Quatrième philosophie

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La Quatrième philosophie est le nom que Flavius Josèphe donne au mouvement créé par Judas de Gamala lors du mouvement de révolte juif contre le recensement de Quirinius en 6 de notre ère, lorsque l'ancienne ethnarchie d'Hérode Archélaos est devenue la province de Judée directement administrée par des gouverneurs romains. Il distingue ce mouvement d'idée des trois autres « sectes » qui selon lui composent alors la société juive : les Sadducéens, les Pharisiens et les Esséniens.

Ce qui caractérise la doctrine du groupe de Judas c'est essentiellement la notion de liberté et celle de la royauté absolue et exclusive du Dieu d'Israël, ainsi qu'un sentiment patriotique doublé d'une attente de libération eschatologique par Dieu.

Le mouvement survit à la mort de Judas et se prolonge dans l'action de ses fils et petit-fils, chefs du groupe des Sicaires au moins à partir du déclenchement de la Grande révolte juive (66). Toutefois certains critiques estiment qu'il donne naissance au mouvement Zélotes, ce qui ne fait pas consensus. Le dernier épisode de la révolte juive est la résistance des défenseurs de la forteresse de Massada, dirigés par Éléazar fils de Jaïr, un petit-fils de Judas le Galiléen (74). Des Sicaires, probablement sans lien avec le groupe créé par Judas, semblent resurgir lors de la révolte de Bar Kokhba (132-135).

Idéologie

Flavius Josèphe présente Judas le Galiléen (ou Judas de Gamala) comme un « philosophe », chef d'une « secte », qu'il appelle « quatrième philosophie », mais sans rapport avec les trois autres « sectes » du judaïsme qu'il mentionne : les Sadducéens, les Pharisiens et les Esséniens[1]. Selon lui, Judas partage toutefois certains points de vue des pharisiens en matière de pureté rituelle[1]. Il blâme les partisans de Judas, les rendant responsables du déclenchement de la Grande révolte juive et de la destruction du Temple de Jérusalem.

Ce qui caractérise la doctrine du groupe de Judas « c'est essentiellement la notion de liberté et celle de la royauté absolue et exclusive du Dieu d'Israël[2] », expression de l'attente d'une rédemption ou d'une libération eschatologique par Dieu[2]. Ses adeptes préconisent l'action violente contre les Romains afin d'aider la venue de cette rédemption[1]. Ce qui permet « la légitimation du pillage des biens des riches, considérés comme les alliés des pouvoirs établis[1]. »

Son groupe est animé « par la conviction que la rédemption prophétique ou messianique est imminente : c'est-à-dire que le renversement des grands de ce monde est proche[3] » — comme le seront plus tard ceux des Sicaires et des Zélotes — ainsi que « par la passion de la liberté, certainement héritée du modèle des Macchabées[4]. » Selon les membres du groupe la présence des Romains est une souillure de la « terre d'Israël » et tolérer le pouvoir romain sur la Judée est une offense faite à Dieu[5].

Les membres du groupe de Judas le Galiléen cherchent à hâter l'intervention divine en « purifiant » le pays, au besoin par la violence[2]. Pour eux, « le combat contre Rome censé être purificateur et sanctificateur[5] » doit d'abord être mené au sein de la nation juive en éliminant physiquement ceux qui acceptent ou souhaitent le maintien de la domination romaine sur la Judée[5]. C'est ainsi qu'ils tentent de mener « une guerre sainte contre l'occupant romain[2] » passant par une politique de liquidation des collaborateurs juifs avec le pouvoir romain[2]. Ce groupe « reste incompréhensible si on ne le replace pas dans un contexte social et radicalement eschatologique[2] ». L'époque est en effet marquée « par l'apparition de nombreux prétendants prophètiques et messianiques[2]. »

En au moins deux occasions — après la mort d'Hérode le Grand (4 av. J.-C.) et en 66 lors de l'entrée de Menahem au Temple de Jérusalem, au début de la Grande révolte — « une doctrine messianique de type royal semble avoir été développée par le groupe[2]. »

Histoire

Selon Flavius Josèphe, Judas le Galiléen (ou Judas le Gaulanite, ou Judas de Gamala) s'associe avec un Pharisien nommé Sadok (le Juste) pour s'opposer au recensement de Quirinius à l'aide d'arguments religieux. Judas suscite une révolte contre ce recensement fiscal qui marque l'entrée officielle de la Judée dans le système provincial romain[1]. Selon Josèphe, c'est à cette occasion que s'est formé le groupe ayant à sa tête Judas de Gamala créant une « IVe philosophie » distincte des Sadducéens, des Pharisiens et des Esséniens. Judas et Sadok s'opposent au grand prêtre Joazar de la famille boëthusienne, partisan de la soumission[6].

Judas est un fils du « chef de bande » Ézéchias (Hizkiya) tué par Hérode alors que celui-ci n'était que stratège de Galilée en 47 - 46 avant notre ère[7],[8]. La majorité des critiques estiment que ce Judas fils d'Ézéchias est le même que celui qui déclenche en Galilée une révolte à la mort d'Hérode le Grand (4 avant notre ère)[8]. Il n'y a toutefois pas un consensus total sur ce sujet, car le témoignage de Josèphe « n'est pas d'une claire évidence[8]. » Lors de cette révolte, Judas est l'un des trois « messies » qui surgissent pour revendiquer la succession royale[9]. Judas le Galiléen et ses descendants appartiennent à ce qui a parfois été appelé « une dynastie » de révoltés[10] opposés aux Hérodiens et aux Romains, à l'instar des Hérodiens ou des Hasmonéens, bien que cela puisse paraître exagéré[2].

C'est lors de la révolte contre le recensement que Judas et ses partisans « animés par des idéaux insufflés par les Macchabées lors de leur insurrection en 167 av. J.-C., a rencontré certains cercles pharisiens intransigeants[5] » et a élaboré une idéologie nouvelle selon laquelle « tolérer le pouvoir romain sur la Judée se transforme nécessairement en offense faite à la souveraineté de leur dieu sur la « terre d'Israël »[5]. »

Josèphe ne relate pas la mort de Judas, ce sont seulement les Actes des Apôtres (5, 37) qui indiquent lapidairement qu'il aurait péri à la suite de la révolte au sujet du recensement et que ses partisans ont été dispersés[8]. Cette information se trouve dans le discours de Gamaliel devant le Sanhédrin, afin de défendre certains apôtres qui viennent d'être arrêtés. Judas y est présenté comme un exemple de chef messianique ayant échoué. Il est établi que le groupe de Judas lui a survécu et toute sa famille semble y avoir pris une grande part[2]. L'épisode de Jésus Bar Abbas relaté dans les évangiles pourrait être un indicateur de la poursuite de l'activité du groupe[11]. Deux des fils de Judas de Galilée ou de Gamala, Simon et Jacob, sont crucifiés sur ordre du procurateur de Judée Tiberius Alexander entre 45 et 48, ce qui montre que le groupe héritier de Judas a été actif en Judée à cette époque[11] (Antiquités 20.5.2 102). Le roi Agrippa Ier vient de mourir — peut être empoisonné par Marsus, le légat de Syrie[12] —, le royaume de Judée est redevenu une province romaine, de plus une famine se développe en Palestine. Cette situation ne manque pas de créer des troubles[13] ainsi que des mouvements de solidarité, comme celui d'Hélène d'Adiabène et de ses fils. Le fait que Simon et Jacob aient été exécutés par crucifiement indique clairement qu'ils se sont révoltés.

À partir du déclenchement de la Grande révolte juive (66), Flavius Josèphe présente un autre des fils de Judas, Menahem, comme le chef des Sicaires. Toutefois, les Sicaires apparaissent dès 56 chez Flavius Josèphe, à l'époque du procurateur Antonius Felix lorsqu'ils assassinent le grand prêtre Jonathan ben Hanan[11]. Ils organisent et pratiquent ensuite ce type d'assassinats politiques jusqu'au déclenchement de la révolte[3]. En 66, Menahem rassemble de nombreux hors-la-loi sous ses ordres et envahit par surprise la forteresse de Massada, exterminant la garnison romaine qui l'occupe. Il donne ainsi le signal du déclenchement de la révolte. Il vient alors renforcer les insurgés de Jérusalem et aide à prendre le Palais d'Hérode[11]. Allié à Éléazar fils d'Ananias, commandant du Temple, un des chefs zélote et fils du grand-prêtre Ananias de Zébédée[11], ils assiègent la garnison romaine dans la forteresse Antonia.

Massada où les Sicaires commandés par Éléazar fils de Jaïr se suicident en 73-74 pour échapper à la servitude.

Menahem prend pendant une brève période la direction de tous les insurgés[11]. Cela permet à ses partisans, aidés par certains Zélotes d'éliminer beaucoup de modérés, partisans d'un compromis avec les Romains[11]. Il fait ainsi tuer plusieurs personnalités de Jérusalem dont le grand-prêtre Ananias, père de son allié[14]. Mais Éléazar fils d'Ananias fomente rapidement une conspiration pour se débarrasser de celui qui est devenu son ennemi et rival. Ses anciens alliés du parti zélote le soupçonnent « d'avoir des prétentions à la royauté d'un type plus ou moins messianique[11] » et veulent aussi probablement venger la mort du père et de l'oncle de leur chef[11]. Ils attaquent par surprise Menahem et ses partisans à coup de pierres alors que celui-ci se rend en grande pompe au Temple[15], « paré comme un roi » selon l'expression de Flavius Josèphe. « La lapidation était la manifestation d'un déni de légitimité[15]. » Il parvient toutefois à s'échapper et se cache sur le versant de l'Ophel où il est capturé. Il est torturé et exécuté en même temps que ses gardes[15],[16]. Cet assassinat provoque l'émiettement de la révolte en plusieurs bandes rivales, ouvrant ainsi une guerre civile sans pitié entre les différentes sectes juives[11]. Les partisans de Menahem se réfugient alors dans la forteresse de Massada sous les ordres d'un petit-fils de Judas de Gamala, Eleazar Ben Yair (Éléazar fils de Jaïr) qui devient le nouveau chef des Sicaires[11]. À partir de ce moment, le groupe semble moins offensif durant le reste de la révolte[17]. Il donne toutefois refuge à Simon Bargiora et aide son groupe. La forteresse de Massada semble être une des dernières poches de résistance des révoltés. En 73 ou 74, les défenseurs, toujours dirigés par Éléazar fils de Jaïr préfèrent se donner la mort dans un suicide collectif devenu célèbre, plutôt que d'accepter la servitude[18]. Des Sicaires, probablement sans lien avec le groupe créé par Judas, semblent avoir resurgi lors de la révolte de Bar Kokhba (132-135)[19].

Sicaires et Zélotes

Les Sicaires paraissent issus d'une radicalisation intellectuelle de certains « sages », alors que les Zélotes semblent issus de la radicalisation de certains « prêtres »[3], « ce qui ne les empêch[e] pas de recruter leurs partisans parmi les classes les plus pauvres de la société[3]. » Toutefois Simon Claude Mimouni, estime qu'il y a lieu de « nuancer cette conception à cause de la carence de la documentation, même si elle est en partie exacte[20]. »

Bien que Flavius Josèphe n'utilise pas « le terme de « zélote » à propos de Judas le Galiléen, la filiation de son groupe avec les Zélotes ne paraît guère faire de doute pour certains critiques[1]. » Après avoir utilisé le terme de « IVe philosophie », Josèphe désigne par la suite ce même groupe, de manière contradictoire, par l'appellation « sicaire » et non par celle de « zélotes »[1]. Chez Flavius Josèphe, le terme Sicaire apparaît en 56, à l'époque du procurateur Antonius Felix lorsqu'ils assassinent le grand prêtre Jonathan ben Hanan[11].

Selon Simon Claude Mimouni, malgré cette confusion terminologique de Flavius Josèphe, on est certain que l'appellation « sicaire » vient des Romains et que l'appellation « zélotes » vient des Juifs[21]. Certains critiques estiment d'ailleurs que ces deux noms sont les appellations externe et interne du même mouvement[21]. Une partie des historiens estiment ainsi que les membres du groupe de Judas de Gamala revendiquaient pour eux-mêmes le titre de Zélotes[6]. Pour Gérard Nahon, l'apôtre Simon le Zélote mentionné dans le Nouveau Testament était l'un d'eux et Jésus, crucifié entre deux « brigands », a peut-être été « considéré comme zélote par Pilate, qui venait de faire exécuter des Galiléens (évangile selon Luc, XIII, 1)[6]. » Pour André Paul, Simon « comme d'autres apôtres du Christ[22] », devait être un ancien zélote[22]. Toutefois pour Simon Claude Mimouni, l'appellation « Simon le Zélote » ne renvoie pas au groupe de Judas, mais signifie simplement « Simon le Zélé »[21]. Pour lui, le groupe des Zélotes n'existe pas à l'époque de Jésus, mais son mouvement a toutefois pu relever « d'un de ces mouvements d'opposition de la société installés tant en Galilée qu'à Jérusalem — c'est en tout cas ainsi qu'il a été compris par certains de ses disciples, et notamment par ses frères dont le premier d'entre eux est Jacques — Autrement dit Jésus a très bien pu être l'un de ces révoltés qui ont été si nombreux à son époque[21]. »

Pour des historiens comme Mireille Hadas-Lebel ou Christophe Mézange, les héritiers du mouvement Galiléen sont les Sicaires, alors que les Zélotes sont « les jeunes prêtres qui à la veille de la guerre, rejettent les sacrifices offerts au Temple pour le compte de Rome et de l'empereur (Guerre des Juifs, II, 17, 409) », dont le chef est Éléazar fils d'Ananias[23] et qui sont disciples de l'école de Shammaï[24]. Une rupture entre ces deux groupes intervient dès le début de la révolte[1].

Selon Simon Claude Mimouni, « il est probable qu'il faille clairement distinguer les Sicaires des Zélotes[25] » et que le mouvement de Judas le Galiléen relevait de la première entité plutôt que de la seconde[25]. Les Sicaires comme les Zélotes reprennent l'idéologie de la « IVe philosophie » qui rend illégal sur le plan religieux le seul fait d'accepter la domination romaine et qui prône « une guerre eschatologique au caractère irréversible contre « l'empire du mal »[5]. » Les historiens qui n'identifient pas les Zélotes avec le groupe de Judas le Galiléen estiment généralement que l'idéologie zélote n'a pu se construire qu'au contact des partisans du groupe de Judas[23].

« Banditisme » ou « résistance »

Le problème des Sicaires et des Zélotes « relève aussi du phénomène des bandits et des résistants dans la Palestine romaine avant la première révolte[26]. » Pour désigner les membres de ces groupes, Flavius Josèphe introduit une confusion terminologique car outre « Sicaires » et « Zélotes », il fait aussi usage des termes de « bandits » et de « brigands »[26], utilisant le mot grec lestaï[27]. Il s'approprie ainsi « le vocabulaire discriminatoire des Romains, semblant vouloir ignorer les motivations sociales et politiques qui ont pu animer certains membres des groupes qu'il décrit[27]. » Dans la littérature talmudique, au mot grec lestaï correspond le mot birioné ou bariona.

Les termes utilisés par Flavius Josèphe « montrent que ces bandits sont parfois considérés par le peuple comme des résistants et que leur refus de l'autorité s'appuie sur une attente eschatologique et messianique[28]. » Le banditisme ou la résistance s'est maintenu dans certaines régions de la Palestine[27]. C'est « une conséquence des difficultés économiques conduisant à l'endettement des paysans et au chômage des artisans et des ouvriers[29]. » Ce phénomène est une des constantes des réalités sociales de l'Antiquité romaine, plutôt général dans l'Empire romain et ne touchant pas exclusivement la Palestine[9]. Il provoque une véritable insécurité des campagnes[9]. Pour bien comprendre ce phénomène, il faut probablement « remonter au IIe siècle av. J.-C. et à l'insurrection macchabéenne qui, d'un certain point de vue en relève[9]. »

En Palestine, la Galilée est le principal foyer de cette agitation[9]. En 47 - 46 avant notre ère alors qu'il n'est encore que stratège de Galilée[8],[9], Hérode est obligé de lutter contre Ézéchias, un insurgé galiléen dont les coups de mains allaient jusqu'à harceler la ville de Tyr[9]. C'est encore en Galilée que son fils Judas conduit l’attaque de la garnison romaine de Sepphoris (7 km au nord de Nazareth) et s'empare de son arsenal[6], indiquant ainsi ses prétentions messianiques à la succession d'Hérode le Grand[9] qui vient de mourir (4 avant notre ère)[8]. Malgré son échec, « il dirige encore une nouvelle révolte en 6 de notre ère, lors de la déposition d'Archélaos, contre le recensement du légat Quirinius et ensuite contre l'administration du préfet Coponius[9] (v. 6 à 9). »

De la mort d'Hérode au déclenchement de la Grande révolte, les troubles ne cessent guère[9]. Le phénomène semble s'amplifier à chaque changement de statut de la région, l'espoir dans une amélioration des conditions sociales et fiscales étant à chaque fois déçu[30]. « Bien souvent alternent soulèvements populaires et provocations des autorités romaines[31]. » Ces émeutes insurrectionnelles présentent un caractère répétitif, en apparence anecdotique[32]. Toutefois, « le temps fait son œuvre parmi les élites religieuses et politiques judéennes[33] ». La multiplication des interventions des notables auprès des autorités romaines, pour « défendre les intérêts du peuple et sans doute aussi les leurs » entre 52 et 66 en est l'illustration[33]. Lorsque vers 60, Néron décide que Césarée est une ville grecque — ce qui a pour effet de déchoir du droit de citoyenneté les Juifs de la ville, qui faisaient d'eux les égaux des Grecs[34] — les affrontements entre Juifs et Samaritains reprennent de plus belle.

Tout concourt à exacerber les tensions et on peut considérer qu'à partir du début des années 60 la Palestine est en état de révolte[33]. « Au milieu des années 60 la classe dirigeante judéenne semble rompre ouvertement avec les autorités romaines[33]. » « En se plaçant à la tête du soulèvement de 66, la classe dirigeante judéenne semble vouloir espérer regagner ce dont l'a privée sa collaboration avec Rome : le pouvoir et le prestige[33]. »

Mouvement Galiléen

Le mouvement de Judas le Galiléen est probablement à l'origine de la désignation de Galiléen pour l'une des sept sectes juives que les auteurs chrétiens comme Justin de Naplouse et Hégésippe mentionnent au IIe siècle[35],[36]. Ce nombre de sept sectes est sans doute symbolique et ne reflète que la grande pluralité du judaïsme au début de notre ère[37],[38]. À la suite de Nodet et de Taylor, François Blanchetière note que « le judaïsme galiléen se révèle fortement marqué pas ses attaches babyloniennes et par un puissant mouvement contestataire[39] » qui se manifeste d'abord dans l'action d'Ézéchias, puis dans celle de Judas, dit le Galiléen et enfin par celle de Jean de Gischala dès le début de la Grande révolte en Galilée[39] (66), avant que ce dernier devienne chef des Zélotes à Jérusalem[35] (68-70).

L'appellation Galiléen est bien moins péjorative que celles de « bandits » ou de « sicaires ». Toutefois celle-ci semble désigner une mouvance plutôt qu'une secte précise. « Galiléen » « serait devenu le terme générique des Juifs qui se sont reconnus dans l'idéal politique et religieux de Judas, comme les Sicaires ou bien d'autres mouvements proches des Zélotes[35]. » Le mouvement créé par Jésus semble lui aussi avoir été appelé Galiléen, avant que l'appellation Nazôréens (notzrim) ne s'impose en milieu araméophone[40]. « Vers 90, en Épire, Épictète (Arrien, Entretiens, 4, 7) connaît un groupe d'hommes qu'il appelle « Galiléens », prêt à mourir, insensibles aux menaces de l'empereur Domitien ; à ses yeux, ces gens ne sont pas mûs par la raison, mais par le fanatisme[41]. » Alors que dans les langues occidentales les traductions du grec christianos (Chrétiens) se sont imposées, François Blanchetière note que l'appellation Galiléen trouvée dans certains passages des évangiles se retrouve chez Épictète « mais surtout chez l'empereur Julien qui rédigera un Contre les Galiléens[42] » dirigé contre les chrétiens « et qui selon une légende, se serait exclamé sur son lit de mort : Tu as vaincu Galiléen[42] ! » désignant ainsi Jésus Christ. Dans les Actes de Théodat d'Ancyre (31) les polythéistes appellent Jésus un « meneur de Galiléens »[42]. De même, l'encyclopédie byzantine appelée la Suda indique que les chrétiens ont un temps été appelés Galiléens[42],[43]. Chez Flavius Josèphe et dans le Nouveau Testament, l'épithète « Galiléen » « désigne non seulement une province d'origine, mais au moins autant des courants dissidents qui refusent en particulier la domination romaine tout comme les compromissions du pouvoir de Jérusalem[44] » Par ailleurs, dans des sources juives polémiques comme les Toledoh Yeshu, les compagnons de Jésus sont toujours appelés les « peritsim »[45], qui est en général traduit par « vauriens », mais dont Jean-Pierre Osier précise qu'une meilleure traduction serait « brigands »[46]. C'est aussi cette appellation hébraïque que le Romain Sossionus Hierocles semble avoir traduit dans un texte perdu intitulé « Discours ami de la vérité contre les Chrétiens », mais cité par Lactance[47]. Pour sa part Celse utilise l'appellation lestai (brigands) pour désigner les disciples de Jésus[47] et qualifie Jésus de chef de sédition[48].

Bibliographie

Notes et références

  1. a b c d e f g et h Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 446.
  2. a b c d e f g h i et j Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 447.
  3. a b c et d Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 439.
  4. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 440.
  5. a b c d e et f Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 473.
  6. a b c et d Gérard Nahon , article Zélotes de l'Encyclopaedia universalis.
  7. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, I, § 204-205 ; Antiquités judaïques) XIV, § 421-430.
  8. a b c d e et f Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 445.
  9. a b c d e f g h i et j Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 435.
  10. André Paul, « Une dynastie de partisans », dans « Le monde juif à l'heure de Jésus. Histoire politique », Paris, 1981, Pour afficher « p. 211-215 », veuillez utiliser le modèle {{p.|211-215}}.
  11. a b c d e f g h i j k et l Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 448.
  12. Mireille Hadas-Lebel, Rome, la Judée et les Juifs, éd. Picard, 2009, p. 89.
  13. cf. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 434-437.
  14. Jona Lendering, Messianic claimants : Menahem, consulté le 23/01/2010
  15. a b et c Christian-Georges Schwentzel, Juifs et nabatéens: Les monarchies ethniques du Proche-Orient hellénistique et romain, Presses Universitaires de Rennes, 2013, Rennes (France), p. 174.
  16. Flavius Josèphe, La guerre des Juifs, II. chapitre 17, §§ 8-10.
  17. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 441.
  18. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 448-449.
  19. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 449.
  20. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 443.
  21. a b c et d Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 444.
  22. a et b André Paul, Encyclopædia Universalis, article Simon le Zélote, saint ( Ier s.).
  23. a et b Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 442.
  24. Mireille Hadas-Lebel, Jérusalem contre Rome, Cerf, Paris, 1990, p. 416-417.
  25. a et b Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 450.
  26. a et b Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 438.
  27. a b et c Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 434.
  28. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 429.
  29. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 434-435.
  30. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 435-436.
  31. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 436.
  32. Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 436-437.
  33. a b c d et e Simon Claude Mimouni, Le judaïsme ancien du VIe siècle avant notre ère au IIIe siècle de notre ère, Paris, 2012, éd. PUF, p. 437.
  34. Christian-Georges Schwentzel, "Hérode le Grand", Pygmalion, Paris, 2011, p. 257.
  35. a b et c Xavier Levieils, Contra Christianos: la critique sociale et religieuse du christianisme des origines au concile de Nicée (45-325), éd. Walter de Gruyter, Berlin, 2007, p. 138.
  36. Selon Hégésippe : « II y avait, dit-il, chez les circoncis, parmi les fils d'Israël, différentes croyances contre la tribu de Juda et contre le Christ, Ce sont celles des Esséniens, Galiléens, Hémérobaptistes, Masbothéens, Samaritains, Sadducéens, Pharisiens. », cité par Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, IV, 22, 7.
  37. cf. Marcel Simon, Les sectes juives au temps de Jésus, Paris, éd. PUF, 1961, Collection "Mythes et religion".
  38. Marcel Simon, Le Christianisme antique et son contexte religieux, Volume 1, 1981, Mohr : Tübingen, p. 103.
  39. a et b François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 48.
  40. François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 133.
  41. Jean-Pierre Lémonon, Les débuts du christianisme: de 30 à 135, éd. de l'Atelier, 2003, p. 21.
  42. a b c et d François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 139.
  43. Une mention des « Galiléens » dans une lettre de Simon Bar Kokhba, le leader de la révolte de 132-135, fait aussi débat. Certains historiens estiment que ces « Galiléens » que Simon ordonne de garder sont des membres de la secte des Galiléens, voire des chrétiens. En revanche, d'autres historiens estiment que le terme Galiléens désignent simplement des habitants de la Galilée. cf. Encyclopaedia universalis, 1990, Volume 3, p. 827.
  44. Étienne Nodet, 1992, cité par François Blanchetière, Enquête sur les racines juives du mouvement chrétien, p. 27.
  45. Certains manuscrits comportent une petite variation sur ce nom après un épisode de la vie de Jésus situé à Tibériade. Les compagnons de Jésus deviennent alors les « destructeurs ». cf. Jean-Pierre Osier, L'évangile du Ghetto ou comment les Juifs se racontaient Jésus, Paris, 1984, Berg International Éditeurs
  46. Jean Pierre Osier estime que le terme « peritsim » renvoie particulièrement au Livre de Daniel (XI-14) (les peritsim de son peuple) rendu en grec (Flavius Josèphe et la Septante) par lestaï, « brigands ». cf. Jean-Pierre Osier, L'évangile du Ghetto ou comment les Juifs se racontaient Jésus, Paris, 1984, Berg International Éditeurs, p. 26, note no 27.
  47. a et b W. Horbery, Christ as brigand in ancient anti-Christian polemic, in E. Bammel, C. F. D. Moule, Jesus and the Politics of His Day, Cambridge University Presse, 1992, p. 192.
  48. W. Horbery, Christ as brigand in ancient anti-Christian polemic, in E. Bammel, C. F. D. Moule, Jesus and the Politics of His Day, Cambridge University Presse, 1992, p. 193.