Pierre-Paul Riquet

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Pierre-Paul Riquet
Pierre-Paul Riquet.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
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Famille
Père
Guillaume Riquet (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Guillemette Vial (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Jean Mathias de Riquet (d)
Pierre-Paul RiquetVoir et modifier les données sur Wikidata
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Blason
Œuvres principales

Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos, né le à Béziers dans la province de Languedoc (aujourd'hui Occitanie) et mort le à Toulouse, est un fermier général des gabelles et entrepreneur français qui a conçu et réalisé le canal du Midi dans le Sud de la France entre la Garonne et la mer Méditerranée.

Biographie[modifier | modifier le code]

Pierre-Paul Riquet naît à Béziers, probablement le (le étant le jour de la fête des saints Pierre et Paul, ce qui justifierait le choix de son prénom, et l'année de 1609 est déduite de son acte de décès qui mentionne qu'il est mort à 71 ans)[1], dans une famille de notables et de commerçants. Les sources diffèrent sur sa date de naissance, laissant le doute entre 1604, 1608 ou 1609[2]. Son père, Guillaume Riquet, est un notaire et homme d'affaires qui a fait partie du « Conseil des Trente » de Béziers[3].

Selon la tradition familiale, il aurait fait ses études au Collège jésuite de Béziers[note 1] (l'actuel lycée Henri-IV), puis aurait reçu une formation d'ingénieur[note 2].

Il se marie avec Catherine de Milhau vers 1637 qui lui donne sept enfants dont cinq parviennent à l'âge adulte (deux garçons et trois filles)[note 3],[2]. Il mène une carrière prospère comme gabelou dans l'administration des gabelles, la perception de l'impôt sur le sel (grenetier au grenier à sel de Mirepoix de 1639 à 1641, receveur du même grenier à sel en 1645, sous-fermier des gabelles de Mirepoix et Castres en 1647 puis fermier des gabelles de Languedoc en 1661). Il s'enrichit notablement comme entrepreneur du transport du sel entre les entrepôts de Narbonne et les greniers à sel du Haut-Languedoc[4]. En 1652, il achète la seigneurie de Bonrepos près de Verfeil au nord-est de Toulouse et fait construire un château Renaissance à la place de l'ancien fort communal[5].

Affairiste comme son père[6], il est pendant de nombreuses années banquier privé, petit puis gros prêteur, puis, aspirant à l'anoblissement, se lance dans un grand projet, la construction du canal du Midi. La légende veut que son père, Francois-Guillaume Riquet, se soit opposé au début du siècle à la construction d'un canal reliant l'Atlantique à la Méditerranée. Le projet de Bernard Arribat, comme tant d'autres, ne parvenait pas à résoudre le problème de l'approvisionnement en eau du canal.

Pierre-Paul Riquet passe cet écueil grâce à sa connaissance de la montagne Noire environnante et en reprenant le projet de Thomas de Scorbiac, conseiller à la Chambre de l’Édit de Castres dont le père et le grand-père en auraient déjà fait la proposition[7],[8]. Il connait un point de partage — le seuil de Naurouze — déjà identifié par ses prédécesseurs, de part et d'autre duquel les cours d'eau s'écoulent soit vers l’océan Atlantique, soit vers la mer Méditerranée. Riquet y positionne le point culminant du canal, à 48 mètres au-dessus du niveau de la Garonne.

Le , Pierre-Paul Riquet propose son projet à Colbert sur l'injonction de l'archevêque de Toulouse, Charles-François d'Anglure de Bourlemont. Il avance des arguments économiques (enrichir le Languedoc, notamment en développant le commerce du blé) et politiques (canal suffisamment large[note 4] pour faire passer les galères du roi en évitant de passer par Gibraltar, évitant ainsi l'Espagne et les Barbaresques). Quelques mois plus tard, le ministre nomme des commissaires chargés d'étudier la faisabilité de l'ouvrage. Après qu'une rigole d'essai entre le torrent de l'Alzeau, sur le versant méridional de la Montagne Noire, et le seuil de Naurouze a été réalisée avec succès, une première tranche des travaux est confiée par Colbert à Riquet (édit royal d' qui décrète le début des travaux au ). Pierre-Paul Riquet est dès lors anobli par lettre de relief de dérogeance du puis maintenu noble en 1670[9].

Durant toute la durée des travaux, et profitant de sa fonction de fermier général des Gabelles de Languedoc et Roussillon, Riquet investira sur ses fonds propres deux millions de livres, sur un projet estimé entre 17 et 18 millions de livres de l’époque[10] et qui constitue le deuxième chantier du royaume après celui du château de Versailles. En contrepartie, il reçoit les droits de péage du canal et bénéficie des retombées des échanges commerciaux, ce qui ne l'empêche pas d'être fortement endetté (en raison des retards de paiement de Colbert, les finances de l'État en guerre étant au plus bas), à tel point qu'à sa mort ses héritiers devront vendre la moitié de leurs parts du canal[11].

Lorsque son ouvrage est mis en doute, Riquet fait preuve d'une étonnante ténacité, allant jusqu'à désobéir aux ordres de Colbert. Ainsi, il n’hésite pas à détourner des ouvriers pour faire percer, malgré les ordres royaux, l'improbable tunnel de Malpas près de Béziers.

L'audace de Pierre-Paul Riquet n'est pas seulement technique, il s'entoure d'hommes compétents comme François Andréossy, son cartographe et dessinateur technique[12]. Il est aussi le premier à instituer la mensualisation des salaires et une mini sécurité sociale pour ses ouvriers (même malades ou s'il pleuvait, ils étaient payés) afin de les fidéliser[6],[13]. Il veut que le salaire, de journalier, devienne mensuel, « sans en déduire dimanche, jours de fête et jours de pluie ». Les malades « seront payés le temps de leur maladie ». Il soupçonne que les évêques vont lui demander de prendre aussi des ouvriers dans les diocèses autres que ceux où se construit le canal, et, d’avance, il souscrit à cette action. Ces hommes seront également logés. Le recrutement s’élargit et ce sont dix mille personnes, bientôt douze mille, qui vont travailler au terrassement de l’ouvrage. En revanche, Riquet recherche les conditions du meilleur rendement possible. On le comprend quand on sait qu’il va lui-même sacrifier tout son avoir à la réalisation de son projet. Les ouvriers doivent « être propres au travail, non atteint de quelque incommodité qui les rendent inutiles ». Ils devront avoir plus de vingt ans et moins de cinquante. Le matériel de travail qui leur sera remis au moment de l’embauche devra être bien entretenu par eux[réf. nécessaire].

Il propose également un projet de construction d'un canal de la Loire au château de Versailles pour alimenter le parc de Versailles, gros consommateur d'eau. Il obtient une oreille favorable de Louis XIV, mais l'abbé Picard, chargé par Colbert de vérifier la viabilité du projet démontre grâce à son nouveau niveau à lunette l'impossibilité du projet : la Loire est plus basse que le domaine de Versailles[14], contrairement à ce que pense Riquet[15].

Atteint de goutte et souvent victime d'accès de fièvres quartes caractéristiques d'un paludisme dégénérant, Riquet associe à la construction du canal son fils ainé, Jean-Mathias, qui est souvent son intermédiaire auprès de Colbert. Pierre-Paul Riquet meurt à Toulouse le , dans son hôtel de Frascati[6], avant la fin des travaux du canal du Midi. Ses deux fils achèvent l'ouvrage (Jean-Mathias en prenant la direction), inauguré un an plus tard, en 1681[11],[16].

Pierre-Paul Riquet est inhumé dans la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse dans un caveau voûté accessible sous une dalle au sol aux inscriptions difficilement lisibles. Une plaque commémorative sur le pilier rappelle néanmoins sa présence[17].

Postérité[modifier | modifier le code]

Sa première maison à Toulouse est encore visible au no 1 de la place Roger-Salengro. On peut flâner dans le parc de son hôtel (disparu) de Frascati, qu'il avait acheté en 1675, qui constitue maintenant la plus grande partie du Jardin des Plantes de Toulouse[6]. Sa statue se trouve en haut des allées Jean-Jaurès, à quelques mètres du canal, tournant le dos à celui-ci. Réalisée par Bernard Griffoul-Dorval au XIXe siècle, elle a retrouvé cette place d'honneur à l'occasion de l'ouverture du métro, le . Son buste figure dans la salle des Illustres du Capitole de Toulouse. Une autre statue, œuvre de David d'Angers, inaugurée en 1838, se trouve au milieu des allées Paul-Riquet à Béziers.

En hommage au créateur du canal du Midi, la rue Riquet est située dans le 19e arrondissement de Paris. Un boulevard, une place, un pont et une rue du même nom se trouvent également dans le quartier Saint-Aubin, à Toulouse.

En 2015, dans le cadre de la fusion des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon traversées par le canal du Midi, l'académie de Toulouse réalise un clip à destination des élèves dans lequel le personnage de « Double P Riquet », inspiré de Pierre-Paul Riquet, vante les mérites de la nouvelle région[18]. Cependant, le choix de « moderniser » le concepteur du canal en lui donnant le style vestimentaire et langagier supposé des adolescents de 2015, et la faiblesse générale d’argumentation de la vidéo furent vertement critiqués[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Aucun document historique ne l'atteste, ce fait est d'autant plus douteux qu'il n'a pas étudié le latin et le grec, comme il le confie dans une lettre à Colbert.
  2. Il admettra plus tard n'avoir jamais reçu une telle formation.
  3. Jean-Mathias (1638-1714), Pierre-Paul (1644-1730), Marthe (1648-1736), Guillaume (1652-1652), Catherine (1652-1719), Anne-Marie (1653-1653), Anne (1659-1720)
  4. Lors de la rédaction du devis en 1666, le chevalier de Clerville, jugera inutile de donner une telle largeur à ce canal à cause du gabarit insuffisant de la Garonne entre Toulouse et Langon.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Pierre Paul Riquet sur le site du Canal du Midi
  2. a et b Michel Cotte, Canal du Midi, merveille de l'Europe, édition Belin Herscher, 2003, (ISBN 2-7011-2933-8), p. 22
  3. Mireille Oblin Brière, Riquet, le génie des eaux 2013, p. 195 (aperçu en ligne).
  4. Gérard Crevon, « De Mirepoix à Revel : Riquet aux gabelles », L’Auta, no 32,‎ , p. 66–70
  5. Gabriel Bernet, « Sur les pas de Riquet en pays toulousain (1648-1668) », L’AUTA, no 413,‎
  6. a b c et d Mireille Oblien-Brière, Riquet, le génie des eaux : Portrait intime, Editions Privat, , 528 p.
  7. Philippe de Scorbiac, « Aux origines d’un aménagement d’une liaison navigable entre les « deux mers » au XVIIe siècle », présentation d’Hubert de Vergnelle, Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers, 9e série, volume 4, 1999-2000
  8. En fait, le projet du grand-père et du père de Thomas de Scorbiac ne visait qu'à rendre l'Agout navigable. Gérard Crevon, « Charles d'Anglure de Bourlémont, Thomas de Scorbiac et Pierre Pol Riquet aux origines du Canal du Midi », L’Auta, no 52,‎ , p. 73–80
  9. Henri Jougla de Morenas, Grand Armorial de France tome VI, 1948, pages 11 à 12.
  10. Bernard Pujo, Vauban, Albin Michel, , 374 p. (ISBN 978-2-226-05250-6), p. 130
  11. a et b Monique Dollin Du Fresnel, Pierre-Paul Riquet (1609-1680) : L'incroyable aventure du canal des Deux-Mers, Sud Ouest éditions, , 463 p.
  12. Dossier : Le Canal du Midi. Pierre-Paul Riquet, publié sur le site des Archives municipales de Toulouse (consulté le 5 avril 2019)
  13. Selon une affiche pour le recrutement datée du 8 décembre 1669 : dix livres par mois sans déduire les dimanches, jours fériés et jours de pluie, logement fourni à 2 deniers par jour, et « même ceux qui tomberont malades seront payés pendant le temps de leur maladie, comme s'ils travaillaient » (texte dans l'ouvrage de Mireille Oblien-Brière).
  14. Philippe Testard-Vaillant, « Des grands travaux en cascade », Les Cahiers de Science & Vie, no hors-série Les Sciences au château de Versailles,‎ , p. 64-71
  15. Michallet, Histoire de l’Académie royale des sciences, vol. 6, Académie royale des sciences, (lire en ligne), p. 694.
  16. Pierre-Paul Riquet, publié en 2007 sur le site jcassan.fr (consulté le 5 avril 2019)
  17. Riquet Pierre-Paul. Cathédrale Saint-Étienne de Toulouse
  18. « Une vidéo pour découvrir notre future grande région - Académie de Toulouse », sur ac-toulouse.fr (consulté le )
  19. « Quand l'Éducation nationale prend les élèves pour des idiots », sur Le Point (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie et sources[modifier | modifier le code]

Livres[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

  • [Blaquière 1983] « La noblesse de Riquet », Mémoires de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 16e série, vol. 145, t. 4,‎ , p. 145-157317-342 (lire en ligne)

Filmographie[modifier | modifier le code]

Musique[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]