Obergefell v. Hodges

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Obergefell v. Hodges
Titre James Obergefell et al., Petitioners, v. Richard Hodges, Director, Ohio Department of Health, et al.
Code 576 U.S.
Abréviation Obergefell v. Hodges
Pays Drapeau des États-Unis États-Unis
Tribunal Cour suprême des États-Unis
Date
Détails juridiques
Territoire d’application Drapeau des États-Unis États-Unis
Importance Arrêt de revirement par rapport à Baker v. Nelson, Richard John Baker v. Gerald R. Nelson, 291 Minn. 310, 191 N.W.2d 185 (1971)
Problème de droit Constitutionnalité du droit au mariage homosexuel
Solution Le mariage homosexuel est compatible avec le XIVe amendement de la Constitution des États-Unis : « The Fourteenth Amendment requires a State to license a marriage between two people of the same sex and to recognize a marriage between two people of the same sex when their marriage was lawfully licensed and performed out-of-State. »
Opinion dissidente John G. Roberts, Jr., Antonin Scalia, Clarence Thomas, Samuel Alito
Voir aussi
Mot clef et texte Mariage homosexuel
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Obergefell v. Hodges est un arrêt rendu le dans l'affaire James Obergefell et al., Petitioners, v. Richard Hodges, Director, Ohio Department of Health, et al. (ou Obergefell v. Hodges, 576 U.S.) par la Cour suprême des États-Unis est un arrêt de principe, fondamental, dans lequel ladite Cour suprême considère le mariage homosexuel comme un droit constitutionnel en vertu du 14e amendement de la Constitution des États-Unis. Cet arrêt a pour principal effet de rendre le mariage homosexuel légal dans l'ensemble des États-Unis et notamment dans les quatorze États fédérés et les territoires américains ne l'ayant pas encore autorisé.

Faits

En raison de ce que l'un des partenaires d'un couple homosexuel originaire de Cincinnati, John Arthur, était en phase terminale d'une sclérose latérale amyotrophique (SLA), le couple demanda au greffier de l'État de l'Ohio l'identification de l'autre partenaire, James Obergefell, comme époux survivant sur le certificat de décès du premier en raison de leur mariage dans l'État du Maryland en date du 11 juillet 2013.

Le greffier de l'État de l'Ohio considéra qu'en effet la discrimination contre un couple homosexuel marié était anticonstitutionnelle, mais le Bureau du Procureur général annonça un projet visant à poursuivre l'interdiction du mariage homosexuel dans l'État de l'Ohio.

Le 19 juillet 2013, le couple initia une poursuite contre le gouverneur de l'Ohio, John Kasich, alléguant l'existence de discriminations de la part de cet État à l'encontre de couples légalement mariés en dehors de cet État.

Procédure

L'affaire Obergefell v. Hodges fut d'abord traitée par la Cour Fédérale de District du District Sud de l'Ohio, puis devant la Cour d'Appel des États-Unis pour le Sixième Circuit, enfin devant la Cour Suprême.

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District Court

Avant consolidation, plusieurs affaires furent jugées séparément dans leurs cours fédérales de district respectives, dont deux devant celle du District Sud de l'Ohio, ici présentées.

Obergefell v. Hodges

En juin 2013, James "Jim" Obergefell ( /ˈoʊbərɡəfɛl/ OH-bər-gə-fel) et John Arthur décident de s'épouser et d'obtenir la reconnaissance légale de leur union. Originaires de l'Ohio, ils se marient dans le Maryland le 11 juillet. Mais leur union ne sera pas reconnue dans leur État de résidence, l'Ohio. L'un des deux partenaires, John Arthur, souffrant d'une sclérose (ALS) en phase terminale, la reconnaissance du mariage devient indispensable pour que James Obergefell figure sur le certificat de décès à titre d'époux du défunt.

Le 22 juillet 2013, la Cour Fédérale de District du District Sud de l'Ohio, à travers le juge Timothy S. Black, accueille la demande du couple, interdisant temporairement au greffier de l'État d'Ohio de valider aucun certificat de décès à moins que celui-ci ne comportât le statut de « marié » pour le défunt et d'« époux survivant » pour son partenaire. Le juge écrivit qu'« à travers l'histoire de l'Ohio, la loi a toujours été claire : un mariage célébré en dehors de l'Ohio est valide dans l'État d'Ohio si valide au moment de sa célébration » et nota que certains mariages entre cousins ou mineurs, bien qu'illégaux si célébrés en Ohio, sont reconnus par l'état si légaux au moment de leur enregistrement devant d'autres juridictions. L'Avocat Général d'Ohio, Mike DeWine, indiqua qu'il n'interjetterait pas appel dans son ordonnance préliminaire.

Le 13 août 2013, le juge Black étendit son ordonnance de restriction temporaire jusqu'à la fin de décembre et programma une audience orale à visée d'injonction permanente le 18 décembre 2013. Le 25 septembre, il accueillit la demande des requérants de disqualifier le Gouverneur et l'Avocat Général de l’État d'Ohio comme parties adverses. Le directeur du Département de la Santé fut substitué comme défendant principal, et l'affaire changea de nom pour devenir Obergefell v. Wymyslo. Le 22 octobre, le requérant John Arthur mourut, ce qui conduisit la partie défenderesse à alléguer de la dimension juridiquement discutable de l'affaire. Le 1er novembre, Timothy S. Black rejeta la demande de rejet pour défaut de base juridique, d'intérêt à agir. Le 23 décembre de la même année, il considéra que le refus de l'Ohio de reconnaître les mariages homosexuels d'autres juridictions était discriminatoire et ordonna à l’État de reconnaître les mariages célébrés dans d'autres juridictions sur les certificats de décès. Il écrivit à cette occasion : « quand un État annule de facto le lien marital d'un couple de même sexe marié dans une autre juridiction, il s'ingère dans le champ des relations privées d'ordre marital, familial ou intime, spécifiquement protégées par la Cour Suprême. »

Henry v. Wymyslo

L'affaire Henry v. Wymyslo était en cours devant le même tribunal et au même moment que le cas Obergefell. Le 10 février 2014, quatre couples homosexuels mariés légalement dans d'autres États poursuivirent l'Ohio en vue de le forcer à inscrire les deux parents sur les certificats de naissance de leurs enfants. Trois des couples étaient composés de femmes vivant en Ohio, chacune attendant un enfant pour l'année 2014. Le quatrième était un couple d'hommes vivant à New York avec leur fils adoptif, né en Ohio en 2013. Alors que l'affaire était en cours, les requérants amendèrent leur demande, demandant à la Cour de déclarer inconstitutionnelle l'interdiction du mariage homosexuel par l'Ohio. Le juge laissa à l’État du temps pour préparer son interjection en appel de sa décision, en annonçant le 4 avril qu'il émettrait le 14 avril une ordonnance ordonnant à l'Ohio la reconnaissance de mariages homosexuels célébrés dans d'autres juridictions. À la suite de la démission du défenseur principal, le directeur du Département de la Santé de l'Ohio, Ted Wymyslo, pour des raisons non-liées à l'affaire, Lance Himes devient directeur par intérim et l'affaire est renommée Henry v. Himes. Le 14 avril, le juge Timothy S. Black décida que l'Ohio devait reconnaître le mariage homosexuel prononcé dans d'autres juridictions, et le 16 avril prononça l'exécution de sa décision à l'exception des actes de naissance litigieux en l'espèce.

Sixth Circuit

La Cour d'Appel des États-Unis pour le Sixième Circuit, dans un arrêt du 6 novembre 2014, par deux voix contre une, estima que l'interdiction du mariage homosexuel par l'État de l'Ohio ne violait pas la Constitution, en vertu d'un arrêt de la Cour suprême du Minnesota de 1971, Baker v. Nelson, 291 Minn. 310, 191 N.W.2d 185. Dans cet arrêt, le juge Jeffrey Sutton, parlant au nom de la majorité, écrivit : « aucune des théories des requérants, cependant, ne justifie la constitutionnalisation de la définition du mariage et son retrait de l'endroit où elle se trouve depuis la fondation [NDLR : des États-Unis] : entre les mains des électeurs étatiques. »

La juge dissidente Martha Craig Daughtrey écrivit à son tour : « en ce que la solution convenable est manifeste, il est tentant de subodorer que la majorité a volontairement pris la position contraire, afin de créer [une situation] favorable à l'octroi d'un certiorari [NDLR : mandat juridictionnel, formule d'action en justice] devant la Cour Suprême, et à une fin à l'incertitude statutaire et au chaos interétatique induits par l'actuelle divergence des législations étatiques. »

Cour suprême

Requête de formule d'action en justice

L'arrêt Obergefell v. Hodges est le fruit d'un regroupement d'actions connexes incluant outre le cas éponyme les affaires Tanco v. Haslam (Tennessee), Deboer v. Snyder (Michigan), Bourke v. Beshear (Kentucky), concernant toutes un affrontement entre requérants et lois étatiques (id est des États fédérés) prohibant le mariage homosexuel. L'affaire était auparavant appelée « Obergefell v. Wymyslo » puis « Obergefell v. Himes ».

Le 14 novembre 2014, les couples en question remplirent une demande de formule d'action en justice à la Cour suprême, demandant à la juridiction de considérer si le refus de l'Ohio de reconnaître le mariage d'autres juridictions ne violait pas, du 14e amendement de la Constitution, les garanties de Due Process Clause et d'Equal Protection Clause, et si le refus de l'État de reconnaître l'adoption du jugement d'un autre État ne violait pas la clause constitutionnelle de Full faith and credit.

Dépôt des mémoires

Après consolidation de l'affaire en date du 16 janvier 2015, la Cour émit un calendrier de dépôt des mémoires ayant pour date butoir le 17 avril 2015. La Cour s'intéressait alors à deux questions :

  • Le Quatorzième Amendement requiert-il l'autorisation par un État du mariage entre deux personnes de même sexe ?
  • Le Quatorzième Amendement requiert-il qu'un État reconnaisse le mariage entre deux personnes de même sexe lorsque leur mariage fut célébré et exécuté légalement en dehors de cet État ?

Plaidoiries

Les plaidoiries furent prononcées devant la Cour le 28 avril 2015. Les requérants étaient représentés par Mary Bonauto, avocate spécialiste des droits civiques, et Douglas Hallward-Driemeier. L'avocat général des États-Unis, Donald Verrilli, Jr., se positionna du côté des couples homosexuels. Les États étaient représentés par le précédent avocat général du Michigan John J. Bursch et par Joseph R. Whalen, un avocat général associé du Tennessee.

Sur les neuf juges de la Cour, tous sauf Clarence Thomas émirent des commentaires et des questions, pourvoyant des indices quant à leur position sur la Constitution en général et sur le futur du mariage en particulier. Bien que ces éléments ne soient qu'un imparfait indicateur de leurs décisions finales, les juges apparurent profondément divisés dans leurs approches de ce problème, marquant des lignes de fractures idéologiques, Anthony Kennedy demeurant indécis, ainsi que probablement le Président John Roberts.

Décision

Le , par cinq voix contre quatre, la Cour suprême des États-Unis décida qu'il résulte du 14e amendement de la Constitution des États-Unis que l'ensemble des États fédérés des États-Unis doit autoriser le mariage homosexuel et reconnaître les mariages homosexuels célébrés dans d'autres États.

Opinion majoritaire

Anthony Kennedy.

Bien que conservateur, Anthony Kennedy permit par son vote de faire tourner la majorité au profit de la décision en présence. C'est donc lui qui fut l'auteur de l'opinion de la majorité, accompagné par Stephen Breyer, Ruth Bader Ginsburg, Elena Kagan et Sonia Sotomayor.

L'opinion de la majorité se conclut par les mots suivants :

« Nulle union n'est plus profonde que le mariage, en ce qu'il incarne les idéaux les plus élevés d'amour, de fidélité, de dévotion, de sacrifice, et de famille. En formant une union maritale, deux personnes deviennent quelque chose de plus grand que ce qu'elles étaient auparavant. Comme certains requérants le démontrent dans ces affaires, le mariage incarne un amour susceptible de perdurer même après la mort. Ce serait mal comprendre ces hommes et femmes que de dire qu'ils ne respectent pas bien l'idée du mariage. Leur plaidoirie allègue qu'ils le respectent, le respectent si profondément qu'ils recherchent sa jouissance pour eux-mêmes. Leur espoir est de n'être point condamné à vivre dans la solitude, exclus d'une des plus anciennes institutions de la civilisation. Ils en appellent à une dignité égale aux yeux de la loi. La Constitution leur garantit ce droit. »

Citation originale :

« No union is more profound than marriage, for it embodies the highest ideals of love, fidelity, devotion, sacrifice, and family. In forming a marital union, two people become something greater than once they were. As some of the petitioners in these cases demonstrate, marriage embodies a love that may endure even past death. It would misunderstand these men and women to say they disrespect the idea of marriage. Their plea is that they do respect it, respect it so deeply that they seek to find its fulfillment for themselves. Their hope is not to be condemned to live in loneliness, excluded from one of civilization's oldest institutions. They ask for equal dignity in the eyes of the law. The Constitution grants them that right. »

Opinion minoritaire

John G. Roberts, Jr..

Chaque juge dissident rédigea une opinion. Le président John G. Roberts, Jr. fut rejoint dans son opinion par Antonin Scalia, Clarence Thomas et Samuel Alito, alléguant que :

« [...] cette Cour n'est pas un législateur. Elle ne saurait décider de l'opportunité du mariage homosexuel. D'après la Constitution, les juges ont le pouvoir de dire ce qu'est la Loi, pas ce qu'elle devrait être. Le Peuple qui ratifia la Constitution autorisa les tribunaux à n'exercer "ni force ni volonté mais un simple jugement". »

Citation originale :

« But this Court is not a legislature. Whether same-sex marriage is a good idea should be of no concern to us. Under the Constitution, judges have power to say what the law is, not what it should be. The people who ratified the Constitution authorized courts to exercise "neither force nor will but merely judgment". »

The Federalist no 78, p. 465 (C. Rossiter ed. 1961) (A. Hamilton).

Portée et critique de l'arrêt

État de la légalisation du mariage homosexuel aux États-Unis avant l'arrêt Obergefell v. Hodges

Avant l'arrêt du 26 juin 2015, 14 États fédérés des États-Unis n'avaient toujours pas légalisé le mariage homosexuel, comme le montre la carte ci-contre. La décision a pour effet de rendre inconstitutionnelles toutes législations nationales interdisant le mariage entre personnes de même sexe, ce qui implique l'annulation de l'ensemble de ces normes.

Carte du monde
État des législations nationales concernant l’homosexualité dans le monde :
Homosexualité légale
  • Mariage reconnu
  • Autre type d’engagement reconnu
  • Mariage à l’étranger reconnu
  • Reconnaissance limitée du mariage homosexuel
  • Droits de la résidence
  • Pas de reconnaissance des couples homosexuels
Homosexualité illégale ou réprimée
  • Lois restreignant la liberté d’expression et d’association
  • Peine théorique non appliquée en pratique
  • Peine d’emprisonnement
  • Peine de mort non poursuivis
  • Peine de mort

L'arrêt Obergefell v. Hodges est prononcé dans un contexte de clivage intra-étatique et international au sujet de la question du mariage homosexuel. En effet, cette institution très ancienne étant fortement teintée de traditions et de religions excluant pour la plupart le fait homosexuel, comme les grands monothéismes, une opposition marquée à la tendance au mariage homosexuel s'est révélée, notamment dans les États-fédérés du sud des États-Unis, ainsi qu'en France. L'autorisation progressive du mariage homosexuel dans ce qu'il conviendrait d'appeler l'« Occident » est renforcée par l'arrêt en présence, dessinant un monde relativement bipolaire sur la question, avec une Europe et des Amériques de plus en plus favorables à sa légalisation, et un bloc africano-asiatique assez nettement défavorable à celle-ci, au point de l'existence dans certains pays d'une criminalisation de l'homosexualité pouvant conduire à la peine de mort.

La décision fut saluée par de nombreux responsables politiques nationaux et internationaux, notamment issus du Parti démocrate, comme Barack Obama ou Hillary Clinton. Cependant, une frange plus droitière, en moyenne plus âgée, et issue notamment du Parti républicain, a témoigné de son désaccord avec la décision à des degrés et pour des motifs divers, invoquant régulièrement des justifications de nature religieuse[1].

Notes et références

Voir aussi

Articles connexes

  • Mariage homosexuel
  • Mariage homosexuel aux États-Unis
  • Loving v. Virginia (1967), reconnaissant le droit au mariage interracial
  • Bowers v. Hardwick (1986), considérant constitutionnelle la criminalisation des rapports sexuels oraux et anaux pour les homosexuels
  • Baehr v. Miike, considérant comme discriminatoire l'interdiction du mariage homosexuel
  • Defense of Marriage Act (DOMA) (1996), définissant le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme, autorisant les États fédérés à refuser la reconnaissance des mariages homosexuels autorisés par les lois d'autres États
  • Romer v. Evans (1996), considérant inconstitutionnel en vertu de l'Equal Protection Clause un amendement constitutionnel de l’État du Colorado interdisant l'existence de statuts protégés basés sur l'homosexualité ou la bisexualité
  • Lawrence v. Texas (2003), constituant revirement de la jurisprudence Bowers v. Hardwick
  • United States v. Windsor (2013), constituant revirement de la jurisprudence Defense of Marriage Act, inconstitutionnelle en vertu de la Due Process Clause issue du Cinquième Amendement