Bureaucratie

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Une bureaucratie est d'une part, une forme d'organisation du travail et, d'autre part, une dérive de cette organisation.

En tant que forme d'organisation du travail, la bureaucratie désigne une administration dont l'action est encadrée par le droit. Ses agents, les fonctionnaires, sont recrutés par examens ou concours, accomplissent une carrière, doivent obéissance à leur supérieur hiérarchique et travaillent dans un secteur spécialisé. Cette définition correspond au sens wébérien du concept de bureaucratie. Cette dernière apparaît ainsi comme la plus conforme au modèle de la rationalité légale, notamment parce qu'elle s'appuie sur des règles juridiques, permet une meilleure prévisibilité et repose sur un savoir précis.

Mais des dérives de la bureaucratie ont également été mises en évidence par les sociologues des organisations. Ces derniers montrent en effet que le formalisme de la bureaucratie peut entraîner une lourdeur et une rigidité de l'action administrative, voire une monopolisation du pouvoir au profit des seuls intérêts des bureaucrates.

Un terme aux sens multiples

En politique, la bureaucratie désigne un pouvoir sans direction qui se caractérise par des règles strictes, la division des responsabilités et une forte hiérarchie. Ce néologisme, créé au XVIIIe siècle par Vincent de Gournay, a été défini par Max Weber. Il peut s'appliquer à toute forme d'organisation, bien qu'on l'associe surtout aux pouvoirs publics. Max Weber fut le premier à amener à la lumière du jour le concept de bureaucratie qui a su prendre de l’ampleur avec les années. En fait, ce sociologue allemand a su présenter différentes théories au niveau des sciences sociales. Sa théorie weberienne prône, d’autant plus, l’importance de l’action sociale dans la société.

De façon plus concrète, la théorie de la bureaucratie se définit comme étant un certain système pyramidal hiérarchisé permettant à la population de développer des compétences propres à différentes capacités.

La bureaucratie, dans ce sens second, se caractérise par certains stéréotypes, tels que la lenteur, l'irrationalité, l'indécision ou l'aveuglement.

Selon Weber

Le fonctionnement bureaucratique selon Max Weber repose sur plusieurs principes (Weber, 1921) :

  1. Les individus sont soumis à une autorité uniquement dans le cadre de leurs obligations impersonnelles officielles
  2. Les individus sont répartis dans une hiérarchie d’emplois clairement définie
  3. Chaque emploi a une sphère de compétences clairement définie
  4. L’emploi est occupé sur la base d’un contrat
  5. Le recrutement se fait sur la base des compétences (diplômes et/ou expérience)
  6. La rémunération est fixe, en fonction du grade hiérarchique
  7. L’emploi est la seule occupation du titulaire
  8. Logique de carrière : la promotion dépend de l’ancienneté et de l’appréciation des supérieurs hiérarchiques
  9. Les individus ne sont pas propriétaires de leur outil de production
  10. Les individus sont soumis à un contrôle strict et systématique dans leur travail
L'administration royale en 1719 en Allemagne constitue déjà une bureaucratie.

Le modèle bureaucratique wébérien est un idéal type.

Un outil de pouvoir

La bureaucratie politique et sociale

En politique, la bureaucratie désigne une forme d'État où le pouvoir est exercé et transmis par l'appareil administratif lui-même, qui gomme la plupart des défauts et qualités individuelles et qui met en valeur celles de l'organisation. Cette situation est due la plupart du temps à un exécutif faible ou instable, comme ce fut le cas par exemple lors de la IVe République française, où l'administration disposait d'un pouvoir authentiquement autonome. Cette situation s'est présentée par exemple en URSS du fait de la mainmise de l'administration sur l'économie ; ainsi, les missions confiées à l'administration étant particulièrement nombreuses et techniques, il était difficile pour le pouvoir politique d'exercer un vrai contrôle sur l'administration, qui se voyait ainsi déléguer de nombreuses parcelles de pouvoir. Dans la vision de l'État développée par Hegel, l'État, qui transcende la société, est l'incarnation de la raison et en assure la victoire. Dans cette perspective, le fonctionnaire est un héros discret des temps modernes, et la bureaucratie, un outil permettant le triomphe de l'égalité et du progrès. Dans la littérature, le côté à la fois absurde et terrifiant de la bureaucratie a été magistralement présenté, pour son atmosphère, par Kafka dans Le Procès et pour son rôle politique, par Orwell dans 1984. On remarque un changement de nature et d'intensité par rapport aux fonctionnaires du XIXe siècle décrits dans l'œuvre de Courteline.

De nos jours, la bureaucratie politique est reconnue comme étant l’élément déclencheur du bon développement de la société tant du côté social qu’économique. En fait, la bureaucratie a comme objectif principal de soumettre une certaine structure hiérarchique à la société dans le but de veiller à sa prospérité. Du point de vue politique, la bureaucratie peut être comparée, en quelque sorte, à une domination, allant même jusqu’à parfois être perçu comme un certain pouvoir sur la population. La compétence de la population est un facteur très décisif dans cette structure. En fait, la bureaucratie accorde une grande importance aux différentes compétences et responsabilités de la population. De plus, la bureaucratie s’observe principalement par sa structure pyramidale au sein de la société. La division des tâches selon les capacités des gens est un fondement très important des bureaucrates en politique.

Sociologie

Comme il l’a été dit plus haut, la bureaucratie est une forme d’organisation sociale. Par conséquent, la bureaucratie a un grand lien avec la sociologie. Par définition, la sociologie est « une science qui cherche à comprendre et à expliquer l’impact du social sur les actions et les comportements humains.» Dans le système bureaucrate, la division des tâches est très importante puisqu’il en résulte une spécialisation des fonctions et une meilleure organisation au sein d’un regroupement social. Vu la division des tâches, il y a une multiplication des fonctions du personnel ce qui entraîne le développement de nouvelles règles pour le bon fonctionnement, la nouveauté des définitions de travail et de nouvelles dispositions administratives.

Bureaucratie et néolibéralisme

Traditionnellement associée aux pesanteurs de l’État, la bureaucratie est considérée par certains chercheurs, de façon renouvelée, comme un mode de fonctionnement qui repose sur un usage systématique de normes, de règles, de procédures, de codes ou de catégorisations principalement issues du monde du marché et de l'entreprise ayant un impact sur divers aspects de la vie quotidienne. En postulant la supériorité managériale du privé sur le public, la bureaucratie néolibérale s’étend alors à des domaines qui lui sont historiquement étrangers[1] (éducation, santé, etc.).

L'envers de la bureaucratie

Les problèmes liés à la bureaucratie ont été mis en évidence par différents chercheurs : Robert King Merton, Alvin W. Gouldner, James Gardner March et Herbert Alexander Simon, Peter Blau et plus particulièrement en France par Michel Crozier. Les résultats de ces recherches montrent qu'une bureaucratisation excessive peut amener à des dysfonctionnements ou limiter le potentiel des acteurs concernés.

D'après certains sociologues, la plupart des règles formulées par le modèle bureaucrate peuvent paralyser le système. « L'impersonnalité du fonctionnaire devant appliquer la règle sans acception de personnes retire toute souplesse au système, la multiplication des règles de contrôle empêche toute initiative et joue contre l'innovation, la départementalisation aboutit au repli des groupes sur leurs objectifs au détriment de ceux de l'organisation. » La bureaucratie est un système qui empêche toute forme d’adaptation et, comme Weber l'a affirmé, vu que c'est un système rationnel, la bureaucratie peut finir par paralyser l'organisation. Donc, au cours des années, il y a eu une remise en question du modèle bureaucratique, il n'est plus utilisé comme avant vu sa rigidité structurelle et la lenteur qu'elle provoque au système.

Burelain

Dans son livre La bureaucratie, Alfred Sauvy introduit le terme de « burelain », par analogie avec « châtelain », pour désigner le bureaucrate dans son royaume.

Réforme de l'État

Des efforts sont faits dans le domaine de la transparence de l'administration, avec, en France, les systèmes de guichet unique pour une question donnée et de e-administration qui se développent.

Une commission existe aussi afin d'éclaircir le jargon administratif parfois incompréhensible pour les usagers en raison de termes juridiques ou très peu usités. L'artiste Pierre Perret ou des célébrités comme Bernard Pivot ou Alain Rey en font partie. Leur tâche consiste à éclaircir sans faire d'approximation ni perdre des données importantes.

Notes et références

  1. Béatrice Hibou, La bureaucratisation néolibérale, Paris, La Découverte, , 272 p. (ISBN 9782707176493)

Bibliographie

  • Ludwig von Mises, Bureaucratie, lire en ligne
  • Michel Crozier, Le Phénomène bureaucratique, Paris, Le Seuil, 1963
  • Christian Larger, Pour en finir avec la bureaucratie, Éditions First, Paris, 1989 ISBN 2-87691-084-5.
  • Bruno Rizzi, L'URSS : collectivisme bureaucratique. La bureaucratisation du monde, Champ libre, 1976
  • Claude Lefort, Éléments d'une critique de la bureaucratie, Paris, Droz, Genève, 1971.
  • Pierre Bourdieu, La Noblesse d'État. Grandes écoles et esprit de corps, Minuit, 1989
  • Jean-Marc Weller, L'État au guichet, ed. Desclee de Brouwer, Paris, 1999
  • Marie-Claire Bergère,Capitalismes et capitalistes en chine Perrin ASIE, 2007
  • (en) Ernest Mandel, Power and Money: A Marxist Theory of Bureaucracy. London: Verso, 1992.
  • (en) On Weber : Tony J. Watson, Sociology, Work and Industry, Routledge, 1980, ISBN 0-415-32165-4
  • Peter Blau. (1966). Bureaucracy in modern society. Random House New York
  • Peter Blau. (1973). The dynamics of bureaucracy. A study of interpersonal relationships in two governments agencies (revised edition). The university of Chicago press
  • Richard H Hall. (1962). Intraorganizational structural variation: application of the bureaucratic model. Administrative Science Quarterly, 7(3): 295-308
  • Richard H Hall. (1963). The concept of bureaucracy: an empirical assessment. The American Journal of Sociology, 69(1): 32-40
  • James Gardner March et Herbert Alexander Simon. (1958). Organizations. New York : Wiley
  • Robert King Merton. (1940). Bureaucratic structure and personality. Social Force, 18 (4): 560-568
  • V A Thompson. (1965). Bureaucracy and innovation. Administrative Science Quarterly, 10(1) : 1-20
  • Max Weber. (1995). Économie et société, T.1. Paris. Éditions Plon, Agora. (1re édition 1921)

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Articles connexes