Élisabeth Badinter

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Élisabeth Badinter
Nom de naissance Élisabeth Bleustein-Blanchet
Naissance (80 ans)
Boulogne-Billancourt (France)
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Français

Œuvres principales

  • Madame du Châtelet, Madame d'Épinay ou l'Ambition féminine au XVIIIe siècle, Paris, Flammarion, 2006
  • Les Passions intellectuelles, 3 tomes, Paris, Fayard, 1999, 2002, 2007
  • L'amour en plus : Histoire de l'amour maternel (XVIIe-XXe siècle), Flammarion, 1980

Compléments

Épouse de Robert Badinter (depuis 1966)
Actionnaire de Publicis Groupe

Élisabeth Badinter, née Bleustein-Blanchet, le à Boulogne-Billancourt, est une femme de lettres, philosophe, féministe et femme d'affaires française.

Elle est surtout connue pour ses réflexions philosophiques qui interrogent le féminisme et la place des femmes dans la société, en accordant une place particulière aux droits des femmes immigrées.

Formation et vie privée

Élisabeth Badinter est la fille du publicitaire Marcel Bleustein-Blanchet, fils d'immigré juif russe qui fonda, en 1926, une société publicitaire, Publicis, qui finit par devenir le 3e groupe mondial du secteur (Blanchet est son pseudonyme de la Résistance qu'il a, comme un certain nombre de Résistants, accolés après-guerre à son nom de famille)[1].

Sa mère, Sophie Vaillant, est la petite-fille du député socialiste et communard Édouard Vaillant[1] ; catholique et issue de la bourgeoisie, elle s'était convertie au judaïsme pour faciliter le mariage[1].

Élisabeth Badinter a deux sœurs : son aînée Marie-Françoise (1940-1968), qui s'est mariée avec le poète Michel Rachline, et sa cadette Michèle (1946-2013)[2]. Elle est la tante de la productrice Sophie Dulac (née Rachline en 1957).

Elle est élève à l'École alsacienne et étudiante en philosophie à la Sorbonne, où elle a Catherine Clément comme professeure[3]. Elle est agrégée de philosophie[4] (qu'elle réussit au bout de la quatrième tentative), spécialiste du siècle des Lumières[4],[5], et auteur de biographies littéraires. Elle a été professeure au lycée Guillaume-Budé de Limeil-Brévannes[2], puis conférencière à l'École polytechnique[5].

Elle épouse en 1966 Robert Badinter, de seize ans son aîné, alors avocat de son père et avec qui elle a trois enfants[6],[2].

Essais et prises de position

Elle publie son premier livre, L'Amour en plus, en 1980, dans lequel elle met en cause l'idée que l'amour maternel est quelque chose d'exclusivement naturel : pour elle, il est également l'effet d'un contexte culturel qui participe à la production de celui-ci[1]. Bien que rétive à l'engagement collectif dans des groupes féministes, se tenant par exemple à l'écart, dans les années 1960 et 1970, du mouvement de libération des femmes (MLF), elle se fait ainsi un nom dans le milieu militant. Après la parution de L'Amour en plus, au début des années 1980, elle anime à l'École polytechnique, à Palaiseau, un séminaire en Humanités et Sciences sociales, autour de la virilité et de sa redéfinition dans le contexte de relative transition des idées féministes de ces années-là. Ces travaux participeront au projet du livre XY, De l’identité masculine, synthèse dans laquelle elle étudie les notions de féminité, de virilité, ainsi que leurs constructions sociale et historique.

Dès l'affaire de Creil sur les collégiennes voilées, elle prend position contre le voile et sera de toutes les polémiques sur le voile en France[1].

En 2013, dans l'affaire de la crèche Baby Loup, elle estime nécessaire de défendre la laïcité, et incite le gouvernement à voter « une loi interdisant le port de signes religieux ostentatoires dans le secteur de la petite enfance, comme c’est le cas à l’école ». Selon elle, le port du voile est un « étendard politique et communautaire »[7]. Ses prises de position dans cette affaire, perçues par l'association Les Indivisibles comme faisant l'amalgame entre une employée voilée et le terroriste Mohammed Merah, lui valent une nomination à la cérémonie satirique des Y'a bon Awards[8].

Élisabeth Badinter s'est attachée à théoriser la notion de « ressemblance » des sexes. Selon elle, c'est « une telle innovation qu'on peut légitimement l'envisager en termes de mutation[9]. » Lors de la parution de Qu'est-ce qu'une femme ?, Le Monde () résumait ainsi sa position : « Élisabeth Badinter pense que l'humanisme rationaliste, l'accent mis sur la ressemblance entre les hommes et les femmes, sont historiquement porteurs du progrès de la condition féminine, alors que toutes les pensées de la différence sont potentiellement porteuses de discrimination et d'inégalité. » Toutefois, ce rejet du différentialisme s'accompagne, dans le même temps, d'une prise de distance avec le « constructivisme à tous crins, qui aboutirait à une déconstruction des genres et des sexes », selon Catherine Rodgers[10]. Dans une lecture (très) critique de XY, De l’identité masculine, Guy Bouchard souligne des contradictions dans le discours de Badinter sur le débat entre constructivistes et différentialistes, dans la quête d'un homme androgyne[11]. Il dénonce la vision, selon lui à la limite de la misandrie, et insuffisamment développée, d'un « homme mou [...] favorable à l'égalité de l'homme et de la femme », mais à qui il faut imposer cette égalité alors même qu'elle l'atteindrait dans la construction de sa masculinité[12].

Lors du débat, sous le gouvernement Jospin, sur la parité en politique, elle s'était opposée à la loi du 6 juin 2000 sur l'égal accès des femmes aux mandats électoraux qui, selon elle, considérait que les femmes étaient incapables d'arriver au pouvoir par elles-mêmes.

Son essai Fausse route, publié en 2003 et qui fustige la misandrie et la « posture victimaire » des féministes françaises contemporaines[13], ainsi que divers écrits critiques quant aux nouvelles lois concernant la parité politique ou le traitement des crimes et délits sexuels, ont suscité une vive polémique, et de nombreuses féministes lui contestent désormais l'épithète de « féministe ». De son côté, elle continue de s'en réclamer, arguant que la vocation du féminisme n'est pas de conduire à une guerre des sexes visant à une revanche contre les hommes. Dans cet ouvrage, elle dénonce aussi les enquêtes statistiques sur la violence conjugale où on n'interroge que les femmes et où on amalgame le subjectif et l'objectif, les pressions psychologiques et les agressions physiques, ce qui a pour effet d'établir une hiérarchie morale entre les sexes : « À vouloir ignorer systématiquement la violence et le pouvoir des femmes, à les proclamer constamment opprimées, donc innocentes, on trace en creux le portrait d'une humanité coupée en deux peu conforme à la vérité. D'un côté, les victimes de l'oppression masculine, de l'autre, les bourreaux tout-puissants[14] ».

Selon Élisabeth Badinter, le combat féministe doit aujourd'hui se concentrer essentiellement sur les populations immigrées ou maghrébines, car selon elle, « depuis longtemps, dans la société française de souche, que ce soit le judaïsme ou le catholicisme, on ne peut pas dire qu’il y ait une oppression des femmes »[15]. Ce positionnement a été critiqué par Thomas Lancelot, co-fondateur avec Clémentine Autain de Mix-Cité[16], ou par la militante féministe Christine Delphy pour qui ce discours conduit à la fois à légitimer le racisme et à négliger le sexisme existant dans la population non immigrée[17].

La même année, elle signe la pétition du CRIF contre une résolution du Conseil de l'Europe assimilant la circoncision des mineurs à une atteinte à l'intégrité physique[18].

En 2016, elle appelle à boycotter les marques occidentales développant des habits islamiques. Elle apporte également son soutien à Nadia Remadna, la militante associative française, fondatrice de La brigade des mères et essayiste du livre Comment j'ai sauvé mes enfants et considère « Nadia Remadna, au même titre qu'un nombre croissant d'intellectuels arabo-musulmans qui prennent la parole avec courage, [...] les représentants actuels des Lumières. »[19]

Elle est favorable au mariage homosexuel, à la PMA et à une GPA « éthique ». Elle est également opposée à l'abolition de la prostitution[20].

Fortune et administration de Publicis

Élisabeth Badinter est présidente du conseil de surveillance de Publicis, fondé par son père, Marcel Bleustein-Blanchet. En 2016, elle en est aussi avec sa famille la première actionnaire[21]. Ce rôle lui vaut des critiques concernant les « représentations sexistes de la femme » dans le domaine publicitaire[22],[23],[24]. Le fait que Publicis soit chargé de la communication de l'Arabie Saoudite lui vaut également des accusations d'« hypocrisie » et de « troublant mélange des genres »[25],[26]. Bruno Guigue fustige quant à lui « l'incroyable hypocrisie de cette milliardaire féministe reconvertie dans le cirage de pompes saoudiennes »[27]. À ces critiques, elle répond : « comme présidente du conseil, je n'ai pas le droit d'intervenir sur le contenu du groupe. Si c'est indigne, je le dis. »[1].

Du fait de sa proximité avec le Parti socialiste, elle se trouve au cœur de la polémique concernant le bonus de 16 millions d'euros touché par le patron de Publicis, Maurice Lévy, lors de la campagne présidentielle de 2012[28]. Élisabeth Badinter justifie ce bonus en affirmant à propos de Maurice Lévy : « Aucune entreprise n'a jamais eu un meilleur capitaine. Il est rassurant pour nous tous qu'il soit à la barre. Son expérience est indispensable et nous avons la certitude qu'il saura nous mener à bon port. »[29].

En 2011, le magazine Challenges estime sa fortune à 652 millions d'euros, soit la 56e fortune de France[30], puis la 51e. En mars 2012, elle est classée par le magazine américain Forbes 13e personne la plus riche de France, avec une fortune familiale[31] estimée à 1,1 milliard de dollars[32]. En 2016, Forbes estime sa fortune à 1,58 milliard de dollars[33], elle n'est plus que 1304e fortune mondiale et 31e fortune française.

En 2012, sa rémunération fixe pour présider le conseil de surveillance de Publicis s'élevait à 240 000 euros par an[34].

Autres fonctions

Elle est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Elle a également été nommée membre du conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France en qualité de personnalité qualifiée, en 1998[35] et 2002[36].

Distinctions et hommages

Distinctions

Hommages

Une école d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine)[39] et le collège de Quint-Fonsegrives (Haute-Garonne) portent son nom[40].

Le collège de La Couronne (Charente) porte son nom ainsi que celui de son mari[41], tout comme des écoles situées à Laval (Mayenne)[42] et à Tomblaine[43].

Ouvrages

Notes et références

  1. a b c d e et f Marion Van Renterghem, « Élisabeth Badinter, la griffe de la République », Le Monde, 19.06.16 [lire en ligne].
  2. a b et c Caroline Pigozzi, « La glace et le feu, Elisabeth Badinter », Paris Match, semaine du 19 au 25 juin 2014, p. 125-127.
  3. a et b Marion Van Renterghem, « Élisabeth Badinter, la griffe de la République », Le Monde, 19 juin 2016.
  4. a et b «Élisabeth Badinter, à contre-courant», émission Empreintes, France 5, auteur-réalisateur Olivier Peyon, Septembre Productions, 2009.
  5. a et b Élisabeth Badinter, TV5 Monde.
  6. Justine Francioli, Robert Badinter, biographie d’un modèle républicain, nonfiction.fr, 13 octobre 2009.
  7. Élisabeth Badinter : « Il faut d’urgence une loi sur le voile pour la petite enfance », Isabelle Duriez, elle.fr, 20 mars 2013.
  8. Y'a bon awards 2013 : la banane dorée a récompensé Copé et Genest, Huffington Post, 11 juin 2013.
  9. L'Un est l'Autre, Éditions Odile Jacob, p. 249.
  10. Catherine Rodgers, Le deuxième sexe de Simone Beauvoir : un héritage admiré et contesté, Bibliothèque du féminisme, Éditions L'Harmattan, 1998, (ISBN 2738472613 et 9782738472618), p. 52.
  11. Guy Bouchard, « L’homme en quête de lui-même. À propos du livre d’Élisabeth Badinter : XY. De l’identité masculine Laval théologique et philosophique, vol. 51, no 1, 1995, p. 159-181. p. 164.
  12. Bouchard, 1995, p. 175.
  13. « Le J'accuse d'Élisabeth Badinter », sur L'Express.fr, (consulté le ).
  14. Fausse route, Éditions Odile Jacob, p. 113.
  15. Élisabeth Badinter, La victimisation est aujourd’hui un outil politique et idéologique, Propos recueillis par Véronique Helft-Malz et Paule-Henriette Lévy, L’Arche no 549-550, Novembre-Décembre 2003.
  16. Thomas Lancelot, Élisabeth Badinter fait fausse route, Le Monde, 11 mars 2010.
  17. La construction de l’Autre. Entretien avec Christine Delphy, texte initialement paru dans Migrations et sociétés, janvier-février 2011.
  18. Appel du CRIF contre le mise en cause de la circoncision par le Conseil de l'Europe, 24 octobre 2013.
  19. « Élisabeth Badinter appelle au boycott des vêtements islamiques », Le Point,‎ (lire en ligne).
  20. Élisabeth Badinter, interviewée par Isabelle Duriez et Valérie Toranian, « Elisabeth Badinter : « Je suis pour une GPA éthique », elle.fr, 8 mars 2013.
  21. Des syndicats dénoncent les inégalités de salaire hommes-femmes dans l'entreprise de la féministe Elisabeth Badinter, LCI, 18 novembre 2016.
  22. « Élisabeth Badinter contre le féminisme : affaires de pub ? », Acrimed, 8 décembre 2003.
  23. « Élisabeth Badinter, contre le terrorisme des couches lavables », Arrêt sur images, 11 février 2010.
  24. « Élisabeth Badinter, actionnaire féministe d'un Publicis sexiste ? », Rue89, 11 février 2010.
  25. Elisabeth Badinter critiquée pour un contrat de Publicis avec l'Arabie Saoudite, Libération, 5 avril 2016.
  26. Lutter contre le voile et… être chargée de la com’ de l’Arabie Saoudite : le troublant mélange des genres d’Elisabeth Badinter, Metronews, 5 avril 2016.
  27. « La question identitaire, nouvelle imposture socialiste » par Bruno Guigue, 17 août 2016.
  28. Bonus de Maurice Levy : Sarkozy attaque Élisabeth Badinter, France Soir, 28 mars 2012.
  29. Le patron de Publicis défend sa rémunération, Le Figaro, 29 mai 2012.
  30. Challenges.fr, l'économie en temps réel, actualités, Challenges, 2010.
  31. Selon l'article déjà cité de Capital, il s'agit du capital qu'E. Badinter possède en commun avec ses trois enfants Article de Capital, màj 12.02.14.
  32. Forbes.com, The World's Billionaires List, Forbes, mars 2012.
  33. Forbes.com, The World's Billionaires List Forbes, 2016.
  34. Les actionnaires de Publicis votent sur le mode de rémunération des patrons, Libération, 29 mai 2013.
  35. Arrêté du 2 juillet 1998 portant nomination au conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France, JORF no 158 du 10 juillet 1998, p. 10634, NOR MCCD9800483A, sur Légifrance.
  36. Arrêté du 11 janvier 2002 portant nomination au conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France, JORF no 18 du 22 janvier 2002, p. 1462, texte no 56, NOR MCCB0200003A, sur Légifrance.
  37. Ordonnance Souveraine no 3.540 du 18 novembre 2011 portant promotions ou nominations dans l'ordre du Mérite culturel
  38. « Nomination ou promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres Cinquantenaire », sur Culture Gouv (consulté le ).
  39. L’école Bords de Seine porte le nom d'Élisabeth Badinter Ville d'Asnières-Sur-Seine, 17 décembre 2010
  40. Le collège Élisabeth Badinter à Quint-Fonsegrives Site de la municipalité de Quint-Fonsegrives
  41. La Couronne : la philosophe Badinter met le collège en émoi
  42. L'école Élisabeth et Robert Badinter inaugurée à Laval, Site officiel de la mairie de Laval.
  43. Procès-verbal de la séance du Conseil Municipal du mardi 7 mai 2013, Ville de Tomblaine.
  44. « Badinter: la tyrannie des mamans parfaites », sur www.estrepublicain.fr,

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

  • Le , dans le cadre de la collection Empreintes, France 5 diffuse Élisabeth Badinter, à contre-courant, un documentaire réalisé par Olivier Peyon.

Articles connexes

Liens externes

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