Programme Voskhod

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Le programme Voskhod est le programme spatial habité de l'Union soviétique qui a pris la suite en 1964 du programme Vostok. La décision de développer le programme Voskhod est prise dans le contexte de la Course à l'espace pour faire jeu égal avec le programme Gemini de la NASA en attendant la mise au point du vaisseau Soyouz. Le vaisseau Voskhod est une simple évolution du vaisseau spatial Vostok permettant d'emporter trois occupants. Le programme ne comprendra que deux missions avec un équipage humain : Voskhod 1 emporte en octobre 1964 pour la première fois dans l'histoire spatiale un équipage de trois cosmonautes ; au cours de la mission Voskhod 2 lancée en mars 1965 Alexei Leonov effectue la première « marche dans l'espace » jamais réalisée. Une troisième mission destinée à établir un nouveau record de durée de séjour dans l'espace est abandonnée à la suite de problèmes rencontrés dans la mise au point d'un système de support de vie adapté qui entraine un report de la mission permettant à la NASA de prendre l'initiative. Les capacités du vaisseau Voskhod étant trop limitées pour mener des missions spatiales plus sophistiquées, les vols spatiaux habités soviétiques ne reprendront qu'en 1967 dans le cadre du programme Soyouz.

Contexte : la course à l'espace

Depuis le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1 en 1957 qui marque le début de l'ère spatiale, les États-Unis et l'Union Soviétique se livrent à une "course à l'espace". Durant cette période de Guerre froide il s'agit pour chacune des deux superpuissances de prouver la supériorité de son système politique par le biais de ses succès dans le domaine spatial. Nikita Khrouchtchev, qui dirige l'Union Soviétique jusqu'au 15 octobre 1964, a assigné une place centrale au programme spatial dans la propagande du régime et veut maintenir cette avance. Cet objectif se traduit notamment par la recherche systématique de premières, des prises de risque importantes et la dissimulation des échecs et des défaillances[1].

Initialement l'astronautique soviétique semble démontrer qu'elle possède une large avance sur son homologue américaine. Les missions du programme Vostok enchaine les premières : Youri Gagarine (Vostok 1) effectue le premier vol dans l'espace le 12 avril 1961, Andrian Nikolaïev (Vostok 3) et Pavel Popovitch (Vostok 4) réalisent un quasi rendez-vous spatial en août 1962 tandis que Valentina Terechkova (Vostok 6) est la première femme à voler dans l'espace en juin 1963. Le programme Mercury, homologue américain du programme Vostok, parvient à faire jeu égal mais avec un temps de retard : ainsi le premier vol spatial de John Glenn a lieu le 20 février 1962 près de 10 mois après celui de Gagarine. Les vaisseaux utilisés côté américain comme côté russe arrivent bientôt au bout de leurs possibilités car leurs caractéristiques sont limitées : ces premières capsules sont conçues pour des séjours de courte durée, ne peuvent embarquer qu'une seule personne et ne permettent pas de changement d'orbite significatif ce qui interdit tout rendez-vous avec un autre vaisseau. Aussi les ingénieurs soviétiques et américains s'attellent très rapidement au développement d'une nouvelle génération de vaisseau spatial.

Depuis l'annonce de la mise en route du programme Apollo en mai 1961, la NASA a défini une stratégie qui à terme doit permettre l'envoi d'hommes sur la Lune. Celle-ci prévoit depuis décembre 1961 le développement d'une deuxième génération de vaisseaux spatiaux dans le cadre du programme Gemini capables d'emporter un équipage de deux hommes et de réaliser des manœuvres orbitales. Il s'agit de mettre au point toutes les techniques qui seront mises en œuvre par les vaisseaux Apollo sans attendre que ceux-ci soient disponibles. Les ingénieurs soviétiques dirigés par Korolev étudient un vaisseau, baptisé Soyouz encore plus ambitieux pouvant s'amarrer à un deuxième vaisseau et capable d'effectuer un survol de la Lune. Mais contrairement à ce qui se passe aux États-Unis il n'y a pas unanimité sur les étapes futures du programme soviétique. Korolev peine à convaincre les responsables soviétiques de la nécessité d'un nouveau vaisseau. Ses projets sont mis en concurrence avec ceux d'autres constructeurs. Le défi lancé avec le programme Apollo n'est pas relevé car les Soviétiques ne croient pas en sa réussite. En 1963, alors que le développement du vaisseau Gemini progresse de manière nominale, le vaisseau Soyouz reste une étude sur le papier et sans budget.

Première génération Deuxième génération Troisième génération
Vaisseau Drapeau de l'URSSVostok Drapeau des États-UnisMercury Drapeau de l'URSSVoskhod Drapeau des États-UnisGemini Drapeau de l'URSSSoyouz Drapeau des États-UnisApollo
Premier vol avec équipage 12 avril 1961 5 mai 1961 (surborbital)
20 février 1962
6 octobre 1964 23 mars 1965 21 avril 1967 11 octobre 1968
Masse 4,73 tonnes 1,5 t. ~ 6 t. 3,85 t. 6,6 t. 30 t.
Equipage 1 1 2 à 3 2 2 à 3 3
Destination Orbite basse Orbite basse Orbite basse Orbite basse Orbite basse Orbite basse, Orbite lunaire
Capacité manœuvre (delta-V) ~0 m/s ~0 m/s ~0 m/s 98 m/s 390 m/s 2800 m/s
Durée max mission 4 jours 1 jour 18 jours 14 jours 14 jours
Énergie 24 kWh (batteries) 24 kWh (batteries) 151 kWh (pile à combustible) 0,6 kW (panneaux solaires) 120 kWh (batteries),
4,2 kW (piles à combustibles)
Volume habitable 1,6 m3 1,7 m3 1,6 m3 2,54 m3 9 m3 6,17 m3
Rentrée atmosphérique balistique balistique balistique non balistique non balistique non balistique
Retour sur Terre Ejection équipage Amerrissage Rétrofusée, atterrissage Amerrissage Rétrofusée, atterrissage Amerrissage
Autre capacité

Lancement du programme Voskhod

Comparaison du vaisseau Vostok avec les vaisseaux des missions Voskhod 1 et Voskhod 2.

Pour maintenir sinon l'avance ou du moins la parité apparente du programme spatial soviétique avec celui de la NASA, Korolev propose d'adapter le vaisseau Vostok pour lui permettre d'emporter 3 cosmonautes. Cette modification peut être réalisée rapidement et doit permettre plusieurs premières - équipage de 2 à 3 personnes, sortie dans l'espace - qui donneront l'impression que l'astronautique soviétique domine toujours sa rivale. La version modifiée du vaisseau Vostok est baptisée Voskhod. Pour pouvoir emporter trois passagers dans l'espace limité du vaisseau qui a été conçu pour une seule personne des impasses importantes sont faites sur la sécurité  : il n'y a plus de tour de sauvetage et les astronautes ne portent pas de scaphandres[2].

Le développement du programme Voskhod

Le développement du programme Voskhod est lancé à l'issue d'un décret passé le 13 avril 1964[3]. Trois versions du vaisseau Voskhod sont programmées : la première doit permettre d'emporter un équipage de 3 personnes, la seconde doit comporter un sas utilisé pour effectuer une sortie extravéhiculaire dans l'espace. La troisième doit comporter un système de support de vie permettant d'effectuer un séjour de 18 jours dans l'espace. Le 7 octobre 1964 un test sans équipage de la version triplace est effectuée sous l'appellation Cosmos 47 et permet de valider le fonctionnement du vaisseau en particulier le système d'atterrissage en douceur.

Caractéristiques du vaisseau Voskhod

Schéma des vaisseaux Voskhod 1 et Voskhod 2.

Le vaisseau spatial Voskhod est une simple évolution du vaisseau Vostok. Le siège éjectable unique est remplacé par trois couchettes fixes tournées de 90° par rapport à la disposition dans Vostok pour permettre leur installation. Les panneaux de commande et d'affichage n'ayant pas changé de position, les membres de l'équipage doivent se tourner de 90° pour lire les données affichées ou effectuer des manipulations. La disparition du siège éjectable signifie que, contrairement aux vols Vostok qui l'ont précédé, les cosmonautes des vols Voskhod ne s'éjectent plus avant l'arrivée au sol mais atterrissent avec la capsule. Celle-ci est freinée immédiatement avant la prise de contact avec le sol par des fusées à propergol solide fixées sur les suspentes du parachute pour limiter la vitesse du vaisseau à l'impact. Par ailleurs une rétrofusée de secours est montée sur le module de descente pour pallier une défaillance de la rétrofusée à ergols liquides utilisée jusque-là par le vaisseau Vostok. Le vaisseau emporte suffisamment de consommables pour permettre à l'équipage de tenir 10 jours dans l'espace : ce délai est suffisant pour que le vaisseau effectue une rentrée atmosphérique sans avoir été freiné par une rétrofusée par la seule action de la trainée atmosphérique résiduelle. Pour faire rentrer trois hommes dans une capsule prévue pour un, l'équipage ne porte pas de combinaisons spatiales. Pour la mission Voskhod 2, l'équipage, limité à deux personnes, emporte des combinaisons[3].

Deux versions du vaisseau Voskhod ont été développées : la version triplace (3KV) utilisée pour la mission Voskhod 1 et la version 3KD utilisée par la mission Voskhod 2 et permettant une marche dans l'espace : celle-ci comporte que deux couchettes et emporte un sas externe dépliable d'une masse de 250 kg posé à l'extérieur d'une nouvelle écoutille découpée dans le module habitable à l'opposé de l'ouverture existante. Ce sas est notamment rendu nécessaire car les équipements de Voskhod ne peuvent pas être exposés au vide étant refroidis par l'air ambiant. La masse du nouveau vaisseau est d'environ 5 682 kg soit près d'une tonne supérieure à celle du vaisseau Vostok (4 730 kg). Pour pouvoir le lancer, une nouvelle version du lanceur Vostok, le lanceur Voskhod doté d'un deuxième étage plus puissant, est utilisé[3].

Les missions du programme Voskhod

Komarov, Feoktistov et Iegorov sur un timbre commémorant le vol Voskhod 1.
Timbre commémorant le vol Voskhod 2.

Voskhod 1

La mission Voskhod 1 est lancée le 12 octobre 1964 avec à son bord un équipage de trois cosmonautes établissant un nouveau record par rapport aux vols américains et soviétiques précédents qui n'emportaient qu'un seul occupant. Les cosmonautes Vladimir Mikhaïlovitch Komarov commandant de la mission, Boris Iegorov et Konstantin Feoktistov séjournent 24 heures et 17 minutes dans l'espace. C'est également la première fois que des hommes volant dans l'espace ne sont pas des pilotes d'avions : Iegorov est médecin tandis que Feoktistov est un des ingénieurs du programme spatial soviétique.

Voskhod 2

Début 1965 les Américains annoncent leur intention de réaliser une mission avec une sortie extravéhiculaire sous trois mois. La version du vaisseau Voskhod équipée du sas mais sans équipage est lancée le 22 février de la même année sous la désignation Cosmos-57 pour tester les nouveaux dispositifs. Comme d'habitude, aucune information officielle n'est diffusée sur les objectifs de ce vol. Toutes les opérations de déploiement du sas à son largage sont réalisées automatiquement et vérifiées depuis le sol. Tout se déroule de manière nominale jusqu'à ce que le vaisseau disparaisse brutalement des écrans radar. Les investigations menées par la suite montreront que si deux stations terrestres émettent au même moment un certain signal pour manœuvrer le sas, les deux signaux superposés sont interprétés comme un ordre de mise à feu de la rétrofusée. Le vaisseau Cosmos-57 ayant entamé sa rentrée atmosphérique sur une trajectoire imprévue a été détruit par le système d'autodestruction destiné à empêcher que l'engin ne tombe entre des mains étrangères. Le test étant considéré comme un succès la mission avec équipage est programmée le 18 mars[4].

La mission Voskhod 2 est lancée le 18 mars 1965 avec à son bord Pavel Beliaïev, 39 ans, commandant de la mission et Alexei Leonov 30 ans. Au cours de celle-ci Leonov effectue la première « marche dans l'espace » jamais réalisée par un homme d'une durée de 10 minutes. La mission rencontre de nombreux problèmes au cours de la sortie dans l'espace et durant le reste du vol mais l'équipage parvient à revenir sur Terre sain et sauf. Le vol a duré 26 heures et 2 minutes. Il s'agit de la dernière mission habitée du programme Voskhod.

La fin du programme

Une troisième mission, Voskhod 3 d'une durée de 18 jours est programmée pour établir un nouveau record de durée de séjour dans l'espace avec un équipage de deux cosmonautes. Mais en mars 1965 il devient clair que les Soviétiques ne pourront pas devancer les Américains qui s'apprêtent à lancer la mission Gemini 5 ; celle-ci établira un nouveau record de durée au cours de l'été. Korolev programme à l'époque une première mission de longue durée avec deux chiens à bord pour valider le fonctionnement du nouveau système de support de vie puis le lancement d'une mission avec équipage d'une durée de 15 à 20 jours en octobre 1965. Mais la mise au point du nouveau système de support de vie est plus longue que prévu et la date de la mission habitée est repoussée au-delà de la fin de l'année. La NASA a, entretemps, lancé la mission Gemini 7 établissant un nouveau record à 14 jours. Korolev qui doit mener de front le développement du vaisseau Soyouz, du programme spatial habité lunaire soviétique et des sondes lunaires, décide d'affecter une priorité réduite au programme Voskhod. Son décès inattendu en janvier 1966 n'affecte pas le programme. Vassili Michine qui prend sa succession, poursuit les développements. Le vol de qualification, baptisé Cosmos 110, est lancé le 22 février 1966 avec à son bord deux chiens, Veterok (Ветерок, « petite brise ») et Ougolïok (Уголёк, « petit morceau de charbon »), qui restent 22 jours en orbite avant d'atterrir sain et sauf le 16 mars. Les chiens établissent un record de séjour en orbite qui ne sera dépassé jusqu'en juin 1973 par Skylab ; il est encore à ce jour le plus long vol effectué par des chiens. Les résultats de ce test sont complètement satisfaisants mais une défaillance du lanceur Voskhod en avril entraîne le report de la mission avec équipage en attendant que l'origine de l'anomalie soit identifiée. Le 10 mai 1966 les membres de la commission chargée de statuer sur le lancement donne son autorisation pour un tir programmé le 25 mai mais le représentant des autorités soviétiques décide de repousser le vol sine die arguant que les objectifs fixés ne se démarquent pas suffisamment des records établis pas les vols américains. Le programme, sans jamais être officiellement annulé, reste en suspens[2]. La mission spatiale habitée soviétique suivante sera réalisée avec le vaisseau Soyouz en 1967 après une longue mise au point.

Récapitulatif des vols du programme Voskhod
Date Désignation Version du vaisseau Objectifs Résultats
7/10/1964 Cosmos 47 3KV Qualification version 3KV sans équipage Succès
12/10/1964 Voskhod 1 3KV Première mission spatiale avec un équipage de trois cosmonautes Succès
22/2/1965 Cosmos 57 3KD Qualification version 3KD sans équipage Demi-succès
18/3/1965 Voskhod 2 3KD Première marche dans l'espace avec Léonov et Beliaïev Succès
22/2/1966 Cosmos 110 3KV Qualification version 3KV pour séjour long avec deux chiens Succès

Outre le séjour de longue durée annulé quelques jours avant son lancement, plusieurs missions avaient été envisagées et n'ont jamais été réalisées :

  • Voskhod 3 - Mission de 18 jours dans l'espace avec un équipage de deux personnes [2]
  • Voskhod 4 - Mission de 20 jours avec un seul membre d'équipage[5]
  • Voskhod 5 - Mission de 10 jours avec un équipage de deux astronautes femmes et première sortie extravéhiculaire d'une femme [6]
  • Voskhod 6 - Mission de 15 jours d'un équipage de deux personnes avec des expériences notamment militaires et plusieurs sorties extravéhiculaires [7]

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Asif A. Siddiqi (NASA), Challenge To Apollo: The Soviet Union and The Space Race, 1945-1974, University Press of Florida, , 512 p. (ISBN 978-0813026282, lire en ligne)
    Historique du programme spatial soviétique jusqu'à la fin du programme lunaire habité soviétique (1974) (NASA SP-2000-4408)
  • (en) Boris Chertok, Rockets and People volume 3, NASA History series,

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