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La notion d'hyperfonction, due à Mikio Satō[1],[2], généralise celle de distribution (au sens de Schwartz[3]). Les hyperfonctions sur la droite réelle se définissent comme des « valeurs au bord » sur l'axe réel de fonctions holomorphes; elles permettent de trouver des solutions non triviales à des équations différentielles linéaires dont la seule solution est nulle dans l'espace des distributions. L'espace des hyperfonctions est donc « plus gros » que celui des distributions; alors qu'une distribution est « localement d'ordre fini », une hyperfonction peut être « localement d'ordre infini » car elle est « localement » une fonctionnelle analytique (i.e., une forme linéaire continue sur un espace de fonctions analytiques). Un autre avantage est que le faisceau des hyperfonctions est « flasque » (c'est-à-dire que le morphisme de restriction d'un ouvert à un ouvert plus petit est surjectif), propriété qui n'est pas partagée par le faisceau des distributions. Enfin, les hyperfonctions sont des classes de cohomologie à coefficients dans le faisceau des fonctions analytiques; une telle interprétation cohomologique est tout à fait étrangère à la théorie des distributions, et elle explique que les hyperfonctions se prêtent mieux que les distributions à un traitement algébrique des équations différentielles et des équations aux dérivées partielles (« analyse algébrique (en) »[4],[5]). A la suite des travaux de Satō, la théorie des hyperfonctions a été développée par plusieurs mathématiciens, parmi lesquels Kashiwara, Komatsu[4] ,[6],[7], Martineau[8] et Schapira[9]. Elle a donné lieu à plusieurs ouvrages didactiques développant des points de vue différents[10] ,[11],[12]. Le présent article reprend dans ses grandes lignes, avec quelques compléments, la présentation d'un ouvrage qui expose, entre autres, l'application des hyperfonctions à la théorie des systèmes linéaires (au sens de l'automatique)[13].

Hyperfonctions dans un ouvert de la droite réelle

Définition d'une hyperfonction

Soit un ouvert de la droite réelle. Un voisinage complexe de se définit comme étant un ouvert U du plan complexe qui est relativement fermé dans , c'est-à-dire dont l'intersection avec l'axe réel est . Le sous-ensemble du plan complexe est ouvert.

On note (resp. ) la -algèbre des fonctions à valeurs complexes, analytiques dans U (resp. ). Puisque (avec une notation évidente), on peut former le quotient

On montre grâce à un théorème dû à Mittag-Leffler que ne dépend que de et non du voisinage complexe U considéré, ce qui justifie la notation. On peut donc aussi écrire

est le système inductif des voisinages complexes de ordonnés par l'inclusion.

Définition —  L'espace des hyperfonctions dans est .

L'espace est égal à , i.e. au premier groupe de cohomologie de U modulo et coefficients dans le faisceau (il s'agit de « cohomologie relative (en) », développée par Satō[2] et, indépendamment, Grothendieck[14]).


Soit . Puisque , cette fonction analytique ci-dessus peut s'écrire de manière unique sous la forme . Son image canonique dans l'espace quotient (i.e. l'hyperfonction définie par cette fonction analytique) est notée . En tirant parti de la seconde expression ci-dessus de , en tant que limite inductive, on écrit pour tout

.

On appelle une fonction de définition de . On a (par définition) si (et seulement si) . Les valeurs aux bords de la fonction holomorphe sont

et

et (on notera que et appartiennent toutes deux à ).

Opérations sur les hyperfonctions

Multiplication par une fonction analytique

Soit . Il existe un voisinage complexe U de tel que f se prolonge sur U[15]; soit un tel prolongement. On définit alors le produit

,

ce qui confère à une structure de -module.


Plongement de l'espace des fonctions analytiques dans l'espace des hyperfonctions

Soit et son prolongement à un voisinage complexe de . Considérons l'hyperfonction . L'application est bien définie et injective de dans , ce qui permet de plonger le premier espace dans le second.

Dérivation

La dérivée se définit par la relation

.

Plus généralement, soit un opérateur différentiel à coefficients analytiques. On définit

.

Ceci est encore possible si est un opérateur d'ordre infini, c'est-à-dire si l'on remplace ci-dessus n par , sous réserve que la série converge dans l'espace de Fréchet (muni de la topologie de la convergence uniforme sur tout compact). Un tel opérateur n'aurait bien entendu aucun sens appliqué à une distribution.

Restriction et support d'une hyperfonction

Soit un ouvert de la droite réelle, , et un ouvert de la droite réelle inclus dans . On définit la restriction de à par la relation . On a les deux résultats suivants[1]:

Théorème —  Le morphisme de restriction est surjectif, autrement dit le faisceau des hyperfonctions sur la droite réelle est flasque.

Théorème et définition — Il existe un plus grand ouvert tel que . Le sous-ensemble , relativement fermé dans , est déterminé de manière unique est est appelé le support de .

Exemples d'hyperfonctions

Hyperfonction de Dirac et ses dérivées

Soit un intervalle ouvert de la droite réelle contenant 0 et considérons l'hyperfonction

.

Soit et U un voisinage complexe simplement connexe de , suffisamment petit pour que admette un prolongement à U, prolongement que nous noterons de nouveau pour ne pas compliquer les écritures. Nous supposerons de plus que U a un bord qui, orienté de manière canonique, est un lacet continûment dérivable (nous dirons alors que le bord est régulier; par extension, dans la suite, un bord régulier pourra être la réunion de bords réguliers au sens restreint qui vient d'être défini si ces bords sont deux à deux disjoints). L'hyperfonction agit comme suit sur :

.

Le théorème intégral de Cauchy entraîne que , ce qui correspond bien à la « fonction généralisée » de Dirac représentant la masse +1 au point 0.

La dérivée d'ordre n de est donnée par

Soit une fonction analytique définie comme ci-dessus. Le théorème intégral de Cauchy entraîne , formule analogue à celle que l'on obtient avec la dérivée d'ordre n de la distribution de Dirac.

On notera que l'hyperfonction de Dirac et toutes ses dérivées ont pour support .

Hyperfonction de Heaviside

L'hyperfonction de Heaviside est définie par

est la détermination principale du logarithme, et on vérifie immédiatement que sa dérivée est égale à l'hyperfonction de Dirac

Une hyperfonction d'ordre infini

D'après ce qui précède, on a si , cette hyperfonction étant nulle pour . On a d'autre part , par conséquent

qui est une hyperfonction de support . Cette hyperfonction étant d'ordre infini, elle ne peut pas être identifiée à une distribution (qui est toujours localement d'ordre fini), ce qui est dû au fait que 0 est un point singulier essentiel de la fonction de définition.

Hyperfonctions à support compact

Définition

Soit un ouvert de la droite réelle et K un sous-ensemble compact de . Soit l'espace des germes de fonctions analytiques définies dans un voisinage (ouvert) complexe de K, à savoir la limite inductive

Soit également l'espace des hyperfonctions sur à support inclus dans K. L'espace des formes linéaires continues sur est un espace de Fréchet-Schwartz, et il en va de même de . Il résulte d'un théorème dû à Köthe[16] que les deux espaces et sont algébriquement et topologiquement isomorphes, et peuvent donc être identifiés.

Plus précisément, soit , et U un voisinage complexe de K, inclus dans et de bord régulier. Le crochet de dualité est défini par

.

L'espace des hyperfonctions à support compact a donc une « bonne structure » d'espace vectoriel topologique, ce qui n'est pas le cas de l'espace des hyperfonctions à support non nécessairement compact, sur lequel aucune structure topologique ne peut être définie de façon raisonnable.

Convolution

Soit , , , et

.

U est un voisinage complexe suffisamment petit de . Alors et on peut donc définir l'hyperfonction

appelée le produit de convolution des deux hyperfonctions à support compact et .

Hyperfonction définie par une distribution à support compact

Soit un ouvert de la droite réelle, K un sous-ensemble compact de et T une distribution à support inclus dans K. Soit d'autre part un voisinage complexe de K à bord régulier et pour

(où, pour simplifier l'écriture, on a noté T comme une mesure). Alors est l'hyperfonction définie par la distribution T. Le support de cette hyperfonction est identique à celui de T et l'application , ce qui permet de plonger l'espace des distributions à support compact dans l'espace des hyperfonctions à support compact.

A titre d'exemple, on vérifie immédiatement que est bien l'hyperfonction de Dirac définie plus haut.

Plongement de l'espace des distributions dans l'espace des hyperfonctions

Principe général

Toute hyperfonction dans un ouvert de la droite réelle peut s'écrire comme une somme infinie, mais localement finie, d'hyperfonctions dans à support compact[1]. Il en va de même pour une distribution[3]. Grâce à la construction précédente, on peut donc plonger l'espace des distributions dans , dans l'espace des hyperfonctions dans . Ce plongement conserve le support.

Exemple

Considérons le peigne de Dirac Ш est la distribution de Dirac représentant la masse +1 au point n. Il s'agit d'une distribution tempérée, de support non compact. On lui associe canoniquement l'« hyperfonction peigne de Dirac »

Ш.

Hyperfonctions de Laplace

L'espace des hyperfonctions de Laplace à support limité à gauche se définit par

où, lorsque est un ouvert du plan complexe réunion de secteurs fermés de la forme , désigne les fonctions holomorphes de type exponentiel dans [7],[17], c'est-à-dire les fonctions holomorphes qui satisfont à une relation telle que

pour chaque secteur fermé .

On peut définir la transformée de Laplace d'une hyperfonction de Laplace à support limité à gauche , et la transformation de Laplace est injective. Considérons, pour simplifier, une hyperfonction T à support compact (ce qui implique qu'elle est une hyperfonction de Laplace); sa transformée de Laplace est alors la fonction entière définie par la relation

. Par exemple, et en posant ,

(voir un autre exemple dans Transformées de Laplace des hyperfonctions).

Hyperfonctions et équations différentielles

Classification des opérateurs différentiels

Soit un opérateur différentiel à coefficients analytiques dans un intervalle de la droite réelle, où .

Les points x qui sont des zéros de sont appelés les points singuliers de l'opérateur . Supposons que x soit un point singulier et notons l'ordre de multiplicité de ce zéro. Considérons le polygone de Newton au point x, à savoir le plus haut polyèdre convexe situé au-dessous des points , et notons sa plus grande pente . (De nombreux auteurs, se ramenant au cas où le point singulier est l'origine, prennent comme nouvelle dérivation au lieu de [18],[19], ce qui conduit bien entendu à modifier le polygone de Newton</math>.) Le point singulier x est dit régulier-singulier si et irrégulier-singulier si .

Les théorèmes de Satō et de Komatsu

Théorème de Satō[1] —  L'opérateur est surjectif de dans . (Pour être plus explicite, une hyperfonction étant donnée, l'équation admet toujours une solution dans .)

Komatsu la montré ce qui suit:

Théorème de Komatsu[4],[6] — 

(1) .
(2) Les conditions suivantes sont équivalentes:
(a) n'a pas de point singulier;
(b) ;
(c) implique .
(3) Les conditions suivantes sont équivalentes:
(d) Tous les points singuliers de sont singuliers-réguliers;
(e) ;
(f) implique .

Exemple

Considérons l'équation différentielle

.

Le seul point singulier est 0. En traçant le polygone de Newton, on obtient , donc 0 est irrégulier-singulier. La partie (1) du théorème de Komatsu implique que . La solution classique est la fonction indéfiniment dérivable prolongée par continuité en 0. Les deux autres solutions linéairement indépendantes sont les hyperfonctions et : la première est un prolongement de la solution sur (aucune distribution n'est un tel prolongement), la seconde est supportée par l'origine (de même, aucune distribution supportée par l'origine n'est solution).

Généralisations

Hyperfonctions à plusieurs variables

Soit un ouvert de et U un voisinage complexe de , c'est-à-dire un ouvert de dans lequel est relativement fermé. Satō[2] a défini l'espace des hyperfonctions dans par la relation

,

à savoir le n-ième groupe de cohomologie de U modulo et coefficients dans le faisceau , les groupes de cohomologie étant nuls pour . Il en découle que le faisceau des hyperfonctions est flasque. On définit le support d'une hyperfonction comme dans le cas d'une seule variable, et Martineau[8] a montré l'isomorphisme pour l'espace des hyperfonctions à support inclus dans le compact . En définissant l'espace des fonctionnelles analytiques comme étant l'espace des sommes localement finies de fonctionnelles analytiques à support compact, Martineau a donc obtenu l'isomorphisme , et a identifié ces deux espaces. Ceci s'étend, mutatis mutandis, au cas où est une variété analytique réelle de dimension n dénombrable à l'infini et où U est un complexifié de . Comme dans le cas d'une seule variable, le résultat de Martineau permet de plonger dans l'espace des distributions , et ce plongement conserve le support. Schapira[9] a donné la définition équivalente:

lorsque est un ouvert borné de .

Hyperfonctions à valeurs vectorielles

L'extension de la théorie au cas d'hyperfonctions à valeurs dans est triviale, mais on peut également définir et étudier des hyperfonctions à valeurs dans un espace de Fréchet complexe[20].

Notes et références

Notes

Références

  • Henri Bourlès et Bogdan Marinescu, Linear Time-Varying Systems: Algebraic-Analytic Approach, Springer, , 638 p. (ISBN 3642197264)
  • (en) Paulo D. Cordaro et François Treves, Hyperfunctions on hypo-analytic manifolds, Princeton Univ. Press, (ISBN 069192992-X[à vérifier : ISBN invalide])
  • Jean Dieudonné, Éléments d'analyse, vol. 1, Gauthier-Villars, (ISBN 2040104100)
  • (en) Robin Hartshorne, Local Cohomology: A Seminar Given by A. Grothendieck, Harvard University, Fall, 1961, Springer, (ISBN 9783540039129, lire en ligne)
  • (en) Lars Hörmander, The Analysis of Linear Partial Differential Operators I, Springer, (ISBN 14310821[à vérifier : ISBN invalide])
  • (en) Masaki Kashiwara, Takahiro Kawai et Tatsuo Kimura, Fundations of Algebraic Analysis, Princeton University Press, (ISBN 0691084130)
  • (en) Hikosaburo Komatsu (edt.), Hyperfunctions and Pseudo-Differential Equations, Springer Verlag, (ISBN 3540062181)
  • (en) Hikosaburo Komatsu, « On the index of ordinary differential operators », J. Fac. Sci. Univ. Tokyo, Sect. IA, Math., vol. 18,‎ , p. 379-398
  • (en) Hikosaburo Komatsu, « Laplace transforms of hyperfunctions -A new foundation of the Heaviside calculus- », J. Fac. Sci. Univ. Tokyo, Sect. IA, Math., vol. 34,‎ , p. 805-820
  • (de) Gottfried Köthe, « Dualität in Functiontheorie », J. Reine Angew. Math, vol. 191,‎ , p. 30-49 (lire en ligne)
  • (en) Patrick D. F. Ion, « Theory of Vector-Valued Hyperfunctions », Pub. RIMS, Kyoto Univ., vol. 11,‎ , p. 1-10
  • Philippe Maisonobe et Claude Sabbah, D-modules cohérents et holomomes, Hermann, (ISBN 270566212X)
  • (de) André Martineau, « Les hyperfonctions de M. Sato », Séminaire Bourbaki,‎ 1960-1961, p. 127-139 (lire en ligne)
  • (en) Mitsuo Morimoto, An Introduction to Sato's Hyperfunctions, American Mathematical Society, (ISBN 0821845713)
  • (en) Marius Van der Put et Michael F. Singer, Galois Theory of Linear Differential Equations, Springer, (ISBN 3540442286)
  • (en) Mikio Satō, « Theory of Hyperfunctions, I », J. Fac. Sci. Tokyo, vol. 1(8),‎ 1959-1960a, p. 139-193 (lire en ligne)
  • (en) Mikio Satō, « Theory of Hyperfunctions, II », J. Fac. Sci. Tokyo, vol. 1(8),‎ 1959-1960b, p. 387-437 (lire en ligne)
  • Pierre Schapira, Théorie des hyperfonctions, Springer-Verlag, (ISBN 3540049150)
  • Laurent Schwartz, Théorie des distributions (3ème éd.), Hermann, (ISBN 2705655514)
  • (en) Bogoljub Stankovic, « Laplace transform of Laplace Hyperfunctions and Its Applications », Novi Sad J. Math, vol. 31(1),‎ , p. 9-17 (lire en ligne)

Voir aussi