Septimanie

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La Septimanie en 537

Le mot Septimanie apparaît au Ve siècle dans une lettre de Sidoine Apollinaire pour désigner une partie du sud de la Gaule, correspondant[réf. nécessaire] peut-être plus ou moins aux sept provinces du diocèse de Vienne : Aquitaine première, Aquitaine seconde, Novempopulanie, Narbonnaise, Viennoise, Alpes-Maritimes, par opposition aux dix provinces (Décémanie[réf. nécessaire]) constituant le diocèse des Gaules[1].

Après la conquête de l'Aquitaine par Clovis, le mot est utilisé, en particulier à l'époque carolingienne, pour désigner la partie de la Gaule restée jusqu'au début du VIIIe siècle aux mains des Wisigoths, occupée par les Musulmans Omeyyades d'Al-Andalus avant d'être conquise par les Francs en 759. Elle correspond approximativement à la partie occidentale de l'ancienne province romaine de Gaule narbonnaise. Elle est alors aussi appelée par les Francs de l'époque "Gothie".

En 2004, Georges Frêche, président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon, tente de redonner vie au mot Septimanie pour désigner la région. Cette tentative, globalement mal reçue, a suscité des oppositions dans la population, et a été finalement abandonnée, après des campagnes de presse hostiles.

La Septimanie ancienne

Origine du mot

Le mot est attesté pour la première fois dans une lettre de l'évêque de Clermont-Ferrand Sidoine Apollinaire, datée de 472[2]. Il écrit : « Fiez-vous notamment aux Goths qui vont bien souvent jusqu'à montrer du dégoût pour leur Septimanie, pourvu qu'ils prennent possession de ce coin de terre [l'Auvergne], même dévastée, qui est l'objet de leur envie. ».

Vraisemblablement, Sidoine Apollinaire n'a pas inventé le mot « Septimanie ». Il est d’ailleurs le seul au Ve siècle à l’utiliser et, qui plus est, une seule fois dans toute son œuvre conservée[3].

Il utilise sans doute un néologisme, créé par imitation du nom de la province romaine voisine de Novempopulanie, lequel signifie « le pays des neuf peuples ». L'acception restreinte du nom rémanent de Septimanie s'est ultérieurement renforcée par le souvenir de la présence des vétérans de la septième légion romaine qui auraient occupé la région, ou des sept villes sièges d'importants évêchés qui jalonnaient le territoire : Elne, Agde, Narbonne, Lodève, Béziers, Maguelone et Nîmes. Avec le passage d'Elne et des actuels Roussillon, Cerdagne et Capcir sous influence catalane, la ville d'Uzès est devenue le septième évêché. Les historiens ne savent pas vraiment l'étendue de la région que Sidoine Apollinaire désigne.

La Septimanie ce sont les sept cités qui forment le premier royaume wisigoth en Gaule, les six cités d’Aquitaine (Bordeaux, Agen, Angoulême, Saintes, Poitiers, Périgueux) et leur capitale, Toulouse, avant 507, quand les Wisigoths battus se sont repliés vers la "Narbonnaise".

Les historiens sont sûrs que la Septimanie n’est pas une dénomination romaine officielle, car elle n’apparaît pas dans la Notitia Dignitatum, rédigée quelques décennies plus tôt, vers l’an 400, qui détaille l’organisation de l’Empire romain en une longue liste de tous les postes civils et militaires d’Orient et d’Occident[4]. On trouve cependant dans cette liste la mention de vicarii septem provinciarum (« vicaires des 7 provinces ») qui semble préfigurer, par l'affirmation d'une primauté de la partie de la Gaule transalpine la plus proche de Rome, future Occitanie de droit romain, sur la partie nord de droit coutumier, une Septimanie[réf. nécessaire].

Une nouvelle acception : Grégoire de Tours

Après la défaite wisigothe de Vouillé en 507, la Septimanie désigne la seule partie de la Gaule restée aux mains des Wisigoths, grâce à l'intervention de Théodoric le Grand Ier roi des Ostrogoths, qui stoppe les armées de Clovis Ier à Arles en 508. Elle reste dépendante du royaume wisigoth d'Espagne jusqu'à la conquête arabo-berbère de 714 .

Grégoire de Tours, l’auteur de l’Histoire des Francs, utilise le terme de Septimanie uniquement pour les seize années, de 569 à 585, où la provincia comporte sept unités territoriales, évêchés ou cités comtales. Et comme Sidoine Apollinaire, Grégoire de Tours est le seul, à son époque (le VIe siècle), à employer le mot Septimanie. Grégoire de Tours désigne, sans confusion possible, la province gauloise du royaume wisigoth de Tolède. Mais, le plus souvent, il désigne ce territoire sous le nom habituel de Province de Narbonne.

La province gauloise du royaume de Tolède

Les Wisigoths appellent cette partie de la Narbonnaise au nord des Pyrénées, Gallia, ou provincia Galliae. Ils ne lui donnent jamais le nom de Septimanie. Les Francs, eux, désignent ce territoire sous le nom de Gothie, c’est-à-dire le pays des Goths. En raison de sa position excentrée dans le royaume wisigoth, la province est menacée par les Francs, qui, dans la seconde moitié du VIe siècle, lancent plusieurs incursions en Septimanie, sans jamais parvenir à la réduire. En 588-589, une armée franque envahit la région, mais est sévèrement battue près de Carcassonne par le duc wisigoth Claude. Les habitants de la province, sauf exceptions, se montrent en général solidaires des Wisigoths[5]. Sur le plan juridique, la Septimanie est régie par le droit romain. Le roi Alaric II avait fait rédiger en 506, à l'intention de ses sujets romains, le fameux Breviarium legum romanae Wisigothorum plus connu sous le nom de Bréviaire d'Alaric. Quand la capitale wisigothique est transférée à Tolède vers 560 par le roi wisigoth Athanagild, la Septimanie manifeste des velléités séparatistes. La noblesse arienne, refusant la conversion au catholicisme, s'y est réfugiée ainsi que les juifs persécutés dans le reste de la péninsule.

En 673, le duc Paul, soutenu par les séparatistes, est brièvement roi de Septimanie, après s'être révolté contre le royaume de Tolède. Le roi wisigoth Wamba intervient en personne depuis Tolède à la tête d'une armée pour soumettre la région.

Au temps des émirs de Cordoue

En 711, il faut quelques mois aux troupes arabo-berbères pour soumettre la quasi-totalité de la péninsule Ibérique[6]. De là, les musulmans poursuivent et se lancent contre Narbonne prise en 719, puis contre Carcassonne et Nîmes en 725. En 719 la ville de Toulouse est menacée, et les armées arabo-berbères lancent des incursions au Rouergue, au Quercy, et en Provence. Eudes, le duc d’Aquitaine, parvient à les repousser en 721 lors de la bataille de Toulouse. Les musulmans, sous la conduite du général Ambiza, lancent alors en 725 une expédition le long du couloir rhodanien jusqu'à Autun qu’ils pillent et incendent. Lorsque le général Abd al-Rahman ibn Abd Allah al-Rhafiqi choisit de lancer une campagne de conquête du royaume franc, il est intercepté près de Poitiers par Charles Martel en 732, et tué durant la bataille. La conquête musulmane de l'Europe est ainsi partiellement stoppée. Mais en Septimanie, les attaques sarrasines continuent et menacent Arles et la Provence. Narbonne est reprise par Pépin le Bref en 759 dans de grandes difficultés. Ainsi le siège de la ville dure-t-il sept ans, les Sarrasins y étant soutenus par les populations locales (qui étaient libres de pratiquer leurs foi), restées majoritairement chrétiens ariens comme l'étaient la plupart de leurs seigneurs et comme l'étaient tous les Wisigoths avant 589 (conversion du roi Récarède à Tolède lors du IIIe Concile de Tolède), hostiles à la conquête des Francs catholiques. Pépin le Bref achève la conquête de la Septimanie, et les populations se réfugient dans le puissant émirat de Cordoue.

Sous la domination musulmane, Narbonne devient Arbûna, le siège d'un wâli pendant quarante ans, capitale d'une des cinq provinces d'al-Andalus, aux côtés de Cordoue, Tolède, Mérida et Saragosse. Les musulmans laissent aux anciens habitants, chrétiens et juifs, la liberté de professer leur religion moyennant tribut; libertés supprimées lors de la conquête de Pépin le Bref[7]. On connaît un certain nombre de walis, gouverneurs de la province narbonnaise. Le premier est Abd-er-Rahman el Gafeki nommé en 720. Ensuite, Athima vers 737, Abd-er-Rahman el Lahmi à partir de 741, Omar ibn Omar vers 747. Le dernier gouverneur est Abd-er-Rahman ben Ocba (756-759) qui continue à gouverner les territoires encore sous le contrôle de l'émirat, des Pyrénées jusqu'à Tortose sur l'Ebre[8].

La Septimanie carolingienne

La Septimanie dans l'empire franc

En 790, le comte de Toulouse ayant été enlevé par les Basques, alias Vascons, le marquis de Septimanie, Guillaume de Gellone, cousin de Charlemagne prend sa suite. Charlemagne lui annexe administrativement une partie de la marche d'Espagne, jusqu'à l'Èbre, et appelle cette région marche ou marquisat de Gothie. Cette marche est souvent victime des raids des Sarrasins en 793 par exemple, attirés par la prospérité de la Septimanie à cette époque.

La Septimanie connaît de grands progrès du monachisme bénédictin encouragé par Charlemagne. En 820, Bernard de Septimanie, fils et héritier de Guillaume de Gellone voit son marquisat érigé en duché de Septimanie. En devenant en 826 comte de Barcelone, il étend la suzeraineté du duché au sud des Pyrénées. Après le partage de Verdun (843), le duché fait partie du royaume de Charles le Chauve, la Francie occidentale. Il est partagé en 865 en deux provinces avec deux capitales Barcelone et Narbonne. Le roi Charles le Simple (893-929), accorde de nombreux avantages aux églises et monastères de Septimanie. Les premiers châteaux sont édifiés dans les cités au Xe siècle, et les laïcs prennent alors possession des biens religieux : à la fin du Xe siècle, le vicomte Guillaume légue à sa fille Béziers et son évêché. La Septimanie échappe de fait aux rois francs après le règne de Charles le Simple au profit des évêques, des comtes de Provence et des ducs d'Aquitaine.

À l'époque féodale, on parle de « duché de Narbonne », mais ce titre, aux mains des comtes de Toulouse n'entraîne aucun pouvoir réel, le pouvoir politique étant émietté entre les différents seigneurs locaux (comtes de Melgueil, de Saint-Gilles, vicomtes de Narbonne, de Carcassonne, du Razès, de Béziers, d'Agde, de Nîmes, seigneurs de Montpellier). La Septimanie, intégrée au domaine royal, disparaît en tant que province, après la croisade des Albigeois (1215).

La postérité du terme Septimanie

Les historiens adoptent et transmettent le terme de Septimanie, trouvé chez Grégoire de Tours, dont les livres constituent la source à laquelle tous viennent puiser. On le trouve assez couramment au cours des VIIIe, IXe et Xe siècles. C’est dans leurs écrits que la Septimanie se met à désigner la partie de la Narbonnaise à l’époque où elle se trouvait sous la domination des Wisigoths puis des Francs. On peut imaginer que le terme de Septimanie était à leurs yeux plus satisfaisant que celui de Narbonnaise trop lié à l’Empire romain ou celui de Gothie pas assez franc. En fait, sauf par deux auteurs membres du clergé, le terme Septimanie n’a jamais eu d’existence réelle, de réalité historique. Mais elle a une réalité culturelle et littéraire, dans laquelle elle a été forgée. De fait quand on évoque la Septimanie, on ne sait pas vraiment de quoi il est question : de l'héritage des Wisigoths, de ce qu’a été la Gothie ou de ce que la Septimanie représente pour les lettrés et érudits régionaux...

De la domination wisigothique en Septimanie, il reste le cimetière wisigoth d’Estagel, avec un mobilier funéraire très intéressant, mais loin de la splendeur du trésor de Guarrazar (découvert près de Tolède). Certains noms de famille « typiquement » catalans ont une racine germanique qu’on peut rattacher aux Wisigoths : Armengol (forme catalane du prénom castillan d'origine gotique, Ermenegildo, porté par un prince wisigoth), Aliès qui vient d’Adalhaid (formé à partir des mots adal, noble et haid, la lande), Jaubert, qui est à rapprocher de Gautberht formé de gaut, du peuple goth et de berht, brillant[9]... Mais on trouve dans toutes les régions de France des noms de famille d’origine germanique. La présence wisigothe correspond au moment où se met en place l’organisation de l’Église. Le monastère Saint-Gilles du Gard, haut lieu de pèlerinage en Languedoc-Roussillon, aurait été fondé sur les lieux où le roi wisigoth Wamba (672-680), venu mater en 673 la rébellion du duc Paul, rencontre l’ermite Gilles[9].

Septimanie et Languedoc-Roussillon

Après son élection à la tête de la région Languedoc-Roussillon en 2004, Georges Frêche a lancé l'idée de changer le nom de la région en « Septimanie », terme qu'il estimait plus judicieux que son ancienne désignation, issue des travaux de la DATAR. Le Conseil régional a commencé à utiliser ce nom très largement. Il a toutefois rencontré une franche opposition d'une large population, surtout chez les Catalans dans les Pyrénées-Orientales qui estimaient, que le nom « Septimanie » pourrait nuire à l'identité catalane et nier la double identité culturelle présente dans la dénomination même de Languedoc-Roussillon. De plus, l'ancienne Septimanie ne recouvrait pas exactement les limites du Languedoc-Roussillon actuel, spécialement le Gévaudan qui est aujourd'hui le département de la Lozère.

Cette opposition, cristallisée par plus de 45 000 signatures recueillies par les catalans et une manifestation rassemblant 8 000 personnes à Perpignan, le 8 octobre 2005, a conduit Georges Frêche à renoncer à ce changement de nom.

Voir aussi

Bibliographie

  • Georges-Auguste Fraiche, Septimanie, Languedoc, Roussillon, qu'es-aquò ?, Le plein des sens, 2004

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. La distinction de la Gaule en deux groupes de diocèses vient de ce que les Wisigoths ont conquis ou prétendu conquérir cette partie sud avant que les Francs, maîtres de la partie nord, ne les en dépouillent peu à peu, en favorisant l'émergence d'un comté de Toulouse
  2. SIDOINE, Lettres, livre III, I, 4
  3. André Bonnery, historien, cité dans http://www.perpignan-toutvabien.com/articles.php?param=full&ida=1089&idcb=63
  4. Perpignan tout va bien - Revue de presse
  5. André Bonnery ; La Septimanie sème la zizanie.
  6. "C'est avec les montagnards frustes d'Afrique du Nord, les Berbères, que l'Islam a conquis l'Espagne", Fernand Braudel, Grammaire des civilisations (1963), éd. Flammarion, 2008, p. 104
  7. Philippe Sénac, « Présence musulmane en Languedoc » in Islam et chrétiens du Midi, Cahier de Fanjeaux, n°18, 2000, p.50-51
  8. André Bonnery, La Septimanie, Loubatières, 2005, p.109
  9. a et b La Septimanie démystifiée; Le Petit Journal des Pyrénées-Orientales, juin 2004