Emmanuel Leclainche

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Emmanuel Leclainche
Description de l'image LECLAINCHE academicien des sciences.jpg.

Naissance
Piney, Aube (France)
Décès (à 92 ans)
17e arrondissement de Paris (France)
Nationalité Drapeau de la France Français
Domaines vétérinaire, microbiologie
Institutions École nationale vétérinaire d'Alfort, École nationale vétérinaire de Toulouse, Institut Pasteur,
Diplôme École nationale vétérinaire d'Alfort
Renommé pour Erysipelothrix rhusiopathiae (Rouget du porc), Clostridium perfringens, (gangrène gazeuse), Clostridium chauvoei (charbon symptomatique), organisation de l'enseignement et des services vétérinaires, OIE
Distinctions Prix Montyon, Grand officier de la Légion d'honneur

Auguste-Louis-Emmanuel Leclainche, né le 29 août 1861 à Piney (Aube) et mort le à Paris, est un vétérinaire et microbiologiste français, internationalement connu pour ses réalisations scientifiques en médecine vétérinaire, ainsi que pour son rôle majeur dans l'organisation de l'enseignement vétérinaire et des services vétérinaires français. Il est aussi l'initiateur de l'OIE (Office international des épizooties) maintenant connu sous le nom d’Organisation mondiale de la santé animale, pour la lutte contre les maladies animales au niveau mondial[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Carrière et activités d'Emmanuel Leclainche

Personnalité dominante dans l’histoire de l’enseignement, de la recherche et de la profession vétérinaires, Emmanuel Leclainche a excellé dans tous les domaines. Ce fut un grand microbiologiste pastorien et un brillant enseignant à l’École nationale vétérinaire d’Alfort en tant que collaborateur d’Edmond Nocard, puis à l’École nationale vétérinaire de Toulouse où il fit l’essentiel de sa carrière d’enseignant et de chercheur de 1891 à 1911.
Il fonda, en 1903, une publication scientifique et professionnelle, la Revue générale de médecine vétérinaire, éditée à Toulouse et, en 1905, l’Institut de Sérothérapie de Toulouse (I.S.T.), devenant par là aussi un chef d’entreprise.
À partir de janvier 1912, il occupa à Paris le poste créé pour lui d’Inspecteur général chef des services vétérinaires au Ministère de l’Agriculture auquel s’ajouta en 1923 celui d’Inspecteur général des Écoles vétérinaires, ce qui fit de lui le «maître incontesté de la profession vétérinaire»[2].
En 1913, il prit la direction, à Alfort, du Laboratoire de recherches des services sanitaires créé par Nocard et Roux. Membre de l’Académie des Sciences depuis 1917, il en devint président comme le furent les vétérinaires Henri Bouley et Auguste Chauveau avant lui.
En 1924, il fonda l’Office international des épizooties, aujourd’hui l’Organisation mondiale de la santé animale, dont il fut le premier directeur.
Polyglotte, il rayonna jusqu’à un âge avancé dans les congrès internationaux où son prestige était immense.
Emmanuel Leclainche a été l’acteur majeur de la loi de 1923 sur le doctorat vétérinaire et de la loi de 1938 sur le monopole d’exercice professionnel vétérinaire.

L’œuvre scientifique[modifier | modifier le code]

Pavillon de microbiologie et de maladies contagieuses de l'ancienne école vétérinaire de Toulouse

Arrivé à Toulouse en 1891, Leclainche se consacre à son enseignement. Il écrit dans ses mémoires n'avoir jamais manqué un seul cours pendant toute sa carrière[3]. Mais à l’époque, il vient de quitter Nocard qui l’a initié aux techniques pastoriennes, et il rêve de poursuivre ses travaux. Avec l’aide de Conte, son chef de travaux, et de Maurette, son préparateur, il crée un laboratoire de fortune dès son arrivée à Toulouse. L’époque est favorable, Pasteur a ouvert une voie dans laquelle de nombreux scientifiques s’engagent pour faire avancer la science. Dans ses mémoires, Leclainche accordera peu de mérite à ses propres découvertes puisqu’il écrit n’avoir fait que « ramasser les miettes du festin pastorien »[3]. Son activité scientifique de laboratoire et d’expérimentation est pourtant très importante tout au long de sa période toulousaine. Elle aboutit en particulier à la mise au point de la sérovaccination contre le rouget du porc entre 1897 et 1901, à la vaccination contre le charbon symptomatique à Clostridium chauvoei de 1900 à 1928, au sérum antigangréneux à Clostridium perfringens à partir de 1898 ; ses sérums polyvalents seront très utilisés pour soigner les plaies de guerre entre 1914 et 1918. Dès 1900, Leclainche est internationalement reconnu comme un des plus grands microbiologistes français[4].

La sérovaccination contre le rouget du porc[modifier | modifier le code]

la vaccination contre le charbon symptomatique[modifier | modifier le code]

Les sérums antigangréneux[modifier | modifier le code]

La création de l'Institut de sérothérapie de Toulouse (I.S.T.)[modifier | modifier le code]

Entrepreneur par obligation, pour concrétiser et développer son action scientifique, Emmanuel Leclainche est le créateur, avec Dominique Bimes, de l’Institut de Sérothérapie de Toulouse en 1905 qui permit la production des sérums et des vaccins qu’il avait mis au point[3].

Une création imposée par la nécessité[modifier | modifier le code]

Emmanuel Leclainche, jeune professeur à l’École vétérinaire de Toulouse

En 1900, Leclainche avait obtenu du ministre de l’agriculture Dupuy, avec le soutien de Nocard et malgré l’opposition des services du ministère, que l’École Vétérinaire de Toulouse ait l’autorisation de produire et de délivrer elle-même les sérums et vaccins contre le rouget du porc dont l'utilisation connaissait un succès croissant. Le 16 janvier 1905, Leclainche écrit au ministre de l’Agriculture Ruau pour demander, pour l’École de Toulouse, l’autorisation de délivrer son nouveau vaccin contre le charbon symptomatique. Mais Ruau se soumet aux pressions contraires de ses bureaux et répond que l’État ne peut en aucun cas accepter la responsabilité de l’utilisation de ce nouveau vaccin contre le charbon, et qu’il est donc hors de question qu’il soit produit à l’École de Toulouse. Il lui ordonne également de cesser la production du vaccin contre le rouget mais il autorise Leclainche à garder les chevaux utilisés pour mettre au point le sérum et à en disposer comme bon lui semble. En l'absence de toute possibilité de les produire sur Toulouse, Leclainche se rend à Paris pour proposer ses vaccins à l’Institut Pasteur. Il soumet son projet à Émile Roux, devenu directeur de l’Institut en 1904, mais Roux refuse l’offre, prétextant que l’Institut a pour habitude de n’exploiter que des méthodes qu’il a lui-même développées. Leclainche se rend alors à l’Institut Pasteur de Lille, pour proposer son vaccin à Albert Calmette. Ce dernier serait prêt à accepter sa proposition mais les conditions locales ne se prêtent pas économiquement à la production et surtout à la diffusion de ces vaccins.

Dominique Bimes

De retour à Toulouse, Leclainche reçoit le soutien d’un collègue, Dominique Bimes, professeur d’anatomie pathologique à l'école vétérinaire avec lequel il s’est associé en 1903 pour créer la Revue générale de médecine vétérinaire. Bimes a été le chef de travaux du professeur de physiologie Ferdinand Laulanié, directeur libéral de l'école vétérinaire et grand scientifique, qui a accueilli Leclainche à son arrivée d'Alfort. Bimes, avec le soutien de Mme Leclainche, parvient à le convaincre de produire lui-même ses sérums et vaccins. Tous deux achètent alors, le 28 juin 1905, une villa au fond d’un jardin située au 22 rue Ingres, juste en face de la villa de Leclainche (au numéro 21), pour la somme de 10 000 francs[5] Ils y installent rapidement le matériel de laboratoire indispensable et trouvent une place pour la dizaine de chevaux immunisés cédés par l’État. Ils sont aidés dans cet aménagement précaire par leur préparateur, Maurette, qui vient leur prêter main-forte en dehors de ses horaires de travail.

L'association Bimes, Leclainche et Vallée[modifier | modifier le code]

Publicité de l'IST en 1936
Henri Vallée (1874-1947)

Le laboratoire est assez rapidement fonctionnel, mais Leclainche pris par ses nombreuses autres activités se met à regretter de l’avoir fondé. Cette création lui pose aussi un vrai cas de conscience et à l'époque il est prêt à tout céder à Bimes, excellent administrateur mais totalement étranger aux techniques de fabrication des vaccins. C’est à ce moment qu’Henri Vallée est associé à l’entreprise. Vallée a été chef de travaux de Leclainche jusqu’à ce qu’il revienne à Alfort pour prendre la succession de Nocard en 1903[6]. En 1920 est créée la société en nom collectif Bimes, Leclainche et Vallée qui forme l’IST dont Bimes est le gérant jusqu’à sa mort en 1929. Maurice Vallée, vétérinaire, fils d’Henri Vallée, lui succède en 1930. Leclainche sera l’actionnaire principal de la société pendant 36 ans, avec 300 des 650 parts ; 200 seront attribuées à Bimes et 150 à Vallée.

La société qui connait un grand développement participera en 1947 à la création de l’Institut français de la fièvre aphteuse (IFFA) avec l’Institut Mérieux. L’IST et l’IFFA seront absorbés en 1968 par l’Institut Mérieux dont une partie sera rachetée par Rhône-Poulenc pour créer Rhône-Mérieux qui aboutira à la création de Mérial en 1997, intégrée depuis le 1er janvier 2017 dans le groupe Boehringer Ingelheim auquel elle a été cédée par Sanofi[7].

Le journaliste et l'écrivain[modifier | modifier le code]

La Revue générale de la médecine vétérinaire[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

Les maladies microbiennes des animaux[modifier | modifier le code]

Histoire de la médecine vétérinaire[modifier | modifier le code]

L’organisateur et l’administrateur[modifier | modifier le code]

Professeur Emmanuel Leclainche, Inspecteur Général, chef du Service de l’Inspection des Services vétérinaires, Inspecteur Général des Écoles Vétérinaires, directeur de l'O.I.E.

En 1923, il cumule ses fonctions d'Inspecteur général des services vétérinaires avec celles d'Inspecteur général des écoles vétérinaires, au départ du professeur Barrier qui fut le successeur de Chauveau à ce poste. Il devient de ce fait le « chef incontesté »[2], le « maître indiscuté »[8] de la profession vétérinaire. Conseiller influent des ministres, il a alors un des rôles les plus importants dans la promulgation de la loi du 31 juillet 1923 créant le doctorat vétérinaire. En 1924, grâce à son action, les Écoles Vétérinaires sont reconnues établissements d’enseignement supérieur. Remarquable organisateur, négociateur et administrateur, il est à l’origine de l’organisation des services vétérinaires en France grâce à la loi du 12 janvier 1909 et du décret du 28 novembre 1911, et de la loi qui a instauré la prophylaxie de la tuberculose et l’inspection de la salubrité des viandes promulguée le 7 juillet 1933.

Leclainche, polyglotte, s’impliqua considérablement dans l’activité vétérinaire internationale. En 1921, il organisa à Paris une conférence internationale qui se tint avec des représentants de 42 États pour l’étude des maladies épizootiques et leur prophylaxie. Elle déboucha sur la création de l’Office international des épizooties (OIE) le 25 janvier 1924, Leclainche, premier directeur de l’OIE, le restera pendant 22 ans, puis laissera la place à Gaston Ramon. L’OIE est maintenant également connu sous le nom d’Organisation mondiale de la santé animale[9].

L'enseignement vétérinaire[modifier | modifier le code]

Conceptions de Leclainche en matière d'enseignement vétérinaire[modifier | modifier le code]

On peut les résumer comme suit : une organisation des écoles vétérinaires moins centralisée, un numerus clausus et un élitisme dans le recrutement des étudiants, un élitisme aussi dans le recrutement des enseignants, une formation scientifique de haut niveau conjuguée à une forte professionnalisation, un statut d'enseignement supérieur aligné sur celui des facultés de médecine humaine.

La création en 1920 du Conseil supérieur de l'enseignement vétérinaire[modifier | modifier le code]

Avant d'avoir une autorité directe sur l'enseignement vétérinaire qu'il exercera en 1923 mais fort de l'influence que lui ont donné ses multiples écrits dans la Revue générale de médecine vétérinaire, et de son autorité d'Inspecteur général chef du service de l’Inspection des Services vétérinaires, Leclainche obtient en 1920 la création d'un Conseil supérieur de l'enseignement vétérinaire, outil créé pour la mise en application de ses recommandations.

« L'élevage n'est autre chose que l'hygiène en action »[modifier | modifier le code]

Parmi les innovations apportées, on retiendra que ce microbiologiste et pathologiste, hygiéniste militant, fera la promotion, en tant que disciplines à part entière dans l'enseignement vétérinaire, de l'hygiène en élevage, de l'alimentation des animaux et de l'industrie et contrôle des produits d'origine animale. Il obtiendra la création de chaires pour les enseigner.
Un aphorisme célèbre, dit « aphorisme de Leclainche », « l'élevage n'est autre chose que l'hygiène en action », est toujours régulièrement rappelé dans les colloques et congrès de zootechnie. Le texte dont il est extrait est : « On est contraint de reconnaître que l'élevage, sous tous ses aspects et à toutes ses périodes, se confond avec l'hygiène, c'est-à-dire avec la médecine préventive, qu'il s'agisse de la génétique, de l'alimentation et de l'entretien des animaux de toutes espèces, à tous les âges et à toutes les conditions. Il ne suffit pas de constater que l'élevage est économiquement impraticable en dehors des règles de la médecine préventive -et cette notion est évidente pour les petites espèces- il faut reconnaître que l'élevage n'est autre chose que l'hygiène en action »[10].

La création du doctorat vétérinaire par la loi du 31 juillet 1923[modifier | modifier le code]

Premier diplôme de doctorat vétérinaire, portant la signature d'Henri Queuille, ministre de l'Agriculture, remis à Emmanuel Leclainche en 1924, lors d'une cérémonie officielle célébrant l'adoption de la loi portant création du doctorat de médecine vétérinaire

L’engagement de Leclainche contre l’empirisme et la loi de 1938 sur le monopole d’exercice professionnel vétérinaire[modifier | modifier le code]

La lutte des vétérinaires contre les empiriques[modifier | modifier le code]

L’appellation « empiriques » regroupait autrefois la vaste famille de « guérisseurs », qui ont longtemps soigné librement les animaux, et également celle des maréchaux, qui ont profité d'une absence de réglementation pour étendre leur champ d'activité. Cette situation résulta en grande partie de la relégation, en 1791, de la profession vétérinaire au rang d’art manuel, appelé « l’art vétérinaire », que tout citoyen avait le droit d’exercer. Le décret impérial du 15 janvier 1813[n 1] introduisit une réglementation mais aussi des confusions funestes entre « maréchaux-experts » et « vétérinaires » dont les conséquences se firent sentir jusqu’à l’instauration de la loi de 1938 sur le monopole d’exercice professionnel par les docteurs en médecine vétérinaire.

Ronald Hubscher, dans son livre « Les maîtres des bêtes »[12], retrace cette lutte des vétérinaires contre les empiriques, tout au long du XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe. Les vétérinaires ne cessèrent tout au long de cette période de « mobiliser un discours de dénonciation contre les maréchaux et empiriques d’une très grande stabilité »[13].
Durant tout le XIXe siècle, l'exercice de la médecine vétérinaire reste donc libre. Il faut attendre la loi du 21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux pour que la surveillance des maladies contagieuses animales soit confiée aux vétérinaires. Cette loi fut largement inspirée par Bouley qui avait acquis une très grande autorité en matière de police sanitaire par l’application de mesures qui, en 1865, protégèrent le territoire français contre une épizootie de peste bovine qui occasionna des pertes économiques considérables en Angleterre et aux Pays-Bas[14]. Mais cette loi fut très mal appliquée car si la liste des maladies contagieuses était bien établie, leur diagnostic préalable sur un animal malade en élevage ou sur un marché ne relevait pas exclusivement du vétérinaire.

Pendant toute cette période nombre d’enseignants vétérinaires atteignirent un haut niveau d’excellence scientifique et la reconnaissance des milieux académiques. Des Chauveau, Arloing, Laulanié, Toussaint, Galtier, Nocard, en France furent des acteurs majeurs des révolutions scientifiques du XIXe siècle, bernardienne et pasteurienne, qui consacreront l’excellence de la formation scientifique dispensée dans les écoles vétérinaires. En 1900, la reconnaissance scientifique de l’enseignement vétérinaire était acquise, et pourtant rien n’avait changé dans les campagnes en matière d’exercice vétérinaire.

Programme d'enseignement d'une école de maréchalerie publié par Leclainche en 1903 dans la Revue générale de médecine vétérinaire

Leclainche, disciple de Roux et de Nocard sur le plan scientifique, mais aussi héritier de Bouley en matière d’action professionnelle, en fera le constat et l’analyse [n 2].

Dès le premier numéro de la Revue Générale de Médecine Vétérinaire, en 1903, il mène une charge contre ce qu’il appelle l’« empirisme organisé »[15]. Or des écoles de maréchalerie enseignant des rudiments d’art vétérinaire sont déjà créées. L'enseignement y est gratuit et s'il doit former les élèves maréchaux à la ferrure et aux premiers soins du pied du cheval, le programme affiché propose également des cours de pharmacie, de bactériologie et de chirurgie et même de radiologie. Ainsi, au début du XXe siècle, nombreux sont les maréchaux experts qui arborent l’enseigne « Médecine et Chirurgie vétérinaires ». En 1909 il dénonce l'utilisation des sérums et les vaccins par les empiriques qui y ont librement accès, alors que ces médicaments lorsqu'ils sont destinés à l'usage humain, sont réglementairement sous contrôle médical. Le 14 septembre 1916, un décret réglemente la pharmacie vétérinaire. Les empiriques n'ont plus accès aux sérums et autres produits microbiens destinés à l'usage vétérinaire. Leur délivrance doit se faire uniquement sur ordonnance : les maréchaux n'ont enfin plus le droit de prescrire. En 1923, Leclainche introduit dans le texte de loi instaurant le doctorat vétérinaire, un article qui protège le titre et le diplôme de vétérinaire qui ne peut plus désormais être utilisé par les empiriques, mais l'exercice de la médecine vétérinaire leur est toujours permis.

la loi de 1938 sur le monopole d’exercice professionnel vétérinaire[modifier | modifier le code]

Leclainche, fondateur et directeur de l’Office international des épizooties (OIE) depuis 1924, dispose d’une autorité et d’un prestige international considérables. Dans les congrès internationaux, il dénonce les retards ou les lacunes en matière de lutte contre les maladies contagieuses et de santé publique. En 1930, au Congrès International de Médecine Vétérinaire de Londres, il s’empara à nouveau du sujet, pointant délibérément son pays, la France, en portant la question sur son terrain, celui de l’intérêt général, déclarant : « La réglementation qui s’impose est le complément naturel et indispensable de la création des enseignements vétérinaires ; elle intéresse à la fois l’économie agricole, la police sanitaire et l’hygiène publique. La persistance de l’empirisme est incompatible avec les méthodes modernes de prophylaxie des maladies enzootiques. Un pays qui tolère l’empirisme ne peut exercer un contrôle réputé suffisant sur sa propre situation sanitaire », « Cette conception nouvelle d’une action sanitaire préventive, avec toutes les modalités de l’assistance vétérinaire, impose, comme condition préalable inéluctable, la disparition de l’empirisme»[16]. Après avoir mis en place un système de lutte contre les maladies contagieuses propre aux vétérinaires, après avoir protégé civilement et pénalement le titre de vétérinaire par l’institution du Doctorat, il ne restait plus qu’à réglementer l’exercice de la médecine vétérinaire par l’argument de l’action sanitaire préventive sur le cheptel français. Or ce monopole d’exercice avait déjà été institué dans le Grand-Duché du Luxembourg en 1841, le Royaume-Uni en 1881, les Pays-Bas en 1925, il le sera en Irlande et en Italie en 1934.

En 1934, le docteur Orgeval, praticien rural, présente un projet de loi fortement inspiré des propositions de Leclainche, très bien argumenté[17]. Les deux hommes vont travailler conjointement sur le projet de loi et en définir les grandes lignes. Le ministre de l'Agriculture Émile Cassez dépose le projet de loi en 1935, mais le texte n'a pas le temps d'être voté. Il faut attendre 2 années pour que le nouveau ministre, Georges Monnet, modifie légèrement le projet de 1935 et le dépose à nouveau devant la Chambre des Députés. Le projet de loi sur l'exercice de la médecine vétérinaire est finalement adopté le 17 juin 1938. Dorénavant, seuls les titulaires du diplôme vétérinaire ou de docteur vétérinaire ont le droit de prodiguer des soins aux animaux. L'exercice illégal est défini, et sévèrement réprimé. Les maréchaux-ferrants gardent le droit de pratiquer tous les soins du pied, les castrations et les soins d'urgence, hors cas de maladie contagieuse. Une dérogation est également prévue pour tous ceux qui exercent déjà la médecine et la chirurgie des animaux sans être vétérinaire. Sous réserve de se signaler en s'inscrivant à la préfecture, les empiriques déjà en activité ont le droit de continuer leur activité. La loi consacre la légitimité des vétérinaires et clôt 140 années de combat.

Hommages[modifier | modifier le code]

Il existe une rue « Emmanuel Leclainche » à Assencières et une rue « Professeur Emmanuel Leclainche » à Piney, dans l’Aube
Depuis le 30 juin 2014, l'amphithéâtre d'honneur de l’École nationale vétérinaire de Toulouse porte son nom ainsi qu'une plaque commémorative[18].

Œuvres et publications[modifier | modifier le code]

  • Histoire de la médecine vétérinaire, 812 pages, Office du Livre, Toulouse, 1936

En collaboration:

  • avec Edmond Nocard : «Épizooties», in: Encyclopédie d'hygiène et de médecine publique. Tome deuxième: "Hygiène générale, hygiène alimentaire", directeur Dr Jules Rochard, Lecrosnier et Babé (Paris), 1890, p. 65-206, lire en ligne sur Gallica.
  • avec Edmond Nocard : Les maladies microbiennes des animaux, 3 éditions, Masson, 1903 (3e édition) - 1313 pages. Cet ouvrage a été numérisé au Canada et est consultable sur le site d'Openlibrary via le lien : https://archive.org/stream/lesmaladiesmicro01nocauoft#page/n5/mode/2up

Bibliographie et liens externes bibliographiques[modifier | modifier le code]

Photothèque et galeries dans Commons[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le décret impérial du 15 janvier 1813 sur « l’enseignement et l’exercice de l’art vétérinaire » et les ordonnances royales du 6 juillet et du 1er septembre 1825 sur l'enseignement vétérinaire
    Le décret impérial du 15 janvier 1813, signé au palais des Tuileries, sur « l’enseignement et l’exercice de l’art vétérinaire » avait instauré deux diplômes vétérinaires, celui de médecin vétérinaire et celui de maréchal vétérinaire, le premier de ces titres ne pouvait être conféré qu’à Alfort après deux ans de formation théorique supplémentaire (dont l’histoire naturelle, l’élevage et l’économie rurale), soit cinq ans d’études au total, tandis que le deuxième pouvait l’être tant à Lyon qu’à Alfort, après trois années de formation seulement dédiées principalement à une formation pratique. La disposition que la profession vétérinaire jugea la plus funeste résidait dans la liberté accordée au préfet de chaque département d’autoriser, en fonction des besoins, la création d’ateliers de maréchalerie dans le chef-lieu du département, sous la direction d’un médecin vétérinaire et dans le chef-lieu d’arrondissement, sous la direction d’un maréchal-vétérinaire. Ces ateliers délivraient après deux ans d’apprentissage un certificat de maréchal expert visé par le préfet. Outre leur qualification pour les travaux de ferrure, les maréchaux experts se voyaient, dans la pratique, dotés des mêmes attributions que les vétérinaires pour les soins, les castrations, l’obstétrique, etc., et cela sans formation médicale véritable. D’où l’appellation d’empiriques qui leur sera donnée par la suite et qui prévaudra jusqu’à la disparition de la corporation au milieu du XXe siècle. Ce décret visait surtout à faire face aux besoins militaires dans les difficultés du moment, et dans le cas présent à la pénurie de chevaux en état d'être utilisés et d'hommes pour s'en occuper[11].
    L’ordonnance royale du 6 juillet 1825 portant création de l’École vétérinaire de Toulouse restaura l’appellation « École vétérinaire » voulue par Claude Bourgelat et supprima l’ancienne, jugée confuse et inappropriée, d’« Écoles d’économie rurale vétérinaire », instaurée sous la Révolution, maintenue sous l’Empire et au début de la Restauration. Une autre ordonnance celle du 1er septembre 1825 portant organisation des écoles vétérinaires restaura aussi l’égalité de statut des écoles vétérinaires, au nombre de trois à partir de 1826 et abrogea le décret du 15 janvier 1813. Les dispositions du décret de 1813 furent annulées par l’ordonnance de 1825, mais, socialement, le mal était fait et la confusion des compétences entre vétérinaires, empiriques et hongreurs perdura longtemps dans le monde rural, avec une tolérance administrative jusqu’à ce que les vétérinaires obtiennent leur monopole d’exercice en 1938. Il faudra pour y parvenir non seulement une construction scientifique de la profession, qui était largement réalisée avant 1914 à l’issue des conquêtes pasteuriennes, mais aussi une transformation sociale du monde de l'élevage ainsi que le poids croissant de nouveaux enjeux économiques et de santé publique dans le monde de l’élevage et de l’alimentation humaine.
  2. Sur les conditions de l'élévation sociale du vétérinaire, on peut opposer le réalisme et le pragmatisme de Leclainche à l'idéalisme de Bouley. Leclainche écrit dans son livre Histoire de la médecine vétérinaire : « L’élévation sociale du vétérinaire coïncide avec son utilisation par les administrations publiques. Le vétérinaire ne bénéficie pas, comme le médecin, des succès de sa thérapeutique. Ses plus heureuses interventions sont discutées et trouvées trop onéreuses ; son habileté lui assure une réputation qui, même étendue au-delà de sa clientèle, ne dépasse pas celle d’un artisan réputé. Au contraire, une situation administrative le situe dans la hiérarchie sociale ; elle l’égale aux fonctionnaires du même rang et lui assure une même considération » tandis que Bouley, faisant en 1882 l'éloge d'Eugène Renault, déclamait : « Lorsqu’une profession s’appuie sur les bases solides de la science, elle tend toujours à s’élever et, quelle que soit l’humilité de son origine, elle surmonte, dans son mouvement ascensionnel, les obstacles que peuvent lui opposer les hommes et les choses, et finit par atteindre une altitude sociale dont elle ne peut plus déchoir ».

Références[modifier | modifier le code]

  1. Laure Alnot et Guilhem Pistre : La vie et l’œuvre d’Emmanuel Leclainche (1861-1953), Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2005, 4 (1) 94-103
  2. a et b J. Verge : Emmanuel Leclainche (1861-1953), notice nécrologie du Syndicat national des vétérinaires et de l'Ordre national des vétérinaires, in Guilhem Pistre : La Vie et l’œuvre d'Emmanuel Leclainche revue à travers ses archives personnelles. Thèse d'exercice de médecine vétérinaire. Université Paul Sabatier-Toulouse III, 2007, 299 p, 2007-TOU3-4076
  3. a b et c Guilhem Pistre : La Vie et l’œuvre d'Emmanuel Leclainche revue à travers ses archives personnelles. Thèse d'exercice de médecine vétérinaire. Université Paul Sabatier-Toulouse III - École nationale vétérinaire de Toulouse, 2007, 299 p
  4. Sir Christopher J. Nixon : Presidential adress on the relation of veterinary science to human medicine, The british medical journal, 1900 dec 1, 1554-1556
  5. Isabelle Bunel, « Quand on fabriquait des vaccins, rue Ingres », La Gazette des Chalets ( Revue de l'association du quartier des Chalets, à Toulouse), numéro 81,‎ , p. 4-5 (lire en ligne)
  6. Emmanuel Leclainche : Notice nécrologique sur Henri Vallée ( 1874-1947) CR Académie des sciences du 7 juillet 1947
  7. « Pourquoi Merial (Sanofi) passe dans le giron de l’allemand Boehringer », La Tribune,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. C. Bressou : Histoire de l’École vétérinaire d'Alfort : Préface au bicentenaire de l'école. Revue spéciale de la Revue des officiers d'administration du Service de Santé, 1963, in Laure Alnot : La vie et l'œuvre d'Emmanuel Leclainche (1861-1953). Thèse d'exercice de médecine vétérinaire. École nationale vétérinaire d'Alfort, 1996, 102 p
  9. Organisation mondiale de la santé animale (OIE) Emmanuel Leclainche
  10. Emmanuel Leclainche : Histoire de la médecine vétérinaire, 812 pages, Office du Livre, 1936, page 809
  11. Jean-François Brun : Le cheval dans la Grande Armée, Rev. historique des armées, 249, 2007
  12. Ronald Hubscher : Les maîtres des bêtes. Les vétérinaires dans la société française (XVIIIe-XXe siècle), 449 p., Ed. Odile Jacob, mai 1999, Paris (ISBN 2-7381-0710-9)
  13. Delphine Berdah : Entre scientifisation et travail de frontières : les transformations des savoirs vétérinaires en France, XVIIIe et XIXe siècles
  14. Neumann, Louis Georges : Biographies vétérinaires, avec 42 portraits dessinés par l'auteur 435p., Paris : Asselin et Houzeau, 1896
  15. Emmanuel Leclainche : Questions professionnelles et Actualités. L'empirisme organisé. Revue Générale de Médecine Vétérinaire, janvier-juin 1903, 1, 167-171
  16. Emmanuel Leclainche : La législation sur l'exercice de la médecine vétérinaire, L'Éveil vétérinaire, 25 novembre 1930, 254, 4-6
  17. Arnaud, Michel, Nicolas Gaschet : Hongreurs et maréchaux-experts. Histoire d'une profession méconnue. Thèse de doctorat de médecine vétérinaire, 2011, École nationale vétérinaire d'Alfort, 140p
  18. Roland Darré : Visuel de la conférence donnée lors de l'attribution du nom d'Emmanuel Leclainche à l'amphithéâtre d'honneur de l'ENVT, 22 juin 2014

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]