte Sous Les Ordres De Bonaparte par Léon Cogniet, ca. 1835. Musée du Louvre, Paris. Depicts Napoleon and his savants studying Egypt.

Napoleon continued his art conquests in 1798 when he invaded Egypt in an attempt to safeguard French trade interests and to undermine Britain's access to India via Egypt. His expedition in Egypt is noted for the 167 "savants" he took with him including scientists and other specialists equipped with tools for recording, surveying and documenting ancient and modern Egypt and its natural history.[24] Among other things, the expedition discoveries included the Pierre de Rosette and the Vallée des rois près de Thèbes. The French military campaign was short-lived and unsuccessful and the majority of the collected artifacts (including the Rosetta Stone) were seized by British troops, ending up in the British Museum. Nonetheless, the information gathered by the French expedition was soon after published in the several volumes of Description de l'Égypte, which included 837 copperplate engravings and over 3,000 drawings. In contrast to the disapproving public reaction to the looting of Italian works of art, the appropriation of Egyptian art saw widespread interest and fascination throughout Europe, inciting a phenomenon which came to be called "Égyptomanie".[25]

Demands for restitution[modifier | modifier le code]

A precedent for art repatriation was set in Roman antiquity when Cicero prosecuted Verres, a senate member and illegal appropriator of art. Cicero's speech influenced Enlightenment European thought and had an indirect impact on the modern debate about art repatriation.[26] Cicero's argument uses military episodes of plunder as "case law" and expresses certain standards when it comes to appropriating cultural property of another people.[27] Cicero makes a distinction between public and private uses of art and what is appropriate for each and he also asserts that the primary purpose of art is religious expression and veneration. He also sets standards for the responsibilities of imperial administration abroad to the code of ethics surrounding the collection of art from defeated Greece and Rome in wartime. Later, both Napoleon and Lord Elgin would be likened to Verres in condemnations of their plundering of art.[28]

The Allied victory in 1815 at the Battle of Waterloo marked the end of the Napoleonic Era.

Art was repatriated for the first time in modern history when Arthur Wellesley, 1st Duke of Wellington overturned art plundered by Napoleon to Italy after he and Marshal Bluchers armies defeated the French at the Battle of Waterloo in 1815.[25] This decision contrasted sharply to a long-held tradition to the effect that "to the victors go the spoils."[25] This is remarkable considering that in the battle of Waterloo alone, the financial and human costs were colossal; the decision to not only refrain from plundering France but to repatriate France's prior seizures from the Netherlands, Italy, Prussia, and Spain, was extraordinary.[29] Moreover, the British paid for the restitution of the papal collection to Rome because the Pope could not finance the shipping himself.[30] When British troops began packing up looted art from the Louvre, there was a public outcry in France. Crowds reportedly tried to prevent the taking of the Horses of Saint Mark and there were throngs of weeping ladies outside the Louvre Museum.[31] Despite the unprecedented nature of this repatriation effort, there are recent estimations that only about 55 percent of what was taken was actually repatriated: the Louvre Director at the time, Vivant Denon, had sent out many important works to other parts of France before the British could take them.[32] Wellington viewed himself as representing all of Europe's nations and he believed that the moral decision would be to restore the art in its apparently proper context.[33] In a letter to Lord Castlereagh he wrote:

« The Allies then, having the contents of the museum justly in their power, could not do otherwise than restore them to the countries form which, contrary to the practice of civilized warfare, they had been torn during the disastrous period of the French revolution and the tyranny of Bonaparte. ... Not only, then, would it, in my opinion, be unjust in the Sovereigns to gratify the people of France on this subject, at the expense of their own people, but the sacrifice they would make would be impolitic, as it would deprive them of the opportunity of giving the people of France a great moral lesson. »

Wellington also forbade pilfering among his troops as he believed that it led to the lack of discipline and distraction from military duty. He also held the view that winning support from local inhabitants was an important break from Napoleon's practices.[34]

The great public interest in art repatriation helped fuel the expansion of public museums in Europe and launched museum-funded archaeological explorations. The concept of art and cultural repatriation gained momentum through the latter decades of the twentieth century and began to show fruition by the end of the century when key works were ceded back to claimants.

La question des restes humains[modifier | modifier le code]

Collections concernées[modifier | modifier le code]

Allemagne[modifier | modifier le code]

L’Allemagne aborde la question des butins coloniaux à travers le travail qui a été fait sur la spoliation des biens juifs. Des lois, des méthodes de recherche et des cadres de restitution ont été établis à cette occasion. C’est d’ailleurs un même organisme, à Leipzig, qui s’occupe des biens juifs spoliés et a reçu pour mission de s’occuper des butins de guerres coloniaux. Après la déclaration de Macron faite à Ouagadougou, des demandes de restitution ont été adressées à Angela Merkel, sans qu’elle prenne position publiquement. Mais une commission a été mise en place, un rapport a été rendu au printemps dernier pour savoir quoi faire de nos butins coloniaux, et des recherches précises ont été lancées.[35].

L'Égypte aspire à la restitution du buste de Néfertiti, découvert en 1912 par l'archéologue allemand Ludwig Borchardt, exposé au Neues Museum de Berlin[36]. La demande formulée par le chef du conseil suprême des antiquités égyptiennes Zahi Hawass est rejetée par secrétaire d’État à la culture allemand, Bernd Neumann[37].

L’ouverture prévue en 2019 d’un nouveau musée, le Humboldt Forum de Berlin, dédié aux cultures extra-européennes a été conçu sans réflexion approfondie sur l’origine des collections, constituées en grande partie pendant la période coloniale allemande suscitant en 2017 la démission de Bénédicte Savoy de son conseil consultatif. La ministre de la Culture a par la suite annoncé la mise en place de bourses pour aider les musées à identifier l’origine des œuvres, et a suggéré la création d’une structure comparable au centre chargé de retrouver les propriétaires des biens pillés par les nazis[38]. Le Humboldt Forum compte 75 000 œuvres possiblement spoliées[39]. Le Cameroun réclame le retour d'œuvres de la fondation Humboldt[40].

Autriche[modifier | modifier le code]

Le Weltmuseum de Vienne compte 37 000 œuvres possiblement spoliées[39].

Belgique[modifier | modifier le code]

Sur les plus de 500 000 objets issus du Congo-Kinshasa durant la période coloniale, 120 000 appartiennent en 2018 au Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren[38]. Fondé en 1898 pour faire l’apologie du projet colonial, le musée de Tervuren concentre la majorité des objets rapportés du Congo. Depuis les indépendances, seules 144 œuvres congolaises ont été rétrocédées au Musée national de Kinshasa à la suite du discours du président zaïrois Mobutu Sese Seko à l’Nations unies en 1973, et 600 pièces rendues au Rwanda[38].

États-Unis[modifier | modifier le code]

En septembre 2012, le trésor de Troie est restitué à la Turquie par l'université de Philadelphie[36].

France[modifier | modifier le code]

Sur les 70 000 objets d'art des collections publiques susceptibles d'avoir été spoliés car acquis durant la période 1885-1960, 46 000 objets sont conservés au Musée du quai Branly - Jacques-Chirac et 20 000 autres sont dispersés dans de nombreux musées, notamment dans les villes portuaires[39]. Au Quai Branly, les pièces venant du Tchad sont les plus nombreuses (9.296), car son territoire est au point de jonction entre l'Afrique du nord et l'Afrique sub-saharienne. Viennent ensuite Madagascar (7.590), Mali (6.910), Côte d'Ivoire (3.951), Bénin (3.157), Congo (2.593), Gabon (2.448), Sénégal (2.281), Guinée (1.997)[39].

Des pièces proviennent de territoires qui n'ont pas été colonisés par la France : Ethiopie (3.081), Ghana (1.656), Nigeria (1.148), RDCongo (1.428). Celles d'Afrique australe (9.282) et d'Afrique de l'Est (5.343) sont bien moins nombreuses. Ce chiffre n'inclut pas plusieurs milliers d'objets hébergés par les musées des missions, qui rassemblent des objets collectés par les congrégations catholiques en Afrique[39].

Exemple au musée d'Angoulême (Charente), qui possède de nombreuses pièces béninoises. La moitié des 6 000 objets du fonds extra-européen provient du legs d'un médecin dans les années 1930. Son petit inventaire manuscrit mentionnait simplement le pays de provenance, l'appellation vernaculaire de l'objet et un commentaire sur l'usage. Cet exemple illustre la difficulté de connaître avec certitude la provenance des objets exposés dans certains musées. "Il faut donc aborder cette question avec nuance, explique la conservatrice Emilie Salaberry. Il serait en effet caricatural de considérer que tous les objets dahoméens sont issus de pillages. Elle cite notamment le cas de costumes, textiles et chapeaux collectés par un administrateur colonial du Dahomey très proche des populations, au point d'être recadré par la France à plusieurs reprises. Quelques années plus tard, sa fille a fait don au musée de ces objets obtenus en bonne et due forme.[40].


le Conseil présidentiel pour l'Afrique

[40].

Emmanuel Macron ayant déjà entendu parler des restitutions lors d'un stage de l'ENA effectué à Abuja (Nigeria). 

Les régalias de Behanzin[modifier | modifier le code]

Les principales œuvres de l'art classique béninois sont rassemblées dans des collections en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et surtout en France où le musée du quai Branly détient 6 000 pièces dont les portes du palais d'Abomey, des statues royales et des trônes. Si certaines de ces pièces ont été acquises en bonne et due forme, d'autres ont une origine plus douteuse[40]. Dirigeant une importante fondation d'art contemporain, Marie-Cécile Zinsou considère que « ce n'est pas parce que le Bénin a été colonisé pendant quelques dizaines d'années qu'il doit être privé de son patrimoine" »[40]. Elle évoque un fort appétit du pays pour ce patrimoine expatrié en rappelant le succès d'une exposition temporaire organisée dans sa fondation cotonoise en 2006 et consacrée au roi Behanzin, avec des pièces prêtées par le quai Branly : « quelque 275 000 personnes sont venues dans un pays de 10 millions d'habitants » y sont venues[40].

Les 26 œuvres dont Emmanuel Macron a annoncé qu'elles seraient les premières restituées sont issues de l'expédition d'Alfred Dodds durant la Seconde Guerre du Dahomey où la chute d'Abomey est l'occasion de pillages, le général évoquant un partage d'objets entre soldats. Ces pièces saisies dans les ruines du palais du roi Behanzin sont ensuite vendues à des particuliers ou données à des institutions[40], notamment le musée d'ethnographie du Trocadéro où Dodds a procédé à deux versements : huit pièces (dont les plus significatives, actuellement présentées dans les collections permanentes du Musée du quai Branly) en 1893 et dix-huit en 1895[41]. Le lot de 1893 comprend trois statues mi-homme, mi-animal symboliques des rois Ghézo, Glélé et Behanzin, quatre portes du palais ornées de bas-reliefs polychromes et un siège royal abondamment décoré de figures[41]. Le lot de 1895 comprend trois récades – insignes d’autorité attribués à des dignitaires –, six autels portatifs pris dans le palais royal (dont trois incomplets), des calebasses gravées, les trônes des rois Ghézo et Glélé, un repose-pieds tripode, un fuseau, un métier à tisser et enfin une tunique et un pantalon de soldat. Trônes et autels complets sont les éléments majeurs de cette seconde donation[41]. Une statue du dieu Gou constituée d'un assemblage de pièces de métal d'origine européenne[42]

En 2013, l'association CRAN lance une campagne pour populariser le principe des restitutions : saisine du Conseil des droits de l'homme, voyages au Bénin, lettres des rois et leaders traditionnels d'Afrique... En 2016, le Bénin devient le premier pays africain à formuler une demande officielle à la France[40], dont le principe est donné pour acquis par le président Macron en novembre 2018.

Professeure au département d’études françaises et francophones et directrice du Centre d’études européennes et russes à UCLA, Laure Murat souligne que la direction du musée du quai Branly est favorable aux restitutions[43]

Italie[modifier | modifier le code]

L'Obélisque d'Aksoum en 2009 en Éthiopie dans la région du Tigré.

En 2005, le gouvernement italien décide de restituer à l’Éthiopie de l’obélisque d'Aksoum qui avait été spolié à l'Empire éthiopien par Benito Mussolini en 1937 et dont le retour avait été promis par l'Italie en 1947. Son remontage est effectif en 2008[44].

Royaume-Uni[modifier | modifier le code]

La Grèce demande depuis les années 1980 de la restitution de la frise du Parthénon conservée au British Museum[36]. L'Égypte aspire au retour de la pierre de Rosette, qui permit de déchiffrer les hiéroglyphes, détenue par le British Museum[37], institution qui compte 69 000 œuvres appropriées durant la période coloniale[38].

Offert à la reine Victoria à l'issue de la conquête de la province indienne du Pendjab en 1849, le retour du diamant Koh-i Nor est régulièrement réclamé. En 1953, des nationalistes hindous demandaient le retour du diamant en Inde, demande rejetée par Jawaharlal Nehru arguant du principe que l’Inde démocratique n’a plus besoin de joyaux impériaux ; le joyau est également réclamé en 1976 par le Pakistan et par l'Iran[45]. En 2015, des indiens, stars de Bollywood et hommes d'affaires, demandent un retour du diamant en s'appuyant sur l'Holocaust Act de 2009[46],[47]. La demande est régulièrement rejetée en vertu du British Museum Act de 1963 qui interdit de se séparer d’œuvres[48].

En 2018, après des demandes de restitution éthiopiennes, le directeur du Victoria and Albert Museum considérait que « la voie la plus rapide est celle d’un prêt de longue durée. Ce serait la manière la plus simple de gérer cette question », mais restreint ainsi le débat à un enjeu de diffusion du patrimoine, éludant ceux sur l'héritage de la période coloniale[38].

Arguments sur les restitutions[modifier | modifier le code]

Contre[modifier | modifier le code]

Pour Alexandre Giquello, de la maison de ventes Binoche et Giquello, spécialisée dans les collections d'art primitif, notamment africain

  • C'est une décision politique formidable en soi que je respecte au plus haut point. Mais il faut des garanties que ces objets seront exposés dans de bonnes conditions. Or, on sait le manque de musées en Afrique. Les revendications doivent avoir une pertinence scientifique et historique
  • 90 % des biens africains ont été achetés, offerts, échangés, troqués. Par exemple, des objets qui venaient de forestiers du Gabon (...) Ils sont détenus d'absolue bonne foi. Sur le marché de l'art, si une oeuvre, quelle que soit sa nature, a une provenance douteuse, elle est exclue, parce que la loi, depuis le code Napoléon, empêche le commerce des oeuvres volées et recélées. Nous sommes les premiers à pourchasser ces oeuvres. Ce rapport fait totalement abstraction du marché de l'art et de son histoire depuis un siècle. Il faut respecter cette histoire. On ne peut réécrire l'histoire par une analyse contemporaine de faits et d'attitudes du début du XXe siècle. Les objets d'art importants sont généralement sortis d'Afrique entre 1880 et 1930. Vers 1910, apparaissent les premières collections avec Picasso, Derain, etc... C'est après 1930 que les Africains ont compris qu'il y avait là une plus-value, et ont commencé à produire des objets en dehors du cadre rituel, pour les vendre."
  • Certains de ces objets les plus anciens en Afrique ont été préservés par les collectionneurs. Certains étaient destinés à la disparition, d'abord du fait des conditions climatiques. Et aussi parce qu'ils étaient des objets de culte prévus pour une durée de vie limitée, ou qu'ils n'avaient plus de charge magique et étaient tombés en désuétude[39].

Mais restituer des œuvres ne suffit pas. Encore faut-il un écrin pour les accueillir dans des conditions optimales de conservation. "Au musée historique d'Abomey, il existe de belles œuvres [2 000 pièces authentiques, selon une estimation locale] mais pas autant qu'on pourrait attendre. Les musées existent mais ils sont vides et mal entretenus", souligne l'artiste béninois. Il y a plusieurs années, les derniers conservateurs sont partis à la retraite sans même être remplacés. De quoi susciter des interrogations sur les garanties apportées à l'accueil de nouvelles œuvres. Sur le principe, nous ne sommes pas tenus d'offrir des garanties à la France, car ces œuvres nous appartiennent". Un argument qui agace l'historien de l'art Didier Rykner, attaché à l'inaliénabilité des collections françaises. "Ce type de discours est scandaleux. La France doit protéger le patrimoine universel et cela la concerne.[40].

  • après les restitutions faites par les Belges au musée de Kinshasa dans les années 1970, les œuvres ont été pillées et dégradées.[35].
  • des opposants au retour qu’il n’est guère possible de savoir à quel pays rendre certains objets accaparés avant le dessin des actuelles frontières ? C’est un mauvais argument, même s’il est vrai que si la France ou l’Allemagne ne veulent travailler qu’avec les États, on aura des soucis. Mais la restitution peut se faire à un village ou à un musée privé, il faut savoir dépasser le cadre des États ![35]. Ainsi le diamant Koh-i Nor offert en 1849 à la reine Victoria est réclamé tantôt par l'Inde, le Pakistan et par l'Iran[45].
  • L'avocat Yves-Bernard Debie rappelle lui que le roi Behanzin incendia son propre palais après avoir été défait par les troupes du général Dodds lors de la Seconde Guerre du Dahomey dans le cadre d'un conflit où le royaume de Porto-Novo était allié à la France contre le Dahomey. Debie pointe que les régalia de Behanzin sont aujourd’hui revendiquées par le Bénin, un état qui n’existait à l’époque[49].
  • Dans Le Point, Laureline Dupont pointe que les collections du Musée Branly serait amputées de manière notable par des restitutions globales[50],.

Pour[modifier | modifier le code]

  • un enjeu symbolique : L'économiste sénégalais Felwine Sarr estime que les restitutions décidées en 2018 par Emmanuel macron ont une forte valeur symbolique pour de nouvelles relations entre la France et l’Afrique : « Ce que les sociétés africaines réclament, c’est un acte de considération (...) L'espace artistique est un espace symbolique. Un espace tectonique. Si cet espace se met en mouvement ça déborde sur les autres lieux de la relation (...) L'art est un levier pour le reste »[51].
  • Les musées occidentaux ne peuvent prétendre être des musées universels, ne serait-ce que parce que les Africains n’ont pas accès à la même mobilité que les Européens. Aujourd’hui, l’histoire du royaume de Dahomey se retrouve au Quai Branly, alors que les Béninois ne reçoivent pas de visas[35].
  • des musées plus nombreux : Le Bénin entreprend la réalisation de trois musées : le « Musée de l’épopée des amazones et des rois du Dahomey », qui ouvrira vers 2020 et pourrait accueillir les 26 premières pièces que la France doit restituer ; le Musée des arts et civilisations vaudous/orishas à Porto-Novo ; et le fort portugais de Ouidah sera transformé en musée d’ici à 2020[52]. Le Sénégal inaugure en décembre 2018 le Musée des civilisations noires[53].
  • Le rapport Sarr-Savoy propose un retour progressif pour laisser le temps aux pays d'adapter les infrastructures au retour des œuvres[50].
  • le musée n'est pas le seul mode de conservation possible et attendu par les Africains[52] : Bénédicte Savoy considère le modèle occidental du musée n'est pas le seul mode de conservation recevable, expliquant ainsi qu'au Cameroun les chefs traditionnels eux-mêmes conservent leur patrimoine : « C’est une manière excessivement différente de ce qu’on connaît dans les musées occidentaux, explique l’historienne. Il y a des objets qu’on peut sortir des musées pour certains rituels et qui y retournent ensuite »[51].
  • Au-delà de l'aspect culturel, certains habitants considèrent des œuvres rituelles comme chargées d'une force spirituelle qui pourrait renforcer leur pays[52].
  • après les restitutions faites par les Belges au musée de Kinshasa dans les années 1970, les œuvres ont été pillées et dégradées, mais les choses ont évolué et on donne toujours ce même exemple, qui oublie que, pendant des décennies, les collections africaines ont souvent été très mal traitées et mal conservées en Europe. Aujourd’hui, les réserves du Quai Branly sont tout à fait bien, .[35].
  • Si l'État a changé depuis l'époque de la spoliation ou si les relations entre Etats sont difficiles, il est alors possible de négocier avec des institutions publiques ou privées ou à la communauté locale d'origine. Ainsi, le Land de Saxe est disposé à faire des restitutions à des entités locales[35].

Cadre légal et débats nationaux[modifier | modifier le code]

Les demandes africaines sont alors multiples. Dans les années 80 les sociétés européennes étaient dans le même état d’esprit qu’aujourd’hui : nous étions très près d’une restitution des œuvres, grâce à la ténacité des nouveaux pays indépendants et à l’Unesco[1].

France[modifier | modifier le code]

En France, les conventions internationales entrent en conflit avec le principe issu de l’édit de Moulins de 1566 de imprescriptibilité et de l’inaliénabilité des collections publiques[4],[54].

Après son discours prononcé à Ouagadougou (Burkina Faso) en novembre 2017 où il souhaitait créer « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain » spolié, Emmanuel Macron commande un rapport à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, qui inventorient ces œuvres et propose d'amender la législation sur l’inaliénabilité des collections publiques (encore réaffirmé par la loi du relative aux musées de France[55],) dans leur rapport remis en novembre 2018[56].

« Le premier remède c’est la culture, dans ce domaine, je ne peux pas accepter qu'une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France. Il y a des explications historiques à cela mais il n'y a pas de justification valable, durable et inconditionnelle, le patrimoine africain ne peut pas être uniquement dans des collections privées et des musées européens. Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou, ce sera une de mes priorités. Je veux que d'ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique.

Ça supposera aussi un grand travail et un partenariat scientifique, muséographique parce que, ne vous trompez pas, dans beaucoup de pays d'Afrique ce sont parfois des conservateurs africains qui ont organisé le trafic et ce sont parfois des conservateurs européens ou des collectionneurs qui ont sauvé ces œuvres d'art africaines pour l'Afrique en les soustrayant à des trafiquants africains, notre histoire mutuelle est plus complexe que nos réflexes parfois !

Mais le meilleur hommage que je peux rendre non seulement à ces artistes mais à ces Africains ou ces Européens qui se sont battus pour sauvegarder ces œuvres c'est de tout faire pour qu'elles reviennent. C'est de tout faire aussi pour qu’il y ait la sécurité, le soin qui soit mis en Afrique pour protéger ces œuvres. Donc ces partenariats prendront aussi toutes les précautions pour qu'il y ait des conservateurs bien formés, pour qu'il y ait des engagements académiques et pour qu'il y ait des engagements d’État à État pour protéger ces œuvres d'art, c'est-à-dire votre histoire, votre patrimoine et, si vous m’y autorisez, le nôtre »

— Discours d'Emmanuel Macron à l'université de Ouagadougou (28 novembre 2018)[57].


L'historienne française Bénédicte Savoy et l'économiste sénégalais Felwine Sarr déclarent : « Nous avons été soucieux de faire ce travail de façon très méticuleuse, aucunement de façon polémique (...) Nous avons mis le doigt, dans le contexte colonial, sur un système d’exploitation culturelle qui s’ajoutait au système d’exploitation des ressources naturelles (...) Nous ne nous positionnons pas de façon morale mais historique sur le parcours des objets. Et sur l’histoire de la violence symbolique et réelle de cette captation patrimoniale »[1].

Selon le législation en vigueur, les œuvres d’art appartenant à l’État français sont essentiellement incessibles. Ainsi, la restitution de manuscrits royaux coréens en 2011 avait été présentée comme un prêt renouvelable de cinq ans afin de contourner le principe d’inaliénabilité[58]. Le nouvel article proposé dans le rapport inséré dans le code du patrimoine mentionne spécifiquement que les œuvres seraient restituées dans le cadre d’un accord bilatéral de coopération culturelle entre l’État français et un État africain. Cela signifie a priori que seules les œuvres des collections nationales françaises sont concernées par cette réforme, et non celles appartenant aux marchands ou aux collectionneurs privés. Les États africains seraient à l’initiative des demandes de restitution d’œuvres mentionnées sur un inventaire fourni par les autorités françaises[58].

Considérant le principe de retenir comme ayant vocation à être restituée toute œuvre n'ayant pas fait l'objet d'une transaction consentie (dont la trace serait difficile à identifier), le quotidien Le Monde critique le rapport dans son éditorial du quelques jours sa remise officielle en regrettant une « voie maximaliste » : « Que tout objet soit considéré automatiquement comme le produit d’une spoliation peut paraître néanmoins simpliste, ne serait-ce qu’en raison de la pratique des commandes passées à des artistes africains par ou pour des amateurs européens (...) S’engager dans cette voie maximaliste ne serait pas sans risque en France : on imagine sans peine le tollé si des collections nationales venaient à être détruites. » L'éditorialiste objecte aussi que les grands musées étrangers ne s'engageraient pas forcément sur cette voie de restitutions globales, citant le cas de l'accord conclu quelques semaines plus tôt entre le Nigeria et le groupe de musées conservant les bronzes et ivoires pillés en 1897 dans l’ancienne capitale du royaume des Edo, pour faire en sorte qu’ils soient à nouveau visibles dans leur lieu d’origine[59].

Lors de la remise du rapport « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain : vers une nouvelle éthique relationnelle » le , Emmanuel Macron annonce la restitution prochaine de 26 œuvres au Bénin, validant ainsi son orientation[51], en retenant une des trois propositions ainsi formulées, en ne retenant pas le retour immédiat d’œuvres issues du Mali et du Nigeria[42]. Le retour de ces œuvres avait été écarté en 2016 par Jean-Marc Ayrault, alors ministre des affaires étrangères, au nom de l’inaliénabilité des collections nationales[42]. Soucieux de muscler sa politique culturelle, le gouvernement béninois avait annoncé peu avant la mise en chantier de trois nouveaux musées, espérés à l'horizon 2021. Mi-septembre 2018, le président béninois Patrice Talon, proche d'Emmanuel Macron, a aussi mis en place une commission ad hoc sur la question des retours, afin de réfléchir à l'avenir de ces œuvres. Le gouvernement béninois mise beaucoup sur le tourisme dans son développement, mais cette structure de dix experts souhaite également selon vice-président Alain Godonou combler le « traumatisme que leur absence a causé dans l'éducation en Afrique »[40]. Après cette annonce symbolique, Emmanuel Macron souhaite que s’engage une concertation entre les États africains et tous les États européens anciennes puissances coloniales (Allemagne, Belgique, Royaume-Uni) qui disposent de collections rivalisant avec celles du musée du quai Branly. La France souhaite que se tienne à Paris au premier trimestre 2019 une conférence réunissant l’ensemble des partenaires africains et européens au nom de « la nécessité d’un travail approfondi avec les autres Etats européens qui conservent des collections de même nature acquises dans des circonstances comparables[42] ».

Après la remise du rapport au Président de la République Emmanuel Macron d'un rapport confié à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, sur la question des restitutions du patrimoine africain de la période coloniale, l'historien de l'art Didier Rykner critique vivement ses préconisations d'une restitution du patrimoine dont l'acquisition ne saurait être prouvée par un consentement explicite[60],[61].



Pour Nanette Snoep, Néerlandaise qui, après avoir passé 15 années au Quai Branly, est depuis 2015 directrice des musées d’ethnologie de Dresde, Leipzig et Herrnhut en Allemagne et prendra, à partir de janvier 2019, la direction du musée ethnographique de Cologne. « Nous sommes face à une véritable transformation, qui ne touche pas seulement la France, mais concerne toute l’Europe » [35]. butins de guerre / Les collectes ethnographiques, souvent militarisées et à l'appropriation non exempte de rapports de force ou d'achats non éclairés[35]. Le rapport Savoy-Sarr n’aborde que l’Afrique noire car il y a là un cas vraiment particulier, au sens où la grande majorité de l’héritage culturel et du patrimoine africain se trouve aujourd’hui dans les galeries et musées européens ou américains, ce qui n'est pas le cas par exemple pour les pays d'Asie.[35].

Initiatives de restitution et influence sur la muséographie[modifier | modifier le code]

Belgique[modifier | modifier le code]

Le Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) à Tervuren rouvre ses portes le après une refonte complète de sa logique d’exposition, pour devenir « un espace de dialogue sur un pied d’égalité entre Européens et Africains », selon les mots de la secrétaire d’État belge à la Politique scientifique. Le musée travaille aussi à la numérisation des archives coloniales pour qu’elles soient accessibles dans les pays qu’elles concernent en premier lieu[38].

Renommé Africamuseum, le MRAC a été conçu à la gloire de Léopold II et de de la colonisation du Congo. Il reçoit l'adjonction d’œuvres d'artistes contemporains comme Chéri Samba. Bien que nombre de leurs suggestions aient été rejetées sans motivation, la nouvelle muséographie a associé six personnalités africaines ou afropéennes pour faire évoluer la présentation des collections. La tabou du rôle de la royauté dans la colonisation empêche cependant certaines évolutions. Un salle nommée « Hors jeu » présente les objets et représentations coloniales les plus caricaturales ainsi décrites : « Les statues que l'on voit ici faisaient autrefois partie de l'exposition permanente mais n'y ont plus leur place aujourd'hui »[62].

République démocratique du Congo[modifier | modifier le code]

Le collecteur d'art congolais Sindika Dokolo s'est donné pour mission de restituer des œuvres d'art africain volées à leur musée d'origine[63]. Rachetant des œuvres issues de pillages coloniaux, il en rend à leurs pays d’origine, avec notamment fin 2019 une vingtaine d’œuvres confiées au musée de Dundo (Angola)[64]. Fin 2019, il acquiert le carnet de voyage d’un officier belge qui raconte le mise à sac en 1896 d’un village congolais, et le pillage soigné d’œuvres d'art dont un masque bélier luba, offert par la suite au Musée royal de Tervuren. Le collecteur projette d'offrir ce document au nouveau musée de Kinshasa[64].

France[modifier | modifier le code]

Dès les années 1940, l'Afrique du Sud demande la restitution de la dépouille de Saartjie Baartman dite « la Vénus hottentote ». En 1994, quelque temps après la fin de l'apartheid, les Khoïkhoïs font appel à Nelson Mandela pour demander la restitution des restes, qui devient un enjeu culturel populaire[65]. Ces demandes se heurtent alors à un refus des autorités et du monde scientifique français au nom du patrimoine inaliénable de l'État et de la science. Après le vote d'une loi spéciale de restitution[66] du , la France rend la dépouille à l'Afrique du Sud[67].

Quinze têtes maoris momifiées acquises au XIXe siècle par les explorateurs et marins occidentaux et conservées dans des musées français sont rendues à la Nouvelle-Zélande en 2012 après le vote d'une loi spéciale[68]. La tête du kanak Ataï tué en Nouvelle-Calédonie en 1878, puis gardée dans les réserves du Muséum national d'histoire naturelle, est restituée aux clans coutumiers en 2014[69].

En attendant d'hypothétiques restitutions, certains acteurs privés ont pris les devants. C'est le cas du galeriste parisien Robert Vallois, à l'origine d'un Petit Musée de la récade, ouvert en 2015 à Cotonou (Bénin) et dont le fonds est constitué de dons issus de collections privées. Les récades – des sceptres royaux, jadis utilisés pour authentifier les documents – sont une composante importante du patrimoine béninois. L'initiative va plus loin qu'un simple don, puisqu'un centre culturel et un musée ont été construits avec l'appui financier du Collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés.[40]

En écho à la promesse faite par le président de la République François Mitterrand en 1993 à l'occasion d'un contrat commercial et non tenu jusqu'alors, Nicolas Sarkozy décide en novembre 2010 d'un prêt à long terme de cinq ans, renouvelable, avec l'engagement de ne pas réclamer leur retour de 297 livres manuscrits pillés par la marine française en 1866 conservés depuis à la Bibliothèque nationale de France et réclamés par la Corée du sud. Ce prêt perpétuel contourne ainsi le caractère inaliénable des objets et œuvres des collections de l’État[70].

Dans les années 2010, l’histoire de la constitution de ces collections commence à être mentionnée dans les musées comme au musée d'Angoulême ou au musée d'Arts de Nantes[1].

Lors la remise du officielle du rapport Sarr-Savoy en novembre 2018, Emmanuel Macron annonce vouloir restituer « sans tarder » 26 œuvres saisies par l’armée française en 1892 et réclamées par le Bénin[56]. Quelques jours plus tard, le ministre de la culture sénégalais, Abdou Latif Coulibaly, souhaitait la restitution par la France de « toutes les œuvres identifiées comme étant celles du Sénégal », qui représentent environ 10 000 pièces[71].

Le , le premier ministre Édouard Philippe en visite au Sénégal rend au président Macky Sall, sous la forme d'un prêt de cinq ans devant être définitif après le vote d'une loi, le sabre d’Oumar Tall, qui était déjà exposée à Dakar depuis un an. Érudit musulman et guide de l’importante confrérie des Tidianes, il fut à l’origine de l’empire toucouleur et qui combattit les troupes françaises de 1857 à 1859 avant de signer un traité de paix avec elles en 1860. Son fils Ahmadou (1836-1897) lui succéda mais fut vaincu par les Français en avril 1893 à Bandiagara, là où les Français s’emparèrent du sabre[72],[73]. Il comporte une lame française, de sabre d’officier d’infanterie modèle 1821, dite « à la Montmorency ». forgée à la manufacture de Klingenthal. La poignée est en cuivre ciselé, munie d’une croisière simple et massive. Le pommeau est en forme de bec d'oiseau, terminé par un petit anneau. La fusée est garnie d'un filigrane en fil de fer. Le fourreau est en cuir et comporte des garnitures en laiton. La pièce a probablement été présentée lors de l’exposition coloniale internationale de 1931 et est un temps resté en dépôt au musée des colonies[74]. Il faisait partie des collections du Musée de l’armée à Paris et rejoint le musée des civilisations noires de Dakar[72].

États-Unis[modifier | modifier le code]

Fin 2018, les États-Unis restituent aux Philippines les trois cloches de Balangiga (l’île de Samar, dans le centre-est de l’archipel)qui avaient été saisies lors d’une sanglante campagne punitive menée dans l’archipel par l’armée américaine en 1901 et dont l'ancienne colonie (acquise en 1898 et devenue indépendante en 1946) demandait depuis le retour depuis les années 1990. Deux des cloches étaient exposées au Wyoming, dans un mémorial pour les soldats américains tombés au champ d’honneur, tandis que la troisième était installée dans une base militaire américaine en Corée du Sud. La restitution a été facilitée par l'évolution de l'avis des associations vétérans américains qui ont progressivement accepté la restitution de ces trophées. Le , des rebelles philippins armés de machettes avaient tué 48 soldats américains lors d’une attaque surprise, les cloches étant réputées avoir donné le signal de l’assaut. En représailles, le général Jacob Smith ordonna que l’île soit transformée en « désert de hurlements » et que tous les Philippins de sexe masculin de 10 ans et plus soient exécutés. Des milliers de Philippins avaient été tués, la ville de Balangiga entièrement rasée et les cloches avaient été saisies comme prises de guerre[75].

Japon[modifier | modifier le code]

En novembre 2010, le Japon accepte le retour en Corée du sud d'un millier d'objets pillés entre 1910 et 1945, dont une collection de livre royaux Uigwe datant de la période Joseon[76].

Notes et références[modifier | modifier le code]

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  13. (en) Barry Meier and James Glanz, « Looted treasure returning to Iraq national museum », New York Times,‎ (lire en ligne)
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  15. a et b (en) Robert M. Poole, « Looting Iraq », Smithsonian Magazine,‎ (lire en ligne)
  16. a et b Greenfield, p. 268
  17. Greenfield, p. 267
  18. Well known examples include le sac de Corinthe par Lucius Mummius Achaicus ou le pillage de Syracuse par Claudius Marcellus See Miles, p. 320
  19. a et b Miles, p. 320
  20. See Miles, p. 320
  21. a et b Miles, p. 321
  22. The Laocoön was the fabled Trojan priest who warned the Trojans not to accept the Wooden Horse that the Greeks offered to Athena. A god hostile to Troy sent sea serpents to kill him and his sons, which led to the fall of Troy and heralded the eventual founding of Rome, see Miles, p. 321
  23. Ironically one of the names included Dominique Vivant Denon, le futur directeur du musée du Louvre and future facilitator of Napoleon's despoliation of artifacts from Egypt (see Miles, p. 326)
  24. Miles, p. 328
  25. a b et c Miles, p. 329
  26. Miles, p.4
  27. Miles, p.5
  28. Miles, p. 5
  29. Miles, p. 330
  30. Miles, p. 331
  31. Miles, p. 334
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Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]