Don (acte)

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Offrande lors d'une cérémonie hindouiste sur l'île de Bali

Le don est l'action de donner sans contrepartie.

Le don se veut désintéressé et intemporel, cependant, pour faire honneur au don, la personne en bénéficiant peut faire un don en retour, qu'on appelle le contre-don. Il ne s'agit pas d'un acte d'échange de valeurs comme la vente ni le troc, puisque le receveur n'est pas tenu de rendre le don et la valeur des dons ne rentre pas directement en compte.

Enjeux du don

Le don permet d'offrir sans contrepartie apparente[1] un objet, un bien matériel ou immatériel, de l'argent, voire un organe ou un corps à la science (qui permet notamment l'expérimentation sur le cadavre - cf. aussi expérimentation en bioéthique) ; le don va donc du cadeau personnalisé à des proches aux libéralités ou legs anonymes et réglés par testament à des organisations de charité. Pour parler de don, il convient donc que le donateur agisse sans répondre à aucune forme d'obligation autre que sa motivation[2], en dehors du respect de formalités légales réglant les dons d'une valeur importante (donation).

À ces transferts de valeurs monnayables, il faut ajouter tous les actes qui bien que relevant du don présentent essentiellement un caractère symbolique, le plus souvent des récompenses dans le domaine professionnel (médaille du travail), sportif (médaille, coupe, ...), etc.

Un grand nombre de circonstances sont l'occasion de dons plus ou moins traditionnels : les aumônes ; les étrennes et autres cadeaux liés aux fêtes ; les offrandes pour cérémonies religieuses ; les pourboires et gratifications diverses ; souscriptions favorisant des réalisations collectives ; opérations de solidarité à l'occasion de guerres ou de catastrophes, etc.

Les personnes employant une notable partie de leur fortune en dons sont appelées philanthropes. Des organismes à vocations diverses selon les époques et les lieux ont assuré l'essentiel de leur financement par l'accumulation de dons de particuliers. Les grands donateurs, sans être nécessairement les plus riches, sont motivés par la volonté d'infléchir directement le cours des choses, que ce soit le destin d'une famille dite nombreuse ou l'avenir d'une population affligée.

La philanthropie à quelque degré que ce soit n'empêche pas la recherche de retombée directe ou symbolique, ainsi Jean-Luc Marais a évalué à 30 % la proportion de donateurs inspirés au moins en partie par le désir de perpétuer leur mémoire [3]. Plus généralement dans la perspective religieuse, la "générosité" pratiquée sur Terre est assez souvent un gage d'amélioration de sa condition post-mortem.

Les dons sont aussi le fait d'institutions publiques sous la forme d'aide alimentaire d'abord, d'aides sociales par la suite et de subventions, mais aussi d'organismes privés, apparaissant comme sponsor. Avant l'expansion du salariat, mais aussi après, les dons des personnes les plus fortunées prenaient la forme du mécénat et permettaient en particulier aux artistes de réaliser leur œuvre.

Les dons dans la forme de la constitution d'une bourse commune permettent à l'intérieur de corporations ou confréries la constitution de systèmes d'entraide basés sur la mutualité.

Selon les pays et les cultures, des formes de dons (en apparence) sont illégaux (corruption, commissions occultes dites Pot-de-vin, etc) et certains plus forcés encore relèvent directement de la délinquance tel le racket ponctuel ou organisé (mafia).

Caractéristiques du don

Aspects philosophiques du don

  • La définition du don demande des présupposés philosophiques, anthropologique voire métaphysiques de grande ampleur, et l'on ne peut prétendre comprendre les tenants et aboutissants du don dans un aspect unique de celui-ci (sociologique, technique). Pour savoir comment quelqu'un donne, il faut définir quel est le rapport de la personne à la richesse.
    • 1. Si l'homme est exclusivement fait pour consommer de la richesse en une vie terrestre de plaisir, il va de soi que le don sans le calcul d'une contrepartie ne peut être rationnel. Donner serait équivalent à perdre, et nul ne veut perdre pour le plaisir de perdre, si sa finalité est d'avoir et de jouir.
    • 2. Mais si l'on vient à considérer différemment la finalité anthropologique, l'on peut aborder le don différemment. Il se peut qu'une conception trop individualiste de l'homme l'ait réduit à un demandeur de plaisir solitaire, suspendu à sa consommation personnelle, mais qui s'accommode cependant au mieux possible de la concurrence de ses frères de race, bien obligé de vivre avec autrui. (Rêveries du promeneur solitaire, et Le Contrat Social, Rousseau). S l'on comprend au contraire que l'homme est par nature relationnel et social, et que le déploiement de sa nature et de son bonheur se trouve dans l'Amitié et la recherche commune du Bien Commun, alors l'on comprend que le don n'est plus un acte morcelé d'un égoisme caché, mais un acte en lui-même bon, qui donne par sa bonté intrinsèque un retour à celui qui donne. Il faut se demander si l'on considère le monde humain comme un amas d'individus isolés, qui se débrouillent chacun pour s'en sortir, ou si au contraire les hommes sont naturellement sociaux et relationnels, et que le don est alors l'expression simple, gratuite et aussi gratifiante de l'amitié (Ethique à Nicomaque, Aristote).
  • Il n'est pas contradictoire d'avoir au même moment gratuité et joie, puisque celui qui donne, donne gratuitement, en se réjouissant de la joie de l'autre, en recevant alors une joie personnelle, joie qui est celle même de la gratuité. C'est seulement au moment où celui qui donne ne cherche plus que la gratification que le don n'est plus don mais manipulation. La définition du don, c'est toujours la gratuité. Si l'intention est une recherche de gain, il ne s'agit plus que d'un semblant de don. Dire que le don cherche un contre don, c'est capituler dans la définition du don ou desepérer de la nature bonne et sociale de l'homme, pour conclure en son individualisme.

Aspects sociologiques du don

  • Le don n'est pas un acte d'échange de valeurs puisque le receveur n'est pas tenu de rendre le don ou sa contrepartie en valeur. La valeur des dons ne rentre pas directement en compte dans ce système de commerce (kula).

Historiquement, on peut différencier trois sortes de don / contre-don [4]:

  1. l'échange rituel : il s'agit alors d'honorer des puissances avec l'espoir d'obtenir des faveurs terrestres ou la clémence des dieux ;
  2. l'échange intercommunautaire : il s'agit alors de garantir les bons rapports entre deux communautés par le biais de relations privilégiées ;
  3. la marque d'une distinction sociale : il s'agit de faire reconnaître sa primauté par le biais d'une compétition du don, les valeurs données pouvant parfois être détruites (potlatch).

Ces trois formes de don se trouvent généralement entremêlées dans la réalité.

  • Le don est à comparer avec d'autres formes d'échange plus actuelles :
  1. le troc : s'il peut se rapprocher du don / contre-don par le fait qu'il s'agit d'un échange sans garantie d'une tierce partie, il en diffère par la fixation d'une valeur marchande d'échange ainsi que par une temporalité de l'échange et donc du lien ;
  2. la vente : cet échange est régi par des lois fixes dépendantes du pouvoir ou du marché, il s'effectue sous un étalon valeur (argent) et est donc temporel. Il peut cependant impliquer un lien entre le vendeur et le client, mais de façon limitée (garantie).

Si le don crée un lien social, il peut aussi être une forme de contrat social (peuple des Iks en Afrique ou l'on est redevable par le don / contre-don d'amis, très important par rapport aux autres formes de liens : familiaux, communautaires).

Le don chrétien peut être un acte de charité (don aux pauvres sans possibilité de contre-don).

  • Selon Marcel Mauss dans son livre Essai sur le don, le don en tant qu'acte social suppose que le bonheur personnel passe par le bonheur des autres, il sous entend les règles : donner, recevoir et rendre (par le contre-don : potlatch)[5] :
  1. l’acte fondateur en est un don, donc la reconnaissance de l’alter ego (ce qui m’appartenait t’appartient maintenant) ;
  2. le deuxième acte comprend l’acceptation du don, le receveur reconnaissant ainsi la valeur du don pour son propre usage (force unificatrice du oui) ;
  3. le troisième acte élimine une différence de valeur entre celle que lui accorde le donateur et celle que perçoit le receveur ce qui revient à annuler la valeur matérielle de l’échange pour mettre en avant la valeur sociale de l’échange.

Le don se base donc sur une valeur de sociabilité primaire : la réciprocité.

La spirale du don n'est pas forcément pacificatrice car elle peut devenir infernale, jusqu'à la destruction des objets échangés. Voir les bûchers d'offrandes dans le potlatch.

Aspects techniques du don

En France, les dons sont prévus en particulier par les articles 930 et 937 du Code civil. Par les lois de 1901 et 1905, les institutions religieuses perdirent la possibilité de recevoir des dons ou des legs.

Toutes les associations sont aptes à recevoir des dons. Cependant, 66 % des dons sont déductibles de l'impôt sur le revenu pour un maximum de 470 euros par an, reportable sur plusieurs années, dans la limite de 20 % du revenu imposable[réf. souhaitée].

Ce montant peut s'élever à 75 % pour des versements auprès d'organismes ayant pour mission la donation de repas (ex : Les Restos du Cœur), de logements ou de soins.

Il faut obligatoirement faire sa déclaration d'impôt par voie électronique et faire mention de l'organisme bénéficiaire. En retour, l'association doit fournir un reçu[6].

Les dons sont réglementés par le Code général des impôts et particulièrement l'article 200.

Notes et références

  1. Il est intéressant de se rappeler ce que dit Montaigne (1533 - 1592) à propos de la véritable amitié (Livre I, xxvii) dans laquelle celui qui reçoit le don oblige celui qui le fait tandis que dans les amitiés communes, celles-ci se nourrissent de services rendus et de faveurs (dons et contre-dons).
  2. D'aucuns ont prétendu qu'un proverbe hindou dit : "tout ce qui n'est pas donné est perdu"
  3. Jean-Luc Marais, Histoire du don en France de 1800 à 1939. Dons et legs charitables, pieux et philanthropiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes), 1999.
  4. Bronislaw Malinowski, Les argonautes du Pacifique occidental, 1922
  5. Marcel Mauss, Essai sur le don, 1924
  6. Mode d'emploi de la Déductibilité des dons pour les associations

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Les textes et ouvrages traitant du don se multiplient depuis quelques années. Il faut commencer par citer celui qui a relancé la recherche contemporaine et qui reste une référence, même si souvent discutée et critiquée.

  • Marcel Mauss, Essai sur le don - première publication l'Année sociologique, 1923-1924, rééd. in Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie, 2001, PUF, Paris. puis dans un volume à part.

Parmi les antécédents :

  • Sénèque, Les Bienfaits (nombreuses traductions).

Parmi les travaux (plus) récents :

  • Georges Bataille, La Part maudite (1re éd. 1949) précédé de La Notion de dépense, 1967, Les Editions de Minuit.
  • Alain Caillé, Don, intérêt et désintéressement, Bourdieu, Mauss, Platon et quelques autres, 1994 et 2005 (nouvelle édition augmentée), Ed. La Découverte.
  • Alain Caillé, Anthropologie du don - Le Tiers paradigme - 2000, Ed. Desclée de Brouwer.
  • Alain Caillé, Dé-penser l'économique - Contre le fatalisme - 2005, Ed. La Découverte.
  • Jacques Derrida, Donner le temps, 1995, Galilée. (essai philosophique sur la question du rapport entre donation et temporalité).
  • Jacques Derrida, Donner la mort, 1996, Galilée. (essai philosophique sur la question du rapport entre donation, sacrifice et mort).
  • Jacques T. Godbout, L’Esprit du don (en collaboration avec Alain Caillé), 1992, Ed. La Découverte (Ed. du Boréal pour le Canada).
  • Jacques T. Godbout, Le Langage du don, 1996, Ed. Fides (texte d'une conférence prononcée en mars 1993).
  • Jacques T. Godbout, Le Don, la dette, l'identité - Homo donator vs homo oeconomicus, 2000, Ed. La Découverte (Ed. du Boréal pour le Canada).
  • Jacques T. Godbout, Ce qui circule entre nous - Donner, recevoir, rendre, 2007, Ed. du Seuil.
  • Maurice Godelier, L'Énigme du don, 1996, Ed. Fayard (repris dans la collection Champs/Flammarion).
  • Mark Rogin Anspach, À charge de revanche - Figures élémentaires de la réciprocité, 2002, Ed . du Seuil.
  • Jean-Luc Boilleau, Conflit et lien social. La rivalité contre la domination, 1995, La Découverte/MAUSS, Paris.
  • Marcel Fournier[Lequel ?], Marcel Mauss, 1995, Grasset.
  • Marcel Hénaff, Le Prix de la vérité, 2002, Ed. du Seuil.
  • Bruno Karsenti, Mauss, le fait social total, 1994, PUF, collection Philo- sophie, Paris.
  • Guy Nicolas, Du don rituel au sacrifice suprême, 1996, La Découverte/ MAUSS, Paris.
  • La Revue du MAUSS, n° 4, 1994, « À qui se fier ? Confiance, interaction et théorie des jeux », La Découverte/MAUSS, Paris.
  • La Revue du MAUSS, n° 5, 1995, « À quoi bon se sacrifier ? Don, sacrifice et intérêt », La Découverte/MAUSS, Paris.
  • Jean-Claude Passeron, 1995, « Weber et Pareto ; la rencontre de la rationalité dans les sciences sociales », in Louis Gérard-Varet et Jean-Claude Passeron (sous la direction de), Le Modèle et l’enquête, Les usages du principe de rationalité dans les sciences sociales, Éditions de l’EHESS, Paris.
  • Luc Richir, L'erreur de Cook, Ousia Bruxelles (à paraître)
  • Philippe Rospabé, La Dette de vie - Aux origines de la monnaie sauvage, 1995, La Découverte/MAUSS, Paris.
  • Alain Testart, Critique du don, étude sur la circulation non marchande, Éditions Syllepse, coll. matériologique, 268p., 2009
  • Dominique TEMPLE, "La dialectique du don – Essai sur l’économie des communautés indigènes", La dialectique du don, 1983, http://dominique.temple.free.fr/reciprocite.php, (consulté le 10 septembre 2014).