Soutien-gorge

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Soutien-gorge à balconnet porté par Hannah Harper.

Le soutien-gorge est un sous-vêtement féminin composé de deux bonnets servant à soutenir et mettre en valeur les seins. Il est habituellement coordonné avec les autres pièces de lingerie (porte-jarretelles, shorty, slip, string, etc.).

Fonction

Depuis l'Antiquité, les femmes utilisent différents dispositifs pour soutenir leur poitrine : apodesme ou strophium, mastodeton, sangles, mamillare, brassières, bandeaux, corsets et corselets. Ces mêmes dispositifs ont répondu aussi, selon les périodes, à d'autres objectifs, de modeler la silhouette, de mettre en valeur la poitrine, de faciliter les mouvements ou l'exercice sportif, mais aussi de prendre en compte les convenances, touchant au monde de l'intime, voire de l'érotisme ou de la morale[1].

Comme d'autres pièces de la lingerie, l'apparence peut prendre le pas sur le confort dans la conception du soutien-gorge[2]. Le soutien-gorge, comme les autres sous-vêtements, joue un rôle déterminant dans la relation entre le corps et les vêtements, et dans la transformation du corps naturel en un corps culturel, un corps reflet de la société[2].

Étymologie

Selon le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, dans son édition de 1999, le mot se serait substitué en 1904 à maintien-gorge, proposé initialement par Herminie Cadolle en 1899. La gorge est un euphémisme pour désigner les seins[3].

Au Québec, les termes de soutien-gorge et de brassière sont utilisés indifféremment[4]. La dénomination de brassiere, transformé en bra, est celle qui s'est imposée aux États-Unis entre 1930 et 1935[3].

Histoire

Femme portant un strophium, villa romaine du Cesale à Piazza Armerina (Sicile).
Statue antique.

Antiquité et Moyen Âge

Sous le traditionnel chiton, la femme de la Grèce hellénistique (-400 à -100) porte une tunique en lin recouvrant plusieurs systèmes composés de bandelettes pour contrôler la morphologie féminine[5]. Pour gommer la féminité en aplatissant la poitrine et les hanches, elle porte l’apodesme, un bandage formant une ceinture sous la poitrine pour la maintenir. Il se porte indifféremment sur le chiton ou directement au contact de la peau[6]. Pour dissimuler les hanches et le ventre, elle utilise le zona, une bande abdominale. Les jeunes filles portent le mastodeton, un mince ruban ceignant la poitrine pour empêcher le développement du sein[7]. La silhouette de la femme grecque est volontairement androgyne et témoigne du goût des Grecs anciens pour les femmes aux seins peu développés. Certains médecins iront jusqu'à proposer des traitements pour empêcher le développement du buste[8].

La femme romaine porte habituellement une tunique ou une stola et, en dessous, les mêmes dispositifs que la femme grecque. Les hanches sont effacées par un zona, la poitrine des jeunes filles bandée à l'aide d'un taenia ou d'un fascia, équivalent romain du mastodeton. Les bustes plus volumineux sont écrasés par un mamilliare en cuir. Le dispositif le plus répandu est le strophium, un bandage similaire à l’apodesme grec. Certains dessous de l'époque, dont la représentation la plus connue est celle de la villa romaine du Casale à Piazza Armerina en Sicile, ressemblent étrangement au bikini ou aux culottes et soutiens-gorge actuels[5].

En 2008, une équipe d'archéologues autrichiens mettent au jour plusieurs sous-vêtements, daté par carbone 14 de la fin du XIVe siècle au début du XVe siècle. Parmi les pièces de lingerie féminine découvertes, un soutien-gorge similaire aux soutiens-gorge modernes, prouvant ainsi son invention et utilisation avant l'époque moderne[9],[10].

Époque moderne

Corset Bien-être
Wonderbra vers 1975

L'origine du soutien-gorge dans son acception « moderne » reste discutée[11]. Parfois appelé « gorgerette » ou « maintien-gorge », le terme « soutien-gorge » apparaît en 1904 dans le dictionnaire Larousse[12] et en 1912, sous le nom de « brassiere », dans l'Oxford English Dictionary[5]. Son diminutif, « bra », ne sera pas utilisé dans les pays anglophones avant 1937[5].

Un premier prototype de soutien-gorge est breveté en 1859 à New York par Henry S. Lesher[13]. Cet ancêtre du soutien-gorge présentait des défauts de conception qui le rendaient inconfortable[14].

Corset Bien-être (détail du brevet)

Le 27 juin 1889, Herminie Cadolle présente lors de l'exposition universelle de Paris le premier soutien-gorge moderne sous le nom de Bien-être. Il s'agit d'un corset coupé en deux sous la poitrine, plus confortable pour les femmes. Cependant, ce modèle est encore lié à un corset et présente des problèmes de maintien. Commercialisé en France, il fut peu remarqué[15],[5],[16].

En mars 1893, aux États-Unis, Marie Tucek dépose le brevet d'un dispositif nommé Breast supporter composé d'une « poche » pour chaque sein et d'un système de bretelles maintenues à l'aide d'œillets et d'agrafes[17]. Ce modèle ressemble beaucoup au soutien-gorge à balconnet moderne. Porté par quelques amies de Marie Tucek, ce sous-vêtement fut également un échec commercial[18],[19].

En 1913, Mary Phelps Jacob crée un soutien-gorge séparant les deux seins[20]. Elle revend le brevet pour 1 500$ (aujourd'hui, environ 25 600$), en 1914, à la société Warner Brothers Corset Company domiciliée à Bridgeport dans le Connecticut[5]. Au même moment, Rosalind Kind invente un soutien-gorge composé de deux triangles croisés devant et dans le dos[5].

Le soutien-gorge a progressivement remplacé le corset au tournant des XIXe et XXe siècles sous la pression des idées féministes et hygiénistes. Déjà en 1762, Jean-Jacques Rousseau, dans Émile ou de l'éducation, condamne « l'usage de ces corps de baleine » qui coupent la femme en deux « comme une guêpe ». Le soutien-gorge ne connaîtra pourtant un véritable essor qu'à la fin des années 1920. En effet, à la silhouette en « S » qui pousse la poitrine vers l'avant, les hanches et les fesses vers l'arrière, en vogue dans les années 1880-1905, succède une ligne plus fonctionnelle, adaptée aux besoins de l'époque, distillée pas les couturiers Paul Poiret, Madeleine Vionnet ou Nicole Groult. La silhouette revêt alors des formes proches de celles de l'Empire avec une taille haute, une poitrine effacée et des hanches étroites[5]. Amplifiée par la Première Guerre mondiale et les « garçonnes » des « années folles », la mode est alors aux petites poitrines, ce qui retarde son adoption au profit des gaines et des corsets « souples ».

Les premiers soutiens-gorge étaient en lin avant d'être fabriqués, à partir des années 1920, en soie, mousseline ou en batiste.

Dans les années 1930 apparaît la rayonne qui permet d'ouvrir la voie vers les soutiens-gorge actuels, même s'ils restent onéreux et peu adaptés aux différentes morphologies féminines[15].

La première véritable évolution est attribuée aux trois frères de la société Warner (États-Unis) qui mirent au point un tissu extensible, mais surtout qui affinèrent les tailles de bonnets en proposant des tailles allant de A à D et qui remplacèrent les bretelles en tissu par des bretelles élastiques[15].

D'autres innovations suivront comme le Very secret après la Seconde Guerre mondiale en nylon et muni de coussinets gonflables. En 1943, Howard Hugues crée un modèle de soutien-gorge à armatures renforcées et sans bretelles qui rend les seins pointus pour les besoins du film The Outlaw dans lequel apparaît Jane Russell[14]. En 1956, Lejaby présente le soutien-gorge pigeonnant. Puis, dans les années 1960, Playtex crée Cœur croisé, le premier soutien-gorge à armatures non métalliques[15].

La révolution sexuelle des années 1970 marque un autre tournant ; brûlé en place publique, le soutien-gorge doit être fonctionnel, confortable et éloigné de toute connotation sexy[15].

Bénéficiant des avancées technologiques en termes de fibres textiles, le soutien-gorge actuel allie généralement fonctionnalité et séduction.

Non-port

Certaines femmes refusent l'usage du soutien-gorge, le jugeant inconfortable et inutile à empêcher la chute des seins[21]. Une étude menée sur 330 femmes pendant 15 ans semble confirmer les avantages du non port du soutien-gorge : les mamelons remontent de 7 mm par an par rapport à l’épaule, la poitrine aurait tendance à se raffermir et les vergetures à disparaître[22]. Certains courants féministes le refusent également, jugeant le soutien-gorge instrument d'oppression et de souffrance infligée au corps des femmes.

Certains groupes religieux et politiques interdisent le port du soutien-gorge. En 2009, en Somalie, les Shebab ont fouetté en public plusieurs femmes qui portaient ce sous-vêtement[23].

Modèles

Au fil du temps, différents modèles de soutien-gorge apparurent pour des raisons pratiques ou des raisons de confort, ce sont les soutiens-gorge :

  • d'allaitement, qui possède des bonnets amovibles pour permettre l'allaitement des nourrissons ;
  • pigeonnant, également dit à balconnet, conçu pour avantager le décolleté. Il fit fureur dans la première moitié des années 1960 ;
  • bandeau qui a la forme d'un bandeau, ne disposant pas de bretelles. Il permet de dégager les épaules ;
  • push-up largement répandu grâce à la publicité faite par la marque Wonderbra. Des coussinets amovibles, situés dans les bonnets, permettent de relever les seins et d’augmenter leur volume apparent ;
  • redresse-seins dont les bonnets sont ouverts de façon à dégager les tétons. Ce soutien-gorge est souvent assorti à un slip également ouvert ;
  • à maintien renforcé, limitant les mouvements des seins. Il permet de faire du sport ;
  • rembourré, destiné à l'origine à celles qui ont de petits seins. Il permet de donner l'impression d'avoir une taille de plus au niveau des bonnets ;
  • triangle, généralement sans armature ;
  • corbeille

Tailles

La taille de soutien-gorge et de brassière dépend du tour de poitrine, aussi appelé tour de dos, et du bonnet.

Ce sont des américains, William et Ida Rosenthal, qui inventent cette notation en 1928. La taille d'un soutien-gorge est depuis définie par deux codes : le nombre (85, 90, 95…) correspond à la longueur de la bande du soutien-gorge, et la lettre (A, B, C…) à la profondeur des bonnets. À l'époque les tailles étaient encore en pouces, et mesurées différemment, par exemple 32A (po) correspond à 85A (cm), alors que 85 cm font 21 po.

Notes et références

  1. Bruna 2013, p. 20.
  2. a et b Bruna 2013, p. 21.
  3. a et b Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, t. 3, , p. 3605
  4. Mots du Québec
  5. a b c d e f g et h Barbier et Boucher 2005.
  6. Collectif, Musée de sculpture antique et moderne, Imprimerie royale, 1841
  7. Anthony Rich, Adolphe Chéruel, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, Firmin Didot frères, 1859, p. 261
  8. Inconnu, Lingerie, Parkstone, 2005 (ISBN 1859959687)
  9. historyextra.com: Medieval lingerie
  10. Des soutiens-gorge du Moyen Âge retrouvés en Autriche, sur Ooyakwa.net
  11. Fontanel 1997.
  12. Farid Chenoune, Les dessous de la féminité, Assouline, 1998 (ISBN 2843236878)
  13. Henry S. Lesher, Combined breast pads - Brevet US24033, 1859, Organisation européenne des brevets, sur espacenet.com
  14. a et b (en) Michael Davis, Art of Dress Designing, Global Media, 2007 (ISBN 8190457578)
  15. a b c d et e Boutin-Arnaud et Tasmadjian 1997.
  16. Pedersen 2008, p. 28.
  17. Marie Tucek, Breast supporter - Brevet US494397, 1893, Organisation européenne des brevets, sur espacenet.com
  18. (en) Jane Farrell-Beck, Colleen Gau, Uplift: The Bra in America, University of Pennsylvania Press, 2002 (ISBN 0812218353) p. 31-32
  19. Pedersen 2008, p. 27.
  20. Mary Phelps Jacob, Brassière - Brevet US1115674, 1914, Organisation européenne des brevets, sur espacenet.com
  21. Bienvenue sur Seins libres, sur le site seinslibres.perso.sfr.fr
  22. Janlou Chaput, « Science décalée : à bas les soutiens-gorges ! », sur Futura-Sciences,
  23. « Fouettées pour un soutien-gorge », sur radio-canada.ca, Radio-Canada, (consulté le )

Annexes

Bibliographie

Ouvrages classés par date de parution.

Articles

Source web

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Filmographie

  • La Saga du soutien-gorge, documentaire d'Anna Fitch, États-Unis, 2007, 52 min
  • Les dessous ont une histoire, documentaire de Christiane Prigent et Marianne Lamour, réalisation de Marianne Lamour, France, 2005, 1 h 01 min, coproduction ARTE France et BFC Productions.

Articles connexes