Plan-séquence
Au cinéma, un plan-séquence est une scène (unité de lieu et de temps) filmée en un seul plan qui est restituée telle quelle dans le film, c'est-à-dire sans montage (ou interruption de point de vue avec plan de coupe, fondu, volet et champ-contrechamp). Le plan-séquence reste techniquement un plan unique, d'où son nom. Cependant, un plan-séquence peut aussi devenir un master shot (en) ; il est alors, au montage, entrecoupé d'autres plans dits de coupe ou de grosseur différente.
Durée
Un plan-séquence peut durer de quelques dizaines de secondes à plusieurs minutes, la limite technique au cinéma (avant l'ère numérique) étant celle de la durée d'une bobine de pellicule (environ 12 minutes). Aujourd'hui, les différents supports numériques offrent cependant beaucoup plus de possibilités puisque certaines caméras peuvent tourner jusqu'à deux heures sans arrêt. La notion de « longue durée » est cependant très subjective.
Maîtrise
Pour La Corde (1948), Alfred Hitchcock décide de donner l'impression d'avoir tourné ce film en un seul plan-séquence, mais le magasin des caméras disponibles ne pouvait pas contenir plus de 1 000 pieds (approximativement 300 mètres) de pellicule 35 mm. De ce fait, chaque prise utilisée ne dure que 10 minutes. Pour contourner cette contrainte technique, chaque plan tourné prend fin, par exemple, avec un travelling sur une surface sans relief (comme le dos de la veste d'un personnage). Le plan suivant commence par le même travelling, le raccord se fait sur le fond neutre. La totalité du film se compose de seulement onze vrais plans donnant l'impression d'en être un seul.
Le plan-séquence est souvent difficile à maîtriser, notamment en cas de mouvements de caméra et d'acteurs, car il faut étudier le champ de la caméra (moment où les acteurs entrent et sortent du champ, les accessoires comme les micros et projecteurs ne devant pas être vus…). D'où la nécessité de le répéter avant, pour que tous les intervenants (acteurs et techniciens) s'accordent.
À cause de sa difficulté et de la haute maîtrise qu'elle demande, le plan-séquence est rarement utilisé à la télévision. Une des rares exceptions est l'épisode Triangle de la série X-Files (saison 6, épisode 3), réalisé (et écrit) par le créateur de la série Chris Carter : les 44 minutes de l'épisode sont filmées en 4 plans-séquences de 11 minutes chacun enchaînés. Carter cite d'ailleurs La Corde comme référence. Autre exemple : l'épisode Who goes there (saison 1, épisode 4) de la série True detective, dont le final est un plan séquence de 6 minutes.
L'apparition de l'automatisation (télécommande informatisée) des mouvements de caméra (travellings et mouvements de grue) facilite la prise de vue qui est alors toujours identique à chaque prise. Le plan-séquence peut être aménagé avec les techniques utilisées en cinéma numérique, comme le soft-cut et le morphing, etc.
Effets recherchés
Le plan-séquence est une forme d'écriture cinématographique dont le but et le sens peuvent varier suivant les cas.
Pénétrer dans un univers
Un plan-séquence peut ouvrir ou fermer un film, dans ce cas, le plan sert alors d'introduction (planter le décor), sur lequel peut s'incruster le générique début. Dans un film d'action, le plan sera spectaculaire (prise de vue aérienne, etc.)
Suivre l'action ou découvrir un lieu comme le héros (identification)
Le plan-séquence va servir la narration cinématographique, le spectateur suit le point-de-vue du héros, lequel va découvrir ou se dirige vers, par exemple, une nouvelle situation (en d'autres termes : une bascule)
Présenter la simultanéité de scènes adjacentes
Éventuellement avec une utilisation multi-écran (deux narrations parallèles en plan-séquence).
Montrer l'action en temps réel
Normalement, le plan-séquence sous-entend le temps réel. Il peut aussi jouer un rôle poétique comme dans le montage-séquence.
Plans-séquences célèbres ou remarquables au cinéma
Réalisateurs adeptes du plan-séquence
- Paul Thomas Anderson[2],[3]
- Theo Angelopoulos
- Michelangelo Antonioni[2]
- Dario Argento
- Alfonso Cuarón[2]
- Frères Dardenne[2]
- Brian De Palma[2]
- Carl Theodor Dreyer[4]
- Bruno Dumont[5]
- Quentin Dupieux
- John Farrow
- Richard Fleischer
- Michel Gondry
- Michael Haneke[6]
- Hou Hsiao-hsien[7]
- Alfred Hitchcock
- Miklos Jancso[8]
- Jim Jarmusch
- Jia Zhangke[9]
- Mikhail Kalatozov[2]
- Mathieu Kassovitz
- Abbas Kiarostami
- Stanley Kubrick
- Kiyoshi Kurosawa
- Sergio Leone
- Steve McQueen
- Kenji Mizoguchi
- Mike Nichols
- Gaspar Noé
- Amos Gitaï
- Max Ophüls[10]
- Max Pécas
- Otto Preminger[11]
- Jean Renoir[12]
- Jacques Rivette[13]
- Gus Van Sant
- Martin Scorsese[2],[14]
- Quentin Tarantino[15]
- M. Night Shyamalan
- Alexandre Sokourov[16]
- Andrei Tarkovsky[17]
- Béla Tarr[18]
- Rob Tregenza (en)[19]
- Tsai Ming-liang[20]
- Apichatpong Weerasethakul[21]
- Orson Welles[2]
- Joe Wright[2]
- David Yates
- Joachim Lafosse
- Miguel Angel Vivas
Vidéo-clips
Le plan-séquence a également été beaucoup utilisé dans l'univers du vidéo-clip. L'intérêt (et le défi) est alors de pouvoir tourner l'intégralité du clip en un seul plan. Citons par exemple les clips réalisés par Michel Gondry, notamment pour Kylie Minogue (Come Into my World), Lucas (Lucas With the Lid Off), Massive Attack (Protection) et (Unfinished Sympathy) ou encore Cibo Matto (Sugar Water). De même le clip Wannabe des Spice Girls en 1996 ou Feist (1 2 3 4 ). Paul Thomas Anderson utilise aussi le plan-séquence pour le clip Try interprété par Michael Penn. Les clips du groupe OK Go sont tournés en plan-séquence. Le clip de Bruno Mars, The Lazy Song, est aussi un plan-séquence.
Notes et références
- (en) Chantal Akerman
- (en) Jake Coyle, « 'Atonement' brings the long tracking shot back into focus », Boston Globe, (lire en ligne, consulté le )
- [1]
- (en) Carl Theodor Dreyer
- (en) « Senses of Cinema: Bruno Dumont's Bodies »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le )
- (en) Senses of Cinema: Michael Haneke
- (en) Hou Hsiao-Hsien: Long Take and Neorealism
- (en) Silent Witness
- (en) Senses of Cinema: Jia Zhangke
- (en)Camera Movement and the Long Take
- (en) « Senses of Cinema: Otto Preminger »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le )
- Colliding with history in La Bete Humaine: Reading Renoir's Cinecriture
- (en) An Elusive All-Day Film and the Bug-Eyed Few Who Have Seen It
- [2]
- [3]
- « http://archive.sensesofcinema.com/contents/03/25/russian_ark.html »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le )
- Senses of Cinema: Andrei Tarkovsky
- Strictly Film School: Béla Tarr
- (en) Rob Tregenza Interview
- (en) Senses of Cinema: Tsai Ming-Liang
- (en) [4]