Office des Ténèbres

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Chandelier triangulaire supportant quinze cierges, qui pour l'office de Ténèbres, devaient être de cire jaune.

L'Office des Ténèbres, ou Tenebrae en latin, est le nom donné dans le rite romain, avant la réforme de Pie XII en 1955, aux matines et aux laudes des trois derniers jours de la Semaine sainte (jeudi, vendredi, samedi), qui selon la coutume de cette période, étaient anticipées le soir précédent. L'office devait « commencer de manière à finir après le coucher du soleil[1]», d'où le nom de « Ténèbres ».

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Ces offices revêtent un caractère de deuil, de tristesse et de douleur. Toutes les parties ordinaires des matines sont omises (invitatoire, Gloria Patri à la fin des psaumes, hymne, capitule, bénédiction, etc.).

Le choix des psaumes met sous les yeux les douleurs de la Passion de Jésus-Christ, le Jeudi saint, au Jardin des Oliviers; le Vendredi saint, devant les tribunaux et au Calvaire; le Samedi saint, au Sépulcre.

Les leçons du 1er nocturne sont tirées des Lamentations de Jérémie où le prophète pleure la ruine et la destruction de Jérusalem et de son temple.

Pendant le chant des psaumes et du cantique, on éteint progressivement 14 des 15 cierges placés dans un chandelier triangulaire, appelé herse[2], et allumés avant l'office[3]. Après le chant du Benedictus, on prend le quinzième cierge, celui qui est placé au sommet du chandelier, et on le cache derrière l'autel jusqu'à la conclusion de l'office, à moins que l'autel ne soit pas dans l'abside mais versus populum (« face au peuple »), auquel cas on le cache dans une lanterne de bois[4].

À la fin de cet office, le célébrant frappait sur son livre ou sur sa chaise pour donner à l'assemblée le signal de s'en aller. Ce bruit, appelé strepitum, était imité par tout le peuple qui agitait alors les chaises, en commémoration du tremblement de terre qui a accompagné l'obscurité de la Crucifixion d'après l'Évangile selon saint Matthieu[5],[6].

Cet office dure entre une heure trente et deux heures quarante-cinq. Certaines paroisses choisissent alors de ne chanter que le premier nocturne.

Aujourd'hui, cet office est largement tombé en désuétude ; la Liturgie des Heures ne le mentionne même plus. Néanmoins, de nombreuses communautés et paroisses traditionalistes (usant des livres liturgiques de 1962) le maintiennent[7]. De même, cet office continue d'être chanté par certaines abbayes bénédictines (à l'instar de Solesmes), la Communauté Saint-Martin, les Fraternités monastiques de Jérusalem, la Communauté Aïn Karem[8], la Communauté des Béatitudes et dans certains couvents dominicains[9], en langue vernaculaire ou en latin, dans ce cas avec la nouvelle traduction de la Vulgate.

Le Jeudi saint[modifier | modifier le code]

(numérotation des psaumes selon la Vulgate sixto-clémentine)

1er nocturne

  • Psaume 68 (Salvum me fac, Deus) avec son antienne Zelus domus tuæ ; à la fin du psaume, on éteint un des cierges du chandelier triangulaire ;
  • Psaume 69 (Deus, in adjutorium meum intende) avec son antienne Avertantur retrorsum ; à la fin du psaume, on éteint un deuxième cierge du chandelier triangulaire ;
  • Psaume 70 (In te, Domine, speravi) avec son antienne Deus meus, eripe me ; on éteint un troisième cierge ;
  • Versicule Avertantur retrorsum ;
  • Pater noster en silence ;
  • 1re leçon : Commencement des Lamentations du prophète Jérémie (Lm 1, 1-5) (Livre des lamentations) ;
  • 1er répons : In monte Oliveti ;
  • 2e leçon : suite des Lamentations (Lm 1, 6-9) ;
  • 2e répons : Tristis est anima mea ;
  • 3e leçon : suite des Lamentations (Lm 1, 10-14) ;
  • 3e répons : Ecce vidimus eum.

2e nocturne

  • Psaume 71 (Deus, judicium tuum regi da) avec son antienne Liberavit Dominus pauperem ; on éteint un quatrième cierge ;
  • Psaume 72 (Quam bonus Israël Deus) avec son antienne Cogitaverunt impii ; on éteint un cinquième cierge ;
  • Psaume 73 (Ut quid, Deus, repulisti in finem) avec son antienne Exsurge, Domine ; on éteint un sixième cierge ;
  • Versicule Deus meus, eripe me ;
  • Pater noster en silence ;
  • 4e leçon : Tirée des Commentaires de saint Augustin sur le psaume 54 (Ps 54, 1-10 réparti sur les leçons 4 à 6)[10] ;
  • 4e répons : Amicus meus ;
  • 5e leçon : suite des Commentaires (Ps 54) ;
  • 5e répons : Judas mercator ;
  • 6e leçon : suite des Commentaires (Ps 54) ;
  • 6e répons : Unus ex discipulis meis.

3e nocturne

  • Psaume 74 (Confitebimur tibi, Deus) avec son antienne Dixi iniquis ; on éteint un septième cierge ;
  • Psaume 75 (Notus in Judea Deus) avec son antienne Terra tremuit ; on éteint un huitième cierge ;
  • Psaume 76 (Voce mea ad Dominum clamavi) avec son antienne In die tribulationis meæ ; on éteint un neuvième cierge ;
  • Versicule Exsurge, Domine ;
  • Pater noster en silence ;
  • 7e leçon : tirée de la première Épître aux Corinthiens (1 Co 11, 17-22) ;
  • 7e répons : Eram quasi Agnus ;
  • 8e leçon : suite de l'Épître aux Corinthiens (1 Co 11, 23-26) ;
  • 8e répons : Una hora ;
  • 9e leçon : suite de l’Épître aux Corinthiens (1 Co 11, 27-34) ;
  • 9e répons : Seniores populi.

Laudes

  • Psaume 50 (Miserere) avec son antienne Justificeris, Domine ; on éteint un dixième cierge ;
  • Psaume 89 (Domine, refugium factus es nobis) avec son antienne Dominus tamquam ovis ; on éteint un onzième cierge ;
  • Psaume 35 (Dixit injustus) avec son antienne Contritum est cor meum ; on éteint un douzième cierge ;
  • Cantique de Moïse (Exode 15, 1-19) avec son antienne Exhortatus es ; on éteint un treizième cierge ;
  • Psaume 146 (Laudate Dominum quoniam bonus est psalmus) avec son antienne Oblatus est ; on éteint un quatorzième cierge ; seul le cierge central du chandelier triangulaire est encore allumé ;
  • Cantique de Zacharie (Benedictus) avec son antienne Traditor autem ; après chaque paire de versets, on éteint l'un des six cierges de l'autel. Après la répétition de l'antienne, on enlève le cierge supérieur du chandelier triangulaire et on le cache derrière l'autel ;
  • Première partie du graduel Christus factus est, en terminant à «usque ad mortem» ;
  • Pater noster en silence ;
  • Oraison Respice, quæsumus, Domine, super hanc familiam tuam.

Le Vendredi saint[modifier | modifier le code]

1er nocturne

  • Psaume 2 (Quare fremuerunt gentes) avec son antienne Astiterunt reges terræ ; on éteint le premier cierge du chandelier triangulaire, et ainsi de suite, comme au Jeudi saint ;
  • Psaume 21 (Deus, Deus meus, respice in me) avec son antienne Diviserunt sibi ;
  • Psaume 26 (Dominus illuminatio mea) avec son antienne Insurrexerunt in me ;
  • Versicule Diviserunt sibi ;
  • Pater noster en silence ;
  • 1re leçon : tirée des Lamentations du prophète Jérémie (Lm 2, 8-11) ;
  • 1er répons : Omnes amici mei ;
  • 2e leçon : suite des Lamentations (Lm 2, 12-15) ;
  • 2e répons : Velum templi ;
  • 3e leçon : suite des Lamentations (Lm 3, 1-9) ;
  • 3e répons : Vinea mea electa.

2e nocturne

  • Psaume 37 (Domine, ne in furore tuo) avec son antienne Vim faciebant ;
  • Psaume 39 (Expectans expectavi Dominum) avec son antienne Confundantur et revereantur ;
  • Psaume 53 (Deus, in nomine tuo salvum me fac) avec son antienne Alieni insurrexerunt in me ;
  • Versicule Insurrexerunt in me ;
  • Pater noster en silence ;
  • 4e leçon : tirée des Commentaires de saint Augustin sur les psaumes (psaume 63, 2) ;
  • 4e répons : Tamquam ad latronem ;
  • 5e leçon : suite des Commentaires (Ps 63) ;
  • 5e répons : Tenebræ factæ sunt ;
  • 6e leçon : suite des Commentaires (Ps 63) ;
  • 6e répons : Animam meam dilectam.

3e nocturne

  • Psaume 58 (Eripe me de inimicis meis) avec son antienne Ab insurgentibus in me ;
  • Psaume 87 (Domine Deus, salutis meæ) avec son antienne Longe fecisti ;
  • Psaume 93 (Deus ultionum Dominus) avec son antienne Captabunt in animam justi ;
  • Versicule Locuti sunt adversum me ;
  • Pater noster en silence ;
  • 7e leçon : tirée de l'Épître aux Hébreux (He 4, 11-15) ;
  • 7e répons : Tradiderunt me;
  • 8e leçon : suite de l'Épître aux Hébreux (He 4, 16–5, 3) ;
  • 8e répons : Jesum tradidit impius ;
  • 9e leçon : suite de l'Épître aux Hébreux (He 5, 4-10) ;
  • 9e répons : Caligaverunt oculi mei.

Laudes

  • Psaume 50 (Miserere) avec son antienne Proprio Filio suo ;
  • Psaume 142 (Domine, exaudi orationem meam) avec son antienne Anxiatus est in me ;
  • Psaume 84 (Benedixisti, Domine) avec son antienne Ait latro ad latronem ;
  • Cantique d'Habacuc (3, 2-19) avec son antienne Dum conturbata fuerit ;
  • Psaume 147 (Lauda, Jerusalem, Dominum) avec son antienne Memento mei, Domine Deus ;
  • Versicule Collocavit me ;
  • Cantique de Zacharie (Benedictus) avec son antienne Posuerunt super caput ejus ;
  • le graduel Christus factus est, en omettant son verset ;
  • Pater noster en silence ;
  • Oraison Respice, quæsumus, Domine, super hanc familiam tuam.

Le Samedi saint[modifier | modifier le code]

Troisième leçon, Samedi saint, Lamentations du prophète Jérémie 5,1-11, Tonus peregrinus, Chant Grégorien.

1er nocturne

  • Psaume 4 (Cum invocarem) avec son antienne In pace in idipsum ; on éteint le premier cierge du chandelier triangulaire, et ainsi de suite, comme au Jeudi saint ;
  • Psaume 14 (Domine, quis habitabit) avec son antienne Habitabit in tabernaculo tuo ;
  • Psaume 15 (Conserva me, Domine) avec son antienne Caro mea requiescet in spe ;
  • Versicule In pace in idipsum ;
  • Pater noster en silence ;
  • 1re leçon : tirée des Lamentations du prophète Jérémie (Lm 3, 22-30) ;
  • 1er répons : Sicut ovis ;
  • 2e leçon : suite des Lamentations (Lm 4, 1-6) ;
  • 2e répons : Jerusalem, surge ;
  • 3e leçon : Commencement de la prière du prophète Jérémie (Lm 5, 1-11) ;
  • 3e répons : Plange quasi virgo.

2e nocturne

  • Psaume 23 (Domini est terra et plenitudo ejus) avec son antienne Elevamini, portæ eternales ;
  • Psaume 26 (Dominus illuminatio mea) avec son antienne Credo videre bona Domini ;
  • Psaume 29 (Exaltabo te, Domine) avec son antienne Domine, abstraxisti ab inferis animam meam ;
  • Versicule Tu autem, Domine ;
  • Pater noster en silence ;
  • 4e leçon : tirée des Commentaires de saint Augustin sur les psaumes (Ps 63, 7) ;
  • 4e répons : Recessit pastor noster ;
  • 5e leçon : suite des Commentaires (Ps 63) ;
  • 5e répons : O vos omnes ;
  • 6e leçon : suite des Commentaires (Ps 63) ;
  • 6e répons : Ecce quomodo moritur.

3e nocturne

  • Psaume 53 (Deus, in nomine tuo) avec son antienne Deus, adjuvat me ;
  • Psaume 75 (Notus in Judea, Deus) avec son antienne In pace, factus est ;
  • Psaume 87 (Domine, Deus salutis meæ) avec son antienne Factus sum sicut homo sine adjutorio ;
  • Versicule In pace factus est ;
  • Pater noster en silence ;
  • 7e leçon : tirée de l'Épître aux Hébreux (He 9, 11-14) ;
  • 7e répons : Astiterunt reges terræ ;
  • 8e leçon : suite de l'Épître aux Hébreux (He 9, 15-18) ;
  • 8e répons : Æstimatus sum ;
  • 9e leçon : suite de l'Épître aux Hébreux (He 9, 19-22) ;
  • 9e répons : Sepulto Domino.

Laudes

  • Psaume 50 (Miserere) avec son antienne O mors, ero mors tua ;
  • Psaume 91 (Bonum est confiteri Domino) avec son antienne Plangent eum ;
  • Psaume 63 (Exaudi, Deus, orationem meam) avec son antienne Attendite, universi populi ;
  • Cantique d'Ezéchias (Is. 38, 10-20) avec son antienne A porta inferi ;
  • Psaume 150 (Laudate Dominum in sanctis ejus) avec son antienne O vos omnes ;
  • Versicule Caro mea ;
  • Cantique de Zacharie (Benedictus) avec son antienne Mulieres sedentes ad monumentum ;
  • Graduel Christus factus est en entier ;
  • Oraison Concede, quæsumus, omnipotens Deus, ut qui Filii tui resurrectionem.

L'Office des Ténèbres et les musiciens[modifier | modifier le code]

Plusieurs musiciens se sont inspirés de l'office liturgique des Ténèbres pour composer des œuvres originales.

Marc-Antoine Charpentier a écrit plus de cinquante pièces, corpus important qui n'a fait à ce jour l'objet d'aucune étude approfondie. Il a emprunté le texte au Bréviaire en usage et au nouveau Bréviaire mis en place par l'archevêque de Paris, Mgr de Harlay, en 1680. Les textes sont par conséquent différents de celui du Bréviaire de Saint Pie X, dont l'emploi est encore autorisé par Benoît XVI dans Summorum Pontificum (motu proprio) Ces Offices des Ténèbres portent souvent comme nom la veille du jour où ils étaient célébrés (office du mercredi-saint pour jeudi-saint, etc) car ils se déroulaient la veille au soir, et se terminaient après le coucher du soleil.

On possède également des Leçons de Ténèbres de Samuel Capricornus (1628-1665), de Michel Lambert, de Nicolas Bernier, de Jean Gilles, de Joseph Michel, de Alexandre de Villeneuve, de Jean-Baptiste Gouffet, de Michel-Richard de Lalande (1657-1726), de Michel Corette, de Joseph Meunier d'Haudimont, de Charles-Henri de Blainville (1711-1769) et de François Couperin qui a écrit trois Leçons de Ténèbres (1714). Jean-Jacques Rousseau a composé une leçon de ténèbres du mercredi Saint en 1772.

Plus près de nous, Francis Poulenc a écrit en 1961 Sept répons des ténèbres (en) pour soprano solo, chœur et orchestre.

Le groupe franco-autrichien Elend a également composé un cycle de 3 albums sur l'Office des Ténèbres : Leçons de Ténèbres (1994), Les Ténèbres du Dehors (1996), The Umbersun (1998).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Rubriques classiques du Triduum sacrum (avant 1951), 336
  2. CNRTL, « Trésor de la langue française informatisé : Herse », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  3. Michel Lesourd, « Lamentations de Jérémie : L'extinction des cierges » (consulté le )
  4. Rubriques classiques du Triduum sacrum (avant 1951), 335 et 338
  5. Jean-François Brezillac, Dictionnaire ecclésiastique et canonique portatif : Abrégé méthodique de toutes les connaissances nécessaires aux ministres de l'Église et utiles aux fidèles qui veulent s'instruire de toutes les parties de la religion, t. 2, Paris, Dehansy, Musier fils, Durand neveu et Panckoucke, , 686 p. (lire en ligne), p. 624
  6. Michel Lesourd, « Lamentations de Jérémie : Le rituel du bruit à la fin de l'Office » (consulté le )
  7. [1] Ténèbres du samedi saint, chantées à Notre-Dame des Armées
  8. Programme de la Semaine Sainte de la communauté Aïn Karem
  9. [2] Ténèbres du samedi saint, chantées au couvent dominicain de Bordeaux
  10. Dom Gaspar Lefebvre, Missel vespéral romain quotidien, Apostolat liturgique de l'abbaye Saint-André de Bruges et Société liturgique de Tourcoing, , 1760 p.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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