Réinformation

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La réinformation, utilisée le plus souvent par l'extrême droite (principalement sur Internet) depuis la fin des années 1990, est une alternative aux médias de masse ; son but est de diffuser les idées d'extrême droite tout en discréditant les médias, parfois en se livrant à la désinformation ou au conspirationnisme.

Historique[modifier | modifier le code]

Le terme de « réinformation » apparaît en sous la plume de Bruno Mégret, qui, dans le cadre d'un colloque du conseil scientifique du Front national sur l'information, appelle alors de ses vœux « une réinformation qui gomme le stigmate des années de désinformation subies »[1],[2].

Ce concept est théorisé au début des années 2000 par la personnalité d'extrême droite Henry de Lesquen, « raciste assumé » qui maîtrise les codes d'internet. Pour diffuser leurs idées (rétablissement de la peine de mort, antiféminisme ou réémigration des « congoïdes »), Lesquen et ses partisans reprennent les méthodes des forums 18-25 ans de Jeuxvideo.com, dont proviennent ses community managers selon Tristan Mendès France, spécialiste du numérique[3],[4]. Nouveau président de Radio Courtoisie, Henry de Lesquen crée en 2007 un « bulletin de réinformation », dont il confie la direction à Jean-Yves Le Gallou[3],[4]. Celui-ci le dirigera jusqu'à sa brouille avec Lesquen, en 2016[5]. C'est à partir de là que le concept de réinformation se popularise à droite.

Le terme de « réinformation » est, par la suite, décliné sur Internet par des sites d'extrême droite[6],[7] ou conspirationnistes[8],[9], qui se baptisent « réinfosphère »[10].

Analyse[modifier | modifier le code]

Selon Le Monde, « réinformation » est « une formule forgée par l’extrême droite pour définir des médias militants de la fachosphère »[11], définie comme « une nébuleuse de sites, de comptes sur les réseaux sociaux, visant à diffuser de la « réinformation », en clair de la propagande allant dans le sens des militants qui les animent. »[12].

Selon Guilhem Fouetillou, cofondateur de Linkfluence, les sites de « ré-information » de la « fachosphère », avec les sites « d'alter-info », « qui réécrivent l'histoire », sont une des deux principales communautés poreuses qui constituent la « complots-sphère »[9].

Selon L'Express, pour l'ultra droite, « sur les sites Internet qualifiés par leurs créateurs de "réinformation", les querelles de chapelle s'estompent grâce à des articles ciblant les ennemis communs que sont les ministres Manuel Valls et Najat Vallaud-Belkacem, la journaliste Caroline Fourest ou les Femen. Nouvelles de France, Le Salon beige, le Panier à salades, le Rouge et le Noir, Agence Info libre, TV Libertés : la liste n'a pas de fin parce qu'il en naît chaque mois. » Leurs audiences cumulées rivalisent avec certains médias « dominants » et Boulevard Voltaire est l'un des plus influents[13]. Ces sites ont répandu des expressions comme celle du grand remplacement.

Le site Égalité et Réconciliation d'Alain Soral est le plus lu et a une audience plus grande que celle d'Atlantico mais est encore loin de celle des médias comme Le Figaro, Le Monde ou L'Express auxquels ces sites (selon Adrien Sénécat de L'Express[14]) vouent une « haine féroce », les qualifiant parfois de « "merdia", bien pensant, politiquement corrects. »[15]. Selon Samuel Laurent et Michaël Szadkowski du Monde, les sites de droite ou d’extrême droite penseraient qu'il existe « un pacte secret » entre les médias et le pouvoir politique qui s'est amplifié avec l'opposition au mariage homosexuel en France[16].

Selon France Inter, « sous couvert de “ré-information”, on a une presse d’opinion, d’extrême droite, qui sape la légitimité des médias et prospère sur Internet. »[17]. Pour Tristan Mendès France, enseignant en cultures numériques à l'université Sorbonne-Nouvelle, ces critiques essayent de « discréditer les journalistes en optant pour un discours de l'alternative, ils s'assurent les faveurs d'un public déçu ou méfiant des médias traditionnels ». Pour Dominique Albertini, auteur de l'ouvrage La Fachosphère, « la "réinformation" est avant tout un concept marketing car la plupart de ces médias sont des médias d'opinion. »[18]. Pour Jean-Marie Charon, sociologue des médias, « de l'avènement de la télévision jusque dans les années 1990, les courants minoritaires dont l'extrême droite n'ont plus eu accès à la télé officielle », ils ont « profité de l'essor du numérique pour lancer leur propre plateforme d'information »[18].

Manifestations et tribunes[modifier | modifier le code]

Polémia[modifier | modifier le code]

En 2002, sous l'égide de l'Association pour la Fondation Polémia pour l'identité, la sécurité et les libertés européennes[19], une Fondation Polémia est créée par Jean-Yves Le Gallou, accompagné de Xavier Caïtucoli, Grégoire Dupont-Tingaud, Anne Dufresne, Jacques Gévaudan, Jean-François Legros, Yves Peuterey, Philippe Schleiter et Jean Vidar[20],[21]. Ce think tank identitaire, présidé par Jean-Yves Le Gallou et principalement actif sur Internet, organise chaque année à Paris les Bobards d'or et le Forum de la dissidence[22].

En 2010, Jean-Yves Le Gallou fait paraître sous l'égide de Polémia un Dictionnaire de réinformation, présenté comme contenant « cinq cents mots pour la dissidence »[23]. Jean-Yves Le Gallou lance également avec Claude Chollet l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique en 2012 (devenu « Observatoire du journalisme » en 2017), considéré comme « un Acrimed d'extrême droite »[24].

En 2016, Dominique Albertini et David Doucet notent que le site polemia.com reste peu fréquenté ; le meilleur succès de la fondation sur internet est une vidéo intitulée « Être français », qui dépasse le million de vues[25]. Des sites de « réinformation » participent à la cérémonie des Bobards d'or, organisée par Polémia.

TV Libertés[modifier | modifier le code]

En 2014, le rapport de l'enquête administrative relative à la mort de Rémi Fraisse cite Pierre-Alexandre Bouclay, collaborateur de plusieurs organes de « réinformation », dont TV Libertés[26],[27],[28], et ancien rédacteur de la revue négationniste[29] L'Autre Histoire[30].[pertinence contestée]

Autres[modifier | modifier le code]

Se revendiquent également de la « réinformation » :

Notes et références[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Albertini et Doucet 2016, p. 198.
  2. Christiane Chombeau, « Le Front national veut « développer une culture de résistance » », sur lemonde.fr, .
  3. a et b Xavier Ridel, « Comment Henry de Lesquen est devenu l’emblème des jeunes d’extrême droite sur internet ? », sur lesinrocks.com, .
  4. a et b Clara Schmelk, « Plongée en fachosphère », Médium, vol. 3, nos 52-53,‎ , p. 199-212 (DOI 10.3917/mediu.052.0199).
  5. Louis Hausalter, « À Radio Courtoisie, de très mauvaises ondes », Marianne, no 1019,‎ , p. 22-23.
  6. « Voyage au cœur de la “Fachosphère” », compte rendu par Olivier Faye du livre La Fachosphère. Comment l’extrême droite remporte la bataille du Net de Dominique Albertini et David Doucet, sur lemonde.fr du 21 septembre 2016.
  7. « “Réinformation” et désinformation : l’extrême droite des médias en ligne » sur acrimed.org.
  8. « Conspi-hunter ou Les traqueurs de complot », France Inter, 5 février 2016.
  9. a et b « Charlie Hebdo : qui sont ces sites qui vous parlent de complot ? », L'Obs, 1/1/2016.
  10. Brelet 2016.
  11. Les forums de Jeuxvideo.com, fers de lance de la campagne de Marine Le Pen ?, Le Monde, 2/4/2017.
  12. a b c et d Samuel Laurent, « Nordactu, Breizh Info, Info-Bordeaux... Les vrais faux sites d’infos locales des militants identitaires », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  13. « Le plan secret de l'ultra droite », L'Express.
  14. Adrien Sénécat, « Wikistrike, Quenelle+, Libertés TV : dans la nébuleuse des sites de « vraie information », sur lexpress.fr, L'Express, .
  15. « Réfugiés : la guerre de l'info de la "fachosphère" », RTBF, 10 septembre 2015.
  16. Michaël Szadkowski et Samuel Laurent, « Sur le Web, le "Hollande bashing" se radicalise », Le Monde, .
  17. « Comment les sites internet d'extrême droite discréditent le travail des médias », France Inter, 7 février 2017.
  18. a et b AFP, « Ces médias à la droite de la droite qui veulent "réinformer" les Français », sur lepoint.fr, .
  19. Laurent de Boissieu, « Fondation Polémia (POLEMIA) », sur france-politique.fr, .
  20. Laurent de Boissieu, Mouvement national républicain (MNR), France politique, .
  21. Renaud Dély, « Le Gallou crie au combat « identitaire » », Libération, (consulté le ).
  22. C. Mt, « Pourquoi Libé ne parle pas des « Bobards d'or » ? Existe-t-il un filtre sur « l'intérêt » de l'info ? », Libération, (consulté le ).
  23. BNF 42154891.
  24. Abel Mestre et Caroline Monnot, , « Jean-Yves Le Gallou lance un Acrimed d’extrême droite », .
  25. Albertini et Doucet 2016, p. 215.
  26. a et b Sénécat 2014.
  27. Olivier Faye, Abel Mestre et Caroline Monnot, « Jean-Yves Le Gallou lance un Acrimed d'extrême droite », Le Monde, (consulté le ).
  28. David Perrotin, « Sivens : la gendarmerie s’appuie sur la fachosphère », sur nouvelobs.com, .
  29. Bruno Villalba et Xavier Vandendriessche (dir.), Le Front national au regard du droit, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Sciences politiques », (ISBN 2-85939-696-9), p. 74.
  30. Jérôme Bourbon, « Radio Courtoisie : Henry de Lesquen éjecté de la présidence ! », Rivarol,‎ , p. 2.
  31. (en) Anton Shekhovtsov, « Pro-Kremlin "Re-Information" Efforts: Structural Relations Between The Russian Media And The European Far Right » (version du sur Internet Archive).
  32. Kucinskas 2017.
  33. a b c d et e Blanc 2015.
  34. Jérôme Colombain (préf. Jean-Gabriel Ganascia), Faut-il quitter les réseaux sociaux ? : les cinq fléaux qui rongent Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat et YouTube, Dunod, , 222 p. (ISBN 978-2-10-079545-1, lire en ligne), « Les infox : les infox idéologiques ».
  35. Charline Blanchard, « Le Hellfest, aimable festival de metal ou suppôt de Satan ? », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  36. « Le "nouveau FN" de Marine Le Pen », Le Monde, (consulté le ).
  37. Olivier Faye, « La France libre : quand un cadre de LR anime une télé de « réinformation » », Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  38. https://www.cairn.info/revue-reseaux-2017-2-p-241.htm.
  39. Christophe Ungar et Uli Windisch, « Réchauffement climatique. La vérité est ailleurs… selon les Observateurs », sur www.science-journalism.ch, Association suisse du journalisme scientifique, (consulté le ).
  40. Bertheloot et Luyssen 2018.
  41. a et b Thierry Noisette, « Faux sites d’info locale, vrais webs d’extrême droite », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  42. a et b Romain Herreros, « En meeting à Bordeaux, Marine Le Pen peut compter sur le soutien d'un média local très spécial », sur huffingtonpost.fr, .
  43. D'Angelo et Molard 2015.
  44. Par Nord Littoral, « Enseignante à Calais, elle dit tolérer les nazis (vidéo) », sur Nord Littoral, (consulté le ).
  45. « Calais: une ex-candidate de Civitas se dit "tolérante" avec les "nazis" », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  46. Albertini et Doucet 2016, p. 224.
  47. BNF 45201660.
  48. William Audureau, « Les inquiétants symptômes de RéinfoCovid », .
  49. Albertini et Doucet 2016, p. 227.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]