Le Deuxième Souffle

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Le Deuxième Souffle

Réalisation Jean-Pierre Melville
Scénario Jean-Pierre Melville
José Giovanni
d'après son roman éponyme
Acteurs principaux
Sociétés de production S.N. Prodis
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Film de gangsters, drame
Durée 150 minutes
Sortie 1966

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Le Deuxième Souffle est un film français de Jean-Pierre Melville, sorti en 1966, adapté du roman homonyme de José Giovanni. Il a fait à l'époque l'objet d'une réception critique très abondante et plutôt élogieuse[1]. Alain Corneau en a réalisé une nouvelle adaptation sortie en 2007.

Synopsis[modifier | modifier le code]

Gustave Minda, dit « Gu », s'est évadé de prison. Connu du milieu pour sa fiabilité et son courage, il retrouve à Paris sa sœur[a] Simone Pelletier, dite « Manouche », qui lui voue une affection passionnée et avec qui il a fait maints mauvais coups, ainsi que son ami fidèle, Alban.

Dans un bar-restaurant de l'avenue Kléber, une fusillade éclate. Le gérant, « Jacques-le-Notaire », est tué sous les yeux de Manouche, qui partage sa vie. Le commissaire Blot, qui connaît bien tout ce beau monde, est chargé de l'enquête. Il comprend sans peine qu'il a affaire à un règlement de comptes entre truands. Et de fait, le lendemain soir, Manouche reçoit la visite de deux hommes de main envoyés par Jo Ricci, auteur de la fusillade. Ce malfrat sans honneur souhaite l'intimider et la faire chanter. Gu arrive à temps pour mettre les deux sbires hors d'état de nuire. Dans une voiture en marche, il les abat en forêt de Ville-d'Avray. Blot soupçonne aussitôt Gu, qui a utilisé pareille méthode, quinze ans plus tôt, pour éliminer « Francis-le-Bancal ».

Manouche et Alban cachent Gu dans un appartement miteux de Montrouge. Gu souhaite fuir en Italie mais il manque d'argent. Manouche se charge du départ : près de Marseille, son cousin Théo, pêcheur et passeur à ses heures, lui prête la maison isolée héritée de son père et peut fournir à Gu de faux-papiers. Entre-temps, Orloff, une vieille relation de Gu, est approché par Paul Ricci, frère de Jo et ami de Gu, pour braquer dans le midi un fourgon contenant 500 kilos de platine. Cela nécessite d'assassiner les deux motards de l'escorte. Orloff se récuse. Mais incognito, par l'intermédiaire de Théo, il met Gu au courant du projet. Malgré l'opposition de Manouche, qui craint que l'affaire tourne mal, Gu, à court de fonds et désireux d'aider Paul, accepte le marché. Le hold-up a lieu, au cours duquel Gu abat un motard.

Blot se rend à Marseille pour y traquer Gu. Il rencontre le commissaire Fardiano, un homme bourru, peu coopératif et dépourvu de scrupules. Une mise en scène entraîne l'arrestation de Gu. Enregistré à son insu sur un magnétophone, il a fait état de la complicité de Paul Ricci dans le récent hold-up. Ses aveux font la une des journaux. Jo désire venger son frère incarcéré mais aussi - et surtout - empocher sa part du butin. Venu à Marseille, il manipule les deux complices du hold-up, qui craignent que Gu les dénonce. Mais fidèle au code de l'honneur, Gu s'évade pour rétablir la vérité. Caché dans la voiture de Fardiano, il oblige ce dernier à consigner, dans un calepin, l'aveu signé de ses méthodes illégales (l'un destiné à la presse, l'autre au ministère de la Justice), puis l'abat tout en conduisant. Ensuite, il règle ses comptes avec Jo et sa bande : c'est un massacre général. Blot arrive auprès de Gu, qui agonise. Dans un dernier souffle, Gu prononce le nom de Manouche puis sort de sa poche le carnet contenant les aveux de Fardiano. À Manouche qui le questionne, Blot affirme que Gu n'a absolument rien dit en mourant. Manouche en éprouve une peine profonde. Devant la presse, Blot laisse tomber au sol, comme par inadvertance, le calepin compromettant. Il attire l'attention d'un journaliste, qui le ramasse...

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Personnages[modifier | modifier le code]

José Giovanni s'est inspiré pour son roman d'origine de personnes réelles qu'il a fréquentées dans le « milieu » pendant l'Occupation ou en prison après-guerre :

  • Le personnage de Gu Minda, est inspiré par Auguste Méla, dit « Gu le terrible »[3], qui en a réalisé l'attaque du « train d'or ». Condamné, il s'échappe de la prison de Castres en avec Bernard Madeleine, comme dans le début du film. C'est avec Bernard Madeleine, le futur « caïd des caïds » que José Giovanni a participé aux exactions d'un faux maquis en Bretagne en .
  • Le personnage de Manouche est inspiré de Germaine Germain, dite « Manouche »[4]. Elle a été la maîtresse de Paul Carbone, « l'empereur de Marseille » qui a travaillé avec « la Carlingue ». À la sortie du film, Germaine Germain a d'ailleurs fait savoir par référé qu'elle n'a jamais eu de relation avec Auguste Méla[5].
  • Orloff est inspiré de Nicolaï Alexandre Raineroff dit « Orloff », agent de la Gestapo fusillé pour intelligence avec l'ennemi le , et avec lequel Giovanni a lui-même rançonné deux Juifs cachés à Lyon en [5].
  • Le personnage du commissaire Blot s'inspire du commissaire Georges Clot[6], responsable à la Libération de la cellule anti-Gestapo de la police judiciaire[7].

Production[modifier | modifier le code]

Tournage[modifier | modifier le code]

Le film devait être d'abord tourné en 1964, avec la distribution suivante : Serge Reggiani (Gu), Simone Signoret (Manouche), Lino Ventura (Blot), Roger Hanin (Jo Ricci), Georges Marchal (Orloff), Raymond Pellegrin (Paul Ricci) et Leny Escudero (Le Gitan). Les contrats étaient signés mais le tournage fut abandonné, en raison de problèmes de production (le producteur Fernand Lumbroso ne paie pas les techniciens, et ne respecte pas l'échéancier des droits du livre ; Melville l'assomme)[5].

Le livre étant libre, Gallimard, sur demande de Giovanni les remet à la vente : un autre projet se monte, avec Denys de la Patellière à la réalisation, Pascal Jardin au scénario, et Ventura et Jean Gabin dans les rôles principaux[8]. Melville obtient de ses relations au CNC que l'autorisation de tournage soit bloquée. Préférant finalement Melville à Jardin, Giovanni accepte d'octroyer à nouveau les droits au premier, mais négocie ferme ces droits, tout comme les différents rôles : il obtient d'inverser ceux de Ventura et de Meurisse (qui devaient jouer respectivement Blot et Gu), d'obtenir Raymond Pellegrin pour Paul Ricci, à la place de Tino Rossi que Melville voulait prendre[5].

Après deux ans de tractations entre les deux hommes, le tournage commence le [5].

Musique[modifier | modifier le code]

La bande originale est signée par Bernard Gérard, assistant et arrangeur de Michel Magne pour certains films de Georges Lautner. L'intégralité de cette musique, très empreinte de jazz, reste pour l'instant inédite.

Une bande originale[9], restée sous forme de partition inédite, fut composée par John Lewis[10] mais suscita le rejet catégorique de Jean-Pierre Melville. On peut supposer qu'elle était destinée à sonoriser la version américaine du film, intitulée Second Breath.

Accueil[modifier | modifier le code]

Critique[modifier | modifier le code]

Un éventail très représentatif de l'accueil critique est compilé dans les pages du site de la Cinémathèque française[1]. On y retrouve des extraits des articles publiés alors par l'ensemble de la presse :

Box-office[modifier | modifier le code]

Le film rassemble au total en France 1 912 749 entrées (dont 647 857 spectateurs à Paris)[11],[12].

Autour du film[modifier | modifier le code]

  • Le surnom Manouche est celui d'une femme qui a réellement existé. C'était une femme très belle qui a eu pour amant le gangster Carbone et avec qui elle a eu un fils. Alphonse Boudard raconte la vie rocambolesque de cette femme dans son livre Manouche se met à table (1975, Flammarion).
  • L'acteur Mel Ferrer devait jouer le rôle d'Orloff, mais Melville ne le trouva pas bon ; il se débrouilla pour que Ferrer quitte le tournage après la première scène, et le remplaça par Pierre Zimmer[13].
  • Lorsque Manouche monte l'escalier pour dîner avec Gu à Montrouge, on entend s'échapper d'un appartement un dialogue des Enfants terribles de Jean-Pierre Melville.
  • Les scènes du braquage du fourgon se déroulent sur la route des Crêtes (D141) située sur les hauteurs des falaises Soubeyranes entre les communes de La Ciotat et de Cassis (notamment au niveau de parking du Belvédère).
  • La scène où Gu monte dans le train est à l'origine de la brouille entre Lino Ventura et Jean-Pierre Melville, ce dernier ayant demandé secrètement au mécanicien d’accélérer progressivement la vitesse du train[14],[15].
  • La scène où Gu Minda est abusé par l'équipe du commissaire Blot commence par l'arrivée de limousines dans un terrain bordant le rivage, totalement détrempé et dans lequel les voitures soulèvent des gerbes d'eau, à environ 1 h 41 min 36 s. Moins de 5 min 36 s après (à 1 h 46 min 74 s), la caravane des limousines américaines quitte les lieux : un terrain sec.
  • Ce film est le dernier tourné par Melville en noir et blanc[16].

Remake[modifier | modifier le code]

Hommage[modifier | modifier le code]

Le film a été montré dans le cadre de la Rétrospective Jean-Pierre Melville : l’intégrale, projetée au festival Premiers Plans, tenue à Angers en 2010.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Cette relation de parenté n'est énoncée qu'à la 60e minute du film.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u et v Cf. Accueil critique des films de Jean-Pierre Melville - Le Deuxième Souffle. Consultation du 7 novembre 2011.
  2. « Visas et Classification », sur cnc.fr (consulté le ).
  3. Jean-Luc Douin, « Le Deuxième Souffle : symphonie infernale pour un truand à bout de souffle », Le Monde du 24 octobre 2007
  4. « L'histoire peu engageante d'une petite femme qui a mal tourné », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. a b c d et e Bertrand Tessier, Jean-Pierre Melville : Le solitaire, Fayard, , 272 p. (ISBN 978-2-213-70811-9, lire en ligne)
  6. « Mort du commissaire Georges Clot », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Franck Lhomeau, « Joseph Damiani, alias José Giovanni », dans Temps noir la Revue des littératures policières, no 16, septembre 2013, Nantes, Éditions Joseph K. (ISBN 978-2-910686-65-9).
  8. Gabriel Vialle, Anthologie du cinéma, tome 8, L'Avant-Scène, 1974
  9. Cf. BOF du film Le Deuxième Souffle sur Soundtrackcollector.com. Consultation du 7 novembrel 2011.
  10. Cf. Une interview de Stéphane Lerouge, de la collection "Écoutez le cinéma" (voir fin d'interview "regrets"). Consultation du 7 novembre 2011.
  11. « Jean-Pierre Melville le solitaire - Bertrand Teissier », sur babelio.com (consulté le ).
  12. « Le Deuxième Souffle - Box Office José Giovanni 1966 », sur boxofficestory.com (consulté le ).
  13. « Melville trouve son deuxième souffle », Repères méditerranéens,‎ (lire en ligne [vidéo])
  14. « Gros plan : Jean-Pierre Melville, "devenir immortel, puis mourir" », sur CinéSéries, (consulté le )
  15. « Jean-Pierre Melville, un regard d'illusionniste sur le film noir », sur LExpress.fr, (consulté le )
  16. Olivier Père, « Le Deuxième Souffle de Jean-Pierre Melville », sur Olivier Père, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]