Campagne de Serbie (1914)

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Campagne de Serbie

Informations générales
Date -Voir et modifier les données sur Wikidata
Lieu Serbie - Autriche-Hongrie
Casus belli Déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Serbie
Issue Victoire serbe
Belligérants
Triple-Entente
Triple-Alliance / Empires centraux
Commandants
Forces en présence
300 000 soldats
140 000 soldats
Pertes
Militaires
Militaires

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La campagne de Serbie, lancée par les Austro-Hongrois dès les premiers jours de la Première Guerre mondiale, constitue la première tentative des puissances centrales pour s'emparer des territoires du Royaume de Serbie. Mettant aux prises des unités serbes et des unités austro-hongroises, la campagne de 1914 tourne rapidement à l'avantage des Serbes. À la fin de l'année 1914, le front se stabilise, les Serbes ayant repoussé les troupes de la double monarchie hors du royaume.

Contexte

Conformément aux plans de mobilisation établis durant les années antérieures, le gouvernement Serbe s'installe à Niš, la deuxième ville du royaume, promue capitale du royaume en guerre, tandis que l'état-major de l'armée serbe installe ses quartiers à Kragulevac, arsenal du pays[1].

Forces en présence

Armée serbe

L'armée serbe est placée sous le commandment du Maréchal (voivode) Radomir Putnik[2], soldat expérimenté, auquel est associé le prince-régent Alexandre, jaloux de sa position[3].

L'armée serbe compte 300 000 hommes, des soldats entraînés et expérimentés ayant participé aux guerres balkaniques[2], mais mal équipés et souvent vêtus de leurs habits civils[3].

Cette force importante compte cependant de nombreuses faiblesses. En effet, elle est dépendante des approvisionnements alliés qui lui parviennent pas voie ferrée depuis Salonique à travers les montagnes macédoniennes, mal contrôlées par le gouvernement de Belgrade[N 1],[4].

Elle est cependant largement sous-estimée par le commandement austro-hongrois : ce dernier ne tient compte ni de l'expérience militaire récente, ni des nouvelles capacités de recrutement rendues possible par les guerres balkaniques et leur issue, favorables les unes comme l'autre au royaume de Belgrade[5].

Dès le 28 juillet, l'armée serbe reçoit le soutien de l'armée monténégrine, le royaume ayant déclaré la guerre à la double monarchie; cette intervention, dictée par le souhait du roi de s'emparer de Cattaro, renforce les armées serbe de 45 000 soldats monténégrins, ainsi que de positions menaçant directement la base navale austro-hongroise de Cattaro[6].

Armée austro-hongroise

Les trois armées austro-hongroises sont toutes placées sous la direction d'Oskar Potiorek, gouverneur militaire de Bosnie-Herzégovine et responsable des opérations contre la Serbie, qui coordonne les opérations, tout en exerçant le commandement direct de la VI armée austro-hongroise[7].

les trois armées austro-hongroises comptent, avant le retrait de la IV armée commandées par Eduard von Böhm-Ermolli, 250 000 soldats, essentiellement d'unités des troupes territoriales, et de troupes de réserve, moins expérimentées que les troupes serbes[8],[9].

De plus, à toutes les étapes de la campagne, les unités déployées par la double monarchie face à l'armée serbe, sont placées en situation d'infériorité numérique[8].

Opérations

Dès le 28 juillet, les artilleurs austro-hongrois pilonnent Belgrade, prélude à une action forte visant à anéantir l'armée serbe le plus rapidement possible, afin de mettre les chancelleries européennes devant le fait accompli d'une victoire austro-hongroise éclair[1].

Les opérations débutent vraiment le 12 août. Elles se décomposent en deux phases, toutes deux achevées par des victoires serbes. Chacune d'entre elles est conçue dans lecadre de la planification générale du conflit voulue par les stratèges austro-hongrois.

Planification

Dans le contexte d'une guerre sur deux fronts, face à la Russie et face à la Serbie, le commandement austro-hongrois, notamment le chef d'état-major Conrad von Hötzendorf, estime que trois puis deux armées sont suffisantes pour écraser la Serbie[2]; le généralissime austro-hongrois admet ainsi donner la priorité au principal adversaire militaire de la double monarchie, souhaitant d'abord rendre la Russie inoffensive avant de se retourner contre le royaume de Belgrade[10].

La mission que reçoit Potiorek consiste à empêcher l'invasion du territoire de la double monarchie, le temps de maintenir à distance les unités russes; il dispose d'une totale liberté pour remplir cette mission, soit en se contentant d'une mise en défense systématique de la frontière, soit en lançant ses unités à la conquête du royaume de Belgrade; cependant, souhaitant rapidement venger la mort du Kronprinz impérial et royal, il planifie une offensive contre le territoire serbe[7].

Les plans d'offensive austro-hongroise prévoient une attaque convergente, menée par les trois armées initialement déployées le long du Danube et de la Save[7]. Cependant, les offensives russes poussent le commandement austro-hongrois face à la Serbie à une attitude défensive, ce à quoi Oskar Potiorek, le commandant austro-hongrois, ne se résout pas[N 2],[11].

Le commandement serbe, pariant sur une offensive austro-hongroise, souhaite attirer les unités austro-hongroises à l'intérieur du territoire serbe, puis, adossé au relief, les battre, alors que les troupes de la double monarchie, épuisées et accablées par la chaleur estivale, se trouveraient loin de leur base[7].

Première phase

Entre le 28 juillet, date du premier bombardement austro-hongrois visant Belgrade, et le 12 août, date du déclenchement de la première offensive d'envergure contre le royaume, les combats se limitent à des duels d'artillerie et de brèves opérations destinées à fixer les troupes serbes au Nord du royaume[12]

Le 12 août,Oskar Potiorek lance ses unités au-delà de la Save, au Nord-Ouest du royaume, repoussant la III armée serbe devant elle; cette percée inattendue constitue une surprise pour le commandement serbe qui replie toutes ses unités[1]. Rapidement, l'offensive austro-hongroise s'enlisent rapidement, dès le troisième jour de l'attaque[8]. Ainsi, les unités serbes, regroupées à une certaine distance de la frontière[8], arrêtent les unités austro-hongroises au terme de cinq jours d'offensive, par une attaque de flanc, d'abord le 17 août au Mont Cer, puis le 21 août à Jadar, obligeant le commandement austro-hongrois à ordonner une retraite, qui se fait dans le plus grand désordre[N 3],[9].

En dépit de ces défaites, Belgrade est occupée par les Austro-hongrois le 2 septembre, puis reprise par les unités serbes dans les jours qui suivent, à la suite d'une nouvelle défaite austro-hongroise[9].

Ces unités serbes se lancent alors à l'assaut du territoire de la double monarchie, lançant des opérations en Smyrnie et dans le Banat, prenant la ville de Smern[13]. Cette offensive est menée concurremment à une nouvelle offensive austro-hongroise lancée le 6 septembre; cette seconde offensive se révèle un échec, mais oblige Putnik à redéployer ses unités, donnant ainsi le temps à Potiorek de remanier son dispositif, facilitant la défense de la Bosnie[14], obligeant les unités serbes à repasser la frontière le 18 septembre[9].

Dans le même temps, des unités serbes s'avancent en Bosnie-Herzégovine, prenant Pale le 25 septembre, mais une défaite à proximité de Sarajevo le 18 octobre oblige le commandement serbe à abandonner ses conquêtes du mois précédent[13].

Seconde phase

Exploitant le succès d'octobre, Potiorek cherche à écarter définitivement la menace serbe, jouant sur la fatigue des soldats serbes, en lançant une opération de grande ampleur contre les positions serbes, alors que le front semble favorable à une attaque austro-hongroise sur des unités serbes en retraites[13].

Ainsi, le 6 novembre, à l'issue d'une solide préparation d'artillerie, Potiorek relance ses unités à l'assaut des positions serbes, les repoussant à 70 kilomètres de leurs positions de départ[9]. Ce recul permet aux unités austro-hongroises de s'emparer de Valejo le 15 novembre[15] et de franchir la Kolubara le 17[9]. Cette avancée se fait dans des conditions climatiques difficiles, aggravées par les pénuries alimentaires et vestimentaires qui frappent l'armée austro-hongroise[16].

Ces succès demeurent cependant précaires, en raison de la retraite en bon ordre des unités serbes et de la précarité grandissant du ravitaillement austro-hongrois au fur et à mesure de leur avancée à l'intérieur du territoire serbe[17].

Belgrade, faiblement défendue par un cordon de troupes, est reprise par les Austro-hongrois le 29 novembre, à la suite de l'évacuation de la ville par le commandement serbe[18] et de franchir la Kolubara le 17[9]; mais la prise de la ville a nécessité la division des forces engagées contre la Serbie[17]. Face à ses succès austro-hongrois, le commandement serbe ordonne une retraite dans la profondeur du territoire serbe, afin de garantir à l'armée en campagne de meilleures positions[18].

Galvanisées par la présence du roi Pierre, par un meilleur ravitaillement, par les mesures prises sur front par les officiers[19], commandées par des généraux qui exploitent à merveille la division des forces voulue par le commandement austro-hongrois trop sûr de sa victoire[17], les unités serbes engagées dans la retraite mais renforcées par des troupes fraîches venues du sud du pays, se retournent contre les unités autrichiennes et, en dépit des mesures austro-hongroises destinées à sauvegarder Belgrade[20], les expulsent du royaume durant les quinze premiers jours de décembre 1914, reprenant Belgrade le 15[19],[17].

À l'issue de cette victoire, le front se stabilise, chacun des deux adversaires adoptant une attitude défensive, favorisée par l'épuisement serbe, le redéploiement des unités austro-hongroises en Italie et en Galicie et par une épidémie de typhus sévissant en Serbie et le long du front[21].

Conséquences

À l'issue de ces cinq mois de conflit, l'armée austro-hongroise a essuyé plusieurs défaites majeures face à la Serbie et a dû enregistrer des pertes élevées face à une armée serbe motivée, expérimentée et connaissant le terrain.

Conséquences militaires

De part et d'autre, les adversaires sont épuisés, entraînant la stabilisation du front sur la frontière d'avant la guerre[17].

L'armée austro-hongroise déployée face à la Serbie est réorganisée : à partir du 26 décembre 1914, elle est placée sous le commandement de l'archiduc Eugène, tandis que Potiorek démissionne, obéissant à une requête formulée par François-Joseph[22],[17], à la suite d'enquêtes ordonnées directement par ce dernier[22]. En effet, les premières opérations face à la Serbie ont démontré le caractère brouillon du commandement austro-hongrois, multipliant les ordres et les contrordres, ne coordonnant pas les mouvements des unités déployées sur le terrain[8].

L'armée serbe, en dépit de ses succès, enregistre la perte de plus de 120 000 soldats, blessés, tués ou prisonniers[23].

Ces victoires n'ont cependant été possibles qu'en raison de la poussée russe en Galicie, retenant loin du front du Danube la majeure partie des effectifs austro-hongrois; le commandement serbe, dans ses rapports avec les Alliés, néglige le fait qu'ils ont écrasé des unités de valeur médiocre mal entraînées[N 4],[24].

Conséquences politiques

La résistance serbe face à la poussée austro-hongroise entraîne un fort courant de sympathie dans le monde entier[17].

Ainsi, l'armée serbe tire des victoires remportées en 1914 un grand prestige auprès de l'Entente; chez les Alliés, les victoires serbes sont volontiers comparées à la victoire de la Marne, à la fin de l'été 1914[23].

Ces victoires demeurent fragiles, en grande partie dues à l'inertie des voisins balkaniques, retenus par les victoires serbes[23]. En effet, dans chacun des États encore neutres de la péninsule, les deux alliances possèdent des partisans, incitant ces pays, Roumanie, Bulgarie, Grèce à maintenir une stricte neutralité, en attendant de connaître les vainqueurs potentiels[25].

Cependant, en dépit des victoires serbes, le front des Balkans se trouve rétrogradé au rang de front secondaire, alors que le conflit met aux prises deux coalitions à l'échelle de l'Europe, préfigurant la perte d'influence de la double monarchie au sein de la Triplice[26].

Les Empires centraux, tenus en échec par la Serbie tout au long de l'année 1914, prendront leur revanche l'année suivante lors de la campagne de Serbie (1915) avec le concours de la Bulgarie à qui ils promettent la Macédoine serbe.

Sort des civils

Dès les premiers jours du conflit, la répression touche les Serbes de la double monarchie, Oskar Potiorek, chargé du commandement des unités déployées face à la Serbe et au Monténégro, est également responsable de l'ordre en Bosnie-Herzégovine. En effet, dès la fin du mois de juillet, il mène une politique vexatoire qui vise en priorité des Serbes de la double monarchie, traitant les Serbes de tous âges et de tout sexe comme des partisans en puissance, prenant des otages, ordonnant des exécutions[27].

Lors de la première occupation austro-hongroise, les soldats de la double monarchie, considérant l'ensemble de la population serbe comme des partisans en puissance[26], se livrent à de nombreuses exactions dans les villages serbes qu'ils traversent, abondamment rapportées par les reporters de guerres neutres ou alliés; dans ces villages, la population est rassemblée, et devant le refus de se soumettre à la double monarchie, elle est souvent massacrée dans des conditions parfois terribles[28]. Au terme de la brève campagne de l'été, les exactions austro-hongroises sur les civils serbes ont entraîné la mort de près de 3 500 personnes, essentiellement des villageois résidant dans les agglomérations situées sur le passage des unités de la double monarchie[26].

Notes et références

Notes

  1. Le contre-espionnage austro-hongrois parvient à faire sauter les ponts de chemin de fer reliant Salonique à la Serbie, handicapant le ravitaillement serbe à partir de la fin du mois de septembre.
  2. En effet, Potiorek, comme ses contemporains, souhaite obtenir une victoire rapide face à l'armée du royaume de Belgrade.
  3. Cette débandade est accentuée par la défection d'un régiment tchèque.
  4. Le commandement serbe refuse ainsi le déploiement sur le front du Danube d'une division française.

Références

  1. a b et c Le Moal, 2008, p. 45
  2. a b et c Schiavon, 2011, p. 81
  3. a et b Le Moal, 2008, p. 46
  4. Schiavon, 2011, p. 8, note 2
  5. Bled, 2014, p. 107
  6. Le Moal, 2008, p. 47
  7. a b c et d Schiavon, 2011, p. 87
  8. a b c d et e Bled, 2014, p. 108
  9. a b c d e f et g Schiavon, 2011, p. 88
  10. Renouvin, 1934, p. 239
  11. Bled, 2014, p. 106
  12. Le Moal, 2008, p. 48
  13. a b et c Le Moal, 2008, p. 49
  14. Bled, 2014, p. 11
  15. Le Moal, 2008, p. 50
  16. Bled, 2014, p. 113
  17. a b c d e f et g Schiavon, 2011, p. 89
  18. a et b Le Moal, 2008, p. 51
  19. a et b Le Moal, 2008, p. 52
  20. Bled, 2014, p. 115
  21. Le Moal, 2008, p. 76
  22. a et b Bled, 2014, p. 117
  23. a b et c Le Moal, 2008, p. 57
  24. Schiavon, 2014, p. 36
  25. Schiavon, 2014, p. 37
  26. a b et c Bled, 2014, p. 109
  27. Bled, 2014, p. 105
  28. Le Moal, 2008, p. 59

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Paul Bled, L'agonie d'une monarchie : Autriche-Hongrie 1914-1920, Paris, Tallandier, , 463 p.
  • Frédéric Le Moal, La Serbie du martyre à la victoire. 1914-1918, Paris, Éditions SOTECA, 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », , 257 p. (ISBN 978-2-9163-8518-1) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Pierre Renouvin, La Crise européenne et la Première Guerre mondiale, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Peuples et civilisations » (no 19), (réimpr. 1939, 1948, 1969 et 1972) (1re éd. 1934), 779 p. (BNF 33152114).
  • Max Schiavon, L'Autriche-Hongrie dans la Première Guerre mondiale : La fin d'un empire, Paris, Éditions SOTECA, 14-18 Éditions, coll. « Les Nations dans la Grande Guerre », , 298 p. (ISBN 978-2-9163-8559-4) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Max Schiavon, Le front d'Orient : Du désastre des Dardanelles à la victoire finale 1915-1918, Paris, Taillandier, , 378 p. (ISBN 979-10-210-0672-0) Document utilisé pour la rédaction de l’article

Articles connexes

Liens externes