Catastrophe naturelle

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Dans un site généralement prédisposé, une catastrophe naturelle est l'effet pernicieux d’un événement naturel plus ou moins violent, voire paroxystique, du cours normal d’un phénomène géodynamique - séisme, éruption volcanique, tsunami, mouvements de terrain, inondation, tempête, cyclone, orages..., ignoré, mésestimé et/ou mal prévenu sur les aménagements, les ouvrages et les personnes d’un établissement humain vulnérable, exposé à un risque « naturel » identifié ou non.

En confondant les effets désastreux de certains de ces événements avec les causes des catastrophes qui en résultent, on a longtemps considéré que les causes étaient des punitions et que les effets étaient inéluctables, fatals, prescrits... La science et la technique permettent maintenant de caractériser les événements, de prévoir leurs effets, d’établir et distinguer les causes naturelles d'avec les causes humaines des catastrophes pour améliorer la prévention et la gestion des secours.

Les événements naturels irrépressibles

Dans certains sites dits « bassins de risques » et certaines circonstances généralement connus, des événements irrépressibles, plus ou moins fréquents, du cours normal, compliqué mais intelligible, de phénomènes naturels, peuvent être dangereux et avoir des effets catastrophiques. Mais la puissance des actions humaines est sans commune mesure avec celle de la nature : on ne peut pas modifier fortement et durablement le cours des phénomènes naturels ; on ne peut pas empêcher que des événements naturels dangereux se produisent ; on ne peut pas les maîtriser ; on ne peut pas les prévoir avec une précision suffisante pour être efficace ; il est donc nécessaire de s’efforcer de prévenir leurs effets dommageables qui peuvent être sinon évités, du moins limités si l’on connaît bien le cours naturel et/ou anthropique des phénomènes géodynamiques en cause.

Après une catastrophe, on considère souvent que l’intensité de l’événement naturel violent qui l’a provoqué n’avait jamais été atteinte ; or, aucune série statistique fondée sur des données sures, nombreuses et homogènes ne montre une augmentation de l’intensité et/ou de la fréquence de tels événements ; mais les images de satellites, les vidéos et photos terrestres diffusées par Internet et autres média montrent en temps réel leurs effets à l’autre bout du monde, et nos aménagements de plus en plus nombreux, complexes, surpeuplés… accroissent sans cesse les ravages qu’ils provoquent : ce ne sont pas ces événements qui ont changé, ce sont notre nombre, notre vulnérabilité, nos comportements, nos informations... qui augmentent sans cesse.

En fait, les effets des événements naturels irrépressibles sont catastrophiques parce que nous ne tenons pas compte de leur éventuelle survenance dans un site exposé, et non parce qu'ils seraient les fruits de la fatalité, du hasard, des caprices de la nature, des vices du sol... : pour nous, la nature n’est ni capricieuse ni malfaisante ; elle est neutre. Les événements sont naturels, les catastrophes sont humaines.

Les catastrophes « naturelles »

Par opposition à celles provoquées par des événements techniques – man-made, Cattec - , les catastrophes naturelles - God-made, Catnat - sont celles provoquées par des événements naturels irrépressibles. On devrait plutôt les désigner selon leur origine - climatique, météorologique, tellurique, géologique, géotechnique. L’expression « catastrophe naturelle » est un non-sens.

Nature

À l’échelle mondiale, on recense annuellement environ un millier de grandes catastrophes « naturelles » en majeure partie provoquées par les crues, événements naturels les plus fréquents et les plus destructeurs ; leurs causes initiales sont toujours météorologiques - moussons, cyclones, tempêtes… ; leurs effets sont les inondations et les mouvements de terrain – écroulements, éboulements, glissements…, les destructions d’ouvrages – barrages, ponts... Leurs effets peuvent être aggravés par l'activité humaine : réductions voire suppressions de zones inondables, forestières, agricoles..., extensions de zones d’aménagement, de construction…, ouvrages inadaptés, non-respect de règles de prévention

En France[1], selon l’article L 125-1 du Code des assurances « ... Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles (CATNAT),.//., les dommages matériels directs « non assurables » ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises... » ; les événements naturels relevant de la loi, susceptibles d’avoir des effets catastrophiques, pris en compte dans les Plans de prévention des risques naturels prévisibles (PPR) sont précisés dans la circulaire ministérielle du 19/05/1998, par ordre de fréquence et de gravité :

  • Inondations et coulées de boue : inondations de plaine - inondations par crues torrentielles - inondations par ruissellement en secteur urbain, coulées de boue ;
  • Inondations consécutives aux remontées des nappes phréatiques ;
  • Phénomènes liés à l’action de la mer : submersions marines - recul du trait de côte par érosion marine ;
  • Mouvements de terrain : effondrements et affaissements - chutes de pierres et de blocs - éboulements en masse - glissements et coulées boueuses associées - laves torrentielles - mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la rehydratation des sols ;
  • Avalanches ;
  • Séismes.

De natures et évolutions différentes et/ou objets de réglementations spécifiques, les événements climatiques – sécheresses, canicules..., météorologiques - cyclones, tempêtes, tornades, neiges, grêles…, les feux de forêts, les épidémies, l’activité humaine – agriculture, mines, travaux du BTP, pollutions…, les éruptions volcaniques propres aux Antilles et à la Réunion, et les événements rares – chutes de météorites, tsunamis..., ne figurent pas sur cette liste.

Caractère

Des catastrophes analogues peuvent se produire de temps en temps dans un même site, dans des sites différents, selon des processus analogues ou différents. Mais il ne se passe pas n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment et n’importe quand : chaque bassin de risque, chaque site, chaque installation, chaque événement destructeur est unique : chaque catastrophe est un événement historique qui doit être décrit et étudié spécifiquement pour en déterminer les causes et améliorer la prévention d’événements analogues.

Gravité

Dans un bassin de risque, la gravité d’une catastrophe généralement estimée en nombre de victimes, dépend beaucoup plus de la vulnérabilité des aménagements et des ouvrages, des actions, comportements, densités des occupants, des mesures de prévention que l’on y a prises, du niveau de connaissance que l’on en a de l’événement, quel qu’il soit, que de son intensité : un violent séisme peut n’avoir que peu d’effet dommageable dans le désert de Gobi, n’avoir que de graves effets matériels au Japon, avoir des effets matériels considérables et produire plusieurs dizaines de milliers de victimes dans le Sichuan...

Prévention

Quels qu’ils soient, où que ce soit, les aléas naturels sont toujours potentiellement dangereux ; on ne peut pas les maîtriser, mais la plupart de leurs effets éventuellement catastrophiques peuvent être sinon évités, du moins limités par l’étude prospective, les actions de prévention et de protection, et par la gestion de crise, reposant sur des études scientifiques et techniques sérieuses du phénomène naturel en cause, du bassin de risque et de la vulnérabilité des aménagements et ouvrages qui y sont construits.

Les actions et les moyens rationnels dont on dispose pour prévenir les effets catastrophiques de la réalisation n’importe où de n’importe quel événement naturel irrépressible, sont nombreux et variés : dans un site exposé, pour tout danger clairement caractérisé, on peut aménager et construire, se comporter et agir, définir, décider et préparer calmement ces actions et moyens, et au besoin, les mettre en œuvre efficacement. Une des applications pratiques de la géotechnique est de concourir à la prévention des dommages, accidents et catastrophes « naturels », à condition que les résultats de l’étude géotechnique spécifique, sérieuse et complète d’un site exposé à de tels événements soient correctement présentés par les spécialistes, convenablement interprétés et utilisés par les décideurs et les utilisateurs.

Catastrophes remarquables

Fichier:Tunguska epicenter.jpg
Météorite de la Toungouska - Partie centrale de la zone dévastée.

Parmi les innombrables catastrophes qui se sont produites partout dans le monde, certaines sont remarquables en ce que leurs particularités tant naturelles qu’humaines en font des exemples génériques, des cas d’école montrant que les effets d’événements naturels irrépressibles ne sont catastrophiques que parce qu’ils ont été ignorés, mésestimés, mal prévenus...

  • Chutes de météorites : à Vanovara (Toungouska pierreuse – Sibérie) le 20 (17 russe) juin 1908.

La chute d'une grosse météorite est le plus destructeur de tous les événements naturels. Celle de la Tougouska a été le pire des cataclysmes naturels historiques ; catastrophe écologique considérable, elle n'a pas été une catastrophe humaine, car elle s'est produite dans une région pratiquement inhabitée.

  • Éruptions volcaniques : la montagne Pelée à Saint-Pierre (Martinique) le 8 mai 1902.
Éruption de la montagne Pelée - Saint-Pierre après la catastrophe.

L’éruption volcanique de la montagne Pelée a été la plus meurtrière du XXe siècle ; en quelques minutes, sa nuée ardente paroxystique a entièrement détruit Saint-Pierre et a exterminé ses habitants, environ 30 000 personnes. La destruction de la ville et de ses alentours était inévitable, mais non la mort de ses habitants qui ont été les victimes effectives de décisions administratives aberrantes pour assurer le second tour d’une élection législative le 11 mai en empêchant leur départ, alors qu’un extrême danger était évident.

  • Séismes : les séismes chinois d’Anshan (04/02/1975) et de Tangshan (27/07/1976).

À la Conférence intergouvernementale sur l’évaluation et l’atténuation des risques sismiques, au siège de l'Unesco à Paris, au cours de la session spéciale de février 1976[2], les sismologues chinois ont présenté leur méthode de prédiction des séismes appliquée à celui d’Anshan (04/02/1975, M 7,4), dommages matériels - bâtiments, ponts, routes... considérables, mais moins d’un millier de victimes dans une région de plus de trois millions d’habitants : la prédiction des séismes et la prévention des habitants étaient donc possibles. Malheureusement, 18 mois plus tard, le séisme de Tanshan (27/07/1976, M 7,6), démontra le contraire : il fit des dommages matériels aussi considérables, mais surtout 250 000 victimes selon les Chinois et sans doute plus de 650 000 en réalité ; il serait ainsi le séisme le plus meurtrier depuis plus de deux siècles et peut-être depuis toujours.

Après 1976, de nombreux séismes violents et pour certains catastrophiques, tous imprévus et non prévenus, ont affecté plusieurs provinces chinoises ; celui du 12/05/08 dans le Sichuan a provoqué près de 90 000 victimes et des dommages matériels considérables… Ensuite, il y a eu au moins cinq autres séismes destructeurs en Chine : Yushi 2010, Yunnan 2010 – 2011, Dingxi 2013, Sichuan 2013.

  • Tsunamis : le tsunami de Sendai (Tohoku - Japon) le 11/03/2011.
Le désastre à Sendai.

Le tsunami de Sendai, provoqué par un séisme M 9 qui s’est produit vers 130 km au large de la côte nord-est de l'île de Honshu, a localement atteint 30 m de hauteur sur le rivage et a pénétré jusqu'à 10 km à l'intérieur des terres.

Bien qu'il ait été le plus violent jamais enregistré au Japon, le séisme lui-même n'a fait que peu de destructions et de victimes, car les constructions parasismiques y sont efficaces et les habitants, bien préparés. Par contre, la hauteur du tsunami a dépassé les prévisions et a largement submergé les ouvrages littoraux de protection, essentiellement des murs portuaires en béton dont certains dépassaient la dizaine de mètres de haut. il a ravagé près de 600 km de côtes, ruiné partiellement ou totalement une cinquantaine de villes côtières, fait 8 649 morts, 12 877 disparus, 2 603 blessés et détruit la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

La centrale a été construite sur une falaise côtière ; la plate-forme des réacteurs a été terrassée au niveau de la mer pour limiter le coût de pompage des eaux de refroidissement ; la hauteur du mur de protection était d’environ 6 m, mais le tsunami y a atteint 15 m, noyant les réacteurs et provoquant une catastrophe nucléaire majeure.

  • Tempêtes côtières : Xynthia à l'Aiguillon-sur-Mer et la Faute-sur-Mer le 28 février 2010.
Après la tempête.

À l'estuaire du Lay, les parties anciennes de l'Aiguillon-sur-Mer et de la Faute-sur-Mer sont construites sur des dunes et des levées sableuses qui les mettent à l'abri de la plupart des crues du fleuve et des fortes marées ; vers le sud jusqu’à la pointe de l’Aiguillon, le rivage fragile de la baie est longé par une route sur digue qui protège des polders ; cette digue a été fréquemment ébréchée lors de tempêtes associées à de fortes marées, provoquant les inondations des polders, alors strictement agricoles. Des extensions et des grands lotissements de villas ont récemment été implantés dans certains polders.

La tempête Xynthia a atteint le littoral atlantique dans la nuit du 28 février. Dans la baie de l'Aiguillon, des vents atteignant 130 km/h ont produit une houle de près d'une dizaine de mètres de creux ; la dépression de 968 hPa et une marée de pleine mer coefficient 102 ont amplifié le mascaret de plus de 1,5 m.

En pleine nuit, des ruptures de digues ont entraîné des inondations très abondantes, très rapides et persistantes qui ont fait une cinquantaine de victimes par noyade, la plupart surprises en plein sommeil dans leurs logements, des villas récentes implantées de plain-pied sous le niveau de la mer ; le niveau de l’eau y a localement atteint le plafond de rez-de-jardin, soit plus de 2 m.

Avalanche du Peclerey – Le couloir et le monument aux morts.

Ces villas avaient été construites dans des sites très vulnérables, en sous-estimant les risques de rupture de digues et d’inondations en résultant, alors que de nombreux événements analogues s'y étaient déjà produits.

Le lotissement des Poses comportant 17 chalets était situé sur la rive droite de l'Arve, en bordure de la route du Tour, en face du couloir d’avalanche du Peclerey, bien marqué dans la morphologie et la végétation.

Le 9 février 1999, une avalanche de neige poudreuse a traversé l'Arve puis la route sur le versant opposé et ensevelissait la majeure partie du lotissement, détruisant 14 chalets et faisant 12 victimes.

Historiquement et provenant de ce même couloir, l'avalanche avait déjà traversé l'Arve et la route. Mais selon le PPR alors en vigueur, la zone de construction du lotissement était principalement « blanche » ; le risque lié à cette avalanche était limité à l'aval de la route, sans sa traversée.

  • Crues torrentielles : La crue du Borne du 14 juillet 1987.
Rive droite actuelle du Borne à l’emplacement du camping.

Le Borne est un torrent alpin tributaire de l’Arve, connu pour ses violentes crues d'été. Certaines d’entre elles occasionnaient des dommages plus ou moins importants, quelques champs inondés et/ou érodés, quelques portions de routes et un ou deux ponts emportés..., mais jamais de victimes, car les constructions anciennes du Grand-Bornand étaient toutes éloignées de ce torrent dangereux. La crue du 14/07/1987 n’aurait pas été une catastrophe s'il n'y avait pas eu un camping dans le lit majeur inondable, en bordure de sa rive droite. En moins de quatre heures, le torrent dont le débit est alors passé d'une cinquantaine de mètres cubes à plus de 200, ravageait entre autres ce terrain de camping, y emportant voitures, caravanes et campeurs, faisant 23 victimes, malgré l’intervention rapide des secours.

Le Plan d’exposition aux risques naturels prévisibles (Per) communal qui visait les risques d’avalanches, de mouvements de terrains et les crues torrentielles, prescrit en 1985, n’avait toujours pas été publié quand la catastrophe est survenue.

Le Rossberg - Le lac de Zug, Arth, Goldau et le lac de Lauerz.
  • Mouvements de terrain : l'écroulement rocheux du Rossberg (Schwytz) le 2 septembre 1806.

Dans les Préalpes suisses, le Rossberg est un massif molassique, alternance aval-pendage sud de poudingue, grès et marne, dominant Goldau et le lac de Lauerz. En 1806, des infiltrations abondantes dues à un hiver particulièrement neigeux, un printemps et un été très pluvieux, avaient provoqué des ouvertures évolutives de fissures vers son sommet d’où partaient de nombreux petits éboulements. Le 2 septembre, après des glissements de marne et des chutes de blocs durant la matinée et le début de l'après-midi, un glissement rocheux banc sur banc se déclencha vers 17 h et une avalanche d’une quarantaine de millions de mètres cubes d’énormes blocs rocheux dévala le versant, ensevelissant le fond de la « Vallée d’or » sous un chaos d'une trentaine de mètres d'épaisseur, détruisant entièrement Gauldau, trois villages et des hameaux voisins, et comblant la partie ouest du lac de Lauerz en provoquant une seiche de plus de 20 m de haut, destructrice jusqu’à Schwytz. Il y eut plus de 450 victimes.

Le souvenir d'un écroulement moins volumineux en 1795, les glissements et chutes de blocs précurseurs du matin, analogues à ceux qui se produisaient de temps en temps sans grave danger, avaient mis les habitants en alerte sans les inciter à partir immédiatement, car ils étaient fréquents au dégel ou après de fortes précipitations et les connaissances scientifiques de l’époque ne permettaient pas de prévoir la catastrophe qui se préparait.

Carte de la glaciation du Wurm.

Le climat mondial varie selon des oscillations erratiques enchaînant des périodes plurimillénales (glaciaires, interglaciaires), découpées en stades pluricentenaux (Optimum médiéval, Petit âge glaciaire), eux-mêmes scindés en phases pluridécennales à pluriannuelles (…1940/1970…).

En raison de sa violence et de sa rapidité à l’échelle du temps géologique, la période interglaciaire de réchauffement qui a débuté vers 12 000 B.P. à la fin du Würm, la dernière des grandes glaciations du Quaternaire, a été un tel bouleversement géomorphologique, climatique et écologique que l’on en a fait le passage géologique du Pléistocène à l’Holocène, et celui archéologique du Paléolithique au Mésolithique.

Son effet géomorphologique a été de modifier l’épaisseur et l’étendue des surfaces marines et terrestres englacées, le niveau et l'étendue de l’océan mondial, l’étendue et le modelé des terres émergées... : en à peine plus de 3 000 ans au total, mais au cours d’incessantes variations plus ou moins rapides, la majeure partie de l’Europe est ainsi passée du climat polaire qui était le sien depuis plus de 100 000 ans au climat tempéré qu’on lui connaît depuis environ 9 500 ans ; la plupart des indlansis et des glaciers ont plus ou moins rapidement fondu de sorte que le niveau de l’océan mondial a monté d’environ 120 m, ce qui a immergé toutes les plaines côtières, créant les plateaux continentaux, deltas, estuaires, fjords, calanques..., les îles épicontinentales comme l’Irlande vers 9 500 B.P., l’Angleterre vers 8 300 B.P.... Son effet environnemental a été de faire évoluer et/ou de modifier les écosystèmes – migrations, disparitions, installations... de flores et de faunes selon les déplacements des zones climatiques.

Pour les hommes préhistoriques qui l’ont subie sans l’avoir provoqué, ce fut la pire des calamités : les néandertaliens ont alors disparu et nos ancêtres se sont déplacés vers le nord en s’adaptant, notamment en devenant agriculteurs et éleveurs vers 8 000 av. J.-C. dans le Croissant fertile.

Plus près de nous, les variations climatiques, sans être aussi importantes, n’ont jamais cessé : le stade « chaud » de l’Optimum médiéval - environ 850/1350 ap. J.-C. - a permis aux Vikings de s’installer en Islande vers 875 puis au Groenland vers 985 ; le stade « froid » du Petit âge glaciaire - environ 1350/1850 - les a chassés du Groenland vers 1400 ; ils n’ont pu rester en Islande que parce qu’ils y disposaient de nombreuses sources d’eau chaude volcanique et en chassant la baleine. En Europe occidentale, l’Optimum médiéval a d’abord favorisé l’expansion économique des XIIe et XIIIe siècles puis a multiplié les étés secs et les famines, près de dix de 1200 à 1320 ; le Petit âge glaciaire, lui aussi très fluctuant, l’a soumise à une dizaine de décennies d’hivers particulièrement rudes entre 1600 et 1860, deux à trois mois de gel, embâcles fréquents de presque toutes les rivières, glaces en Manche et en mer du Nord, glaciers alpins arrivant dans les grandes vallées et détruisant de nombreux villages et hameaux, partout récoltes misérables, inflation du prix du blé, famines, surmortalité...

Depuis environ 1860, le nouveau stade « chaud » dans lequel nous vivons aurait une cause accessoirement humaine ; on ignore quelle sera son évolution - cours, intensité maximale, durée... et quelles seront les intensités maximales de ses effets ; actuellement, ses effets les plus préoccupants sont l'accroissement des zones désertiques – Sahara, Gobi, Australie... et la montée irrégulière du niveau de l'océan mondial, mieux documentée et plus prévisible, qui affecte les habitants des îles coralliennes au ras de l’eau du Pacifique et de l’océan Indien - Cook, Marshall, Micronésie, Tuvalu, Maldives..., ceux des grands estuaires et deltas – Tamise, YangTse, Gange, Rhin..., des côtes basses... et de la plupart des ports ; il oscille irrégulièrement entre 1 et 3 mm/an depuis environ 6 000 ans.

Les ruines du barrage de Malpasset vues de l'aval – Coupe du dièdre de failles défaillant, cause naturelle de la catastrophe, avec la crue du Reyran, événement déclenchant.

Construit sur le Reyran, dernier affluent rive gauche de l’Argens, pour l’alimentation en eau de l'agglomération de Fréjus/Saint-Raphaël, le barrage de Malpasset était une voûte très mince en béton longue de 225 m en crête et haute au plus de 66 m, dont la retenue aurait atteint 50 Mm3.

À l'emplacement du barrage, le Reyran, oued à peu près sec la plupart du temps, traverse un défilé sinueux creusé dans un massif de gneiss, très fracturé amont pendage sur son versant droit (ouest) dont la pente est d’environ 40°, très altéré aval-pendage sur son versant gauche (est) dont la pente est d’environ 30°.

Le géologue consulté au niveau des études préliminaires, avait conseillé la construction d’un barrage-poids plus en amont ; il ne fut pas écouté et n’a plus été consulté ; l’étude géotechnique à l’emplacement retenu se réduisit à un levé géologique sommaire montrant un gneiss apparemment sain et à quelques sondages mécaniques rassurants ; il n’y eut aucun suivi géotechnique de chantier.

Vers la fin du chantier, les constructeurs eurent pourtant quelques doutes : en rive gauche, l’extrémité du barrage très mince était pratiquement parallèle aux courbes de niveau et au litage de schistosité du gneiss plus ou moins altérée, donc sans butée naturelle, essentielle pour ce type de barrage ; ils la bloquèrent par un massif en béton.

La mise en eau débuta en 1954 ; le premier et seul remplissage dura près de cinq ans à cause d’une longue période de sécheresse. Comme il arrive souvent en Provence, il se produisit enfin des pluies diluviennes durant la deuxième quinzaine de novembre 1959 – 500 mm en dix jours dont 130 mm en 24 h, le 2 décembre. Il s’ensuivit une crue très rapide et très violente. Le niveau de la retenue qui était à une dizaine de mètres sous la crête du barrage monta alors très rapidement – 4 m en 24 h ; sur le versant gauche, il se produisit des suintements à l’aval de l’ouvrage, qui devenaient de véritables sources à mesure que l’eau montait. On n’ouvrit la vanne de vidange que le 2 décembre à 18 h, alors que l’eau était prête à déborder, très au-dessus du niveau de service et même de celui de sécurité du barrage ; l’effet de cette ouverture tardive sur la montée de l’eau fut insignifiant. Le barrage explosa littéralement à 21 h 13, libérant 50 Mm3 d’eau en quelques heures ; une onde de 50 m de haut déferla à 70 km/h dans la plaine côtière de l'Argens et dans les quartiers ouest de Fréjus qu’elle atteignit en moins de vingt minutes, ne laissant aucune possibilité de fuite aux occupants de la zone balayée par l’eau ; elle fit 423 victimes et des dégâts matériels considérables, routes, voies ferrées, fermes, immeubles… détruits.

La crue, cause naturelle de la rupture, eut pour effet la montée incontrôlable du niveau de la retenue entraînant des fuites d’eau sous l’ouvrage qui ont provoqué le claquage des failles en dièdre du versant gauche, puis le déblayage de ce coin de gneiss et l'explosion du barrage. Les causes humaines étaient le mauvais choix d’implantation et de type de l'ouvrage, l’absence d’étude et de contrôle géotechniques sérieux, le manque de rigueur dans le contrôle du premier remplissage, l’ouverture trop tardive de la vanne de vidange...

Le site des Ruines (14-07-2006).

Le « Risque des Ruines de Séchilienne » qui défraye la chronique locale, nationale et même internationale depuis plus de trente ans, est un exemple équivoque d’étude et de gestion pluridisciplinaires d’un éventuel événement naturel dangereux paroxystique, spécifique, rare, irrépressible, de très courte durée, mal défini, ni déterministe, ni probabiliste et donc imprévisible, dont la réalisation pourrait être susceptible de provoquer une catastrophe majeure.

À l'extrémité sud-ouest du massif de Belledonne, un mouvement de terrain complexe affecte les Ruines, un couloir transversal du versant nord de la basse vallée de la Romanche entre Séchilienne et Le-Péage-de-Vizille (Isère). D'un abrupt rocheux à mi-pente se détachent couramment des pierres et de temps en temps, de gros blocs rocheux qui parfois dévalent jusqu’au pied et obstruaient plus ou moins l’ancienne RN 91, sans n’avoir jamais provoqué de grave accident.

Ce phénomène naturel était considéré comme analogue à beaucoup d’autres dans les vallées alpines ; le risque induit était connu des habitants et la gestion de ses occurrences était assurée à la demande par les services publics compétents. Mais vers le milieu des années 1980, l’éventualité jamais attestée dans ce site d’un mouvement de terrain exceptionnel et de ses effets catastrophiques a été évoquée ; il s'en est suivi l’annonce d’un risque majeur incertain pesant sur une grande partie de la vallée ; pourtant, ce risque ne se rapporte à aucun événement connu dans ce site ; c’est une entité virtuelle fondée sur des craintes et des opinions, sans base historique ni géologique.

Cette alerte a ouvert de multiples actions scientifiques, techniques, administratives, législatives, politiques, sociales, économiques, médiatiques... parallèles, pas toujours coordonnées et souvent polémiques ; elles ont suscité d’innombrables enquêtes, expertises, discussions, réunions, rapports, publications... de tous ordres et de toutes natures ; l’estimation de la dangerosité de l’événement et de la réalisation du risque a progressivement diminué, mais les habitants de l’Île-Falcon, écart de Saint-Bartélémy-de-Séchilienne, ont été expropriés pour cause d’utilité publique en application de la loi Barnier quand la sécurité des personnes est en jeu à très court terme, ce qui n’était pas le cas.

Trente ans après le début de l'alerte, aucun événement naturel catastrophique ni même dommageable ne s’est produit dans le site des Ruines, mais l'alerte initiale n'est pas levée et ne le sera sans doute pas avant longtemps. Ainsi, ce site pourrait être un « Désert des Tartares » où l'on attend à terme inconnu une catastrophe « naturelle » indéterminée ; entre-temps, l’expropriation de l’Île-Falcon est la seule et bien réelle catastrophe socio-économique qu’ont subi les habitants et la commune de Saint-Bartélémy-de-Séchilienne.

À suivre...

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Marcel Roubault - Peut-on prévoir les catastrophes naturelles ? (1970)- PUF, Paris. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Bolt et autres - Geological Hazards (1975) - Springer Verlag, NY. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Booth B. et Fitch F. - La Terre en colère - les cataclysmes naturels (1980) - Seuil, Paris. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Pierre Paney – Les catastrophes climatiques (1994)- Que sais-je (PUF), Paris.
  • Bourrelier P.-H. et autres - La prévention des risques naturels (1997) –La Documentation française, Paris. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • François Ramade - Des catastrophes naturelles? (2006) - Dunod, Paris. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Pierre Martin - Ces risques que l'on dit naturels (2e édition 2007) - Eyrolles, Paris. Document utilisé pour la rédaction de l’article

Articles connexes

Notes et références

  1. Les risques naturels, La Documentation française
  2. Le courrier de l’Unesco – Mai 1976 : « Pour la première fois dans l'Histoire, la Chine a prévu un séisme à heure dite et sauvé les populations »