Grand Prix automobile de France 1960

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Grand Prix de France 1960
Tracé de la course
Données de course
Nombre de tours 50
Longueur du circuit 8,302 km
Distance de course 415,100 km
Conditions de course
Météo temps couvert, piste sèche
Affluence environ 60 000 spectateurs
Résultats
Vainqueur Jack Brabham,
Cooper-Climax,
h 57 min 24 s 9
(vitesse moyenne : 212,119 km/h)
Pole position Jack Brabham,
Cooper-Climax,
min 16 s 8
(vitesse moyenne : 218,474 km/h)
Record du tour en course Jack Brabham,
Cooper-Climax,
min 17 s 5
(vitesse moyenne : 217,361 km/h)

Le Grand Prix de France 1960 (XLVIe Grand Prix de l'A.C.F.), disputé sur le circuit de Reims-Gueux le , est la quatre-vingt-dixième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la sixième manche du championnat 1960.

Contexte avant la course[modifier | modifier le code]

Le championnat du monde[modifier | modifier le code]

La saison 1960 de Formule 1 est la dernière courue sous la réglementation à moteur 2500 cm3 atmosphérique ou 750 cm3 suralimenté, en vigueur depuis 1954. L'imposition de l'usage du carburant 'Avgas' et la réduction de la durée des épreuves, dès 1958, ont conduit à une évolution radicale des monoplaces de Grand Prix, la réduction de la taille des réservoirs ayant permis la réalisation de châssis plus compacts ; adepte du moteur central arrière, le constructeur britannique John Cooper démontra rapidement la supériorité de ce concept, dominant la saison 1959 avec ses légères et maniables T51 face aux traditionnelles Ferrari, pourtant bien plus puissantes. Presque tous les constructeurs ont désormais suivi la voie des Cooper, ou sont en passe de le faire.

Champion du monde 1959 à l'issue de la dernière course, l'Australien Jack Brabham fait à nouveau partie des favoris cette saison. Malchanceux lors des premières épreuves, il a remporté coup sur coup les grands prix des Pays-Bas et de Belgique au volant de la nouvelle Cooper T53, revenant à seulement quatre points de son coéquipier Bruce McLaren (vainqueur de l'épreuve d'ouverture en Argentine). Principal rival de Brabham dans la course au titre, Stirling Moss a été victime d'un grave accident à Francorchamps, causé par un bris de suspension de sa Lotus 18 lors des essais du Grand prix ; sérieusement touché aux jambes et à la colonne vertébrale, le champion britannique est écarté des circuits pour plusieurs semaines. Le circuit ardennais a été le théâtre de deux autres accidents dramatiques ce week-end là, fatals aux espoirs britanniques Chris Bristow et Alan Stacey, laissant planer une atmosphère pesante autour de la piste rémoise, également réputée périlleuse.

Le circuit[modifier | modifier le code]

Reims-Gueux
La ligne droite des stands emprunte la route départementale D27, en direction de Gueux.

Le circuit routier de Reims-Gueux n’est utilisé qu’une fois par an, à l’occasion d’un meeting comprenant le Grand Prix de formule 1 et une épreuve de formule Junior, la Coupe de vitesse Junior qui remplace cette année la précédente Coupe internationale de vitesse qui se disputait en formule 2. Depuis 1926, cette piste rivalise avec celle de Spa-Francorchamps pour le titre de piste la plus rapide d'Europe. Comprenant deux longues lignes droites, elle permet des vitesses proches de 300 km/h. Depuis 1959, Stirling Moss y détient le record officiel, ayant accompli un tour à 209,3 km/h de moyenne au cours du Grand Prix, au volant de sa BRM, alors qu’aux essais Tony Brooks avait qualifié sa Ferrari à plus de 214 km/h[1].

Monoplaces en lice[modifier | modifier le code]

  • Cooper T53 "Usine"

Évolution de la T51 championne du monde en 1959 aux mains de Jack Brabham, la T53 s'est d'emblée avérée très compétitive, engrangeant les succès. Brabham, qui a grandement contribué à sa mise au point, s'est imposé à Brands Hatch (lors du Silver City Trophy, hors championnat[2]) avant de remporter les deux derniers grands prix. Utilisant le même moteur Coventry Climax FPF (4 cylindres, 243 chevaux à 6 800 tr/min) que sa devancière, la T53 bénéficie en outre d'une boîte de vitesses à cinq rapports et d'un pont intégré. Pesant 460 kg, cette agile monoplace peut atteindre près de 290 km/h en pointe grâce à l'excellent profilage de sa carrosserie[3]. L'usine a engagé deux voitures, Brabham étant une nouvelle fois épaulé par Bruce McLaren.

  • Cooper T51 privées
Une Cooper-Maserati T51 de la Scuderia Centro-Sud, ici lors d'une manifestation historique.

L'équipe Yeoman Credit d'Alfred Moss a engagé trois T51 de la saison passée (485 kg, moteur Climax FPF de 240 chevaux) pour Olivier Gendebien, Henry Taylor et Bruce Halford. L'équipe Fred Tuck Cars aligne un modèle identique pour Lucien Bianchi. La voiture de Gendebien est équipée d'une boîte de vitesses à cinq rapports, contre quatre pour ses coéquipiers et pour Bianchi[4]. La Scuderia Centro Sud a quant à elle monté des moteurs Maserati (quatre cylindres, 240 chevaux[5]) sur ses trois châssis T51, confiés à Maurice Trintignant, Masten Gregory et Ian Burgess.

  • Cooper Castellotti

Enzo Ferrari a gracieusement fourni des moteurs de Ferrari 555 (quatre cylindres, 250 chevaux à 6500 tr/min[6]) à la Scuderia Castellotti (ainsi nommée en mémoire du pilote disparu trois ans plus tôt), qui les a adaptés, accouplés à une boîte de vitesses Colotti à cinq rapports sur des châssis de Cooper T51. En retour, le Commendatore espère en tirer des enseignements sur la technique du moteur central arrière qu'il compte adopter pour ses futurs modèles. Baptisée Cooper-Castellotti, la T51 à moteur Ferrari aurait dû faire ses débuts à Monaco, mais ni Giorgio Scarlatti ni Gino Munaron le pilote italien ne parvint à qualifier l'unique exemplaire achevé. Pour l'épreuve française, la Scuderia Castellotti a cette fois engagé deux voitures, mais celle de Scarlatti n'étant finalement pas prête seul Munaron est présent[7].

  • Ferrari Dino 246 "Usine"
La Ferrari Dino 246, à moteur avant, est la plus puissante du plateau.

La Scuderia Ferrari aligne la même équipe qu'en Belgique, Phil Hill, Wolfgang von Trips et Willy Mairesse retrouvant leurs Dino 246. Ces monoplaces de 600 kg, de conception classique, sont les plus puissantes du plateau, leur moteur V6 délivrant 290 chevaux[6]. Reims est l'un des rares circuits où leur vitesse de pointe (proche des 300 km/h) peut compenser leur poids élevé et la lourdeur de leur comportement en courbe.

  • BRM P48 "Usine"

Joakim Bonnier, Graham Hill et Dan Gurney pilotent leurs habituelles P48 à moteur quatre cylindres en position centrale arrière. Équipées d'un original système de freinage arrière (un seul disque monté sur l'arbre de transmission), ces voitures de 550 kg disposent de 280 chevaux[8]. Performantes, les BRM connaissent cependant de sérieux problèmes de fiabilité, seul Hill (troisième à Zandvoort) ayant obtenu un résultat probant cette saison.

  • Lotus 18 "Usine"

L'écurie de Colin Chapman a préparé trois Lotus 18 pour Innes Ireland, Jim Clark et Ron Flockhart, ce dernier remplaçant Alan Stacey mortellement accidenté lors du Grand Prix de Belgique. Ces voitures sont les plus compactes et les plus légères (440 kg) du plateau. Elles utilisent le même moteur Climax FPF que les Cooper, également monté en position centrale, mais accouplé à une boîte de vitesses séquentielle à cinq rapports conçue par l'usine[9]. Malgré une hauteur très réduite (67 centimètres hors tout), elles sont un peu moins rapides que les Cooper, mieux profilées[10]. L'écurie privée Robert Bodle Ltd a engagé une ancienne Lotus 16 à moteur avant, confiée à David Piper.

  • Vanwall VW11 "Usine"

L'équipe de Tony Vandervell effectue son retour en championnat avec la nouvelle VW11, évolution de la VW5 alignée hors championnat en début de saison. Le moteur quatre cylindres de 280 chevaux est toujours disposé à l'avant, mais l'adoption d'une boîte de vitesses Colotti très compacte, placée derrière le différentiel, a permis d'abaisser très nettement la hauteur de caisse[11]. Une seule monoplace a été engagée, pour Tony Brooks.

  • Scarab "Usine"

Malgré une finition très soignée, les Scarab F1 n'ont pas répondu aux attentes du pilote constructeur américain Lance Reventlow, ces monoplaces de conception classique souffrant d'un rapport poids/puissance (600 kg pour seulement 235 chevaux) très défavorable. Les premières sorties se sont révélées catastrophiques, tant pour Reventlow que pour son compatriote Chuck Daigh. Reventlow engage à nouveau deux voitures à Reims, cédant toutefois son volant à l'excellent metteur au point Richie Ginther, libéré par Ferrari pour la circonstance[12].

Coureurs inscrits[modifier | modifier le code]

Liste des pilotes inscrits[13]
no  Pilote Écurie Constructeur Modèle Moteur Pneumatiques
2 Phil Hill Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari Dino 246 Ferrari V6 D
4 Wolfgang von Trips Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari Dino 246 Ferrari V6 D
6 Willy Mairesse Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari Dino 246 Ferrari V6 D
8 Joakim Bonnier Owen Racing Organisation BRM BRM P48 BRM L4 D
10 Dan Gurney Owen Racing Organisation BRM BRM P48 BRM L4 D
12 Graham Hill Owen Racing Organisation BRM BRM P48 BRM L4 D
14 Tony Brooks Vandervell Products Vanwall Vanwall VW11 Vanwall L4 D
16 Jack Brabham Cooper Car Company Cooper Cooper T53 Coventry Climax L4 D
18 Bruce McLaren Cooper Car Company Cooper Cooper T53 Coventry Climax L4 D
20 Innes Ireland Team Lotus Lotus Lotus 18 Coventry Climax L4 D
22 Ron Flockhart Team Lotus Lotus Lotus 18 Coventry Climax L4 D
24 Jim Clark Team Lotus Lotus Lotus 18 Coventry Climax L4 D
26 Chuck Daigh Reventlow Automobiles Inc Scarab Scarab F1 Scarab L4 D
28 Richie Ginther Reventlow Automobiles Inc Scarab Scarab F1 Scarab L4 D
30 Gino Munaron Scuderia Castellotti Cooper Cooper-Castellotti T51 Ferrari L4 D
32 Giorgio Scarlatti Scuderia Castellotti Cooper Cooper-Castellotti T51 Ferrari L4 D
34 David Piper Robert Bodle Ltd Lotus Lotus 16 Coventry Climax L4 D
36 Lucien Bianchi Fred Tuck Cars Cooper Cooper T51 Coventry Climax L4 D
38 Maurice Trintignant Scuderia Centro Sud Cooper Cooper T51 Maserati L4 D
40 Masten Gregory Scuderia Centro Sud Cooper Cooper T51 Maserati L4 D
42 Ian Burgess Scuderia Centro Sud Cooper Cooper T51 Maserati L4 D
44 Olivier Gendebien Yeoman Credit Bank Cooper Cooper T51 Coventry Climax L4 D
46 Henry Taylor Yeoman Credit Bank Cooper Cooper T51 Coventry Climax L4 D
48 Bruce Halford Yeoman Credit Bank Cooper Cooper T51 Coventry Climax L4 D

Qualifications[modifier | modifier le code]

Les essais débutent le mercredi et d'emblée Jack Brabham et sa Cooper se placent en haut de la hiérarchie, pulvérisant les temps établis l’année précédente. À aucun moment le champion du monde ne sera menacé pour la pole position, personne n’étant en mesure d’approcher les performances du pilote australien, qui va finalement porter le record officieux de la piste à près de 218,5 km/h de moyenne. Malgré l’excellente vitesse de pointe des Ferrari, Phil Hill (qui sera chronométré à 292 km/h dans la longue ligne droite) va échouer à près d’une seconde et demie de son rival, battant de justesse la BRM de Graham Hill qui complète la première ligne de la grille de départ. Pour son retour en course, et malgré les nombreuses améliorations apportées, la Vanwall a fortement déçu, Tony Brooks se qualifiant en quatorzième position, n’ayant amélioré que d’un dixième de seconde la performance qu’il avait réalisée deux ans auparavant sur une monoplace de la marque[11] ! Malgré la présence de Richie Ginther, les Scarab se sont une nouvelle fois montrées hors du coup, le pilote californien échouant à près de quinze secondes de Brabham avant que le moteur n'explose. Son coéquipier Chuck Daigh va subir le même sort et les deux monoplaces américaines ne pourront participer à la course. Le pilote britannique David Piper a également cassé le moteur de sa Lotus au cours des essais et doit ajourner ses débuts en championnat.

La BRM P48 (vue ici lors d'une course historique) figurera sur la première ligne de la grille de départ grâce à la performance de Graham Hill, troisième à l'issue des qualifications.
Résultats des qualifications
Pos. Pilote Écurie Temps Écart
1 Jack Brabham Cooper-Climax 2 min 16 s 8
2 Phil Hill Ferrari 2 min 18 s 2 + 1 s 4
3 Graham Hill BRM 2 min 18 s 4 + 1 s 6
4 Innes Ireland Lotus-Climax 2 min 18 s 5 + 1 s 7
5 Willy Mairesse Ferrari 2 min 19 s 3 + 2 s 5
6 Wolfgang von Trips Ferrari 2 min 19 s 4 + 2 s 6
7 Dan Gurney BRM 2 min 19 s 4 + 2 s 6
8 Ron Flockhart Lotus-Climax 2 min 19 s 5 + 2 s 7
9 Bruce McLaren Cooper-Climax 2 min 19 s 6 + 2 s 8
10 Joakim Bonnier BRM 2 min 19 s 8 + 3 s 0
11 Olivier Gendebien Cooper-Climax 2 min 20 s 1 + 3 s 3
12 Jim Clark Lotus-Climax 2 min 20 s 3 + 3 s 5
13 Henry Taylor Cooper-Climax 2 min 22 s 8 + 6 s 0
14 Tony Brooks Vanwall 2 min 23 s 3 + 6 s 5
15 Lucien Bianchi Cooper-Climax 2 min 23 s 6 + 6 s 8
16 Bruce Halford Cooper-Climax 2 min 23 s 6 + 6 s 8
17 Masten Gregory Cooper-Maserati 2 min 24 s 3 + 7 s 5
18 Maurice Trintignant Cooper-Maserati 2 min 24 s 7 + 7 s 9
19 Gino Munaron Cooper-Ferrari 2 min 31 s 3 + 14 s 5
20 Richie Ginther Scarab 2 min 31 s 4 + 14 s 6
21 David Piper Lotus-Climax 2 min 32 s 0 + 15 s 2
22 Ian Burgess Cooper-Maserati 2 min 36 s 7 + 19 s 9
23 Chuck Daigh Scarab 2 min 46 s 1 + 29 s 3

Grille de départ du Grand Prix[modifier | modifier le code]

Grille de départ du Grand Prix et résultats des qualifications[14]
1re ligne Pos. 3 Pos. 2 Pos. 1

G. Hill
BRM
2 min 18 s 4

P. Hill
Ferrari
2 min 18 s 2

Brabham
Cooper
2 min 16 s 8
2e ligne Pos. 5 Pos. 4

Mairesse
Ferrari
2 min 19 s 3

Ireland
Lotus
2 min 18 s 5
3e ligne Pos. 8 Pos. 7 Pos. 6

Flockhart
Lotus
2 min 19 s 5

Gurney
BRM
2 min 19 s 4

Trips
Ferrari
2 min 19 s 4
4e ligne Pos. 10 Pos. 9

Bonnier
BRM
2 min 19 s 8

McLaren
Cooper
2 min 19 s 6
5e ligne Pos. 13 Pos. 12 Pos. 11

Taylor
Cooper
2 min 22 s 8

Clark
Lotus
2 min 20 s 3

Gendebien
Cooper
2 min 20 s 0
6e ligne Pos. 15 Pos. 14

Bianchi
Cooper
2 min 23 s 6

Brooks
Vanwall
2 min 23 s 3
7e ligne Pos. 18 Pos. 17 Pos. 16

Trintignant
Cooper
2 min 24 s 7

Gregory
Cooper
2 min 24 s 3

Halford
Cooper
2 min 23 s 6
8e ligne Pos. 20 Pos. 19

Burgess
Cooper
2 min 36 s 7

Munaron
Cooper
2 min 31 s 3

Déroulement de la course[modifier | modifier le code]

Le départ est donné le dimanche après-midi, sous un ciel couvert, devant soixante mille spectateurs[15]. Sur la première ligne de la grille de départ, Graham Hill, ne parvient pas à enclencher sa première vitesse et reste sur place lorsque tous les autres concurrents s'élancent. Sa BRM est alors percutée par la Cooper de Maurice Trintignant. Roue arrière droite arrachée, la BRM est hors d'usage alors que Trintignant n'effectuera que quelques centaines de mètres avant de s'immobiliser définitivement à son stand, train avant faussé[4]. Bien que légèrement moins prompt à s'élancer que ses adversaires, Jack Brabham (Cooper) a pris le commandement de la course, entraînant dans son sillage les Ferrari de Phil Hill et de Wolfgang von Trips. Ces trois pilotes repassent roues dans roues à la fin du premier tour. Légèrement détachées suivent les BRM de Dan Gurney et Joakim Bonnier, talonnées par la Lotus d'Innes Ireland. Au passage suivant, les trois hommes de tête sont toujours en formation très serrée, ayant creusé un léger l'écart sur le peloton de chasse maintenant mené par Ireland. Le rythme est extrêmement rapide. Alors que Brabham résiste magnifiquement aux deux Ferrari ; Hill parvient toutefois à prendre la tête au cours du quatrième tour mais au passage suivant le champion australien est à nouveau devant. S’engage alors un continuel chassé-croisé entre l'Australien et l'Américain, qui améliorent progressivement le record de la piste, à plus de 215 km/h de moyenne. Lors d'une de ses attaques sur Brabham, Hill va d'ailleurs percuter la roue arrière de la Cooper, froissant l'avant de sa Ferrari[16]. Après dix tours, les deux protagonistes sont toujours roues dans roues, détachés de Trips qui suit à moins de deux secondes. Aux avant-postes du groupe des poursuivants, Ireland et Bonnier sont à plus de quinze secondes ; ils précèdent de peu les Cooper d'Olivier Gendebien et de Bruce McLaren, en bagarre pour la sixième place.

Belle prestation des Cooper T51 de l'équipe Yeoman Credit (ici un de ces modèles lors d'une course historique), Gendebien et Taylor terminant respectivement second et quatrième de la course.

Brabham a alors porté le record de la piste à près de 217 km/h. Au cours des tours suivants, l'allure reste soutenue, Hill et Brabham prenant alternativement la tête. Cependant, au vingtième tour, le champion du monde parvient à prendre quelques longueurs d’avance sur les deux Ferrari, Trips ayant dépassé son coéquipier qui a loupé son freinage et pris l'échappatoire au virage de Thillois[17]. Toujours en quatrième position, Ireland est maintenant talonné par Gendebien et McLaren, les trois hommes accusant désormais un retard de quarante-cinq secondes, alors que de sérieux problèmes de freins ont écarté Bonnier de ce groupe. Hill réagit et reprend la seconde place après avoir égalé le record du tour, mais Brabham force également l'allure, améliore de près d'une seconde le record de la piste (à plus de 217 km/h) et creuse progressivement l'écart, à raison d'une seconde au tour. Les Ferrari ne parviennent pas à contrer l'offensive du champion du monde, qui à l'approche du trentième tour a porté son avance à cinq secondes. Alors qu'il aborde le virage de Thillois, la transmission cède sur la Ferrari de Hill, qui termine son tour en roue libre. Le même problème survient peu après sur la voiture de Trips. Dès lors, Brabham se retrouve avec près d'une minute et demie d'avance sur Ireland, Gendebien et McLaren, toujours en pleine bagarre. Le pilote australien ne peut plus être inquiété et dès lors adopte un rythme un peu moins rapide. Derrière lui, Ireland ne peut défendre très longtemps sa deuxième place, la tenue de route de sa Lotus se dégradant progressivement. Le Britannique doit peu après s'arrêter au stand à cause de l'affaissement de sa suspension avant ; il en repartira plusieurs minutes plus tard pour terminer sa course au ralenti. Très loin derrière Brabham, Gendebien et McLaren en décousent maintenant pour la seconde place. Malgré plusieurs attaques, le Néo-Zélandais, qui doit composer avec un moteur chauffant exagérément[9], ne parviendra pas à prendre l'avantage sur son adversaire. Dans l'avant-dernier tour, il tente le tout pour le tout au virage de Thillois, mais un freinage trop tardif l'oblige à emprunter l'échappatoire, permettant à Gendebien de ne plus être inquiété jusqu'à l'arrivée, qu'il franchit quarante-huit secondes après Brabham, qui grâce à sa troisième victoire d'affilée prend la tête du championnat du monde, à égalité de points avec son coéquipier McLaren, finalement troisième de la course. Les autres pilotes terminent à plus d'un tour du vainqueur, Hill et Trips (en panne depuis la mi-course) poussant leurs voitures jusqu'à la ligne d'arrivée afin d'être classés, tout comme Bruce Halford dont le moteur a lâché à quelques tours de la fin. Bien qu'attardé, Henry Taylor termine néanmoins à la quatrième place devant les Lotus de Jim Clark et Ron Flockhart, Cooper réalisant ainsi le quarté sur la piste champenoise.

Classements intermédiaires[modifier | modifier le code]

Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, troisième, cinquième, huitième, dixième, quinzième, vingtième, vingt-cinquième, trentième et quarantième tours[18].

Classement de la course[modifier | modifier le code]

Troisième victoire consécutive en championnat du monde pour Jack Brabham et sa Cooper T53
Classées aux cinquième, sixième et septième places derrière les quatre Cooper, les Lotus 18 contribuent au triomphe britannique à Reims.
Pos No Nat. Pilote Écurie Tours Temps/Abandon Grille Points
1 16 Jack Brabham Cooper-Climax 50 1 h 57 min 24 s 9 1 8
2 44 Olivier Gendebien Cooper-Climax 50 1 h 58 min 13 s 2 (+ 48 s 3) 9 6
3 18 Bruce McLaren Cooper-Climax 50 1 h 58 min 16 s 8 (+ 51 s 9) 7 4
4 46 Henry Taylor Cooper-Climax 49 1 h 58 min 10 s 7 (+ 1 tour) 12 3
5 24 Jim Clark Lotus-Climax 49 1 h 58 min 20 s 3 (+ 1 tour) 10 2
6 22 Ron Flockhart Lotus-Climax 49 1 h 58 min 20 s 4 (+ 1 tour) 14 1
7 20 Innes Ireland Lotus-Climax 43 1 h 58 min 24 s 1 (+ 7 tours) 4  
8 48 Bruce Halford Cooper-Climax 40 1 h 45 min 33 s 1 (+ 10 tours) 15  
9 40 Masten Gregory Cooper-Maserati 37 1 h 58 min 19 s 4 (+ 13 tours) 17  
10 42 Ian Burgess Cooper-Maserati 36 1 h 59 min 28 s 0 (+ 14 tours) 22  
11 4 Wolfgang von Trips Ferrari 31 1 h 23 min 07 s 1 (+ 19 tours) 5  
12 2 Phil Hill Ferrari 29 1 h 07 min 24 s 6 (+ 21 tours) 2  
Abd. 8 Jo Bonnier BRM 22 Moteur 8  
Abd. 36 Lucien Bianchi Cooper-Climax 18 Transmission 15  
Abd. 10 Dan Gurney BRM 17 Moteur 6  
Abd. 30 Gino Munaron Cooper-Ferrari 16 Transmission 19  
Abd. 6 Willy Mairesse Ferrari 14 Transmission 11  
Abd. 14 Tony Brooks Vanwall 7 Vibrations 13  
Abd. 12 Graham Hill BRM 0 Accident 3  
Abd. 38 Maurice Trintignant Cooper-Maserati 0 Accident 18  
NP 28 Richie Ginther Scarab 0 Moteur 20  
NP 34 David Piper Lotus-Climax 0 Moteur 21  
NP 26 Chuck Daigh Scarab 0 Moteur 23  

Légende :

  • Abd.=Abandon
  • NP=Non partant

Pole position et record du tour[modifier | modifier le code]

Évolution du record du tour en course[modifier | modifier le code]

Le record du tour fut amélioré cinq fois au cours de l'épreuve[18].

Tours en tête[modifier | modifier le code]

  • Jack Brabham : 42 tours (1-3 / 5 / 7 / 9-10 / 12 / 14 / 18-50)
  • Phil Hill : 8 tours (4 / 6 / 8 / 11 / 13 / 15-17)

Classement général à l'issue de la course[modifier | modifier le code]

  • Attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2, 1 respectivement aux six premiers de chaque épreuve.
  • Pour la coupe des constructeurs, même barème mais seule la voiture la mieux classée de chaque équipe inscrit des points. Les 500 miles d'Indianapolis ne sont pas pris en compte pour cette coupe, la course n'étant pas ouverte aux monoplaces de formule 1.
  • Seuls les six meilleurs résultats sont comptabilisés.
  • Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors perdus pour pilotes et constructeur[14].
Sa victoire en France permet à Jack Brabham de prendre la tête du championnat du monde.
Classement des pilotes
Pos. Pilote Écurie Points
ARG

MON

500

NL

BEL

FRA

GBR

POR

ITA

USA
1 Jack Brabham Cooper 24 - - - 8 8 8
Bruce McLaren Cooper 24 8 6 - - 6 4
3 Stirling Moss Lotus 11 - 8 - 3 - -
4 Olivier Gendebien Cooper 10 - - - - 4 6
5 Jim Rathmann Watson 8 - - 8 - - -
6 Innes Ireland Lotus 7 1 - - 6 - -
Phil Hill Ferrari 7 - 4 - - 3 -
8 Cliff Allison Ferrari 6 6 - - - - -
Rodger Ward Watson 6 - - 6 - - -
10 Paul Goldsmith Epperly 4 - - 4 - - -
Graham Hill BRM 4 - - - 4 - -
Wolfgang von Trips Ferrari 4 2 - - 2 - -
Jim Clark Lotus 4 - - - - 2 2
14 Carlos Menditéguy Cooper 3 3 - - - - -
Tony Brooks Cooper 3 - 3 - - - -
Don Branson Phillips 3 - - 3 - - -
Henry Taylor Cooper 3 - - - - - 3
18 Joakim Bonnier BRM 2 - 2 - - - -
Johnny Thomson Lesovsky 2 - - 2 - - -
Richie Ginther Ferrari 2 - 1 - 1 - -
21 Eddie Johnson Trevis 1 - - 1 - - -
Lucien Bianchi Cooper 1 - - - - 1 -
Ron Flockhart Lotus 1 - - - - - 1
Coupe des constructeurs
Pos. Écurie Points
ARG

MON

500

NL

BEL

FRA

GBR

POR

ITA

USA
1 Cooper-Climax 38 8 6 - 8 8 8
2 Lotus-Climax 19 1 8 - 6 2 2
3 Ferrari 15 6 4 - 2 3 -
4 BRM 6 - 2 - 4 - -
5 Cooper-Maserati 3 3 - - - - -

À noter[modifier | modifier le code]

  • 5e victoire en championnat du monde pour Jack Brabham.
  • 11e victoire en championnat du monde pour Cooper en tant que constructeur.
  • 12e victoire en championnat du monde pour Climax en tant que motoriste.

Le mot du vainqueur[modifier | modifier le code]

  • Jack Brabham, évoquant son duel avec Phil Hill : « Tout cela faillit mal se terminer. Je venais de doubler Phil Hill sur la ligne droite qui conduit au virage de Thillois, je m'apprêtais à couper vers la droite quand, dans mon rétroviseur, j'ai vu la Ferrari qui m'arrivait dessus à une vitesse insensée. Franchement, elle devait rouler à 100 km/h de plus que ma Cooper. Je freinai à fond et restai un instant de plus sur la gauche le temps de la laisser passer. D'extrême justesse je pus me rabattre sur la droite, prendre le virage à la désespéré tandis que la Ferrari , les roues bloquées mais lancée comme une pierre, s'engouffrait dans l'échappatoire. À croire que ce brave Phil Hill n'avait eu pour seul objectif que de regagner au plus vite le centre de Reims[17] ! »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Revue Moteurs n° 22 - 4e trimestre 1959
  2. Christian Naviaux, Les Grands Prix de Formule 1 hors championnat du monde : 1946-1983, Nîmes, Éditions du Palmier, , 128 p. (ISBN 2-914920-05-9)
  3. Christian Moity et Serge Bellu, « La galerie des championnes : les Cooper-Climax 2,5 litres », Revue L'Automobile, no 410,‎
  4. a et b Revue L'Automobile n°172 - août 1960
  5. Revue Moteurs n° 24 - 2e trimestre 1960
  6. a et b (en) Adriano Cimarosti, The complete History of Grand Prix Motor racing, Aurum Press Limited, , 504 p. (ISBN 1-85410-500-0)
  7. (en) Mike Lawrence, Grand Prix Cars 1945-65, Motor racing Publications, , 264 p. (ISBN 1-899870-39-3)
  8. Christian Moity et Gérard Flocon, « BRM, une tumultueuse histoire », Revue L'Automobile, no 382,‎
  9. a et b L'année automobile no 8 1960-1961, Lausanne, Edita S.A.,
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